UNE PIERRE
DANS L'ÉGLISE DE DIEU :
KÉPHAS
par
DANIEL MEYNEN
Chanoine de Saint-Aubain
© Daniel Meynen, 1996-2007
ISBN 2-84094-224-0
ÉTUDE DU MÉDIATEUR
D'ORDRE CORPOREL
Pierre a persévéré dans la foi jusqu'au
bout.
C'est ainsi qu'il est devenu la «pierre»
inébranlable,
même si en tant qu'homme il n'était que
sable mouvant.
S.S. Jean-Paul II
TABLE DES MATIÈRES
Pour mémoire
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Préambule
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Chapitre I
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Un seul Corps du Christ : Képhas
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Chapitre II
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L'unique médiation du Corps du Christ
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Chapitre III
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L'Ordre et l'Eucharistie
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Chapitre IV
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Hoc facite in meam commemorationem
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Chapitre V
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L'action de Marie-Médiatrice dans la Divine Trinité
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Chapitre VI
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Marie : Épouse de l'Esprit-Saint pour Képhas
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Conclusion
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Dans un précédent
ouvrage intitulé L'Eucharistie : l'Église dans le
Coeur du Christ, j'ai relaté ce que l'Esprit de Dieu
n'a permis de comprendre, dans la foi touchant le sacrement du Corps du
Christ, c'est-à-dire le moyen ou le médiateur d'ordre corporel institué par
le Seigneur, pour que Marie, sa Mère, puisse exercer son universelle
médiation.
Marie étant
l'Épouse du Pape, le Vicaire du Christ sur la terre, il me faut aussi
parler, pour être complet, de la relation existant entre le
Christ-Eucharistie et le Pontife Romain, qui sont tous deux, chacun pour sa
part, médiateurs d'ordre corporel. C'est le thème que je me propose de
développer dans le présent ouvrage, suivant toujours dans la foi ce que le
Seigneur me communique de sa Lumière.
Ce livre, comme
son contenu, sera donc directement en relation avec le précédent.
Pratiquement, lorsqu'il faudra se référer à
L'Eucharistie : l'Église dans le Coeur du Christ,
l'abréviation EECC, suivie du
numéro du paragraphe concerné, ou bien suivie du chiffre de la page (s'il
s'agit d'un texte sans numéro), sera insérée dans la logique du
raisonnement. Ainsi, étroitement liés l'un à l'autre, ces deux livres
constitueront l'un, le premier, et l'autre, le deuxième volume d'une Oeuvre
unique.
Arrivé sur le
territoire de Césarée de Philippe, Jésus questionna ses disciples : Au dire des gens, dit-il, qui est le Fils de l'Homme? Ils répondirent : Pour les uns, c'est
Jean-Baptiste ; pour d'autres, Élie; pour d'autres, Jérémie ou l'un des
prophètes. - Et pour vous, leur dit-il, qui suis-je ?
Simon-Pierre prit la parole : Tu es le Christ,
dit-il, le Fils du Dieu vivant ! Alors Jésus prit la
parole à son tour et lui dit : Tu es heureux, Simon,
fils de Jonas, car ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela,
mais mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te déclare : Tu es Pierre,
et sur cette pierre je bâtirai mon Église. (Mt. 16, 13-18)
1. Simon-Pierre, le Prince des Apôtres,
s'adresse au Christ, le Fils de Dieu qui s'est fait
chair (Jn. 1, 14), lui disant :
Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. (Mt. 16, 16)
Et ce qu'il dit, il le pense - au même moment - dans son esprit : il a
l'image du Christ en lui, selon un mode de connaissance spirituelle. Aussi,
lorsqu'il prononce ces paroles Tu es le Christ..., Pierre est en union spirituelle avec le Christ, par voie de
connaissance. Mais, avant l'événement de Césarée, et dès leur première
rencontre, le Christ lui-même avait créé une union spirituelle, par la même
voie de connaissance, entre lui et le futur Apôtre, en déclarant : Tu es Simon, fils de Jean. (Jn. 1, 42)
Cependant, en ce point de départ, Jésus donna à Simon un nom nouveau : Tu t'appelleras Képhas (ce mot signifie Pierre). (ibid.) Ce qui veut dire que le Christ connaît spirituellement
Simon par le moyen et par l'intermédiaire d'une appellation exclusivement
matérielle, ou corporelle, celle de la pierre, qui, en langue araméenne, se traduit par
Képhas. Par le fait même, dès son origine, l'union
créée par le Seigneur entre lui-même et Simon-Pierre,
quoiqu'essentiellement spirituelle, est et ne peut pas ne pas être aussi et
tout en même temps corporelle, et ce, mystiquement, c'est-à-dire, selon
l'ordre de la volonté divine. Et tout ceci vaut nécessairement lorsque
Pierre s'adresse au Christ pour lui dire : Tu es le
Christ..., puisque, juste après la profession de foi
de Pierre, le Seigneur lui réplique, pour le confirmer intérieurement : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. (Mt. 16, 18)
2. Ce qui est important à remarquer
ici, c'est que, en prononçant ces paroles Tu es le
Christ..., Pierre n'est pas seulement en union
spirituelle, et aussi corporelle, avec le Christ il est aussi, en vertu du
témoignage du Christ lui-même, en union spirituelle avec le Père, Celui
qui, éternellement, engendre le Verbe de vie. (1 Jn. 1, 1) Le Christ dit en effet, après les paroles de Pierre
: Ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé
cela, mais mon Père qui est dans les cieux. (Mt. 16,
17) Ainsi, lorsque Pierre prononce ces paroles Tu es
le Christ..., le Père est en lui, qui lui parle par
mode de révélation, ou de connaissance, spirituelle et intérieure. Or, si
le Christ-Homme reçoit immédiatement du Verbe, qui est Dieu en Personne,
toute connaissance ou révélation d'ordre divin, par contre, tout autre
homme - et donc Pierre - ne peut recevoir de révélation divine que par
l'intermédiaire du Christ, le seul médiateur entre
Dieu et les hommes. (1 Tm. 2, 5) C'est d'ailleurs
pour cette raison que l'union spirituelle, par voie de connaissance, entre
le Père et Pierre, est révélée à ce dernier par le Christ en personne. Et
finalement, étant donné qu'entre le Christ et Pierre il existe - au moment
même où Pierre prononce ces paroles Tu es le Christ... - une union spirituelle, et aussi corporelle, par voie de
connaissance ou de révélation, tout ceci permet de dire que, entre le Père
et Pierre, il existe une union spirituelle, par voie de révélation, qui est
aussi et nécessairement corporelle.
3. Si, lorsque Pierre prononce ces
paroles Tu es le Christ..., il
existe une union spirituelle et corporelle entre le Père et Pierre, et
entre le Christ - qui est le Fils de Dieu incarné - et Pierre, alors il
doit aussi exister, au même moment, une union spirituelle et corporelle
entre l'Esprit-Saint et Pierre : si Pierre fait un avec le Père et un avec
le Fils, il doit nécessairement faire aussi un avec l'Esprit du Père et du
Fils. Autant dire qu'entre la Très Sainte Trinité et le Prince des Apôtres,
il existe - dans le Christ et par sa médiation - une union, qui est, quant
à son mode (de l'ordre de la connaissance ou de la révélation), tant
spirituelle que corporelle ; et que, par le fait même, toute la personne de
Pierre, considéré corps et âme dans son union au Christ, manifeste et
révèle la Très Sainte Trinité tout entière, la rendant visible et
connaissable à l'Église et au monde (et donc aussi à lui-même) par la
proclamation publique de sa foi à la parole du Père dite sans cesse dans
son Fils, sous l'action de l'Esprit-Saint. C'est là ce que nous pouvons
appeler le ministère trinitaire de Pierre en particulier, et du Pape en
général. C'est aussi là tout le sujet de notre livre, sujet qui est
pleinement contenu dans le titre que nous lui avons donné : Une pierre dans l'Église de Dieu : Képhas.
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4. Képhas est le nom donné par Jésus à Simon, le Prince des Apôtres, nom
qui - parce qu'il signifie pierre - est l'expression verbale de l'union corporelle et spirituelle
existant entre le Christ et Simon-Pierre. Et dans ce nom Képhas réside toute la racine et le
fondement du ministère trinitaire de Pierre en particulier, et du Pape en
général. Or, pour ce qui regarde l'union corporelle existant entre le
Christ et Pierre, union exprimée par le mot Képhas, c'est proprement et uniquement par le biais de la communion
eucharistique que cette union corporelle peut exister et existe réellement,
puisque, d'une part, la personne humaine étant incommunicable, on ne peut
envisager ici le Christ sous son apparence corporelle humaine, tel qu'il
est in via, et plus
précisément, tel qu'il est dans son acte d'élocution temporelle à
Simon-Pierre; et que, d'autre part, l'Eucharistie considérée comme
communion possède, de soi, un aspect proprement corporel, permettant -
relativement à la médiation de Marie (se référer à EECC, n° 103) - une
union corporelle, d'ordre mystique, entre le Christ et la personne humaine
qui communie. Ainsi, le ministère trinitaire de Pierre s'exerce pleinement
et uniquement par le biais de la communion corporelle et spirituelle au
Christ-Eucharistie (à ce sujet, voir EECC, n° 74).
5. Cependant, on ne peut absolument pas
nier que, lorsque le Christ dit à Simon Tu es Pierre
(ou Képhas) (Mt. 16, 18), le même Christ est présent,
vis-à-vis de Simon-Pierre, et ce, dans son apparence humaine, avec son
corps historique. Aussi, si l'union corporelle, et spirituelle, exprimée
par le mot Képhas, entre le
Christ et Simon-Pierre trouve sa réalisation dans la communion
eucharistique, ce ne peut être - au moment même où la parole Képhas est proférée par le Christ - selon le
mode de l'acte, mais bien selon le mode de la puissance, ou encore selon un
mode relatif à un temps futur, et non présent, ainsi que le contexte dans
lequel la parole Képhas est
dite le confirme : Sur cette pierre, je bâtirai (Mt. 16, 18), et non je bâtis ; Tu
t'appelleras Képhas (Jn. 1, 42), et non tu t'appelles. Par le fait même, dans la
mesure où la parole Képhas est
l'expression verbale de l'union corporelle, et spirituelle, entre le
Christ-Eucharistie et Simon-Pierre, cette même parole
Képhas signifie par elle-même et en elle-même, de par
la volonté du Christ - qui est Dieu - que cette parole manifeste
extérieurement, que le Prince des Apôtres est et ne peut pas ne pas être,
en ce moment même où le Christ lui parle, en puissance par rapport à l'acte
sacramentel - corporel et spirituel - de la communion eucharistique. Mais,
étant donné le caractère extérieur de la parole Képhas considérée dans son essence de parole vocale ; et étant donné
aussi, et plus encore, le caractère corporel et matériel de la parole Képhas considérée dans son rapport essentiel
avec la réalité corporelle de la pierre que cette même parole exprime; il faut affirmer nettement que la
parole Képhas, dite par le
Christ à Simon-Pierre, ne peut pas ne pas signifier et exprimer, de soi,
que Simon-Pierre est - par rapport à l'acte de la communion eucharistique -
en puissance, qui est, spirituellement passive et corporellement active, et
ce, d'une manière une et indissociable, en vertu du caractère simple et un
de la personne humaine, dont la parole Képhas est l'expression en tant que nom. Ceci revient à dire que, en
disant à Simon : Tu es Pierre (ou Képhas) (Mt. 16, 18), le Christ lui confère le pouvoir ministériel et
sacerdotal relatif à l'acte de la communion eucharistique, pouvoir qui est
de l'ordre de la grâce, puisque le Christ vient de dire : Tu es bienheureux, Simon. (Mt. 16, 17)
6. Képhas est l'expression verbale en vertu de laquelle Simon-Pierre est en
puissance de communier corporellement et spirituellement au
Christ-Eucharistie. Or, étant donné que ce que Dieu dit dans le Christ, qui
est le Verbe incarné, il le fait (puisqu'il est écrit : Il a dit, et tout a été fait (Ps. 32, 9 -
148, 5 - consulter EECC, n° 37)), on doit penser et croire sans aucun doute
que, par le moyen et par l'interrmédiaire de la parole Képhas, le Christ - qui est Dieu - réalise
effectivement, quoique mystiquement (voir n° 1), une union corporelle, et
spirituelle, entre lui-même, considéré dans son Eucharistie, et la personne
de Simon-Pierre. Autrement dit, il apparaît clairement que Képhas est l'expression verbale en vertu de
laquelle Simon-Pierre est en acte de communion corporelle et spirituelle au
Christ-Eucharistie. Par conséquent, étant donné que la vie divine, telle
qu'elle nous est révélée dans le Christ, et telle qu'elle nous est
communiquée dans l'Eucharistie, est tout à la fois et indissociablement
acte et puissance (se référer à EECC, n° 43), il faut conclure finalement
que Képhas est l'expression
verbale en vertu de laquelle Simon-Pierre est tout à la fois et
indissociablement en acte et en puissance de communier corporellement et
spirituellement au Christ-Eucharistie.
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7. Dans le cadre du ministère
trinitaire de Pierre, Képhas
est l'expression verbale de l'union corporelle et spirituelle entre le
Christ-Eucharistie et Simon-Pierre, union qui est tout à la fois en acte et
en puissance. Or, l'Eucharistie étant corporellement une nourriture, et
toute nourriture étant unie d'une manière absolument simple et une - par le
principe de la vie - au sujet qui se nourrit, on peut affirmer sans hésiter
que, dans l'acte d'union corporelle, et spirituelle, entre le
Christ-Eucharistie et Simon-Pierre, l'expression verbale Képhas. Si elle s'attribue à Simon-Pierre,
elle doit s'attribuer aussi et nécessairement au Christ-Eucharistie,
c'est-à-dire au Christ considéré tant comme Parole de Dieu, que comme
nourriture (voir notre livre EECC, n° 49). C'est pourquoi Pierre dit
lui-même du Christ qu'il est la pierre vivante (1 P. 2, 4), ou encore la pierre qui, parce quelle est
nourriture, donne la vie sous un mode proprement corporel. Donc, Képhas ne peut pas ne pas être l'expression
verbale de l'union corporelle réciproque entre le Christ-Eucharistie et
Simon-Pierre : Képhas exprime
ensemble et tout en même temps l'union corporelle, et spirituelle, du
Christ - considéré dans l'Eucharistie - avec Simon-Pierre, et l'union
corporelle, et spirituelle, de Simon-Pierre avec le Christ-Eucharistie.
8. Si le mot
Képhas sert d'expression verbale de l'union
corporelle, et spirituelle, réciproque entre le Christ-Eucharistie et
Simon-Pierre, il sert aussi, semblablement, d'expression verbale de l'union
corporelle entre le Pape et l'Église considérée en la personne des
Cardinaux lors du conclave d'élection, et en l'universalité du Peuple de
Dieu dans la reconnaissance du nouveau Pontife. Or, par le fait que le Pape
reçoit de l'Église le nom de Képhas, c'est-à-dire le même nom que Simon-Pierre, le premier Pape, il
est permis de dire que le Pape, dans l'exercice de son ministère, est
personnellement semblable à Simon-Pierre, et ce, en vertu du caractère
individuel de la personne humaine dont le nom est, de soi, toute
l'expression. Par le fait même, il est clair que le Pape, dans l'acte de
son élection, est et ne peut pas ne pas être uni au Christ-Eucharistie,
selon le mode de la puissance en vertu de l'action de l'Église qui lui
impose le nom de Képhas, et
aussi - d'une manière une et indissociable (voir n° 6) - selon le mode de
l'acte en vertu de l'action du Christ, qu'il faut nécessairement supposer
agir ici, en tant que Dieu, en union simple et une avec l'Église, et ce, en
raison du même fait de l'absolue indissociabilité de la puissance et de
l'acte relativement à la communion eucharistique du Pape en général, et de
Pierre en particulier (voir n° 6). Ainsi, on doit affirmer nettement que,
lorsque l'Église impose au Pape le nom de Képhas, elle l'impose aussi et nécessairement au Christ considéré dans
son Eucharistie, le Pape et le Christ-Eucharistie étant alors unis
simplement entre eux. Mais, c'est le propre du Pape, en tant qu'il est
ministériellement semblable à Simon-Pierre, d'imposer au Christ - dans la
communion eucharistique - le nom de Képhas (voir n° 7). Par conséquent, lorsque l'Église impose au Pape le
nom de Képhas, en l'imposant
aussi au Christ-Eucharistie, elle agit comme le Pape, et en son nom. Ce qui
revient à dire que, lorsque l'Église impose au Pape le nom de Képhas, le Pape, lui, impose à l'Église le
même nom de Képhas, qui est le
sien propre. C'est pourquoi Pierre appelle les fidèles chrétiens pierres vivantes (1 P. 2, 5), tout comme le
Christ pierre vivante (1 P. 2,
4). Par le fait même, Képhas
est l'expression verbale de l'union corporelle, et spirituelle, réciproque
entre le Pape, semblable - quant à son ministère - à Simon-Pierre, et
l'Église : Képhas exprime
ensemble et tout en même temps l'union corporelle, et spirituelle, de
l'Église avec Simon-Pierre (en la personne du Pape, Vicaire du Christ), et
l'union corporelle, et spirituelle, de Simon-Pierre avec l'Église.
9. De tout ce qui précède, il est aisé
de conclure que, si Képhas est
l'expression verbale de l'union corporelle, et spirituelle, réciproque
entre le Christ-Eucharistie et Simon-Pierre, et si cette même appellation
est l'expression verbale de l'union corporelle, et spirituelle, réciproque
entre Simon-Pierre et l'Église, alors, par le moyen et par l'intermédiaire
de l'expression verbale Képhas,
les deux unions susdites sont simplement semblables entre elles, et par le
fait même, le Christ-Eucharistie et l'Église sont, eux aussi, simplement
semblables corporellement, c'est-à-dire relativement à l'appellation
corporelle Képhas, l'Église est le corps du Christ (1 Co. 12, 27). Et
finalement, comme l'appellation Képhas n'est autre que le propre nom du premier Pape, et donc, tout ce
qui exprime son être personnel, il est hors de doute que la personne de
Simon, en tant que Pierre, ou Képhas (c'est-à-dire considéré dans
l'exercice de son ministère trinitaire), est médiateur d'ordre corporel,
d'une manière mystique (relativement à la volonté de Dieu manifestée par le
Christ en personne - voir n° 1), entre le Christ-Eucharistie (qui suppose,
de soi, la personne du Christ historique) et l'Église, selon un mode
pleinement réciproque, du Christ-Eucharistie vers l'Église, et de l'Église
vers le Christ-Eucharistie. C'est là tout le sens du sous-titre de notre
livre : étude du médiateur d'ordre corporel. C'est aussi là
l'accomplissement de ce que nous avons annoncé dans notre premier volume,
au n° 4.
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10. Tel qu'il apparaît dans l'épisode
de Césarée, le ministère trinitaire de Képhas s'exerce, tout à la fois et
indissociablement, par le moyen de son corps matériel et organique et par
celui de son âme spirituelle sanctifiée par la grâce (voir n° 3).
C'est-à-dire que l'Apôtre Pierre participe corps et âme au mystère du Dieu
un et trine révélé aux hommes dans le Christ, et notamment à lui, Pierre,
lors de l'épisode de Césarée. Or, il est hors de doute que Pierre, qui fait
partie de tous ceux qui - en Adam - ont péché (cf. Rm. 5, 12), ne peut
entrer corporellement en participation au mystère trinitaire que dans la
mesure où son corps est réunifié par sa résurrection, devenu ainsi de
nouveau semblable à la Trinité des Personnes en un seul Dieu (à ce sujet,
consulter EECC, n° 33). C'est ce que le Seigneur lui-même a parfaitement
déclaré à Pierre, lorsqu'il lui a dit, relativement à son ministère
trinitaire : Ce n'est pas la chair et le sang qui
t'ont révélé cela (Mt. 16, 17), voulant manifester
par là que le corps vivant (contenant le sang) de Pierre est alors dans
l'impossibilité de révéler, par ce qu'il est, l'image de Dieu-Trinité, dont
il est l'expression dès la Création, mais expression qui, depuis le péché
originel, est défigurée et obscurcie. Ainsi, il est tout à fait clair que
le ministère trinitaire de Képhas ne peut s'exercer d'une manière
pleinement corporelle (selon un mode manifeste et visible, correspondant
pleinement à la notion de corps)
qu'à la fin des temps, au temps de la Résurrection des Corps.
Mais, étant donné
que Marie-Médiarice (parce qu'Elle est simplement semblable, corps et âme,
à Dieu-Trinité - voir EECC, nos
32 et 33) ne fait absolument qu'un avec la Très Sainte Trinité, lorsque
Képhas, à la fin des temps, révèle corporellement le Dieu un et trine, il
ne peut pas ne pas révéler aussi et tout en même temps Marie-Médiatrice, et
ce, d'une manière pleinement corporelle. Or, relativement à la Divine
Trinité (que Marie-Médiatrice révèle par le biais de l'acte de la communion
eucharistique - consulter EECC, n° 26), la même Marie-Médiatrice doit être
considérée, de soi, comme l'Épouse du Pontife Romain, et donc, comme
l'Épouse de Képhas (voir EECC, nos 69 et 74). Donc, comme, d'une part, Marie-Médiatrice est révélée
corporellement par Képhas, lorsqu'il exerce son ministère trinitaire à la
fin des temps ; et comme, d'autre part, l'époux et l'épouse ne font plus
entre eux, de soi, qu'une chair
(Gn. 2, 24) ; il est clair que Képhas, en tant que médiateur d'ordre
corporel à la fin des temps, révèle et Marie-Médiatrice, et lui-même (tous
deux étant époux et épouse l'un de l'autre), et ce, dans l'exercice en acte
de son ministère trinitaire. Par le fait même, Képhas, à la fin des temps,
manifeste au grand jour, d'une manière visible et matérielle, dans
l'exercice de son ministère trinitaire, l'union sponsale, d'ordre mystique,
existant entre le Pontife Romain et Marie-Médiatrice.
11. Mais l'action ministérielle
trinitaire de Képhas, telle que nous venons d'en parler (voir n° 10), s'est
déjà réalisée dès avant la fin des temps proprement dite : l'union sponsale
mystique entre le Pape et Marie-Médiatrice a déjà reçu un certain caractère
matériel, ou corporel, et donc, visible et manifeste par la publication
d'un livre qui en parle, celui que nous avons écrit et qui s'intitule : L'Eucharistie : l'Église dans le Coeur du Christ (voir, entre autres, le n° 71). Aussi peut-on affirmer que ce que
nous avons rédigé concernant cette union sponsale entre le Pontife Romain
et Marie-Médiatrice est l'Oeuvre de Képhas en personne, et pareillement,
que ce que nous disons en général de Marie-Médiatrice elle-même, ou du Pape
en tant que tel, est aussi son Oeuvre, puisque l'union sponsale est
relative à ce qu'il y a de plus intime dans la personne humaine, et que
celui qui révèle ce qu'il y a de plus intime dans une personne est le même
qui révèle ce qu'il y a de plus général dans cette personne, étant alors
celui qui en a pénétré toute l'individualité.
Partant, le
présent livre (qui ne fait qu'une unique Oeuvre avec notre premier volume),
livre dans lequel nous étudions le ministère trinitaire de Képhas considéré
comme médiateur d'ordre corporel, est l'Oeuvre de Pierre, le Prince des
Apôtres, celui que le Christ a choisi pour être, en tant que Képhas, le fondement de son Église (cf. Mt.
16, 18) : nous allons voir dans cet ouvrage tout ce que Képhas dit de Marie
et de lui, dans leur relation commune avec l'Église, tous deux étant les
ministres de cet édifice mystique dont ils font en même temps partie.
Ainsi, dans les
deux premiers chapitres, la fonction de Marie-Médiatrice touchant, de soi,
l'édification de l'Église dans le Christ apparaîtra sous l'angle de vue de
Képhas, c'est-à-dire jouissant, d'une manière simple et une, du caractère
papal : nous verrons ce que dit Pierre au sujet de Marie-Médiatrice
exerçant papalement sa médiation. Dans les deux chapitres suivants, le
ministère trinitaire de Képhas ordonné, de soi, à l'union du
Christ-Eucharistie et de l'Église, union qui donne naissance à un nouveau
membre du Corps mystique du Christ, se verra sous un jour intime et
personnel, celui du Pape Époux de Marie dans le Christ : nous découvrirons
ce que dit Pierre au sujet de lui-même lorsqu'il exerce marialement son
ministère trinitaire par le biais de l'acte de la communion eucharistique.
Et dans les deux derniers chapitres, Képhas nous révélera quelle est
l'activité de Marie-Médiatrice au sein de la Divine Trinité : celle de
l'introduire, lui, le ministre de l'Eucharistie, au coeur des Trois
Personnes divines, afin d'en faire éternellement son Époux dans le Christ.
Finalement, dans notre conclusion, la fonction propre du diacre sera mise
en pleine lumière, comparativement au ministère trinitaire de Képhas, et à
la médiation corporelle de Marie.
UN SEUL CORPS DU CHRIST : KÉPHAS
ou
Comment Marie exerce papalement sa
médiation
12. Cette Oeuvre de Képhas, dans son
ensemble, traite de l'acte sacramentel de la communion eucharistique (voir
EECC, pp. 22 et 26). Et la conclusion de notre premier volume a été que ce
même acte de la communion eucharistique possède, de soi, un aspect
proprement corporel (EECC, n° 103). En ce sens, le sacrement de
l'Eucharistie envisagé comme communion est le sacrement qui permet à la
personne humaine d'obtenir, par la grâce de Dieu tout-puissant et
miséricordieux, la réalité anticipée du salut éternel (à ce sujet, voir
EECC, nos 92 à 95). De plus,
c'est relativement au ministère trinitaire du dernier Pape que
l'Eucharistie peut être considérée telle que nous venons de la décrire
(voir EECC, n° 75). Ainsi, il apparaît clairement que l'étude approfondie -
qui est le propre de ce livre - du médiateur d'ordre corporel, actualisé en
la personne corporelle du Pape, qui exerce son ministère par l'acte
corporel de la communion eucharistique, doit se placer - en sa phase
initiale - dans le contexte propre de la fin des temps, ou encore de celui
de la plénitude des temps (voir n° 10).
13. D'après ce que nous venons de dire,
on pourrait penser, a priori, que la notion de plénitude des temps concerne
proprement l'acte de la communion eucharistique. Si nous considérions que
la notion de plénitude des temps signifie que le temps est plein car il
touche à l'éternité de Dieu et participe à la plénitude de l'Etre qui ne
manque de rien que ce soit, alors la proposition énoncée ci-dessus serait
vraie (se référer à EECC, n° 71). Mais si, dans un cadre plus restreint,
nous mettons sous les termes "plénitude des temps" le fait que
les temps sont pleins car ils sont accomplis et qu'il n'y en a plus, alors
il nous faut affirmer sans hésiter que la notion de plénitude des temps ne
concerne nullement l'acte de la communion eucharistique. En effet, à la fin
des temps, lorsqu'il n'y a plus de temps, le voile se déchire, Dieu
apparaît au grand jour sous son apparence humaine, dans le Christ, et tous
les signes temporels sont abolis en présence de la réalité éternelle. Or,
sans signe, il n'y a pas de sacrement, et donc pas d'Eucharistie. Et ainsi,
la notion de plénitude des temps, recouvrant la notion de fin des temps, ne
concerne pas et ne peut nullement concerner l'acte sacramentel de la
communion eucharistique.
14. A la fin des temps, ou dans la
plénitude des temps, on ne peut faire référence à l'acte de la communion
eucharistique (voir n° 13). Par le fait même, le dernier Pape, à la fin des
temps, doit être considéré comme étant tout à fait incapable d'exercer son
ministère trinitaire, faute de moyen pour le faire. Mais, le dernier Pape,
puisqu'il est Époux de Marie dans le Christ (ainsi qu'il a été dit - voir
n° 10), et que, par le fait même, il ne fait - mystiquement (le corps du
Pape et celui de Marie étant spiritualisés - voir EECC, n° 70) - qu'un
corps et qu'une âme avec Marie-Médiatrice, le dernier Pape, disions-nous,
n'agit jamais seul dans l'exercice de son ministère trinitaire :
Marie-Médiatrice est toujours agissante conjointement et simultanément avec
lui. De plus, étant donné que le dernier Pape est éternellement sauvé -
relativement à la médiation de Marie - tant naturellement (corporellement
et spirituellement) que surnaturellement (se référer à EECC, nos 70 et 75), et que la médiation de Marie
est régie, de soi, par la règle d'association simple et une entre la
Révélation divine et la philosophie humaine, association dont la règle de
base est la philosophie humaine (à ce sujet, voir EECC, nos 39 et 40) ; il faut certainement penser
et croire que, à la fin des temps, si le dernier Pape est naturellement
agissant (et c'est précisément le cas puisqu'il est alors vivant), il est
aussi et tout en même temps surnaturellement agissant. Par conséquent, de
ce qui précède, il est tout à fait permis de dire que le dernier Pape, à la
fin des temps, est et ne peut pas ne pas être en acte de médiation par
rapport à sa propre personne, et ce, par et pour Marie-Médiatrice, son
Épouse dans le Christ.
Cependant, ainsi
que nous l'avons affirmé en commençant, le dernier Pape, à la fin des
temps, est dans l'incapacité d'exercer son ministère trinitaire, faute de
moyen pour cela. Donc, finalement, il faut conclure que, à la fin des
temps, c'est proprement et uniquement Marie-Médiatrice qui exerce le
ministère trinitaire du dernier Pape, son Époux mystique, et que, par le
fait même, Marie-Médiatrice considérée à la fin des temps comme médiateur
d'ordre corporel accomplit sa médiation d'une manière papale. C'est ce que
nous avions annoncé précédemment (voir n° 11) : c'est aussi ce que nous
allons voir ci-après.
*
* *
15. L'étude du médiateur d'ordre
corporel considéré en lui-même dans la plénitude des temps (c'est-à-dire à
la fin des temps) revient à envisager Marie-Médiatrice agissant, en tant
que médiateur d'ordre corporel, d'une manière papale (voir n° 14). Or,
Marie-Médiatrice possède, par la disposition de la Divine Providence, deux
moyens pour exercer sa médiation : la Sainte Écriture, et la Sainte
Eucharistie considérée comme communion. Comme on ne peut faire référence à
l'acte de la communion eucharistique dans le contexte de la plénitude des
temps (voir n° 13), Marie-Médiatrice ne dispose donc ici que d'un seul
moyen pour l'exercice de sa médiation : le livre de
vie (Ap. 21, 27), qui est la Sainte Écriture.
Cependant, nous savons que l'acte de proclamation de la Parole de Dieu
consignée par écrit, qui est l'acte de la médiation de Marie accompli par
le biais de la Sainte Écriture, se réalise nécessairement par
l'intermédiaire de l'acte de la communion eucharistique (se référer à EECC,
n° 56). Par conséquent, étant donné que l'acte de la communion
eucharistique ne peut être pris en considération dans le contexte de la
plénitude des temps, et que, par le fait même, on ne peut se référer qu'à
la réalité que ce même acte de la communion eucharistique exprime et
réalise sacramentellement, savoir l'acte de la Nativité du Christ (voir
EECC, nos 47 et 73 - voir
aussi n° 82) ; nous devons finalement affirmer sans aucun doute que
Marie-Médiatrice, si elle exerce papalement sa médiation, ce ne peut être
que dans l'acte de proclamation de la Sainte Écriture accompli par le biais
de l'acte de la Nativité du Christ.
16. L'acte de proclamation de la Sainte
Écriture en général est un acte accompli par l'Église, agissant
conjointement avec le Christ, par l'intermédiaire de Marie-Médiatrice, et
pour elle (se référer à EECC, nos 51 et 52). Autrement dit, en prononçant ensemble les paroles de
la Sainte Ecriture, le Christ et l'Église donnent naissance à leur
médiateur corporel commun, qui est Marie-Médiatrice (ibid.). Par le fait
même, il s'établit entre le Christ et l'Église une union corporelle d'ordre
mystique, c'est-à-dire relativement à la médiation de Marie (consulter
EECC, n° 23). Cependant, étant donné que tout ceci se réalise au moyen des
paroles de la Sainte Ecriture, paroles qui doivent être considérées comme
une nourriture d'ordre corporel (voir EECC, n° 49), il est hors de doute
qu'entre le Christ et l'Église, il s'établit un contact simple et un
(consulter EECC, n° 50). Donc, comme Marie-Médiatrice, lors de sa médiation
par le biais de la Sainte Écriture, doit être considérée uniquement selon
son corps (voir et lire EECC, n° 32), et comme, par le fait même, l'union
entre le Christ et l'Église ne peut pas ne pas être considérée
fondamentalement et principalement comme corporelle (quoique mystiquement)
; on doit conclure de tout ceci que l'union entre le Christ et l'Église,
union qui donne naissance au médiateur corporel, qui est Marie-Médiatrice,
est de l'ordre du corps spiritualisé ou simplifié.
17. Lorsque nous examinons en détail
cet ordre du corps spiritualisé ou simplifié, nous voyons qu'il se rapporte
à deux réalités distinctes mais indissociables entre elles. Ainsi,
premièrement, relativement au fait que l'union du Christ et de l'Église
dans l'acte de proclamation de la Sainte Écriture donne naissance à leur
médiateur corporel commun, qui est Marie-Médiatrice, étant donné que le
moyen utilisé par Marie-Médiatrice est celui de la Sainte Écriture, et que
ce moyen est, de soi, composé et non-simple, et encore que ce même moyen,
parce qu'il est un moyen (ou un intermédiaire) ne peut pas ne pas concerner
pleinement Marie en tant que médiateur ou intermédiaire d'ordre corporel,
il faut affirmer nettement que cette union entre le Christ et l'Église ne
peut en aucun cas donner naissance au corps spiritualisé de
Marie-Médiatrice, mais bien et uniquement au corps de Marie-Médiatrice
considéré d'une manière décomposée et fragmentaire, et selon un ordre
corporel tendant vers l'infiniment petit. Autrement dit, lors de la
proclamation des multiples paroles de la Sainte Écriture, l'action
conjointe et commune du Christ et de l'Église donne naissance,
mystiquement, à un élément corporel simple, infiniment petit, entrant dans
la composition du corps même de Marie-Médiatrice.
18. Deuxièmement, relativement au fait
que l'union du Christ et de l'Église dans l'acte de proclamation de la
Sainte Écriture, tout en donnant mystiquement naissance au corps de
Marie-Médiatrice, donne naissance, tout en même temps et tout aussi
mystiquement, à un nouveau membre du Corps mystique du Christ, par et pour
Marie-Médiatrice (se référer à EECC, nos 51 et 52), étant donné que le moyen utilisé par l'Église est le
même que celui utilisé par Marie-Médiatrice, savoir celui de la Sainte
Écriture, mais que ce même moyen, parce qu'il est un moyen (ou un
intermédiaire) ne peut en aucun cas concerner l'Église qui n'est pas
intermédiaire ou médiateur, mais bien un des termes extrêmes de la
médiation de Marie, il faut affirmer sans doute possible que l'union du
Christ et de l'Église dans l'acte de proclamation de la Sainte Écriture,
tout en donnant mystiquement naissance à un élément corporel simple,
infiniment petit, entrant dans la composition du corps de Marie-Médiatrice
(voir n° 17), donne aussi naissance, tout en même temps, et d'une manière
mystique, au corps spiritualisé d'un nouveau membre de l'Église considéré
dans toute son individualité personnelle. Cela revient à dire que, par
Marie et pour Marie, l'édification de l'Église se réalise aussi en Marie
considérée comme médiateur d'ordre corporel.
19. Un beau texte de Saint Louis-Marie
Grignon de Montfort vient illustrer ce que nous venons d'énoncer : Il faut faire ses actions en Marie. Pour bien comprendre cette
pratique, il faut savoir que la Très Sainte Vierge est le vrai paradis
terrestre du nouvel Adam, et que l'ancien paradis terrestre n'en était que
la figure. Il y a donc, dans ce paradis terrestre, des richesses, des
beautés, des raretés et des douceurs inexplicables, que le nouvel Adam,
Jésus-Christ, y a laissées. C'est en ce paradis qu'il a pris ses
complaisances pendant neuf mois, qu'il a opéré ses merveilles, et qu'il a
étalé ses richesses avec la magnificence d'un Dieu. Ce très saint lieu
n'est composé que d'une terre vierge et immaculée, dont a été formé et
nourri le nouvel Adam, sans aucune tache ni souillure, par l'opération du
Saint-Esprit, qui y habite. (Traité de la vraie
dévotion à la Sainte Vierge, n° 261) Il faut demeurer
dans le bel intérieur de Marie avec complaisance, s'y reposer en paix, s'y
appuyer avec confiance, s'y cacher en assurance et s'y perdre sans réserve,
afin que dans ce sein virginal, l'âme y soit nourrie du lait de sa grâce et
de sa miséricorde maternelle (...) afin qu'elle soit formée en Jésus-Christ
et que Jésus-Christ soit formé en elle : parce que son sein est, comme
disent les Pères, la salle des sacrements divins où Jésus-Christ et tous
les élus ont été formés : Homo et homo natus est in
ea, Cet homme-ci et cet homme-là y sont nés (Ps. 86,
5). (ibid., n° 264)
20. Relativement à la médiation de
Marie par le biais de la Sainte Écriture, l'union conjointe et commune du
Christ et de l'Église donne mystiquement naissance, d'une part, à un
élément corporel simple entrant dans la composition du corps de
Marie-Médiatrice, et d'autre part, à un nouveau membre du Corps mystique du
Christ considéré dans la spiritualisation ou la simplification de son
corps. Or, quant à cette dernière réalité, étant donné qu'un corps
spiritualisé ou simplifié doit être assimilé à une réalité de l'ordre
spirituel, qui est, de soi, caractérisé par la note de simplicité et
d'unité, il est tout à fait clair que l'union qui donne naissance à un
nouveau membre de l'Église est elle aussi caractérisée par la même note de
simplicité et d'unité. Par conséquent, en vertu du caractère simple et un
dont jouit l'union du Christ et de l'Église dans l'acte de proclamation de
la Sainte Écriture par et pour Marie-Médiatrice, les deux réalités issues
de ladite union ne font qu'un entre elles. Autrement dit, par le biais des
paroles de la Sainte Écriture, l'édification de l'Église réalise
mystiquement, de soi, un élément corporel simple qui entre dans la
composition du corps de Marie-Médiatrice, et donc, étant donné le caractère
individuel de la personne humaine, chacun des nouveaux membres de l'Église
réalise mystiquement un élément déterminé du corps de Marie-Médiatrice.
21. Dans le contexte de la fin des
temps, ou de la plénitude des temps, contexte que requiert, de soi, le
concept de corps spiritualisé ou simplifié (relativement au dernier Pape,
modèle des fidèles - se référer à EECC, nos 70 et 75), il faut penser et croire, en vertu de tout ce qui
précède, que la totalité des membres du Corps mystique du Christ, totalité
stable et définitive en raison de l'absence absolue de temps, réalise
mystiquement autant d'éléments simples du corps de Marie-Médiatrice qu'il y
a alors de personnes élues de Dieu composant le Corps mystique du Christ.
Mais, étant donné que Marie-Médiatrice - parce qu'elle est la première des
fidèles - possède, dès le commencement de l'édification de l'Église, son
corps tout entier, et ce, d'une manière pleinement naturelle ; et étant
donné aussi que la médiation de Marie est régie, de soi, par la règle
d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie
humaine, association dans laquelle la référence de base est la philosophie
humaine (se référer à EECC, nos
39 et 40) ; il apparaît clairement que, si Marie-Médiatrice possède
naturellement son corps tout entier, alors elle doit aussi et
nécessairement posséder mystiquement ce même corps dans son intégralité
totale et pleine.
Ainsi, en vertu
du caractère stable et définitif de la quantité des membres du Corps
mystique du Christ considéré à la fin des temps, ou dans la plénitude des
temps, il est permis de conclure finalement que la quantité d'éléments
corporels simples, entrant dans la composition du corps de Marie-Médiatrice
et réalisés mystiquement par chacun des membres du Corps mystique du Christ
considéré dans sa plénitude, n'est autre que celle qui compose, sans aucune
variation de nombre possible, le corps tout entier de Marie-Médiatrice, et
ce, d'une manière mystique, pleinement relative à la médiation de Marie.
Cela revient à
dire que, dans la plénitude des temps, il y a identification mystique entre
la plénitude des membres du Corps mystique du Christ et le corps de
Marie-Médiatrice, considérée mystiquement comme médiateur d'ordre corporel
agissant dans l'acte de proclamation des paroles de la Sainte Écriture, et
que, par le fait même, l'Église se trouve en Marie,
et Marie dans l'Église et comme Église. (S.S.
Jean-Paul II, Allocution du 4 décembre 1991)
*
* *
22. Dans la plénitude des temps, il y
a, relativement à la médiation de Marie par le biais de la Sainte Écriture,
identification mystique entre le corps de Marie-Médiatrice et la plénitude
des membres qui composent le Corps mystique du Christ (voir n° 21). Or,
tout ceci suppose, de soi, qu'entre le Christ et l'Église - qui sont les
termes extrêmes de la médiation de Marie - il existe un contact absolument
simple et un, et ce, relativement à la médiation de Marie par le biais de
la Sainte Écriture (voir n° 16). Ainsi, on doit affirmer sans aucun doute
qu'entre le corps de Marie-Médiatrice et la plénitude des membres de
l'Église, il y a identification simple, d'ordre mystique, c'est-à-dire
relativement à la médiation de Marie. Par le fait même, il est tout à fait
clair que, dans la plénitude des temps, Marie-Médiatrice considérée
uniquement selon son corps doit être envisagée comme une simple fidèle -
modèle de tous les autres fidèles - dont le corps est mystiquement réalisé
par la plénitude des membres de l'Église.
23. Si on considère Marie-Médiatrice
comme une simple fidèle, elle est, tout comme les autres fidèles dont elle
est le modèle, en union simple et une avec le Christ (voir n° 16). Or,
étant donné que l'union simple entre le Christ et l'Église s'accomplit par
le biais de la Sainte Écriture (ibid.), et donc que, par le fait même,
cette union simple est pleinement relative à la médiation de Marie, on doit
dire que l'union simple et une entre le Christ et Marie-Médiatrice se
réalise par l'intermédiaire de Marie-Médiatrice elle-même, considérée comme
médiateur d'ordre corporel. Cela revient à dire que, lorsque
Marie-Médiatrice, dans son union simple avec le Christ, est envisagée comme
un des termes extrêmes de sa médiation (termes extrêmes qui sont le Christ
et l'Église, c'est-à-dire les fidèles du Christ), cette même
Marie-Médiatrice ne cesse aucunement d'être le terme milieu ou
intermédiaire de sa médiation, et elle doit être considèrée comme telle.
Or, dans une médiation d'ordre corporel (et c'est le cas ici), lorsqu'un
des termes extrêmes est aussi et tout en même temps terme milieu ou
intermédiaire, cela signifie sans aucun doute que l'autre terme extrême est
lui aussi - en même temps que le terme extrême précédent - terme milieu ou
intermédiaire, et ce, d'une manière pleinement corporelle.
Par conséquent,
on peut affirmer de tout ce qui précède que, si Marie-Médiatrice, tout en
étant, en tant que simple fidèle, terme extrême de sa médiation, est aussi
et nécessairement terme milieu ou intermédiaire de cette même médiation,
alors semblablement, le Christ, tout en étant terme extrême de la médiation
de Marie, est aussi et tout en même temps terme milieu ou intermédiaire de
cette même médiation de Marie. Autrement dit, relativement à l'union simple
et une entre le Christ et Marie-Médiatrice, le propre corps du Christ,
d'une part, et le propre corps de Marie-Médiatrice, d'autre part, sont tous
deux terme milieu ou intermédiaire entre les termes extrêmes qui sont le
Christ et Marie-Médiatrice. Finalement, en vertu du caractère simple et un
de l'union entre le Christ et Marie-Médiatrice, on doit affirmer nettement
qu'il y a identification simple entre le corps du Christ et le corps de
Marie-Médiatrice, et ce, d'une manière tout à fait mystique, c'est-à-dire
relativement à la médiation de Marie.
24. Pour conclure, disons que, s'il y a
identification simple entre le corps du Christ lui-même et le corps de
Marie-Médiatrice, et s'il y a, tout en même temps, identification simple
entre le corps de Marie-Médiatrice et la plénitude des membres du Corps
mystique du Christ, alors le Christ lui-même, Marie-Médiatrice, et l'Église
considérée dans toute sa plénitude ne font tous qu'un seul corps, et ce
d'une manière mystique, pleinement relative à la médiation de Marie
envisagée comme médiateur d'ordre corporel. Par le fait même, ceci permet
d'affirmer nettement que, si l'édification de l'Église dans le Christ -
édification qui résulte de l'union du Christ et de l'Église - s'accomplit
en Marie-Médiatrice lorsqu'elle exerce sa médiation par le biais de la
Sainte Écriture (voir n° 18), alors l'édification de l'Église dans le
Christ s'accomplit aussi et nécessairement avec Marie-Médiatrice dans
l'exercice principal de sa médiation, c'est-à-dire dans la réalisation de
l'acte de la Nativité du Christ (voir n° 15) : c'est là tout le
développement de ce que nous avons esquissé dans nos
Préliminaires (EECC, n° 74).
Enfin, il est
encore permis de dire, en vertu de ce qui précède, que, si le Christ
lui-même, Marie-Médiatrice, et l'Église en sa plénitude ne font qu'un seul
corps, alors il doit nécessairement exister une expression verbale, et par
là même, un concept propre selon lequel cet unique corps est appelé par
notre bouche après avoir été conçu par notre esprit. Or, étant donné que,
ici, dans le contexte de la plénitude des temps, Marie-Médiatrice doit être
considérée comme une simple fidèle (voir n° 22), il est clair que l'unique
corps dont nous parlons est, d'une part, celui du Christ lui-même, et
d'autre part, celui de l'Église considérée dans sa plénitude, et donc
envisagée mystiquement comme l'intégralité pleine et entière du corps même
de Marie-Médiatrice (voir n° 21). Ainsi, on doit penser et croire
finalement que l'expression verbale propre à cet unique corps du Christ
lui-même et de l'Église en sa plénitude n'est autre que Képhas (cf. Jn. 1, 42), puisque cette
expression s'applique corporellement tant au Christ qu'à l'Église (voir n°
9), et que cette même expression est la seule et unique qui puisse leur
être appliquée, ainsi que nous allons le voir dans les pages qui suivent,
afin de pouvoir affirmer sans doute possible que Marie-Médiatrice exerce
papalement sa médiation.
L'UNIQUE MÉDIATION DU CORPS DU CHRIST
ou
Comment Marie exerce papalement sa
médiation
(suite)
25. Dans la plénitude des temps,
relativement à la médiation de Marie, le Christ lui-même, Marie-Médiatrice,
et l'Église considérée en la plénitude de ses membres font un seul et
unique corps. Or, manifestement, comme tout ceci est relatif à la médiation
de Marie par le biais de la Sainte Écriture (voir n° 15), parmi les trois
éléments qui font un seul corps, il est clair que Marie-Médiatrice est
l'élément médiateur, et le Christ lui-même et l'Église en sa plénitude sont
les deux termes extrêmes que l'élément médiateur unit entre eux. Ainsi, on
peut dire que le Christ lui-même et l'Église en la plénitude de ses membres
font un seul corps par l'intermédiaire de Marie-Médiatrice considérée comme
médiateur d'ordre corporel. Mais dire que le Christ lui-même et l'Église en
sa plénitude font un seul corps revient à affirmer que le Christ lui-même
et l'Église en sa plénitude sont corporellement semblables et identiques,
quoique d'une manière tout à fait mystique, c'est-à-dire pleinement
relative à la médiation de Marie. De plus, étant donné que le Christ est le premier-né d'une foule de frères (Rm. 8,
29), ce n'est pas le Christ lui-même qui est, de soi, corporellement
semblable à l'Église en sa plénitude, mais bien l'Église en la plénitude de
ses membres qui est corporellement semblable au Christ lui-même, son modèle
c'est en ce sens que l'Église en sa plénitude est mystiquement le corps du Christ (1 Co. 12, 27).
Par conséquent,
de ce qui précède, on doit conclure que, relativement aux trois éléments
qui font un seul et unique corps, Marie-Médiatrice est l'élément médiateur,
d'ordre corporel, qui unit, d'une part, le Christ lui-même, et d'autre
part, aussi le Christ lui-même considéré dans son identité corporelle,
d'ordre mystique, avec l'Église en la plénitude de ses membres. Autrement
dit, la médiation propre du Christ considérée dans toute sa plénitude,
c'est-à-dire la réalisation en acte de l'union, d'ordre corporel et
mystique, entre le Christ et la plénitude des membres de l'Église,
s'accomplit nécessairement par l'intermédiaire de Marie-Médiatrice
envisagée comme médiateur d'ordre corporel, dans la plénitude des temps.
26. Ainsi que nous venons de le voir,
dans la plénitude des temps, la médiation propre du Christ vis-à-vis de
l'Église considérée dans la plénitude de ses membres s'accomplit
mystiquement par l'intermédiaire de la médiation de Marie (voir n° 25). Or,
la médiation propre du Christ se réalise, de soi, par le biais et par
l'intermédiaire de l'Humanité du Christ, élément médiateur entre Dieu, dans
le Verbe, et la plénitude des personnes humaines élues de toute éternité
pour composer l'Église, Corps mystique du Christ. De plus, le Christ-Homme,
en tant qu'il fait un seul corps avec Marie-Médiatrice et avec l'Église en
la plénitude de ses membres, doit être considéré, relativement à la
médiation de Marie, non seulement comme l'un des termes extrêmes de cette
même médiation de Marie, mais aussi et nécessairement comme l'élément
médiateur, d'ordre corporel, de cette médiation (voir n° 23). Par
conséquent, on ne peut pas ne pas affirmer, de ce qui précède, que la
propre médiation du Christ entre Dieu, dans le Verbe, et l'Église en sa
plénitude s'accomplit et se réalise, d'une manière première, par
l'intermédiaire du propre corps de Marie-Médiatrice, et d'une manière
seconde, par l'intermédiaire du propre corps du Christ, et ce, dans une
identification simple et une entre le corps du Christ lui-même et le corps
de Marie-Médiatrice, dans le contexte propre de la plénitude des temps
(voir n° 23). Cela revient à dire finalement que, dans la plénitude des
temps, la médiation propre du Christ et la médiation propre de Marie ne
font qu'un. Comme la médiation de Marie est d'ordre proprement corporel, la
médiation du Christ lui-même, dans la plénitude des temps, est elle aussi
d'ordre proprement corporel : c'est par l'intermédiaire de son corps, ainsi
que par celui de son âme spirituelle sanctifiée par la grâce, que le Christ
révèle à l'Église et au monde tout le Mystère de la Sainte Trinité. C'est
pourquoi, dans la plénitude des temps, ces paroles spirituelles du Christ
trouvent leur pleine réalisation corporelle : «Je suis le chemin, la
vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi (...) Celui qui m'a vu,
a vu le Père (...) Croyez-moi : je suis dans le Père, et le Père est en
moi.» (Jn. 14, 6-9-11)
27. Dans la plénitude des temps,
c'est-à-dire à la fin des temps, la médiation propre du Christ et celle de
Marie-Médiatrice ne font qu'un pour révéler à l'Église et au monde, d'une
manière tant corporelle que spirituelle, tout le Mystère de la Sainte
Trinité (voir n° 26 - voir également EECC, n° 33). Or, on ne peut
absolument pas nier que Marie-Médiatrice - puisque, contrairement au Christ
qui est tout à la fois Dieu et Homme, cette même Marie-Médiatrice n'est
qu'une personne humaine et non-divine - exerce sa médiation trinitaire, de
soi, dans sa foi et par sa foi au Mystère qui n'est pas de sa propre
nature. De plus, étant donné qu'il s'agit ici de l'exercice de la médiation
de Marie par le biais de la Sainte Écriture (voir n° 15), et que, par le
fait même, la foi dans laquelle et par laquelle Marie-Médiatrice exerce sa
médiation possède, de soi, et un aspect proprement spirituel - aspect qui
est pleinement relatif au sujet qui croit spirituellement - et un aspect
proprement corporel - aspect qui est pleinement relatif à l'objet qui est
cru, et, par là même, aspect qui est pleinement relatif au corps de la
personne humaine qui croit spirituellement - (se référer à EECC, n° 54), on
doit penser et croire que, si Marie-Médiatrice exerce, dans la foi et par
la foi, sa médiation trinitaire, alors elle le fait d'une manière tant
corporelle que spirituelle, et ce, relativement à la vertu de foi dans son
rapport au Mystère de la Sainte Trinité. Cependant, on ne peut pas ne pas
affirmer que, dans la plénitude des temps, ou à la fin des temps, la vertu
de foi ne peut nullement exister quant au sujet qui croit (puisque nous
sommes dans la claire vision - sans voile - du Dieu-Trinité), mais bien et
uniquement quant à l'objet qui est vu dans et par cette même vertu de foi.
Autrement dit, dans la plénitude des temps, il ne peut être question de
l'aspect spirituel de la vertu de foi, mais seulement de son aspect
corporel, d'ordre mystique, c'est-à-dire pleinement relatif à la médiation
de Marie. Par conséquent, en tant que, dans la plénitude des temps, elle ne
fait qu'un avec la médiation propre du Christ, la médiation trinitaire de
Marie-Médiatrice s'exerce dans et par sa foi corporelle au Mystère qu'elle
révèle à l'Église et au monde c'est par celle qui, spirituellement et
corporellement, a cru à l'accomplissement des paroles
qui lui ont été adressées de la part du Seigneur (Lc.
1, 45), paroles qui ne sont autres que les multiples paroles de Dieu
consignées dans la Sainte Écriture, que le Mystère du Dieu un et trine est
corporellement (et aussi spirituellement) manifesté et révélé dans le
Christ Seigneur.
28. Moyennant sa foi dans son aspect
proprement corporel, Marie-Médiatrice - dans son union au Christ-Médiateur
- révèle à l'Église et au monde, tant corporellement que spirituellement,
tout le Mystère de la Sainte Trinité, et ce, dans le contexte propre de la
plénitude des temps (voir n° 27). Or, cela revient à dire que
Marie-Médiatrice, en tant que médiateur d'ordre corporel, exerce sa
médiation dans la mesure où elle croit elle-même, d'une manière corporelle,
et donc mystique, au Dieu un et trine pleinement révélé dans le Christ en
personne. Ou encore : Marie-Médiatrice, tout en étant élément médiateur de
sa médiation, exerce cette même médiation en tant que terme extrême,
c'est-à-dire en tant que simple fidèle, en tant que croyante - dans le
Christ - au Mystère du Dieu un et trine. Mais, nous avons vu précédemment
que, lorsque Marie-Médiatrice est considérée tant comme élément médiateur
que comme terme extrême, c'est-à-dire comme simple fidèle, cette même
Marie-Médiatrice est alors, de soi, la personne humaine dont le corps est
mystiquement réalisé par la plénitude des membres de l'Église, Corps
mystique du Christ. Ainsi, on peut affirmer nettement que, dans la
plénitude des temps, Marie-Médiatrice exerce sa médiation propre, qui ne
fait qu'un avec la médiation du Christ lui-même, dans la mesure absolue et
exclusive où le corps de cette même Marie-Médiatrice est considérée dans
son identification simple, d'ordre mystique, avec la plénitude des membres
de l'Église. Finalement, tout ceci permet de conclure que, si
Marie-Médiatrice, en tant qu'elle croit corporellement - dans son union au
Christ-Médiateur - au Mystère du Dieu un et trine, révèle corporellement
(ainsi que spirituellement), par l'intermédiaire de son corps envisagé
comme médiateur d'ordre corporel, tout le Mystère de la Sainte Trinité,
alors, l'Église en la plénitude de ses membres révèle elle aussi,
corporellement (et aussi spirituellement), par l'intermédiaire du corps de
Marie-Médiatrice auquel elle s'identifie simplement d'une manière mystique,
le Mystère du Dieu un et trine pleinement révélé dans le Christ.
Par le fait même,
relativement à la médiation de Marie qui ne fait qu'un, dans la plénitude
des temps, avec la médiation du Christ lui-même, il existe une médiation
propre de l'Église considérée en la plénitude de ses membres, médiation qui
ne fait aussi qu'un avec la médiation propre du Christ. C'est ainsi que
s'accomplissent en plénitude ces paroles du Concile Vatican II, qui
enseigne : «Dans l'exercice de son apostolat, l'Église regarde à juste
titre vers (Marie) qui engendra le Christ, conçu du Saint-Esprit et né de
la Vierge précisément afin de naître et de grandir aussi par l'Église dans
le coeur des fidèles.» (Concile Vatican II, Lumen gentium, n° 65)
*
* *
29. Relativement à la médiation de
Marie par le biais de la Sainte Écriture, l'Église en la plénitude de ses
membres exerce sa médiation, dans la plénitude des temps, en révélant
corporellement - d'une manière mystique - tout le Mystère de la Sainte
Trinité (voir n° 28). Cela revient à dire que, en union simple et une avec
le Christ qui est tout à la fois Dieu et Homme, l'Église en sa plénitude
révèle corporellement le Mystère trinitaire, dans la plénitude des temps,
en proclamant les multiples paroles de Dieu consignées matériellement, ou
corporellement, dans la Sainte Écriture : à la fin des temps, l'Église en
la plénitude de ses membres participe corporellement, dans le Christ, à
l'acte éternel de la génération du Verbe, ou Parole du Père dans
l'Esprit-Saint, et ce, par le biais des multiples paroles de Dieu
consignées dans la Sainte Écriture. Par le fait même, on peut affirmer que,
dans la plénitude des temps, l'Église considérée en la plénitude de ses
membres, et envisagée selon son corps, en tant que médiateur d'ordre
corporel, est de l'ordre de l'agir a se - tout comme la Très Sainte Trinité elle-même - et ce, d'une
manière tout à fait mystique, c'est-à-dire relativement à la médiation de
Marie par le biais de la Sainte Ecriture. Cependant, étant donné que, en
vertu de la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et
la philosophie humaine, règle qui régit de soi l'exercice de la médiation
de Marie (voir EECC, nos 39 et
40), l'identification simple et une entre l'Église en la plénitude de ses
membres et le corps de Marie-Médiatrice doit s'entendre tant d'une manière
mystique que d'une manière naturelle et humaine (à ce sujet, voir n° 21),
on doit nécessairement tenir compte du fait que, naturellement, selon la
philosophie humaine, le corps d'une personne en particulier, et, en
général, l'Église en la plénitude de ses membres considérée dans son
identification simple au corps même de la personne de Marie-Médiatrice, est
et ne peut pas ne pas être de l'ordre de l'agir ab
alio, puisque le corps est informé par l'âme
spirituelle qui l'anime (en tant que l'âme est étymologiquement anima). Ainsi, toujours en vertu de la règle
d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie
humaine, règle dont la référence de base est la philosophie humaine, on
doit penser et croire que l'Église en sa plénitude, considérée
corporellement comme médiateur d'ordre corporel, est, dans l'exercice de sa
médiation trinitaire à la fin des temps, tant de l'ordre de l'agir ab alio que de l'ordre de l'agir a se. Or, tout ceci ne peut se concevoir que
si l'on admet que cet autre être, dont l'agir de l'Église, considérée
corporellement en sa plénitude, dépend, est et ne peut pas ne pas être
cette même Église envisagée corporellement en la plénitude de ses membres.
Autrement dit, dans l'exercice de sa médiation trinitaire à la fin des
temps, l'Église en sa plénitude, considérée comme médiateur d'ordre
corporel, est simplement semblable à l'Être transcendant, c'est-à-dire à la
Divine Trinité elle-même.
30. En vertu de tout ce que nous venons
de dire, il est clair que l'Église considérée en la plénitude de ses
membres est, à la fin des temps, semblable et identique - d'une manière
simple et une - tant à la Divinité une et trine qu'à Marie-Médiatrice
considérée mystiquement selon son corps, c'est-à-dire relativement à sa
médiation dans son aspect corporel. Par le fait même, nous pouvons affirmer
que, relativement à la médiation de l'Église, il existe une similitude
simple et une entre la Divine Trinité et Marie-Médiatrice considérée
uniquement selon son corps, fait que nous avons déjà démontré dans nos Préliminaires (EECC, n° 32), et fait qui est
ainsi argumenté davantage et mieux explicité. Mais, étant donné que la
similitude simple et une entre l'Église en sa plénitude et le corps de
Marie-Médiatrice est fondamentale et première, et que, par le fait même, la
similitude simple et une entre l'Église en sa plénitude et la Divine
Trinité est seconde et médiate, nous pouvons dire aussi que la relation
d'identité entre la Divinité une et trine et l'Église en sa plénitude vient
modifier, nécessairement et absolument (en vertu de la notion d'unicité ou
de simplicité), la notion propre qui caractérise l'Église en sa plénitude
dans sa relation d'identité avec Marie-Médiatrice considérée uniquement
selon son corps. Or, comme, dans la plénitude des temps, Marie-Médiatrice
envisagée uniquement selon son corps ne peut pas ne pas être considérée
comme une réalité d'ordre proprement corporel (voir n° 17) ; et comme, de
soi, Marie-Médiatrice considérée uniquement selon son corps est médiateur
d'ordre corporel, on voit que la notion qui caractérise fondamentalement et
principalement l'Église en sa plénitude, en vertu de sa relation d'identité
avec le corps de Marie-Médiatrice, est celle de dimension, puisque cette
dernière est la notion qui permet de donner tout son sens au concept de
médiateur ou de milieu corporel et matériel (consulter EECC, n° 52). De
plus, il est clair aussi que la Divinité une et trine, qui est esprit (Jn. 4, 24) et est donc l'Être
spirituel transcendant tout à fait incommensurable, sans limite, et infini,
ne peut modifier la notion de dimension qu'en la réduisant nécessairement à
l'inexistence absolue. Par conséquent, de tout ce qui précède, on doit
penser et croire que l'Église en sa plénitude considérée, à la fin des
temps, dans la similitude simple et une avec le corps de Marie-Médiatrice
d'abord, et ensuite, avec la Divinité une et trine, doit être envisagée,
absolument et exclusivement, comme une réalité, d'ordre corporel et
matériel, qui ne possède, de soi, aucune dimension. Autrement dit, dans la
plénitude des temps, l'Église en sa plénitude doit être considérée comme
étant, de soi, corporellement et matériellement, un
point mathématique qui, par postulat, ne possède
aucune dimension.
*
* *
31. Dans la mesure où, dans la
plénitude des temps, l'Église en la plénitude de ses membres exerce sa
médiation, mystiquement (c'est-à-dire en union avec la médiation de Marie,
qui ne fait qu'un avec la médiation du Christ - voir n° 28), en tant
qu'elle est corporellement et matériellement un point mathématique, alors, en vertu de sa similitude simple et une avec
la Divine Trinité, l'Église en sa plénitude révèle au monde la même Divine
Trinité par le moyen et par l'intermédiaire de la réalité proprement
corporelle du point
mathématique : autrement dit, par la médiation propre de l'Église, la
Divinité spirituelle trinitaire apparaît dans le monde matériel sous la
forme proprement corporelle du point mathématique. Mais si la Très Sainte Trinité - qui est un des
éléments extrêmes de la médiation de l'Église - ne fait qu'un, d'une
manière simple, avec l'Église en sa plénitude, qui est l'élément médiateur,
il va pleinement de soi que le monde entier - qui est l'autre élément
extrême de la médiation de l'Église - ne fait, lui aussi, qu'un avec
l'Église en sa plénitude, et ce, d'une manière tout à fait simple et une.
Ainsi, étant donné que, corporellement (quoique mystiquement), l'Église en
la plénitude de ses membres doit être considérée, dans la plénitude des
temps, comme un point
mathématique, il est clair que le monde entier doit être, de même,
considéré comme un point
mathématique lorsqu'il est mis en relation, par voie de médiation mystique,
avec la Divine Trinité, dont il émane en tant que créature. Cela revient à
dire que, lorsque l'Église considère en Dieu, qui est
lumière (1 Jn. 1, 5), le monde tout entier, celui-ci
lui apparaît mystiquement sous la forme d'un point, sans dimension aucune.
Le Patriarche des moines, Saint Benoît, a pu un jour en faire l'expérience
; Saint Grégoire le Grand, dans la Vie du Saint, rapporte en effet que l'homme de Dieu Benoît (...), au milieu de la nuit, vit une
lumière qui se répandant d'en haut, avait chassé toutes les ténèbres et
brillait d'une telle splendeur que cette lumière, qui avait surgi d'entre
les ténèbres, surpassait l'éclat du jour. Et une chose étonnante se
produisit ensuite en cette vision. Comme il le raconta ensuite, le monde
entier se présenta devant ses yeux comme rassemblé sous un seul rayon de
soleil ; et Saint Grégoire de tirer cette conclusion
: Pour l'âme qui voit le Créateur, toute créature
n'est qu'un point. Si peu en effet qu'elle ait vu de la lumière du
Créateur, tout le créé devient petit. (Saint Grégoire
le Grand, Dialogues, Livre II, n° 35)
32. Dire que le
point mathématique, en tant qu'il est l'expression
mystique, d'ordre corporel, de l'Église considérée en la plénitude de ses
membres, manifeste matériellement dans le monde, par mode de similitude
simple et une, tout le Mystère de la Sainte Trinité (voir n° 31), suppose,
de soi, que l'Église en sa plénitude est, à la fin des temps, en union
corporelle - d'ordre mystique - avec la Divine Trinité elle-même (voir n°
29). Or, étant donné que la médiation de l'Église ne fait qu'un avec la
médiation propre du Christ (voir n° 28), l'union corporelle entre la Très
Sainte Trinité et l'Église inclut nécessairement l'union spirituelle entre
ces mêmes éléments. De plus, l'union spirituelle entre la Divine Trinité et
toutes et chacune des personnes humaines composant l'Église en sa plénitude
nécessite le don de la grâce divine, librement reçue et possédée par ces
mêmes personnes humaines devenues ainsi agréables à Dieu. Par conséquent,
si, dans le contexte de la médiation de l'Église à la fin des temps, il
existe une réalité d'ordre corporel simplement semblable à la Divinité une
et trine, qui est la Grâce incréée, alors il doit aussi et nécessairement
exister une réalité d'ordre corporel qui est semblable, d'une manière
simple et une, à la grâce créée, don de Dieu aux personnes humaines qui
composent l'Église en sa plénitude. Or, étant donné que la grâce divine est
essentiellement spirituelle, cette même grâce de Dieu ne fait absolument
qu'un, d'une manière simple, avec toutes et chacune des personnes humaines
composant l'Église en sa plénitude. Aussi, de ce qui précède, on peut
conclure que, à première vue, la réalité d'ordre corporel simplement
semblable à la grâce divine n'est autre que celle du
point mathématique considéré comme expression
mystique, d'ordre corporel, de l'Église en la plénitude de ses membres.
33. Cependant, tout en se basant sur ce
que nous venons de dire, on doit absolument tenir compte aussi du fait que
la grâce divine, parce qu'elle est créée, est un moyen et un intermédiaire
entre la Très Sainte Trinité et l'Église en sa plénitude. Ainsi, en vertu
du fait que, nécessairement, la grâce de Dieu possède une similitude simple
et une dans une réalité d'ordre corporel (ainsi que nous l'avons dit
ci-dessus - voir n° 32), il faut penser et croire nettement que la réalité
d'ordre corporel simplement semblable à la grâce divine est caractérisée,
de soi, par la notion propre de médiateur d'ordre corporel. Par conséquent,
on peut affirmer sans hésiter que la grâce de Dieu, relativement à la
médiation de l'Église à la fin des temps, trouve sa similitude simple et
une dans la réalité corporelle et matérielle du point mathématique
considéré comme médiateur d'ordre corporel. Mais alors, en ce cas, il faut
admettre sans conteste possible que la réalité, d'ordre corporel,
simplement semblable à la grâce divine n'est autre qu'un point mathématique qui, dans sa relation
simple et une avec la grâce divine, possède véritablement - quoique
mystiquement - une dimension, et ce, en vertu de la notion propre de
médiateur d'ordre corporel, dont le fondement même est le concept de
dimension et de mesure (voir n° 30). Or, mathématiquement, et donc
naturellement, le point ne
possède, par postulat, aucune dimension. De plus, comme il s' agit ici de
la médiation de l'Église en tant qu'elle est envisagée dans son union
simple avec la médiation propre de Marie ; et comme cette même médiation de
Marie est régie, de soi, par la règle d'association simple et une entre la
Révélation divine et la philosophie humaine (consulter EECC, nos 39 et 40) ; nous devons considérer
nécessairement que le point
mathématique qui est simplement semblable à la grâce divine possède une
dimension - mystiquement - et n'en possède aucune - naturellement - tout
ensemble et en même temps. Par conséquent, pour concilier tout ce que nous
venons d'affirmer, nous devons penser et croire absolument que la réalité
d'ordre corporel simplement semblable à la grâce de Dieu, relativement à la
médiation de l'Église, est, de soi, celle du point mathématique circonscrit spatialement par une sphère dont le
rayon tend vers l'infiniment petit autrement dit, la grâce divine trouve sa
similitude simple et une, d'ordre corporel, dans le volume appelé sphère considérée dans son identité
maximale, quasi infinie, avec le point mathématique.
34. Ce que nous venons d'affirmer est
admirablement confirmé par les deux témoignages suivants, dans lesquels
l'âme spirituelle sanctifiée par la grâce de Dieu et unie simplement à
cette même grâce est représentée par une sphère ou par un globe. Le premier
de ces témoignages est la suite de la vision rapportée plus haut (voir n°
31) et dont fut gratifié Saint Benoît : Tandis que le
vénérable Père tenait ses yeux fixés sur la splendeur de cette lumière
éclatante, il vit l'âme de l'évêque de Capoue Germain portée au ciel par
des anges sous la forme d'une sphère de feu. (Saint
Grégoire le Grand, Dialogues, Livre II, n° 35) Le second témoignage, un de
ceux que nous avons cités dans notre premier volume (au n° 11), est celui
de l'apparition de la Vierge Immaculée à Sainte Catherine Labouré, en 1830.
Selon un biographe de la voyante, Notre-Dame tient "une boule dans ses mains, qui représentait le globe (...) Catherine elle-même avait précisé ... : La
Vierge offrait le globe à Notre-Seigneur. Cela est impossible à rendre, Il
me serait impossible de l'exprimer. (René Laurentin, Vie authentique de
Catherine Labouré, pp. 184 et 268) Finalement, de cet ensemble de
considérations tant sur la Grâce incréée que sur la grâce créée, il est
permis de conclure que, si l'Église en la plénitude de ses membres,
considérée directement dans sa relation avec la Divinité une et trine, doit
être envisagée mystiquement, à la fin des temps, comme un point mathématique (voir n° 30), alors,
parallèlement, lorsqu'elle est considérée indirectement - par le moyen et
par l'intermédiaire de la grâce créée - dans sa relation avec la Divinité
une et trine, cette même Église en sa plénitude - en vertu, d'une part, de
l'union simple et une entre la grâce de Dieu et l'âme spirituelle de toute
personne humaine, et d'autre part, de l'inclusion simple, par le principe
de la vie, de l'âme dans le corps de tout être humain vivant - doit être
envisagée, tout aussi mystiquement, comme une sphère dont le rayon tend vers l'infiniment petit, et ce, dans le
contexte propre de la plénitude des temps.
*
* *
35. En tant que la grâce divine sert de
moyen et d'intermédiaire pour l'union entre la Divinité une et trine et
l'Église considérée en la plénitude de ses membres, cette même grâce divine
possède, relativement à la médiation de l'Église dans le contexte propre de
la plénitude des temps, une similitude simple et une dans la réalité
corporelle et matérielle de la "sphère" considérée dans son
identité maximale avec le point
mathématique (voir n° 33) Or, la grâce de Dieu, en tant que don divin
librement possédé par l'Église considérée en la plénitude de ses membres,
et donc, envisagée nécessairement après l'acte du péché originel, est et ne
peut pas ne pas être un don divin librement possédé par l'Église en tant
qu'elle est composée, de soi (sauf exception pour la Vierge Marie
Immaculée), par des êtres humains qui, en Adam, ont
tous péché (Rm. 5, 12). Donc, en vertu de cette
priorité - dans le temps - du péché originel par rapport à la grâce de Dieu
considérée à la fin des temps, cette même grâce divine, avant d'être un
moyen et un intermédiaire pour l'union de l'Église à Dieu, est -
premièrement et fondamentalement - un remède d'ordre spirituel servant, non
pas à détruire, mais à neutraliser l'empêchement et l'obstacle, produit par
le péché originel, quant à l'union de l'Église à Dieu. Par le fait même, si
la grâce de Dieu, considérée comme moyen et intermédiaire en vue de l'union
de l'Église à Dieu, possède nécessairement, une similitude simple et une
dans une réalité corporelle et matérielle, alors, il apparait clairement
que, premièrement et fondamentalement (dans l'ordre des réalités
spirituelles), cette même grâce de Dieu, envisagée comme remède à
l'obstacle - produit par le péché originel - empêchant l'union de l'Église
à Dieu, doit posséder aussi, relativement à la médiation de l'Église, une
similitude simple et une dans une réalité corporelle et matérielle,
essentiellement différente de celle de la sphère considérée dans son identité maximale avec le point mathématique.
36. Quant à cette réalité corporelle
différente de la sphère,
réalité simplement semblable à la grâce divine, étant donné que cette même
grâce divine, quoiqu'elle doive être envisagée ici dans sa fonction de
neutralisation de l'obstacle produit par le péché originel, ne demeure pas
moins, toujours, et d'une manière essentielle (en tant que bien divin donné
à la personne humaine), un moyen et un intermédiaire, d'origine divine et
ordonné à Dieu, permettant l'union de l'Église à la Divinité une et trine,
il faut affirmer nettement qu'il s'agit d'un volume dimensionnel et
spatial, médiateur d'ordre corporel, contenant en lui le point mathématique, en tant qu'expression
mystique de l'Église considérée à la fin des temps dans la plénitude de ses
membres, point mathématique qui
est le centre du volume en question, et auquel ce même volume doit être
envisagé comme quasiment identique, s'il était possible, tout comme la sphère (voir n° 33). Cependant, étant donné
que - en vertu de la fonction de la grâce dans sa neutralisation de
l'obstacle produit par le péché originel, fonction qui est essentiellement
différente de celle selon laquelle la grâce permet l'union de l'Église à
Dieu - on doit penser et croire que le volume recherché est, ainsi que nous
l'avons déjà dit, essentiellement différent de celui de la sphère. Or, cette dernière possède, comme
caractéristique géométrique propre, le fait de n'avoir absolument aucune
surface plane et aucun point anguleux sur sa superficie extérieure. Par
conséquent, de tout ce qui précède, il est permis d'affirmer que le volume
dont il s'agit ici est un prisme régulier, qui possède, de soi, des
surfaces planes (ainsi que des points anguleux), et qui - parce que ses
surfaces sont régulières - est le seul, parmi les prismes (qui peuvent être
réguliers ou irréguliers), pouvant être quasiment identique au point mathématique qu'il contient en lui.
37. Il nous reste à rechercher quelle
est l'espèce du prisme régulier que nous considérons. Pour cela, revenons à
la caractéristique fondamentale qui relie ce volume au point mathématique qui est son centre : ce
volume, qui est dimensionnel et spatial, confère une certaine dimension -
tendant vers l'infiniment petit - au point mathématique, centre de ce même volume (en vertu de la
comparaison entre ce volume et la sphère - voir n° 36 - voir aussi n° 33). Ceci permet donc de dire que le point mathématique, qui est, de soi, au
centre du volume, se trouve aussi et tout en même temps à la surface de ce
même volume. Or, étant donné que ce volume doit être considéré dans son
identité maximale avec le point
mathématique qui est son centre, c'est-à-dire que la dimension de ce volume
doit tendre vers l'infiniment petit, il va de soi que, si le point mathématique, centre du volume, se
trouve aussi et tout en même temps sur la surface de ce même volume, ce ne
peut être qu'au centre de toutes et de chacune des multiples surfaces
planes qui forment ce volume, puisque la distance entre le centre de chaque
face du volume et le centre de ce même volume - distance qu'on appelle distance orthonormée - est la plus courte.
Cependant, si on se base sur le principe mathématique qui veut qu'un point n'est autre que l'intersection de deux
droites (ou segments de droite) ou l'intersection d'une droite (ou segment
de droite) et d'un plan (ou tout autre surface assimilable), on doit
affirmer nettement que le point
mathématique, lorsqu'il se trouve au centre de chacune des faces du volume,
est nécessairement caractérisé par l'orthonormie de la distance la plus
courte qui relie chaque face du volume au centre de ce même volume. Par
conséquent, étant donné que la distance orthonormée tend, de soi, vers
l'infiniment petit (en vertu de l'identité maximale, quasi infinie, entre
le volume en question et le point mathématique qui est son centre), il faut conclure, de tout ce
qui précède, que l'orthonormie, qui caractérise le
point mathématique lorsqu'il se trouve sur la surface
du volume, caractérise aussi et nécessairement ce
point mathématique lorsqu'il est au centre de ce même
volume, et que, par le fait même, puisqu'il s'agit ici de l'orthonormie
pleinement relative à toutes et à chacune des distances orthonormées du
volume, ce même volume n'est autre qu'un cube, c'est-à-dire le prisme régulier à faces carrées dont chacune des
distances orthonormées est perpendiculaire à la distance orthonormée
relative à la face contiguë.
*
* *
38. Dans la plénitude des temps,
relativement à la médiation de l'Église, si la grâce divine - dans sa
fonction qui permet l'union de l'Église à Dieu - possède une similitude
simple et une, d'ordre corporel, dans la réalité propre de la sphère (voir n° 33), par contre, la même
grâce divine - dans sa fonction qui neutralise l'obstacle, produit par le
péché originel, empêchant l'union de l'Église à Dieu - possède une
similitude simple et une, d'ordre corporel, dans la réalité propre du cube (voir nos 36 et 37). Or, étant donné que la fonction de la grâce selon
laquelle cette même grâce neutralise l'obstacle, produit par le péché
originel, empêchant l'union de l'Église à Dieu est première et fondamentale
- dans l'ordre des réalités spirituelles - par rapport à la fonction de la
grâce selon laquelle cette même grâce permet l'union de l'Église à Dieu, on
doit admettre que, spirituellement parlant, la réalité propre du cube est, relativement à la médiation de
l'Église à la fin des temps, incluse dans la réalité propre de la sphère. Cependant, contrairement à ce que
nous venons de dire, étant donné que la sphère et le cube dont il
s'agit ont, l'une, un diamètre, et l'autre, un côté tout à fait identiques
entre eux (puisque tendant tous deux vers l'infiniment petit), on doit
admettre que, corporellement parlant, la réalité propre de la sphère est, toujours relativement à la
médiation de l'Église à la fin des temps, incluse dans la réalité propre du cube. Par conséquent, pour ce qui regarde
l'Église en la plénitude de ses membres (qui sont des personnes humaines
vivantes, c'est-à-dire considérées corps et âme), étant donné que cette
même Église en sa plénitude - relativement à la grâce divine dans sa
fonction permettant l'union de l'Église à Dieu - trouve son expression
mystique dans la réalité propre de la sphère envisagée dans son identité maximale avec le point mathématique (voir n° 34), il faut
penser et croire, en vertu de tout ce qui précède, que l'Église en la
plénitude de ses membres trouve - aussi et tout en même temps, d'une
manière simple et une (par le principe de la vie qui unit le corps
organique et l'âme spirituelle) - son expression mystique dans la réalité
propre du cube envisagé
pareillement dans son identité maximale avec le point mathématique.
39. Ce qui vient d'être dit au sujet de
l'Église dans son expression mystique, d'ordre corporel, à la fin des temps
est divinement confirmé par le passage suivant tiré de l'Apocalypse de
Saint Jean : Un des anges aux sept coupes pleines des
sept fléaux suprêmes vint alors me parler : "Viens, me dit-il, que je
te montre la Fiancée, l'Épouse de l'Agneau". Il me transporta en
esprit sur une grande et haute montagne et me fit voir la Ville sainte,
Jérusalem, qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu, dans toute la gloire
de Dieu (...) Mon interlocuteur tenait un roseau d'or en guise de mesure
pour arpenter la ville, ses portes et sa muraille. Or, la ville était bâtie
en carré, sa longueur égalait sa largeur. Il arpenta donc la ville avec le
roseau, et trouva douze mille stades : longueur, largeur et hauteur étaient
égales. (Ap. 21, 9-10-15-16) La Ville sainte,
Jérusalem céleste, possède donc bien à la fin des temps, matériellement et
corporellement, une forme cubique. D'ailleurs, l'Ancien Testament annonçait
déjà, par avance, la même figure. Outre la vision du Prophète Ezéchiel (40,
1-3 ; 42, 15 et 20), très proche de celle de Saint Jean, il faut mentionner
la forme propre du Sanctuaire - le Saint des Saints - dans le Temple de
Salomon, Sanctuaire fixant durablement les ordonnances mêmes du Seigneur à
Moïse, dans le désert (voir Exode 26). Ainsi le Sanctuaire du Temple de
Salomon avait vingt coudées de long, vingt de large,
et vingt de haut (1 R. 6, 20).
40. Pour conclure ce chapitre, et par
là même, notre analyse de la médiation de l'Église dans la plénitude des
temps, disons que - la médiation propre de l'Église étant une, d'une
manière simple, avec la médiation propre de Marie, et donc, les
caractéristiques propres de la première étant aussi et en même temps celles
de la seconde - Marie-Médiatrice exerce sa médiation - par le biais des
multiples paroles de Dieu consignées dans la Sainte Écriture - d'une
manière cubique, c'est-à-dire en tant que son corps, qui ne fait qu'un avec
l'Église considérée en la plénitude de ses membres, est mystiquement un cube, incluant corporellement en lui une sphère, envisagée dans son identité
maximale, quasi infinie, avec un point mathématique. Or, il est manifeste, d'après le témoignage de la
Sainte Écriture, que l'Église en sa plénitude, c'est-à-dire la Ville
sainte, la Jérusalem céleste, est mystiquement, à la fin des temps, une
pierre de forme cubique : La Ville sainte,
Jérusalem,... avait l'éclat d'une pierre très précieuse... La muraille
était construite en jaspe... ; les soubassements du mur de la ville étaient
diaprés de toutes sortes de pierres précieuses...
(Ap. 21, 10-11-18-19) Donc, on ne peut pas ne pas affirmer nettement, pour
finir, que Marie-Médiatrice exerce sa médiation, dans la plénitude des
temps, en tant qu'elle est corporellement, bien que mystiquement, une
pierre cubique, et donc anguleuse, tout comme le Christ, pierre angulaire, choisie et précieuse (1 P.
2, 6) : en un mot, Marie-Médiatrice - ainsi que nous l'avions annoncé (voir
n° 24) - exerce papalement sa médiation, et ce, dans la plénitude des temps.
LE MINISTÈRE MARIAL DE KÉPHAS
(1) L'ORDRE ET L'EUCHARISTIE
(Aspect marial du ministère papal)
41. Marie-Médiatrice, à la fin des
temps, exerce papalement sa médiation : le médiateur d'ordre corporel,
considéré en la personne de Marie-Médiatrice, exerce sa médiation, dans la
plénitude des temps, en tant qu'il est une pierre cubique, c'est-à-dire en tant que Képhas. C'est ce que nous avons montré, avec quelques détails, dans les
pages qui précèdent. Or, étant donné que l'époux et l'épouse ne sont plus deux, mais une seule chair (Mt.
19, 6), et que, par le fait même, l'époux est dans l'épouse, et l'épouse
dans l'époux, il est manifeste que, si Marie-Médiatrice (qui est l'Épouse
du dernier Pape - voir n° 14) exerce papalement sa médiation, et ce, d'une
manière pleinement corporelle (quoique mystiquement - voir n° 40), alors le
dernier Pape, Époux de Marie dans le Christ, accomplit marialement son
ministère trinitaire, et ce, d'une manière tout aussi corporelle et
mystique. Mais -ainsi que nous allons l'établir ci-après - dans la mesure
même où, dans la plénitude des temps, le dernier Pape exerce marialement
son ministère trinitaire, alors, en vertu de l'aspect proprement marial qui
caractérise l'exercice de son ministère, le même dernier Pape (et en lui,
tout Pape, qui est Époux de Marie - se référer à EECC, nos 69 et 70) accomplit son ministère
trinitaire d'une manière tout aussi mariale dans le temps de grâce, depuis
l'Incarnation du Verbe jusqu'à l'instant ultime précédant la Parousie du
Christ, ainsi que nous l'avions annoncé en commençant ce traité (voir n°
11).
(L'exercice du ministère papal dans le
Christ)
42. En effet, dire que
Marie-Médiatrice, dans la plénitude des temps, exerce papalement sa
médiation permet d'affirmer, par le fait même, que le dernier Pape, qui,
par lui-même et de lui-même, est incapable - à la fin des temps -
d'accomplir son ministère trinitaire, exerce ce même ministère par et en la
personne de Marie-Médiatrice (voir n° 14) : dans la plénitude des temps, le
dernier Pape accomplit marialement son ministère trinitaire. Or, en vertu
de l'identité simple et une entre la médiation propre du Christ et celle de
Marie-Médiatrice (lorsque l'une et l'autre sont considérées dans la
plénitude des temps - voir n° 26), si Marie-Médiatrice exerce papalement sa
médiation, alors, le Christ lui-même exerce aussi sa propre médiation d'une
manière papale. Par le fait même, il faut penser et croire que, dans la
plénitude des temps, le dernier Pape accomplit son ministère trinitaire par
et en la personne du Christ lui-même. Mais, quant au fait que nous avons
mentionné ci-dessus, savoir que le dernier Pape accomplit son ministère
trinitaire par et en Marie-Médiatrice, ce fait ne peut se concevoir qu'en
vertu de la relation sponsale, d'ordre mystique, existant entre le dernier
Pape et Marie-Médiatrice, relation par laquelle et selon laquelle ces deux
personnes distinctes - qui sont le dernier Pape et Marie-Médiatrice - ne
font plus corporellement qu'un entre elles. Par conséquent, on devrait être
amené à penser et à croire, a priori, que cet autre fait, qui consiste en
ce que le dernier Pape accomplit son ministère trinitaire par et en la
personne du Christ lui-même, ne pourrait se concevoir qu'en vertu de la
relation sponsale, d'ordre mystique, existant entre le Christ lui-même et
le dernier Pape, relation sponsale qui serait alors le modèle propre de la
relation sponsale unissant mystiquement - par la grâce divine le Christ et
l'Église considérée en tous et en chacun de ses membres (à ce sujet, voir
EECC, n° 75).
(Le ministère papal est toujours exercé
par un homme)
43. Cependant, étant donné que tout
ceci est pleinement relatif à la médiation de Marie (qui ne fait qu'un avec
la médiation propre du Christ) ; et étant donné aussi que la médiation de
Marie est régie, de soi, par la règle d'association simple et une entre la
Révélation divine et la philosophie humaine ; il est clair que, s'il y a
relation sponsale mystique entre le dernier Pape et Marie-Médiatrice, il y
a aussi et nécessairement relation sponsale naturelle entre ces deux mêmes
personnes : cela veut dire que, puisque Marie-Médiatrice est naturellement
une femme, le dernier Pape est et ne peut pas ne pas être naturellement un
homme. Aussi, on doit affirmer nettement, en vertu de ce qui précède, que
le fait, selon lequel le dernier Pape accomplit son ministère trinitaire
par et en la personne du Christ lui-même, ne peut en aucun cas se concevoir
en vertu de la relation sponsale, d'ordre mystique, existant entre le
Christ lui-même et le dernier Pape, puisque l'un et l'autre sont
naturellement homme et qu'ils ne peuvent donc être unis par aucune relation
sponsale naturelle. Par conséquent, on peut conclure que, si le dernier
Pape, dans la plénitude des temps, accomplit son ministère trinitaire par
et en la personne du Christ lui-même, ce fait - qui (ainsi que nous venons
de le dire) ne peut se concevoir en vertu de la relation sponsale, d'ordre
mystique (c'est-à-dire dans l'ordre de la grâce), existant entre le Christ
lui-même et le dernier Pape - doit se concevoir, de soi, en vertu de la
relation sacramentelle - considérée dans la réalité du caractère épiscopal
(puisque le caractère est la seule réalité sacramentelle perdurant hors du
temps, et que le caractère épiscopal est pleinement relatif au ministère du
Pontife Romain) - existant nécessairement entre le Christ lui-même et le
dernier Pape, Evêque de Rome.
(Essence relationnelle du caractère
épiscopal)
44. D'après ce que nous avons établi
ci-dessus, il apparaît clairement que, si Marie-Médiatrice exerce
papalement sa médiation dans la plénitude des temps, alors, d'une part, le
dernier Pape, dans l'accomplissement de son ministère trinitaire, doit être
considéré dans sa relation sponsale, d'ordre mystique, avec
Marie-Médiatrice, et d'autre part, le même dernier Pape doit être considéré
dans sa relation sacerdotale, d'ordre sacramentel (dans la réalité du
caractère épiscopal), avec le Christ lui-même. Mais, étant donné que tout
ceci est fondé sur l'identité simple et une entre la médiation propre du
Christ et celle de Marie-Médiatrice (voir n° 42), ce que nous venons de
dire permet d'affirmer aussi, conjointement et simultanément, que, si
Marie-Médiatrice exerce papalement sa médiation dans la plénitude des
temps, alors, d'une part, le dernier Pape (dans l'accomplissement de son
ministère trinitaire) doit être considéré - par le biais de la médiation de
Marie - dans sa relation sponsale, d'ordre mystique, avec le Christ
lui-même, et d'autre part, le même dernier Pape doit être considéré - par
le biais de la médiation du Christ - dans sa relation sacerdotale, d'ordre
sacramentel (dans la réalité du caractère épiscopal), avec
Marie-Médiatrice. Par conséquent, on peut déclarer fermement que,
relativement à l'exercice en acte de la médiation de Marie accomplie
papalement à la fin des temps (dans l'union simple et une à la médiation
propre du Christ), le caractère épiscopal configure sacramentellement tant
au Christ lui-même qu'à Marie-Médiatrice en personne, c'est-à-dire tant au
Christ qu'à l'Église considérée en la plénitude de ses membres (en vertu de
l'identité simple et une entre le corps de Marie-Médiatrice et l'Église en
sa plénitude, identité fondamentale quant à l'union simple et une entre la
médiation propre du Christ et celle de Marie - voir n° 28) ; en un mot, le
caractère épiscopal configure sacramentellement tant au Christ-Tête qu'au
Christ-Corps : il configure au Christ-Total.
(Le ministère papal dans le temps de
grâce)
45. Finalement, dans la mesure où le
dernier Pape est uni à Marie-Médiatrice non seulement dans l'ordre de la
grâce, par le biais de l'union sponsale incluse simplement dans l'union
mystique (de type sponsal) existant entre le Christ et le même dernier Pape
(voir n° 44), mais encore dans l'ordre sacramentel, par le biais du
caractère épiscopal qui configure tant au Christ qu'à Marie-Médiatrice
(ibidem), on doit penser et croire sans hésiter que le dernier Pape, et, en
lui, tout Pape, exerce marialement son ministère trinitaire dans le temps
de grâce, depuis l'Incarnation du Verbe en Marie, puisque tout ce qui est
proprement sacramentel - ici, le caractère épiscopal - trouve son origine
existentielle dans ce même temps de grâce.
*
* *
(Tout prêtre est
Vicaire du Christ)
46. Comme Marie est la première de tous
les fidèles du Christ, et donc leur modèle, le fait que le Pape exerce
marialement son ministère trinitaire dans le temps de grâce doit s'entendre
en ce sens qu'il accomplit ce même ministère d'une manière première, en
tant qu'il est le premier de tous les prêtres, qu'ils soient du premier ou
du second ordre (consulter EECC, n° 46). Mais si le Pontife Romain est le
premier de tous les prêtres, il est donc aussi leur modèle comme Vicaire du Christ, de telle sorte que ce
titre, qui est propre au Pape, peut aussi être attribué à chaque évêque, à
chaque prêtre, et même à chaque baptisé (relativement au sacerdoce commun
des fidèles) : Tout évêque est
Vicaire du Christ pour l'Église qui lui est confiée.
Le Pape l'est pour l'Église de Rome et, à travers elle, pour toute Église
qui est en communion avec elle (...) Mais si l'on utilise ce titre pour
suggérer la dignité particulière de l'Évêque de Rome, on ne peut pas le
faire sans évoquer en même temps la dignité de tout le Collège épiscopal, à
laquelle elle est très étroitement liée, ainsi qu'à la dignité de chaque
évêque, de chaque prêtre et de chaque baptisé. (S.S.
Jean-Paul II, Entrez dans l'Espérance, p. 37) Par conséquent, il est tout à
fait permis d'affirmer que, dans le temps de grâce, chaque évêque, chaque
prêtre, en tant que Vicaire du Christ, exerce marialement son ministère sacerdotal.
(La communion eucharistique du Pape
édifie l'Église)
47. Le Pape, qui est le Vicaire du Christ par excellence, accomplit
son ministère trinitaire, dans le temps de grâce, d'une manière mariale
(c'est-à-dire relativement à la médiation de Marie), par le biais de l'acte
de la communion eucharistique (voir n° 4 - consulter aussi EECC, n° 74).
Cela revient à dire que, dans l'exercice de son ministère, le Pape communie
marialement à l'Eucharistie. Mais, étant donné que l'acte de la communion
eucharistique n'est autre que la réalisation sacramentelle de l'acte de la
Nativité du Christ (voir et lire EECC, nos 47 et 73), qui est l'acte fondamental et premier de la médiation
de Marie (se référer à EECC, nos 45 et 82), le caractère marial de la communion eucharistique du
Pontife Romain est et ne peut pas ne pas être le caractère spécifique de
l'acte de la Nativité du Christ considéré dans sa relation simple et une
(car sacramentelle) avec l'acte de la communion eucharistique en tant que
tel. Or, comme la relation ou le rapport mutuel existant entre l'acte de la
Nativité du Christ et celui de la communion eucharistique est d'ordre
proprement corporel (consulter EECC, n° 48), il est facile de constater que
le caractère spécifique de l'acte de la Nativité du Christ réside dans le
fait que le Christ Seigneur sort corporellement de Marie, sa Mère, qui le
met au monde. Donc, si le Pape, en tant que Vicaire
du Christ, communie marialement au
Christ-Eucharistie, cela signifie que, par et dans cette action
sacramentelle, le Christ entre dans la personne du Pontife Romain, et en
sort, indissociablement et simultanément, et ce, d'une manière corporelle
et mystique, c'est-à-dire relativement à la médiation de Marie. Autrement
dit, et par le fait même, tout Vicaire du Christ qui, dans l'exercice propre de son ministère, communie au
Christ-Eucharistie, envoie corporellement le Christ - Verbe de Vie incarné
- dans le monde, donnant ainsi mystiquement au même Christ l'existence et
la vie sur terre, en n'importe quelle personne humaine qui soit, par là
même, Vicaire du Christ :
l'acte de la communion eucharistique accompli ministériellement, d'une
manière mariale, par tout Vicaire du Christ procure sacramentellement l'édification de l'Église, Vicaire du Christ universel.
(Képhas et le
sacramentum Ecclesiae)
48. Dans la mesure où l'Église s'édifie
sacramentellement par la communion eucharistique du
Vicaire du Christ agissant marialement dans le temps
de grâce, il apparaît clairement que le sacramentum
Ecclesiae, c'est-à-dire l'Église-Sacrement (se
référer à EECC, n° 57), se réalise véritablement, mais de la manière la
plus excellente qui soit, par la communion eucharistique de Képhas,
agissant marialement, comme le premier de tous les Papes, et donc, comme le
premier des prêtres par excellence. Or, relativement à l'acte de la
communion eucharistique, Képhas, le premier Pape, ne peut agir marialement
que s'il exerce son ministère trinitaire d'une manière proprement
corporelle, quoique mystiquement, relativement à la médiation de Marie
(voir n° 47). Mais, nous avons déjà fait remarquer que Képhas ne peut
exercer corporellement son ministère trinitaire qu'à la fin des temps, au
temps de la Résurrection des Corps (voir n° 10). Par conséquent, étant
donné, d'une part, que Képhas a réellement vécu au temps de la Pentecôte,
lors de la naissance de l'Église ; et d'autre part, que le même Képhas, qui
- comme tous les Papes - est Époux de Marie dans le Christ, a réellement
exercé son ministère trinitaire, d'une manière corporelle et mariale, par
le biais de l'acte de la communion eucharistique ; on doit penser et
croire, pour pouvoir concilier tout ce qui vient d'être dit, que Képhas, le
premier Pape, exerce marialement, et donc corporellement, son ministère
trinitaire, par le biais de l'acte de la communion eucharistique, depuis le
temps de la Pentecôte, jusqu'au temps de la Résurrection des Corps.
(Le sacramentum
Ecclesiae dans la Tradition de l'Église)
49. Cependant, puisque Képhas est mort
quelque trente ans après la Pentecôte (aux environs de l'an 67), on ne peut
admettre qu'il continue d'exercer corporellement son ministère trinitaire,
par le biais de la communion eucharistique, qu'en supposant qu'il agit, de
soi, par personne interposée, par l'intermédiaire de quelqu'un qui parle et
qui oeuvre en son nom. Comme tout Pape est appelé et se déclare lui-même successeur de Pierre, il est clair que c'est
par l'intermédiaire du Pontife Romain, successeur de
Pierre, que Képhas continue d'exercer corporellement
son ministère trinitaire par le biais de la communion eucharistique. Par le
fait même, il est tout aussi clair que l'édification du sacramentum Ecclesiae se réalise, de soi,
par et dans l'acte de la communion eucharistique du
Vicaire du Christ, agissant, non seulement
marialement, mais aussi d'une manière proprement pétrinienne, relative à la
personne même de Képhas. Tout ceci permet alors de dire que, relativement
au ministère marial du Vicaire du Christ, la réalisation du sacramentum Ecclesiae ne peut pas ne pas se fonder sur la Tradition vivante de l'Église.
(L'Ordre et l'Eucharistie pour
l'édification de l'Église)
50. Or, voici ce qu'affirme la
Tradition vivante du Concile Vatican II : C'est aux
prêtres qu'il revient de procurer l'édification du Corps (mystique) par le
sacrifice eucharistique en accomplissant les paroles de Dieu quand il dit
par la voix du prophète : De l'Orient jusqu'au
couchant, mon Nom est grand chez les nations, et en tous lieux est offert à
mon nom un sacrifice et une offrande pure."
(Mal. 1, 11) Ainsi l'Église unit prière et travail pour que le monde entier
dans tout son être soit transformé en peuple de Dieu, en Corps du Seigneur
et temple du Saint-Esprit, et que soient rendus dans le Christ, chef de
tous, au Créateur et Père de l'univers, tout honneur et toute gloire. (Lumen gentium, n° 17) De ce beau texte, il ressort que deux
sacrements concourent à l'édification de ce que nous avons appelé sacramentum Ecclesiae : il s'agit des
sacrements de l'Ordre et de l'Eucharistie.
C'est ce
qu'enseignait déjà le Concile de Trente, quoique d'une manière un peu moins
claire, c'est-à-dire en ne voyant l'édification du Corps mystique du Christ
que dans la rémission des péchés véniels commis de jour en jour par les
fidèles : «In Coena novissima, qua nocte tradebatur (1 Co. 11, 13), ut dilectae sponsae suae Ecclesiae visibile
(sicut hominum natura exigit) relinqueret sacrificium (...) quo (Sacrificii
Crucis) salutaris virtus in remissionem eorum, quae a nobis quotidie
committuntur, peccatorum applicaretur : sacerdotem
secundum ordinem Melchisedech se in aeternum (Ps.
109, 4) constitutum declarans, (Deus et Dominus noster) corpus et sanguinem
suum sub speciebus panis et vini Deo Patri obtulit ac sub earundem rerum
symbolis Apostolis (quos tunc Novi Testamenti sacerdotes constituebat), ut
sumerent, tradidit, et eisdem eorumque in sacerdotio successoribus, ut
offerrent, praecepit per haec verba : Hoc facite in
meam commemorationem, etc. (Lc. 22, 19 ; 1 Co. 11,
24), uti semper catholica Ecclesia intellexit et docuit.» (Session XXII,
ch. 1 - Denzinger. n° 1740) A la dernière Cène, la nuit où il fut livré, (notre Dieu et
Seigneur) voulut laisser à l'Église, son épouse bien-aimée, un sacrifice
visible, comme le réclame la nature humaine,... (sacrifice) dont la vertu
salutaire s'appliquerait à la rédemption des péchés que nous commettons
chaque jour. Déclarant qu'il était établi prêtre
selon l'ordre de Melchisédech pour l'éternité (Ps.
109, 4), il offrit à Dieu le Père son corps et son sang sous les espèces du
pain et du vin et, sous les mêmes signes, il les distribua à manger à ses
Apôtres qu'il établissait alors prêtres du Nouveau Testament ; à eux et à
leurs successeurs dans le sacerdoce, il donna l'ordre de les offrir par ces
paroles : Faites ceci en mémoire de moi (Lc. 22, 19), comme l'Église l'a toujours compris et enseigné.» (Concile de Trente, Session XXII, ch. 1 - Dumeige, n° 766)
(L'Ordre au service de l'Eucharistie,
pour l'Église)
51. Ainsi, les sacrements de l'Ordre et
de l'Eucharistie sont ordonnés à l'édification du
sacramentum Ecclesiae. Cependant, c'est l'Eucharistie
qui est le sacrement qui concourt principalement à cette fin commune, et le
sacrement de l'Ordre est au service de l'Eucharistie : Je réaffirme le lien étroit entre le prêtre et l'Eucharistie,
comme l'Église nous l'enseigne, et je réaffirme avec conviction, et aussi
avec une intime joie de l'âme, que le prêtre est surtout l'homme de
l'Eucharistie : le serviteur et le ministre du Christ dans ce sacrement, en
qui - selon le Concile, qui résume la doctrine des antiques Pères et
Docteurs - est contenu tout le bien spirituel de
l'Église (Presbyterorum ordinis, n° 5) ; chaque
prêtre est serviteur et ministre du mystère pascal accompli sur la croix et
revécu sur l'autel pour la rédemption du monde, à tous les niveaux, dans
chaque domaine de son travail. (S.S. le Pape
Jean-Paul II, Allocution du 12 mai 1993) Ce que Saint Thomas d'Aquin
exprime brièvement ainsi : «Ordinatur omnis ordo ad Eucharistiae
sacramentum.» Le sacrement de l'Ordre, dans tous ses
degrés, a pour raison de son institution le sacrement de l'Eucharistie. (S. Thomas, Supp. IIIae, q. 40, a. 5, corp.)
(Hoc facite in
meam commemorationem)
52. Si nous remontons à l'origine de
ces deux sacrements, nous constatons que l'Ordre et l'Eucharistie ont été
institués par le Seigneur lorsqu'il prononça ces paroles : «Hoc facite in
meam commemorationem.» Faites ceci en mémoire de moi. (Lc. 22, 19) Cela découle du fait que, par ces paroles, le Christ
nous a enseigné le moyen par lequel le sacrement de l'Église se réalise et
s'édifie. En effet, saint Paul, qui cite ces paroles du Seigneur (cf. 1 Co.
11, 24-25), les explique très clairement : Ainsi
donc, toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette
coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. (1 Co. 11, 26) Donc, l'ordre du Seigneur :
Hoc facite in meam commemorationem n'est pas autre
chose que l'ordre d'annoncer sa mort jusqu'à ce qu'il
vienne. Le Concile de Trente nous enseigne d'ailleurs
le même parallèle : «Salvator noster, discessurus ex hoc mundo ad Patrem,
sacramentum hoc instituit (...), et in illius sumptione colere nos sui memoriam (1 Co. 11, 24) praecepit
suamque annuntiare mortem, donec ipse ad iudicandum
mundum veniat (1 Co. 11, 26) (Session XIII, ch. 2 -
Denzinger, n° 1638) Notre Sauveur, près de quitter ce
monde pour aller à son Père, a institué ce sacrement... (et) il nous a
ordonné, en le recevant, de célébrer sa mémoire et d'annoncer sa mort
jusqu'à ce qu'il vienne en personne juger le monde (1 Co. 1, 24 et 26). (Concile de Trente, Session XIII, ch. 2 - Dumeige, n° 737) Sur
l'ordre du Christ, nous devons donc annoncer sa mort : autrement dit, nous devons proclamer notre foi en la mission
que le Christ a reçue de son Père, la mission de manifester l'amour de Dieu
envers les hommes, lequel amour est si grand que le Fils même de Dieu est
mort sur la Croix par amour pour tous les pécheurs :
Il m'a aimé et s'est livré pour moi. (Ga. 2, 20) Or,
proclamer notre foi en la mission du Christ, c'est proclamer que nous
sommes les fidèles du Christ, selon ce que dit le Seigneur à son Père, à
propos des Apôtres : Ils ont vraiment admis que je
suis venu de toi, et ils ont cru que c'est toi qui m'as envoyé. (Jn. 17, 8) Annoncer la mort du Seigneur, c'est donc proclamer que nous sommes les fidèles du Christ :
l'Église.
(L'édification du
sacramentum Ecclesiae)
53. Mais comme il s'agit ici d'une
action sacramentelle, savoir la communion au Corps et au Sang du Christ
(voir n° 52, où nous citons le Concile de Trente), lorsque nous proclamons
que nous sommes l'Église, nous le réalisons ; et donc, réellement, l'Église
s'édifie. Par ces paroles Hoc facite in meam
commemorationem, le Christ nous a donc bien enseigné
l'ordre et le moyen d'édifier l'Église. Il faut cependant préciser que, ces
paroles ayant été adressées aux seuls Apôtres, l'Église s'édifie par la
communion de l'évêque, successeur des Apôtres, ou par la communion du
prêtre en union avec son évêque; car le Christ a donné aux seuls Apôtres
l'ordre de proclamer sa mission au monde entier : Le
Christ, que le Père a consacré et envoyé dans le monde (Jean 10, 36) a, par
les Apôtres, fait leurs successeurs, c'est-à-dire les évêques, participants
de sa consécration et de sa mission. (Concile Vatican
II, Lumen gentium, n° 28) Donc lors de la célébration eucharistique, le sacramentum Ecclesiae se réalise et s'édifie
par la communion du célébrant au Corps et au Sang du Christ (voir n° 47) :
«Unitas corporis mystici est fructus corporis veri percepti.» L'unité du corps mystique (du Christ) est le fruit que produit la
réception de son vrai corps. (S. Thomas, IIIa, q. 82,
a. 9, ad 2)
*
* *
(Hoc est corpus
meum... Hoc facite...)
54. Afin de découvrir tout le sens
théologique des paroles Hoc facite..., replaçons-les dans leur contexte historique. Ces mots Hoc facite in meam commemorationem, le
Christ les prononça parmi les divers faits et gestes de l'institution de
l'Eucharistie ; or, relativement à l'espèce du pain, le Seigneur fit alors
trois actions distinctes, bien décrites dans les synoptiques :
- Lc. 22,19 :
«accepto pane gratias egit
et fregit
et dedit eis»
Il prit du pain, rendit grâce,
le rompit
et le leur donna.
- Mt. 26, 26 :
«accepit Jesus panem et benedixit
ac fregit
deditque discipulis suis»
Jésus prit du pain ; il prononça la
bénédiction,
le rompit,
et le donna à ses disciples.
Il est évident
que le Christ consacra d'abord le pain (gratias egit
- benedixit) avant de le donner à ses disciples ; de
même pour la fraction du pain, qui se place, dans la liturgie, après la
consécration et avant la communion. Il faut donc lire directement, «accepto
pane gratias egit..., dicens : Hoc est corpus meum quod pro vobis datur :
hoc facite in meam commemorationem» Il prit du pain,
rendit grâce,... en disant : Ceci est mon corps qui est donné pour vous :
faites ceci en mémoire de moi. (Lc. 22, 19)
(Hic est calix...
Hoc facite...)
55. Relativement à l'espèce du vin,
l'Écriture nous rapporte seulement deux actions du Seigneur; mais la
Tradition nous a transmis la troisième, qui fait le parallèle avec les
trois actions relatives au pain :
- dans S. Luc : le verset 20 semble
devoir s'expliquer et se développer par le verset 17 :
«accepto calice gratias egit...
accipite et dividite inter vos»
Il prit une coupe, rendit grâce (et
dit) :
Prenez cette coupe et partagez-la entre
vous. (Lc. 22, 17)
- dans S. Matthieu :
«accipiens calicem gratias egit
et dedit illis»
Il prit une coupe, rendit grâce,
et la leur donna.
(Mt. 26, 27)
- dans la Tradition : «Monet deinde
sancta Synodus, praeceptum esse ab Ecclesia sacerdotibus, ut aquam vino in
calice offerendo miscerent, tum quod Christum Dominum ita fecisse
credatur...» (Concile de Trente, Session XXII, ch. 7 - Denzinger, n° 1748) Le Saint Concile avertit... que l'Église a prescrit aux prêtres de
mêler de l'eau, dans le calice, au vin qu'on va offrir... parce qu'on croit
que le Christ notre Seigneur a fait ainsi... (Concile
de Trente, Session XXII, ch. 7 - Dumeige, n° 773)
Nous faisons la
même conclusion que pour la consécration du pain. Il convient donc de lire
directement : «Similiter (= accepto calice gratias egit) et calicem...
dicens : Hic est calix novum testamentum in sanguine meo, qui pro vobis
fundetur.» Il prit de même la coupe [= Il prit une
coupe, rendit grâce (Lc. 22, 17)] ... en disant : Cette coupe est la
nouvelle Alliance en mon sang qui est répandu pour vous... (Lc. 22, 20) Saint Paul ajoute : «Hoc facite quotiescumque
bibetis in meam commemorationem.» Toutes les fois que
vous en boirez, faites ceci en mémoire de moi. (1 Co.
11, 25) Cela paraît plus évident encore dans Saint Marc, où les paroles de
la consécration du vin sont rapportées après que tous ont bu. Il est donc
clair qu'elles se rapportent à gratias agens (Mc. 14, 23-24).
(La Dernière Cène : Hoc facite...)
56. Dans l'analyse des faits
historiques de la Dernière Cène, nous avons établi l'existence de trois
actions dictinctes du Seigneur : la consécration du pain et du vin, la
fraction du pain et le mélange de l'eau au vin, la communion au Corps et au
Sang du Christ. Aussi, c'est au milieu de ces trois actions que nous devons
placer les paroles du Seigneur Hoc facite in meam
commemorationem, afin d'en connaître tout le sens et
toute la portée théologique. Mais véritablement, c'est au milieu de deux
actions seulement, celle de la consécration du pain et du vin, et celle de
la communion au Corps et au Sang du Christ, qu'il faut situer les paroles Hoc facite in meam commemorationem, pour en
saisir la signification pleine et entière, car, dans la mesure où ces mêmes
paroles sont comprises comme étant celles qui sont à l'origine des deux
sacrements de l'Ordre et de l'Eucharistie (voir n° 52), l'action de la
fraction du pain, et celle du mélange de l'eau au vin, ne pouvant être
considérée comme essentielle à la célébration de l'Eucharistie (ainsi que
nous allons le voir), n'est qu'indirectement - à l'exclusion de tout mode
direct - en relation avec les paroles Hoc facite in
meam commemorationem.
(Le pain et le vin eucharistique : un
seul sacrement)
57. En effet, Saint Thomas nous
enseigne clairement que, quoique double selon les espèces sous lesquelles
il existe, le sacrement de l'Eucharistie forme un tout en soi considéré
toujours sous l'une et l'autre espèce : «Hoc sacramentum multa quidem est
materialiter, sed unum formaliter, et perfective.» Si
ce sacrement comporte une pluralité du côté de la matière, il est un du
côté de la forme et de la perfection. (S. Thomas,
IIIa, q. 73, a. 2, corp.) Ce témoignage ne vient d'ailleurs que confirmer
la conclusion à laquelle nous avons abouti précédemment, savoir que, en
vertu de la relation fondamentale existant entre l'Eucharistie envisagée
comme communion et l'exercice en acte de la médiation de Marie (qui est
régie, de soi, par la règle d'association simple et une entre la Révélation
divine et la philosophie de la vie humaine), on doit considérer le Sang du
Christ, présent sacramentellement sous les apparences du vin, comme inclus
dans le Corps du Christ, présent sacramentellement sous les apparences du
pain, le Corps et le Sang du Christ ne faisant qu'un entre eux dans leur
relation simple avec le corps et l'âme de la personne humaine vivante (voir
et lire EECC, n° 92 - voir aussi nos 93 et 94). Or, si la fraction du pain est bien une action
sacramentelle, puisqu'il s'agit de la rupture ou du brisement de l'Hostie
consacrée, par contre, en ce qui concerne le mélange de l'eau au vin, il
s'agit toujours du vin, et non pas du Sang du Christ, qui est coupé ou
brisé au moyen d'un élément matériel qui est l'eau. Par conséquent, ni la
fraction du pain, ni le mélange de l'eau au vin ne peuvent être considérés
comme action essentielle de la célébration eucharistique.
(La fraction du pain... : arguments de
Saint Thomas)
58. A ce sujet, nous pouvons citer les
textes suivants de Saint Thomas. Le premier est relatif à la fraction du
pain; il faut le comprendre en tenant compte du principe selon lequel tout
ce qui concerne le Corps mystique du Christ ne se rapporte pas
nécessairement à l'Eucharistie (puisque, dans l'Église, Corps du Christ, il
existe des membres qui possèdent la grâce de Dieu par le moyen de la seule
foi, à l'exclusion du mode sacramentel), tandis que, au contraire,
relativement à la médiation de Marie (et c'est ce dont il s'agit ici), tout
ce qui concerne l'Eucharistie se rapporte pleinement au Corps mystique du
Christ.
Voici ce premier
texte : «Dicendum est quod fractio hostiae consecratae, et quod una sola
pars mittatur in calicem, respicit corpus mysticum ; sicut admixtio quae
significat populum, et ideo horum praetermissio non facit imperfectionem
sacrificii, ut propter hoc sit necesse aliquid reiterare circa
celebrationem hujus sacramenti.» On doit dire que
l'on rompt l'hostie consacrée et qu'on en met seulement une partie dans le
calice pour signifier le corps mystique, comme on y mêle de l'eau pour
signifier le peuple. C'est pourquoi l'omission de ces choses ne rend pas le
sacrifice imparfait, et par conséquent il n'est pas nécessaire pour cela de
réitérer quelque chose à l'égard de la célébration de ce sacrement. (S. Thomas, IIIa, q. 83, a. 6, ad 6)
Le second texte
parle de l'eau mêlée au vin lors de l'offertoire de la Messe : «Si vero
post consecrationis verba perceperit, quod aqua desit, debet nihilominus
procedere, quia impositio aquae, ut supra dictum est (q. 74, a. 7), non est
de necessitate sacramenti (...) Nullo autem modo debet aqua vino jam
consecrato misceri, quia sequeretur corruptio sacramenti pro aliqua parte,
ut supra dictum est (q. 77, a. 8).» Si après les
paroles de la consécration le prêtre s'aperçoit qu'il n'y a pas d'eau, il
doit néanmoins poursuivre, parce que, nous l'avons dit (q. 74, a. 7), le
mélange de l'eau n'est pas nécessaire pour la validité du sacrement (...)
On ne doit en aucune manière mêler de l'eau au vin lorsqu'il est consacré,
parce qu'il en résulterait une altération partielle du sacrement, ainsi que
nous l'avons observé (q. 77, a. 8). (S. Thomas, IIIa,
q. 83, a. 6, ad 4)
Donc, il est tout
à fait clair que l'action de la fraction du pain, et celle du mélange de
l'eau au vin, doivent être considérées comme des éléments non-essentiels de
la célébration eucharistique. Cependant, comme, de toute évidence, il ne se
peut pas que le Seigneur Jésus, au cours de la Dernière Cène, ait fait quoi
que ce soit d'inutile et de vain, l'action de la fraction du pain, et celle
du mélange de l'eau au vin, si elles ne sont pas essentielles à la
célébration de l'Eucharistie, doivent néanmoins être considérées comme de
grande importance. On pourrait même dire que, relativement à la célébration
eucharistique, elles en constituent la surabondance, et que, de la sorte,
elles sont ce par quoi cette même célébration eucharistique peut être
envisagée dans sa profondeur la plus mystérieuse et dans sa sublimité quasi
inaccessible. Nous en reparlerons ultérieurement, selon un angle de vue
différent, dans un autre contexte : celui de notre prochain livre.
*
* *
(Un médiateur entre la consécration et
la communion)
59. D'après les documents que nous
avons produits ci-dessus (voir n° 52), il est hors de doute que, selon la
Tradition et l'Écriture, les paroles du Seigneur «Hoc facite in meam
commemorationem» doivent être mises en relation pleine et entière, d'une
manière directe, avec l'acte sacramentel de la communion eucharistique.
Mais, personne ne niera que l'acte de la communion dépend pleinement et en
tout de l'acte de la consécration, qui précède dans le temps, c'est-à-dire
d'une manière pleinement relative à la notion de mémoire, ou de mémorial.
Ainsi, tout en étant pleinement et directement relatives à l'acte de la
communion, les paroles «Hoc facite...» sont pleinement,
quoiqu'indirectement, relatives à l'acte de la consécration. Or, nous
venons de voir que, d'après l'analyse des faits historiques de la Dernière
Cène, les paroles du Seigneur Hoc facite in meam
commemorationem trouvent leur place entre ces deux
actions sacramentelles que nous venons de mentionner : la consécration du
pain et du vin, et la communion au Corps et au Sang du Christ. Par
conséquent, comme tout être, qui trouve sa raison d'être entre deux autres
êtres, et qui est pleinement relatif à chacun de ces deux autres êtres, est
médiateur entre ces deux êtres, on doit affirmer nettement que les paroles Hoc facite... sont médiateur, ou
intermédiaire, selon la pleine acception du mot, entre l'acte de la
consécration et celui de la communion.
(Hoc facite... : médiateur d'ordre corporel)
60. Le fait que les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem sont
intermédiaire, ou médiateur, entre la consécration du pain et du vin, et la
communion au Corps et au Sang du Christ, ce fait, quoique nous le vivions
sans cesse dans la Liturgie eucharistique, se trouve consigné par écrit,
matériellement, dans la Bible. C'est d'ailleurs l'analyse des passages
scripturaires relatifs à la Dernière Cène qui a été à la base et à
l'origine de cette affirmation. On peut donc aller jusqu'à dire que, par
rapport à l'acte de la consécration et à celui de la communion, considérés
tous deux dans leur codification matérielle et écrite, les paroles du
Seigneur Hoc facite in meam commemorationem sont médiateur d'ordre corporel, et ce, dans le contexte propre
et exclusif de la Sainte Ecriture.
(Comment se réalise le sacramentum Ecclesiae)
61. Mais nous avons établi déjà que la
Sainte Ecriture est le moyen, uniquement matériel, ou corporel, mis par la
Divine Providence à la disposition de Marie-Médiatrice pour l'exercice de
sa médiation (voir EECC, n° 31). Pareillement, nous avons montré pourquoi
la même Sainte Ecriture, en tant que paroles de Dieu consignées par écrit,
doit être considérée comme une nourriture d'ordre proprement corporel
(d'une manière mystique, c'est-à-dire pleinement relative à la médiation de
Marie - se référer à EECC, n° 49). Aussi, puisqu'une nourriture est faite,
de soi, pour être mangée, et que la personne qui se nourrit et la
nourriture ne font qu'un par le principe simple de la vie qui les unit, il
est clair que, lorsque nous, l'Église, lisons les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem dans la
Sainte Ecriture, et donc, par l'intermédiaire de Marie-Médiatrice, nous
devons penser et croire sans aucun doute que ces paroles Hoc facite..., si elles sont médiateur
d'ordre corporel, elles le sont de la même manière et selon la même
conception que celle qui convient, de soi, à Marie-Médiatrice en personne,
et qui a été décrite dans nos Préliminaires (EECC, n° 52). Par conséquent, il est tout à fait permis
d'affirmer que, les paroles du Seigneur Hoc facite in
meam commemorationem étant pleinement relatives à
l'édification du sacramentum Ecclesiae (voir n° 52), l'existence et l'agir de l'Église-Sacrement dépend
pleinement et en tout de l'acte de la consécration du pain et du vin, et de
celui de la communion au Corps et au Sang du Christ, et ce, en vertu de la
notion même de médiateur d'ordre corporel, tel que nous venons d'en parler.
(Éléments essentiels de la célébration
eucharistique)
62. Par le biais des paroles Hoc facite in meam commemorationem, nous
venons d'établir que les éléments essentiels permettant la réalisation en
acte du «sacramentum Ecclesiae» sont la consécration du pain et du vin, et
la communion au Corps et au Sang du Christ, lors de la célébration de
l'Eucharistie. Or, cette dernière est et n'est pas autre chose que la
réalisation en acte du sacramentum Ecclesiae : en admettant, après l'avoir démontré, que les paroles du
Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, tout en étant à l'origine des sacrements de l'Ordre et de
l'Eucharistie, sont tout en même temps l'expression du moyen par lequel le
sacrement de l'Église se réalise et s'édifie (voir nos 52 et 53), nous avons implicitement admis le fait que, par le
biais des paroles Hoc facite in meam commemorationem, le sacramentum Ecclesiae, d'une part, et les sacrements de l'Ordre et de l'Eucharistie
(considérés relativement à l'acte de la consécration et à celui de la
communion), d'autre part, dépendent réciproquement l'un de l'autre, d'une
manière pleine et entière. Par conséquent, en vertu et par le biais des
paroles du Seigneur Hoc facite in meam
commemorationem, et dans une pleine et entière
référence à ces mêmes paroles comprises et entendues d'une manière mariale,
et donc relativement au ministère eucharistique du
Vicaire du Christ exercé marialement, nous pouvons
affirmer nettement, pour conclure, que les éléments essentiels de la
célébration eucharistique sont l'acte de la consécration du pain et du vin,
et celui de la communion au Corps et au Sang du Christ.
LE MINISTÈRE MARIAL DE KEPHAS
(2) HOC FACITE IN MEAM COMMEMORATIONEM
(Képhas, Marie, et l'Église-Sacrement)
63. Tout le sujet de notre livre
consiste dans l'étude du ministère trinitaire de Pierre en particulier, et
du Pape en général (voir n° 3) dans les pages de ce volume, le lecteur a
déjà pu voir, et verra encore en détails ce que Képhas dit de lui-même dans
l'exercice de son ministère (voir n° 11). Or, étant donné que le Vicaire du Christ exerce marialement son
ministère trinitaire dans le temps de grâce (voir nos 41 et 45), c'est proprement dans et par l'acte sacramentel de la
communion eucharistique que le Pape agit ministériellement pour
Marie-Médiatrice, son Épouse dans le Christ (voir n° 4 - consulter aussi
EECC, n° 74). Mais, lorsque le Vicaire du Christ s'unit, d'une manière mariale, au Christ-Eucharistie, réellement,
selon un mode proprement sacramentel, l'Église s'édifie, croît, et grandit
dans le Christ (voir nos 47 et
48). Ainsi, il apparaît clairement que l'étude du ministère trinitaire et
marial de Képhas est pleinement relatif à la recherche propre traitant de
l'édification sacramentelle du Corps mystique du Christ. Nous avons déjà
orienté notre démarche en ce sens dans les pages qui précèdent : nous
allons poursuivre dans la même direction tout au long du chapitre qui
s'ouvre maintenant.
(L'édification de l'Église et la
Nativité du Christ)
64. En tant qu'il est exercé
marialement, le ministère trinitaire de Képhas s'accomplit dans et par
l'acte de la communion eucharistique, acte qui procure à l'Église son
édification dans le Christ. Mais, considéré marialement, le ministère
trinitaire de Képhas est et ne peut pas ne pas être régi, de soi, par la
règle d'association simple et une, entre la Révélation divine et la
philosophie humaine, c'est-à-dire la règle propre à la médiation de Marie
(voir EECC, nos 39 et 40).
Donc, relativement au ministère trinitaire et marial de Képhas, l'acte de
la communion eucharistique est régi, de soi, par cette même règle
d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie
humaine. Or, par rapport à la personne du Pontife Romain qui communie en
vue de l'édification du sacramentum Ecclesiae, le Christ-Euchatistie entre dans cette personne, si on considère
la philosophie humaine, et il sort de cette même personne, si on envisage
la Révélation divine le Christ-Eucharistie entre naturellement et sort
surnaturellement de la personne de Képhas (voir n° 47). Mais le fait de
sortir est ici pleinement relatif à l'acte de la Nativité du Christ, dont
la communion est la réalisation sacramentelle. De plus, relativement à
l'acte de la Nativité, le fait de sortir doit s'entendre, de soi, d'une
manière tout à fait naturelle, selon la philosophie humaine. Ainsi,
naturellement parlant, sur le plan de la philosophie humaine, l'acte de la
Nativité du Christ et celui de la communion eucharistique s'opposent entre
eux.
Or, en vertu de
la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la
philosophie humaine, règle qui régit, de soi, et l'acte de la Nativité du
Christ, et l'acte de la communion eucharistique, on doit affirmer sans
aucun doute que ces deux mêmes actes de la Nativité du Christ et de la
communion eucharistique s'opposent surnaturellement entre eux, sur le plan
de la Révélation divine. Par conséquent, quant à l'acte de la Nativité du
Christ, on doit penser et croire que, par rapport à la personne de
Marie-Médiatrice, le Christ sort de cette personne, si on considère la
philosophie humaine, et qu'il entre dans cette même personne, si on
envisage la Révélation divine : le Christ entre surnaturellement en Marie,
sa Mère, lorsqu'il en sort naturellement. Finalement, comme l'acte de la
Nativité du Christ est le modèle, en tant que réalité, de l'acte de la
communion eucharistique, tout ce que nous venons de dire au sujet de l'acte
de la Nativité permet une parfaite et totale compréhension de l'acte de la
communion, en tant que celui-ci, relativement au ministère trinitaire de
Képhas, procure à l'Église son édification dans le Christ.
(La Nativité du Christ dans la
plénitude des temps)
65. Dans et par l'acte de sa Nativité,
le Christ sort naturellement de Marie-Médiatrice, sa Mère, et il entre
surnaturellement en cette même personne, tout cela entendu corporellement,
et donc, mystiquement. Cela revient à dire que, naturellement, par Marie,
le Christ est mis au monde, et qu'il entre donc dans le monde, d'une
manière naturelle, tandis que, d'une manière surnaturelle, il entre en
Marie-Médiatrice, sa Mère. Or, quant au fait que le Christ entre dans le
monde, cela confère au même Christ un caractère public, ou encore,
communicable. Par contre, quant au fait que le Christ entre en
Marie-Médiatrice, qui est une personne, et qui, par le fait même, est tout
à fait incommunicable, cela confère au même Christ un caractère personnel,
et donc, incommunicable. Ainsi, en vertu de la règle d'association simple
et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine, règle qui
régit de soi l'acte de la Nativité du Christ, il faut penser et croire
absolument que, dans et par l'acte de sa Nativité, le Christ jouit à la
fois et tout en même temps du caractère de la comunicabilité et de celui de
l'incommunicabilité. Mais, lorsque le Christ, en vertu même de sa Nativité,
entre surnaturellement en Marie-Médiatrice, sa Mère, il ne fait plus qu'un
corps avec elle, et ce, d'une manière tout à fait mystique, relativement à
la médiation de Marie. Par conséquent, il est tout à fait permis d'affirmer
que, dans et par l'acte de la Nativité du Christ, Marie-Médiatrice, ne
faisant mystiquement qu'un corps avec le Christ, son Fils, jouit tout à la
fois et en même temps du caractère de la communicabilité, et de celui de
l'incommunicabilité. Or, tout ceci ne peut se comprendre que si on suppose
qu'il y a identité corporelle, d'ordre mystique, entre Marie-Médiatrice et
l'Église considérée en la plénitude de ses membres à la fin des temps (à ce
sujet, voir n° 21) : ce n'est que dans ce cas que la personne de
Marie-Médiatrice est tout à la fois, et en même temps, communicable et
incommunicable. Finalement, de tout ce qui précède, on peut conclure que,
dans sa relation avec l'acte de la communion eucharistique procurant à
l'Église son édification dans le Christ, l'acte de la Nativité du même
Christ doit s'entendre dans le contexte propre de la plénitude des temps,
c'est-à-dire dans le contexte où le Christ, Marie-Médiatrice, et l'Église
en la plénitude de ses membres ne font tous qu'un seul corps, d'une manière
mystique (voir n° 24).
(Le Mystère de la Nativité vu par un
théologien)
66. Tout l'essentiel de ce que nous
avons affirmé à propos de l'acte de la Nativité du Christ (voir nos 64 et 65) peut se retrouver dans
l'analyse de ce Mystère tel que l'a entrevu, dans la foi, le Père M.L.
Guérard des Lauriers, O.P. Il dit en effet, parlant d'abord du fait que,
mystiquement, dans l'acte de la Nativité, le Christ et Marie, sa Mère, ne
font qu'un seul corps : La présence éternelle du
corps de Jésus dans le corps de Marie est fondée sur le fait que le corps
de la Mère est tout relatif au corps de l'Enfant. L'expérience familière
permet au moins d'entrevoir quelque chose de ce mystère. Lorsque nous
contractons une relation avec une réalité distincte de nous-mêmes, nous
observons que cette réalité nous devient plus ou moins présente. Et nous
pouvons aisément découvrir que ce plus ou moins de présence dépend du degré d'intimité où nous affecte la
relation que nous avons avec elle. L'amour qu'une mère porte à son enfant
entraîne que l'enfant est présent en elle ; il est présent dans son coeur,
dans son esprit. Ces choses peuvent être analysées ; elles recouvrent
toujours un mystère mais sur lequel le sens commun ne se trompe pas. (Marie, n° 33, p. 64-65 - Texte polycopié - Pontcalec, 1965) Et
continuant dans la même optique, se référant non seulement au temps de
grâce, mais aussi à la plénitude des temps, il déclare : Dans cette vue, on doit donc affirmer que le moment où le corps de
Jésus a quitté physiquement le corps de Marie inaugure une nouvelle
présence de son corps à Lui dans son corps à Elle ; présence meilleure que
celle d'avant l'enfantement parce qu'elle est fondée divinement et non
humainement, présence qui de par sa nature même est d'ailleurs éternelle.
Et si la Sainte Vierge n'a pas perçu ces choses physiquement selon son
corps - ce qui sauf privilège est réservé à l'univers de Gloire - Elle a
joui, pour le moins dans sa foi, de cette nouvelle et meilleure présence.
En sorte qu'il serait aberrant de supposer que la parturition virginale
soit accompagnée moralement d'une brisure qu'elle excluait physiquement. La
joie de Noël est sans ombre pour la Sainte Vierge. Le corps de son Enfant
qu'Elle donne et abandonne au monde pour le sauver, ne la déserte pas, ce
corps Elle le conserve d'une manière meilleure,
mirabiliori modo, divinement.
(ibidem, n° 33, p. 65)
*
* *
(Le sacramentum
Ecclesiae et la plénitude des temps)
67. Ce qui permet de comprendre
l'édification du Corps mystique du Christ, relativement au ministère
trinitaire de Képhas, c'est l'acte de la Nativité du Christ considéré dans
la plénitude des temps, alors que le Christ lui-même, Marie-Médiatrice, et
l'Église en la plénitude de ses membres ne font tous qu'un seul corps (voir
nos 64 et 65). Or, étant donné
que l'acte de la Nativité du Christ est, de soi, l'acte principal dans
lequel et par lequel s'exerce la médiation de Marie (consulter EECC, n°
45), il apparaît clairement que l'édification de l'Église, dans le temps de
grâce, par le biais de l'acte de la communion eucharistique, s'accomplit
nécessairement d'une manière mariale, selon le mode propre du médiateur
d'ordre corporel. Mais, ce qu'il importe de remarquer ici, c'est qu'il
s'agit, non pas de l'acte de la Nativité du Christ considéré dans le temps,
mais de ce même acte envisagé dans la plénitude des temps : il nous faut
mettre en relation, de soi, un acte du temps de grâce - la communion
eucharistique - avec un acte de la plénitude des temps la Nativité du
Christ. Donc, le caractère marial dont jouit la réalisation en acte du sacramentum Ecclesiae introduit
nécessairement dans cette action sacramentelle la note propre de la
plénitude des temps, par mode d'anticipation, et ce, étant donné le
caractère temporel de l'acte en question.
(Hoc facite... : des paroles de Marie-Médiatrice)
68. Si nous anticipons la fin des
temps, d'une manière mystique (relativement à la médiation de Marie), ce
que nous avons dit jusqu'à présent touchant l'édification de l'Église,
c'est-à-dire la formation du Christ en nous, trouve un parfait résumé dans
ces paroles, qui doivent alors être comprises en plénitude : Le mystère de Noël s'accomplit en nous lorsque le Christ "prend
forme" en nous (Ga. 4, 19). (Catéchisme de
l'Église Catholique, n° 526) Mais pour ce qui regarde l'anticipation de la
plénitude des temps - entendue comme la fin des temps - dans la réalisation
du sacrement de l'Église, l'Apôtre Saint Paul (qui vient d'être cité) en
donne une confirmation claire et nette dans son commentaire des paroles du
Seigneur Hoc facite in meam commemorationem. Nous avons déjà rapporté ce qu'il dit (voir n° 52), mais nous
tenons à le remettre sous les yeux du lecteur :
Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous
annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne.
(1 Co. 11, 26) Enfin, tout notre propos est entièrement confirmé (parce que
déjà implicitement affirmé) par le fait que ces paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem doivent
être comprises et entendues d'une manière mariale (voir nos 61 et 62). En effet, la note propre de
la plénitude des temps, relativement à l'édification de l'Église dans le
Christ, réside dans le fait que, mystiquement, à la fin des temps, le
Christ lui-même, Marie-Médiatrice, et l'Église en la plénitude de ses
membres ne font tous qu'un seul corps (voir n° 24).
Par conséquent,
si on admet l'anticipation de la fin des temps dans la réalisation en acte
du sacramentum Ecclesiae, on
doit affirmer sans conteste que ces paroles Hoc
facite in meam commemorationem, si, dans le temps de
grâce, elles sont celles du Christ lui-même lors de la Dernière Cène, et si
elles sont celles de l'Église, en la personne de Képhas, lors de la
liturgie eucharistique, alors, dans la plénitude des temps, ces mêmes
paroles sont celles propres de Marie-Médiatrice, fait selon lequel et en
vertu duquel on ne peut pas ne pas déclarer que les paroles en question
doivent être considérées comme proprement mariales.
(Sens plénier des paroles : Hoc facite...)
69. Si nous voulons connaître
parfaitement en quoi consiste l'édification du
sacramentum Ecclesiae, relativement au ministère
trinitaire de Képhas, nous devons l'envisager d'une manière mariale, et par
le fait même, dans son rapport avec la fin des temps, par mode
d'anticipation (voir n° 67). Plus précisément, en tant que ces paroles Hoc facite in meam commemorationem expriment
divinement la nature propre du moyen par lequel le sacrement de l'Église se
réalise et s'édifie (voir n° 52), il nous faut considérer ces mêmes paroles Hoc facite... comme celles propres de
Marie-Médiatrice (voir n° 68). Or, ainsi que nous l'avons vu, il est
manifeste que les paroles Hoc facite in meam
commemorationem ne peuvent être celles propres de
Marie-Médiatrice que dans la mesure où cette même Marie-Médiatrice, ne
faisant, dans la plénitude des temps, qu'un seul corps avec le Christ
lui-même et l'Église en la plénitude de ses membres, est envisagée comme
médiateur d'ordre corporel entre le Christ et l'Église en sa plénitude,
c'est-à-dire dans la mesure où le Christ et l'Église en la plénitude de ses
membres s'unissent entre eux pour Marie-Médiatrice. Par conséquent, de ce
qui précède, il est permis d'affirmer nettement que, si ces paroles Hoc facite in meam commemorationem sont
celles propres de Marie-Médiatrice, cela doit être absolument et
nécessairement d'une manière finale, selon l'ordre de l'intention. Par le
fait même, si nous voulons connaître le sens plein et entier des paroles Hoc facite..., et par là même, ce en quoi
consiste l'édification du sacramentum Ecclesiae, ce ne peut être qu'en considérant ces mêmes paroles comme celles
propres de Marie-Médiatrice qui, dans la plénitude des temps, ne fait qu'un
seul corps avec le Christ et l'Église en la plénitude de ses membres.
(Marie-Médiatrice semblable à Dieu)
70. Envisageons Marie-Médiatrice
prononçant les paroles du Seigneur : Hoc facite in
meam commemorationem. Nous sommes ici dans la
plénitude des temps : Marie-Médiatrice ne fait donc qu'un seul corps avec
l'Église en la plénitude de ses membres. Ainsi, Marie-Médiatrice qui
prononce les paroles Hoc facite..., ce n'est rien d'autre que l'Église en sa plénitude qui dit ces
mêmes paroles, en union simple et une avec le Christ lui-même (voir n° 16).
Mais, par le biais des paroles de la Sainte Ecriture en général, et par
celui des paroles Hoc facite...
en particulier, l'union simple et une entre le Christ et l'Église en sa
plénitude donne naissance, dans la plénitude des temps, à tout le corps,
plein et entier, de Marie-Médiatrice elle-même (voir nos 20 et 21). Par conséquent, de ce qui précède, il faut affirmer
absolument que, en prononçant ces paroles Hoc facite
in meam commemorationem, en union simple et une avec
le Christ, Marie-Médiatrice donne naissance, mystiquement (relativement à
l'exercice de sa médiation), à son propre corps tout entier. Autrement dit,
dans cet acte d'élocution, simple et un, des paroles de la Sainte Ecriture,
l'existence du corps de Marie-Médiatrice dépend en tout de l'agir corporel
de cette même personne. Or, chez tout être humain, et donc chez
Marie-Médiatrice, l'agir dépend en tout de l'existence de son être humain.
Donc, dans l'acte simple accompli par Marie-Médiatrice lorsqu'elle
prononce, avec le Christ, les paroles Hoc facite..., cette même Marie-Médiatrice apparaît comme un être dont
l'existence se confond avec l'agir, et ce, d'une manière simple et une, en
vertu du caractère simple de l'acte en question. Étant donné que l'être
dont l'existence se confond simplement avec l'agir n'est autre que l'Être
par excellence, c'est-à-dire Dieu, Marie-Médiatrice, lorsqu'elle prononce
les paroles du Seigneur Hoc facite in meam
commemorationem, doit être déclarée créature à la ressemblance de Dieu (Gn. 5, 1).
(Marie proclame
Hoc facite... par mode de mémoire)
71. Ce que nous venons de dire touchant
la similitude entre Dieu et Marie-Médiatrice, nous en avons déjà parlé
précédemment (voir n° 30 - consulter aussi EECC, n° 32). Mais ici il nous
faut aller plus loin. Ainsi, comme, d'une part, il n'existe qu'un et un
seul Dieu; et comme, d'autre part, Marie-Médiatrice ne peut absolument pas
confondre en elle-même son existence et son agir sans l'intervention de la
faculté mentale appelée mémoire
(puisque, en toute créature, l'existence est antérieure à l'agir - quoique,
dans la plénitude des temps, l'intervalle de temps entre l'existence et
l'agir tend, sans cesse et toujours davantage, vers l'infiniment petit) ;
il s'ensuit que, lorsque Marie-Médiatrice proclame, en union avec le Christ image du Dieu invisible (Col. 1, 15), les
paroles Hoc facite in meam commemorationem, si elle est semblable à Dieu, elle l'est nécessairement par mode
de mémoire, ou de souvenir, et donc, par le fait même, elle est représentation ou
copie simple de Dieu : Marie-Médiatrice est
véritablement créature à l'image de Dieu (Gn. 1, 27). Comme tous les élus de Dieu, c'est-à-dire tous les
hommes conçus éternellement dans l'Esprit divin par mode d'élection, sont
en Marie-Médiatrice (voir nos
18 et 21), ce qui précède est confirmé par le Psalmiste qui, s'adressant à
Dieu, s'écrie : «Qu'est-ce que l'homme pour que tu te
souviennes de lui ? (Ps. 8, 5), sentence qui ne peut
se comprendre que si l'homme, qui est conçu par l'Esprit de Dieu, ressemble
à Dieu par mode de mémoire, puisque Dieu n'a pas de mémoire, étant éternel.
Finalement, compte tenu de tout ce qui précède, il est aisé de conclure
que, pour obtenir une parfaite compréhension du
sacramentum Ecclesiae, relativement au ministère
trinitaire de Képhas, il faut considérer les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem selon le
mode propre de la mémoire, tel qu'il caractérise Marie-Médiatrice dans
l'exercice de sa médiation par le biais de la Sainte Ecriture, dans la
plénitude des temps.
*
* *
(Premier sens des paroles Hoc facite...)
72. Entendues et comprises par mode de
mémoire, les paroles du Seigneur Hoc facite in meam
commemorationem doivent être attribuées proprement à
Marie-Médiatrice en personne (voir n° 71). Cela reviendrait à dire en toute
première vue, en vertu du fait que le mode de mémoire, dont il est ici
question, est originairement relatif à Marie-Médiatrice elle-même, que les
deux actes de la consécration et de la communion, auxquels se rapportent
pleinement les paroles Hoc facite... (voir n° 59), si ces deux actes concernent, de soi, le Christ
quant au sacrement de l'Eucharistie, par contre, ils concernent, selon le
mode propre de la mémoire, Marie-Médiatrice quant au
sacramentum Ecclesiae, dont les paroles Hoc facite... sont la divine expression. On
serait donc ainsi amené à admettre une certaine présence et une certaine
action de Marie à la Messe, présence et action relatives tant à l'aspect
sacramentel qu'à l'aspect sacrificiel de la célébration eucharistique : «Pour mieux situer le rôle de Marie à la messe, comparons ce rôle
à celui du Christ (...) Si la Vierge est présente en un sens à la messe,
c'est en tant qu'elle est unie au Christ, en tant qu'elle est le premier et
le plus achevé des membres de son corps mystique dont l'Eucharistie est le
sacrement (...) La part de Marie à la messe dépend de sa part au sacrifice
rédempteur. A la Messe comme à la Croix, elle n'est pas le prêtre, ni la
victime : elle communie au Prêtre, qui est aussi la Victime, dans l'esprit
sacerdotal et victimal le plus achevé. (R. Laurentin,
Notre-Dame et la Messe au service de la Paix du Christ, pp. 57 à 61)
(Deuxième sens des paroles «Hoc facite...»)
73. Si nous analysons plus en détail ce
mode de mémoire qui, relativement à Marie-Médiatrice, caractérise les
paroles du Seigneur Hoc facite in meam
commemorationem, il faut mentionner le fait que la
mémoire est d'ordre spirituel, si on se base sur la similitude existant
entre Dieu et l'Homme par mode de mémoire (voir n° 71). De cela découle que
les deux actes de la consécration et de la communion, auxquels les paroles Hoc facite... sont pleinement relatives
(ainsi que nous venons de le rappeler - voir n° 72), doivent être entendus
et compris de manière spirituelle : l'acte de la consécration est l'acte
dans lequel et par lequel le Christ s'offre réellement en sacrifice à son
Père, mais de manière spirituelle, non-sanglante, car sacramentelle ;
l'acte de la communion est l'acte dans lequel et par lequel l'Église
accomplit le mémorial eucharistique, c'est-à-dire l'anamnèse, qui est la
communion spirituelle de l'Église, par mode de mémoire, et la préparation à
la communion sacramentelle, couronnement et aboutissement de la communion
spirituelle. On voit par là que, si les éléments essentiels de la
célébration eucharistique, et donc, ceux de la réalisation du sacramentum Ecclesiae, sont l'acte de la
consécration et celui de la communion (voir n° 62), il s'agit alors plus
précisément de l'acte sacramentel de la consécration, actualisant l'unique
sacrifice du Christ, et de l'acte sacramentel de la communion, couronnant
et concluant le mémorial eucharistique de l'Église. C'est pourquoi Saint
Thomas d'Aquin affirme (sans parler véritablement de deux éléments
essentiels) : «In missa duo est considerare, scilicet ipsum sacramentum,
quod est principale ; et orationes, quae in missa fiunt pro vivis et
mortuis.» Dans la messe, il faut considérer deux
choses le sacrement lui-même, qui est la chose principale ; et les prières
qui y sont faites pour les vivants et pour les morts.
(S. Thomas, IIIa, q. 82, a. 6, corp.)
(Troisième sens des paroles Hoc facite...)
74. En tenant compte de la notion
propre de mémoire, c'est-à-dire en tenant compte du fait que la mémoire
relie le passé au présent, il faut affirmer que, si Marie-Médiatrice
proclame, par mode de mémoire, les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, elle le
fait relativement à la notion de temps, qui peut se définir la durée
passant entre deux instants de vie. Ainsi, Marie-Médiatrice proclame les
paroles Hoc facite... dans le
temps compris entre l'instant de la consécration et celui de la communion
sacramentelle. Mais, ce qu'il importe de remarquer ici, c'est que, pour
pouvoir se souvenir de l'instant passé dans l'instant présent, la mémoire a
dû nécessairement être agissante dans l'instant passé, en enregistrant et
en mémorisant ce même instant passé. Donc, on doit tenir en compte que la
mémoire, pour pouvoir relier le passé au présent, doit être considérée
comme étant pleinement en relation tant avec le passé qu'avec le présent.
Comme, par rapport à la notion de temps, le passé est, de soi, distinct du
présent, on voit clairement, de ce qui précède, que la mémoire sert
véritablement d'intermédiaire entre le passé et le présent. Enfin, étant
donné que la mémoire est et ne peut pas ne pas être nécessairement
spirituelle (en vertu de son rapport modal avec la divinité - voir n° 73),
il faut déclarer nettement que la mémoire est la faculté humaine
spirituelle servant de médiatrice entre le passé et le présent, les
unissant tous deux dans l'éternel présent de Dieu. Par conséquent, lorsque
Marie-Médiatrice prononce les paroles Hoc facite in
meam commemorationem, entre l'instant de la
consécration et celui de la communion sacramentelle, on doit penser et
croire absolument qu'elle agit véritablement en médiatrice du temps compris
entre la consécration et la communion sacramentelle, et ce, relativement au
mode de mémoire, tel que nous l'envisageons. Tout ceci permet alors de dire
certainement que, lorsque les paroles du Seigneur Hoc
facite in meam commemorationem sont prononcées par
Marie-Médiatrice, par mode de mémoire, elles le sont - mystiquement,
relativement à la médiation de Marie - au milieu précis du temps compris
entre l'instant de la consécration et celui de la communion sacramentelle.
(Sens final des paroles Hoc facite...)
75. Compte tenu de ce qui a été affirmé
précédemment au sujet des paroles Hoc facite in meam
commemorationem ; étant donné, d'une part, que ces
mêmes paroles se prononcent, non pas en un instant, mais bien durant un
certain temps ; et étant donné, d'autre part, que le milieu du temps
compris entre la consécration et la communion sacramentelle est pleinement
et uniquement fondée sur la notion propre de mémoire; on doit aussi et
finalement affirmer que les paroles Hoc facite in
meam commemorationem sont prononcées par
Marie-Médiatrice, mystiquement, et par mode de mémoire, de telle sorte que
le milieu précis du temps compris entre l'instant de la consécration et
celui de la communion sacramentelle est exactement situé entre la fin des
paroles Hoc facite et le début
des autres in meam commemorationem. C'est là, dans ce que nous venons de dire, que se trouve le sens
final, plénier (voir n° 69), des paroles Hoc facite
in meam commemorationem, et partant, ce en quoi
consiste toute la réalisation en acte du sacramentum
Ecclesiae, relativement au ministère trinitaire et
marial de Képhas. En d'autres mots, il faut admettre fondamentalement, et
d'une manière mystique, que les mots Hoc facite sont prononcés dans un temps nécessairement plus proche de l'acte
de la consécration que de celui de la communion ; et que les mots in meam commemorationem sont prononcés dans
un temps nécessairement plus proche de l'acte de la communion que de celui
de la consécration.
(Hoc facite et in meam commemorationem : conséquence)
76. Quoique, en tant que médiateur
d'ordre corporel, les paroles du Seigneur Hoc facite
in meam commemorationem concernent, toutes ensemble,
et l'acte de la consécration, et celui de la communion (voir n° 59), il est
manifeste - en vertu de ce que nous venons d'établir - que, temporellement,
ce ne sont que les paroles Hoc facite qui se rapportent à l'acte de la consécration, et ce ne sont que
les paroles in meam commemorationem qui se rapportent à l'acte de la communion. Or, cela revient à
dire que c'est proprement par rapport à l'acte de la communion que les
paroles Hoc facite in meam commemorationem doivent être entendues et comprises par mode de mémoire. Donc, le
fait d'attribuer en propre les paroles Hoc facite à l'acte de la consécration, et les paroles
in meam commemorationem à l'acte de la communion, ce
fait a pour conséquence que toutes les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, que le
mode de mémoire caractérise absolument et nécessairement, doivent être
considérées comme directement relatives à l'acte de la communion, et comme
indirectement relatives à l'acte de la consécration, ainsi que nous
l'avions déjà montré ci-dessus (voir n° 59). Finalement, étant donné que
les paroles du Seigneur Hoc facite in meam
commemorationem sont l'expression divine du moyen par
lequel se réalise et s'édifie le sacramentum Ecclesiae (voir n° 52), tout ce qui précède permet d'affirmer nettement que
c'est directement dans et par l'acte de la communion eucharistique, et
indirectement dans et par l'acte de la consécration du pain et du vin au
Corps et au Sang du Christ, que l'Église-Sacrement peut exister, croître,
et grandir dans le Christ, relativement au ministère trinitaire et marial
de Képhas.
*
* *
(Hoc facite : commentaire détaillé)
77. Dans la mesure où les paroles du
Seigneur Hoc facite in meam commemorationem sont à l'origine des deux sacrements de l'Ordre et de
l'Eucharistie (à ce sujet, voir nos 50 et 52) ; et dans la mesure aussi où le sacrement de l'Ordre
est au service du sacrement de l'Eucharistie (voir n° 51) ; il apparaît
clairement - en nous basant sur ce que nous venons de conclure - que les
paroles Hoc facite sont
l'expression du sacrement de l'Ordre ordonné à l'acte de la consécration du
pain et du vin au Corps et au Sang du Christ; et que les paroles in meam commemorationem sont l'expression du
sacrement de l'Ordre ordonné à l'édification du
sacramentum Ecclesiae par l'acte de la communion au
Corps et au Sang du Christ. Or, pour ce qui regarde les paroles Hoc facite, on peut dire que, par cette
expression, le Christ a transmis aux Apôtres - donc, à Képhas - et à leurs
successeurs, les Évêques, l'Ordre de ré-actualiser son sacrifice, qu'il
venait d'accomplir par la consécration du pain et du vin en son Corps et en
son Sang. Or, le Christ ne s'est offert en sacrifice pour la Rédemption du
monde que sur l'Ordre même de son Père, pour accomplir sa Volonté : cette
action sacrificielle n'est autre que l'accomplissement d'un Ordre divin.
Donc, par ces paroles Hoc facite, le Christ a donné aux Apôtres l'Ordre d'accomplir une action
proprement divine, c'est-à-dire l'Ordre même qu'il a reçu de son Père.
(Suite du même sujet)
78. Relativement à l'Ordre divin
transmis par le Christ aux Apôtres et à leurs successeurs, il est manifeste
puisque ces mêmes Apôtres et tous ceux qui leur succèdent ne sont que des
hommes - qu'ils ne peuvent accomplir cet Ordre divin qu'au nom du Christ,
qui seul est Dieu et Homme : ils agissent ainsi in
persona Christi (S. Thomas, IIIa, q. 82, a. 7, ad 3).
Par le fait même, le pouvoir dont les Apôtres, et leurs successeurs les
Évêques, jouissent pour accomplir l'Ordre du Christ exprimé par les paroles Hoc facite est nécessairement un pouvoir
divin. Or, comme l'action correspondant à ce pouvoir n'est autre que
l'accomplissement de la Volonté du Père dans et par le Fils, on peut dire
que ce pouvoir est la toute-puissance même de l'Esprit-Saint ; autrement
dit, il s'agit de la toute-puissance émanant de la Personne divine qui,
d'une part, procède du Père et du Fils par mode de volonté, mais qui,
d'autre part, est aussi et tout à la fois celle qui procède du Père par le
Fils, si l'on considère que, dans l'Acte sacrificiel rédempteur, accompli par l'Esprit éternel (He. 9, 14), le Fils
n'exécute pas, par mode de volonté, son Ordre propre, mais bien celui du
Père, dont ce même Ordre émane originairement. En effet, la sainte Eucharistie contient (...) le Christ lui-même, (...)
dont la chair, vivifiée par l'Esprit-Saint et vivifiante, donne la vie aux
hommes, les invitant et les conduisant à offrir, en union avec lui, leur
propre vie. (Concile Vatican II, Presbyterorum
ordinis, n° 5) Ainsi donc, les paroles du Seigneur
Hoc facite sont pleinement l'expression de l'Ordre du
Père à son Fils éternel, Ordre reposant sur le Christ avec la
toute-puissance de l'Esprit-Saint, et Ordre ordonné à une action absolument
et exclusivement divine : celle dans laquelle le sacrifice du Christ est
ré-actualisé par la consécration du pain et du vin au Corps et au Sang du
Christ.
(in meam
commemorationem : commentaire détaillé)
79. Par ces autres paroles in meam commemorationem, le Christ a
transmis aux Apôtres - donc, à Képhas - et à leurs successeurs, les
Évêques, son Ordre personnel, l'Ordre de se souvenir de lui, afin que, par
la communion à son Corps et à son Sang, l'Église - son Corps mystique -
puisse s'édifier, grandir, et croître en lui. Or, ainsi qu'il apparaît par
ces paroles in meam commemorationem, l'Ordre personnel du Christ est conféré par mode de mémoire :
c'est par l'intermédiaire du vocable propre de mémoire que le Christ a transmis aux Apôtres son Ordre personnel. Donc,
il s'agit ici d'un Ordre proprement humain, personnel au Christ, conféré
par mode de mémoire. Cependant, cet Ordre personnel du Christ,
quoiqu'humain, reste du domaine véritablement sacramentel, et donc divin,
ordonné pleinement à l'édification du sacramentum
Ecclesiae. En effet, si l'Ordre personnel du Christ
est conféré par mode de mémoire, cela revient à dire que ce même Ordre se
trouve enregistré dans la propre mémoire du Christ, et que, par le fait
même, cet Ordre personnel du Christ est proprement relatif à un temps
passé, par rapport au temps présent où le Christ profère les paroles in meam commemorationem. Or, étant donné que
les paroles in meam commemorationem se rattachent grammaticalement à ces autres paroles Hoc facite, il est tout à fait clair que les
paroles Hoc facite in meam commemorationem sont, toutes ensemble, unies dans l'esprit humain du Christ,
lorsqu'il les conçoit intérieurement, par grâce, dans le passé, avant de
les proférer, dans le présent, par sa bouche. Ainsi, de ce qui précède, on
doit penser et croire sans hésiter que l'Ordre personnel du Christ, qui est
enregistré dans la mémoire du même Christ, est et ne peut pas ne pas être
l'Ordre divin transmis aux Apôtres par l'intermédiaire des paroles Hoc facite, Ordre divin considéré non pas en
lui-même (ce qui est pleinement relatif aux mêmes paroles Hoc facite), mais bien considéré selon le
mode de la mémoire (ce qui est pleinement relatif aux paroles in meam commemorationem).
Finalement, comme
il s'agit ici de l'Ordre du Christ qui lui est véritablement personnel (en
vertu des paroles in meam) ; et
comme le mode de mémoire est, de soi, le mode en vertu duquel Dieu Créateur
et la personne humaine sont simplement semblables entre eux (voir n° 71) ;
on doit admettre sans conteste que l'Ordre personnel du Christ est un Ordre
proprement humain qui, parce qu'il est simplement semblable à l'Ordre du
Père à son Fils transmis aux Apôtres par mode de mémoire, est et demeure
toujours du domaine sacramentel et divin. Tout ceci est d'ailleurs confirmé
par cet extrait de la prière sacerdotale du Christ à son Père : Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés
dans le monde. Je me consacre moi-même pour eux, afin qu'ils soient
consacrés à leur tour par la vérité. (Jn. 17, 18-19)
(Suite du même sujet)
80. Dans la mesure où les paroles du
Seigneur in meam commemorationem
se rapportent, de soi, à l'acte de la communion sacramentelle (voir n° 76),
l'Ordre personnel du Christ, en tant qu'Ordre proprement humain, trouve
originairement son sens et sa signification dans ces autres paroles : Prenez et mangez... Buvez-en tous... (Mt.
26, 26-27) Ces dernières paroles, exprimant par elles-mêmes l'Ordre
personnel du Christ concernant la communion à son Corps et à son Sang
présents sous forme de nourriture ou de boisson, peuvent alors être
considérées comme l'expression de la plénitude du sacrement de l'Ordre, et,
par le fait même, de celui de l'Eucharistie, auquel le sacrement de l'Ordre
est ordonné, ou encore, en résumé, de la célébration
eucharistique, culminant dans la communion. (S.S.
Jean-Paul II, Allocution du 11 novembre 1992) Mais, de tout ceci découle le
fait que l'Ordre personnel du Christ, qui est un Ordre proprement humain,
doit être considéré tant spirituellement - relativement aux paroles du
Seigneur in meam commemorationem
- que corporellement - relativement aux paroles parallèles : Prenez et mangez... Buvez-en tous... Par
conséquent, en vertu de ce qui précède, il est tout à fait permis
d'affirmer que le pouvoir dont les Apôtres, et leurs successeurs les
Évêques, jouissent pour accomplir l'Ordre personnel du Christ est
nécessairement un pouvoir humain qui est tant spirituel que corporel. Or,
il est manifeste que le pouvoir, qui est d'ordre spirituel, et qui est
ordonné à l'acte de la communion eucharistique, n'est pas humain, mais bien
divin : la grâce. Aussi, le pouvoir nécessaire à l'accomplissement de
l'Ordre personnel du Christ est et n'est que corporel, car humain.
Comme nous avons
vu, lors de nos Préliminaires
(EECC, n° 26), que, pour pouvoir communier corporellement au Corps et au
Sang du Christ, le seul et unique moyen - en tant que médiateur d'ordre
corporel - est Marie-Médiatrice en personne, il est tout à fait clair que
le pouvoir corporel nécessaire à l'accomplissement de l'Ordre personnel du
Christ n'est autre que celui de Marie-Médiatrice, la Vierge puissante de la
Nativité (se référer à EECC, n° 45). Finalement, pour conclure ce
commentaire des paroles in meam commemorationem, disons que ces mêmes paroles sont pleinement l'expression de
l'Ordre personnel du Christ ordonné à une action proprement humaine et
mystique, car corporelle (relativement à la médiation de Marie) : celle de
la communion eucharistique, moyen d'édification du Corps mystique du
Christ, par Marie, avec Marie, en Marie, et pour Marie.
(Essence constitutive du caractère
épiscopal)
81. Compte tenu de tout ce qui a été
énoncé dans ce livre au sujet des paroles du Seigneur
Hoc facite in meam commemorationem, nous pouvons dire
en définitive, et nous affirmons nettement que le caractère épiscopal, si,
dans son essence relationnelle, il configure au Christ-Total (qui est
Marie-Médiatrice - voir nos 44
et 45), alors, dans son essence constitutive, il est un pouvoir, d'ordre
sacramentel et divin, permettant de rendre présent - par mode de nutrition,
dans l'acte de la communion eucharistique - la plénitude absolue et totale
du Christ, considéré Tête et Corps tout ensemble et inséparablement, et ce,
d'une manière encore invisible, anticipant mystérieusement le mode visible
et manifeste de la Révélation de Dieu au dernier Jour. Et, pour conclure
cette étude du ministère trinitaire et marial de Képhas, repassons dans
notre mémoire les paroles du Seigneur que nous venons d'analyser, et
méditons-les.
Imaginons que,
pour les paraphraser, le Christ pourrait nous dire :
Consacrez ce pain et ce vin comme vous me l'avez vu faire : je changerai ce
pain en mon Corps, ce vin en mon Sang. Ainsi, vous annoncerez ma mort
douloureuse sur la Croix et vous vous souviendrez de ce que j'ai fait pour
vous, jusqu'à quel point je vous ai aimés pendant ma vie mortelle :
aimez-moi et offrez-vous avec moi. Souvenez-vous aussi que je suis
ressuscité d'entre les morts et que je suis au Ciel assis à la droite de
mon Père. Là, dans la gloire céleste, mes plaies glorieuses resplendissent
d'une vive clarté qui fait le bonheur éternel des anges et des élus. Là,
mon sacrifice apparaît glorieux et de mon Coeur débordent des trésors
infinis de grâces qui rassasient les élus du Ciel, soulagent les âmes du
Purgatoire, et inondent la terre pour la purifier davantage de ses
souillures et pour l'élever vers le firmament. Souvenez-vous aussi que je
suis votre nourriture et votre vie, et que je désire vivre en vous afin que
vous aussi vous viviez en moi, dès ici-bas, et au Ciel pour l'éternité,
participant au banquet des noces de l'Agneau. Souvenez-vous aussi que je
vous attends là-haut; que je viens sur l'autel, voilé sous les apparences
du pain et du vin, pour venir vous chercher et vous emmener avec moi dans
le séjour des bienheureux. Aussi, souvenez-vous que je dois revenir
bientôt, non plus caché, mais au grand Jour, dans la gloire, pour juger les
vivants et les morts. Souvenez-vous... Souvenez-vous...
L'ACTION DE MARIE-MÉDIATRICE
DANS LA DIVINE TRINITÉ
82. Sur l'Ordre du Seigneur lui-même,
le Pape, et donc Képhas, exerce son ministère trinitaire en communiant
marialement au Christ-Eucharistie, anticipant ainsi sacramentellement la
Révélation divine de la fin des temps : c'est le résumé des pages qui
précèdent. Par là même, utilisant le moyen qui est l'Eucharistie envisagée
comme communion - mis par la Divine Providence à la disposition de
Marie-Médiatrice pour révéler tout le Mystère de la Sainte Trinité, le
Pontife Romain réalise véritablement son salut - quoique d'une manière
sacramentelle - par Marie, avec Marie, en Marie, et pour Marie, son Épouse
dans le Christ (à ce sujet, voir n° 12). Cela revient à dire que, configuré
à Marie-Médiatrice, en tant que Christ-Total, par le caractère épiscopal,
le Pape, par la grâce de Dieu, s'unit au Christ-Eucharistie par mode de
relation d'union sponsale (voir nos 44 et 45) ; et donc, cela permet d'affirmer sans aucun doute que,
relativement à la médiation de Marie, le Christ et l'Église, représentée
sacramentellement et mystiquement par le Pape, sont Époux l'un de l'autre.
Comme Marie est la première de tous les fidèles, et leur modèle dans le
Christ, tout ceci suppose, de soi, que l'Épouse du Pape est d'abord et
fondamentalement Épouse du Verbe incarné, son Fils selon la chair, et par
là, Épouse de toute la Divine Trinité.
83. Ainsi, comme nous l'avions annoncé
(voir n° 11), nous sommes amenés, dans la logique des choses, à considérer
Marie-Médiatrice dans son action au sein des Trois Personnes divines. Or,
relativement à l'acte de la communion eucharistique accompli par le Pape en
général, et par Képhas en particulier, Marie-Médiatrice doit être
considérée uniquement selon son corps, comme médiateur d'ordre proprement
corporel (voir n° 80) : il faut envisager Marie-Médiatrice comme
intermédiaire entre le Christ et l'Église, servant de point milieu entre
les deux termes extrêmes de sa médiation (à ce sujet, consulter EECC, n°
52). Mais ici, Marie-Médiatrice est regardée comme étant fondamentalement
une fidèle - quoique la première - parmi les autres fidèles (voir n° 82).
Donc, Marie-Médiatrice, tout en étant le point milieu de sa médiation, est
aussi, et tout en même temps, l'un des termes extrêmes de cette même
médiation, relativement à la notion de médiateur d'ordre proprement
corporel, tout ceci ne peut se comprendre que dans la mesure où le terme
milieu et chacun des deux termes extrêmes de la médiation de Marie se
confondent simplement et absolument. Par conséquent, il y a identité
corporelle, d'ordre mystique, entre les deux termes extrêmes de la
médiation de Marie, lorsque cette dernière est considérée comme une simple
fidèle (à ce sujet, voir n° 23), ce qui est le cas ici.
84. Mystiquement, il y a identité
corporelle entre le Christ et Marie-Médiatrice. Or, relativement à l'acte
de la communion eucharistique, dont il s'agit ici (voir n° 83), le Christ
est celui qui, par Marie-Médiatrice, révèle tout le Mystère trinitaire, il
est celui qui est à la fois le médiateur et la
plénitude de toute la Révélation. (Concile Vatican
II, Dei Verbum, n° 2) Donc, on peut dire que Marie-Médiatrice est aussi,
quoique mystiquement, la plénitude de toute la Révélation, ainsi qu'elle
l'a déclaré elle-même : Je suis la VIERGE DE LA
REVELATION. (Apparition du 12 avril 1947, à Rome -
cf. Mgr Fausto Rossi, La Vierge de la Révélation, p. 18) Mais, d'une part,
le concept propre de Révélation trouve sa parfaite expression dans le fait
que le Père communique au monde sa Parole qu'il engendre, en tant que Fils,
dans la procession éternelle de l'Esprit-Saint : la Révélation est l'acte
de la Vie divine trinitaire ad extra (se référer à EECC, n° 36) ; d'autre part, Marie-Médiatrice,
envisagée dans sa dimension personnelle, est uniquement humaine, et non
divine, à l'encontre du Christ qui, lui, est tout à la fois Dieu et Homme.
Par conséquent, on peut affirmer que Marie-Médiatrice - si elle est, dans
son identité mystique corporelle avec le Christ, la plénitude de toute la
Révélation - n'est autre que l'expression humaine de toute la Très Sainte
Trinité : toute la personne de Marie-Médiatrice, entendue corps et âme (en
tant que médiateur et fidèle), réalise en elle tout le Mystère de la Divine
Trinité, en tout ce que cette dernière a de communicable dans le Christ.
Par le fait même, il faut affirmer nettement qu'il existe entre la Très
Sainte Trinité et la personne de Marie-Médiatrice une similitude totale et
parfaite : Marie-Médiatrice, considérée corps et âme, est véritablement
semblable à Dieu-Trinité (voir nos 30 et 70 - voir aussi EECC, n° 56).
85. Dans le Christ et par sa médiation,
Marie-Médiatrice est semblable à la Divine Trinité, qu'elle reflète à la
face du monde, dans son corps et dans son âme. Or, on peut aller jusqu'à
affirmer que, dans la personne du Christ, la Divinité du Verbe et
l'Humanité assumée par elle sont unies simplement entre elles par le type
de l'union sponsale : «Sponsus atque sponsa, Dominus noster est in corpore
Deus» C'est en tant qu'époux et épouse, que notre
Seigneur est Dieu dans un corps. (Saint Hilaire de
Poitiers, Homélie sur Saint Matthieu, C. 27, n. 4 - PL 9, 1059) De plus,
comme toute union sponsale suppose un échange réciproque, par mode de don,
entre l'époux et l'épouse, il est juste de dire qu'entre le Verbe et son
Humanité il y a don de l'un à l'autre, ou encore que le Verbe divin est
dans l'Humanité du Christ, et que le Christ-Homme est dans la Divinité du
Verbe : «O admirabile commercium!» : O échange admirable ! (...) C'est avant tout
la nuit de la Naissance du Seigneur qui le proclame.
Dieu s'est fait homme pour que l'homme put devenir Dieu. (S.S. Jean-Paul
II, Discours du 21 décembre 1993) Par conséquent, on doit penser et croire
que, en vertu de l'identité corporelle - d'ordre mystique - entre le Christ
et Marie-Médiatrice, il existe une union sponsale entre la Très Sainte
Trinité et Marie-Médiatrice, union sponsale qui suppose, de soi, que toute
la Divine Trinité est en Marie-Médiatrice, et que cette dernière est dans
la Divine Trinité.
86. Si, en tant qu'épouse,
Marie-Médiatrice est dans la Très Sainte Trinité, cela permet de dire qu'il
y a réellement et indissolublement - en vertu du lien d'union sponsale -
une présence humaine, et donc non-divine, dans la Très Sainte Trinité,
présence humaine qui sert de moyen et d'intermédiaire dans la communication
de Dieu-Trinité aux hommes, par mode de Révélation. Or, quoique l'humanité
du Christ soit - hors mis le péché - parfaitement semblable à notre propre
humanité, néanmoins, la personne humaine de Marie-Médiatrice est plus
parfaitement semblable à toutes et à chacune des personnes humaines qui
composent l'Église, puisque, d'une part, le Christ est l'Homme parfait dont
la foi - entendue seulement dans son aspect corporel (à ce sujet, voir n°
27), à l'exclusion de son aspect spirituel - est louée par les Saintes
Ecritures (cf. Ga. 3, 22 ; Ep. 3, 12) ; et d'autre part, Marie-Médiatrice
est la Femme parfaite qui a vécu de foi, ainsi que nous : Le Concile dit que, intimement présente... à
l'histoire du salut, Marie rassemble et reflète en elle-même d'une certaine
façon les requêtes suprêmes de la foi. (Lumen
gentium, n° 65) Au milieu de tous les croyants, elle est comme un miroir dans lequel se reflètent les merveilles de Dieu (Ac. 2, 11) de la
manière la plus profonde et la plus limpide. (S.S.
Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris Mater, n° 25) Donc, bien plus que l'humanité du Christ lui-même, c'est
la personne humaine de Marie-Médiatrice que nous devons considérer comme le
moyen le plus parfaitement adéquat quant au fait de la Révélation
trinitaire : Marie-Médiatrice est celle qui doit nous servir de point de
comparaison et de lieu de passage obligé pour toute connaissance du Mystère
trinitaire.
87. S'il est vrai de dire que
Marie-Médiatrice est parfaitement semblable à nous parce que, comme nous,
elle a vécu de foi, il serait tout aussi vrai d'affirmer, à première vue,
que Marie-Médiatrice diffère autant de nous que le Christ depuis l'instant
précis où elle a quitté cette terre pour entrer, corps et âme, dans la
gloire du Paradis, c'est-à-dire depuis le moment de son Assomption au Ciel.
Or, en réalité, il n'en est rien. En effet, en vertu de l'identité
corporelle, d'ordre mystique, entre le Christ et Marie-Médiatrice lorsque
cette dernière est considérée comme une simple croyante (voir n° 83), il
est tout à fait permis de penser et de dire que, lors de son Ascension au
Ciel, le Christ, vrai Dieu et vrai Homme, a également, en plus de sa propre
humanité - d'une manière absolument réelle, quoique mystique - introduit
dans la gloire céleste tout ce que la personne même de Marie-Médiatrice
possède de communicable par voie de médiation. Autrement dit, tout en
restant sur terre avec les Apôtres (cf. Ac. 1, 14), et donc, tout en
demeurant une personne humaine membre de l'Église et vivant intérieurement
de foi, Marie-Médiatrice est déjà participante de la gloire céleste si on
la considère comme médiateur d'ordre corporel, c'est-à-dire comme
réellement présente et agissante dans le Christ et dans l'Église, termes
extrêmes de sa médiation, qui lui donnent l'être et l'agir (se référer à
EECC, n° 52).
88. D'ailleurs, cette anticipation -
par la médiation du Christ - de l'Assomption de Marie lors de l'Ascension
de son Fils est attestée par la Tradition de l'Église. Ainsi, un ancien
auteur écrit : Tous les disciples, avec la
bienheureuse Vierge, étant arrivés au mont des Olives, Jésus se fit voir à
eux avec un visage doux et brillant d'une lumière extraordinaire (...)
Marie, en sa qualité de mère, eut cet avantage qu'elle baisa la plaie du
coeur, où elle aurait bien désiré entrer afin de monter, si elle eût pu,
avec son Fils dans le ciel. (Vénérable Père Louis du
Pont, Méditations, Ve Partie, XVIIIe Méditation - p. 585) - (Au sujet du
Père Louis du Pont, voir EECC, n° 16) Et un autre auteur, du XIXe siècle,
déclare : L'âme de la bienheureuse Vierge aurait
constamment et jusqu'au bout suivi Jésus montant au Ciel (...) Considérant
l'ascension de son Fils, soit dans une lumière accidentelle de gloire, soit
seulement à la clarté d'une foi suréminente, doublée de la science la plus
élevée dont l'Esprit-Saint puisse doter ici-bas une simple créature, Marie,
par l'excellence de sa religion et l'ardeur de sa charité, donna à elle
seule plus d'honneur et de joie à Jésus dans ce mystère, qu'il n'en reçut
de cette troupe comme infinie d'anges et de saints qui montaient avec lui
(...) Cette ascension spirituelle de la sainte Vierge acheva de faire
fleurir en elle tout ce que Dieu y avait semé de germes au courant de sa
vie, et surtout durant la Passion. Ce fut comme la glorification anticipée
de tout son intérieur, et le prélude de son Assomption. (Mgr L.-Charles Gay, Entretiens sur les mystères du Saint
Rosaire, Tome II, pp. 264-265)
Mais, finalement,
tout ce qui vient d'être dit trouve sa confirmation dans ce passage de
l'Écriture qui affirme : Ce Jésus qui vient de vous
être enlevé vers le ciel, en reviendra de la même manière que vous l'y avez
vu monter (Ac. 1, 11), puisque le mode de l'Ascension
- qui est donc celui de la Parousie - est proprement corporel et mystique
(le mystère résidant dans le fait que le dernier Jour n'est connu que du
Père - cf. Mt. 24, 36), et que, à la fin des temps, le Christ et
Marie-Médiatrice (ainsi que l'Église en la plénitude de ses membres) ne
font tous mystiquement qu'un seul corps (voir n° 24).
89. Par conséquent, en vertu de ce qui
précède, il est hors de doute que Marie-Médiatrice est plus parfaitement
semblable que le Christ à tous et à chacun des fidèles qui composent
l'Église, comprise depuis la Pentecôte jusqu'à la fin des temps, puisque,
dès avant la Pentecôte, Marie participait corps et âme - mystiquement - à
la gloire du Ciel, et que, par le fait même, la vie de foi de
Marie-Médiatrice considérée comme un membre
suréminent et absolument unique de l'Église, modèle et exemplaire
admirables pour celle-ci dans la foi et dans la charité (Concile Vatican II, Lumen gentium, n° 53) comprenait par
elle-même et en elle-même le Mystère glorieux de son Assomption au Ciel.
C'est donc bien
par l'intermédiaire et par le moyen de la personne humaine de
Marie-Médiatrice, Épouse de la Très Sainte Trinité, que nous devons aller,
dans le Christ, au sein de la Divinité pour y contempler la Vie des Trois
Personnes consubstantielles, dans l'acte de la communion eucharistique,
entendu avec ses caractéristiques propres (toujours implicitement admises)
: la plénitude des temps, ou la fin des temps, par mode d'anticipation
(voir n° 67), et, par le fait même, la règle d'association simple et une
entre la Révélation divine et la philosophie humaine (se référer à EECC, nos 39 et 40), règle dans laquelle la
référence de base est la philosophie humaine.
*
* *
90. Par la Volonté de Dieu, manifestée
et réalisée par le Mystère de l'Ascension du Christ, qui est l'Homme-Dieu,
la présence humaine unie et demeurant indissolublement associée, d'une
manière simple et une, à la Divine Trinité est la personne de
Marie-Médiatrice, son Épouse dans le Christ : par la médiation du Christ
lui-même, c'est Marie-Médiatrice qui est, par volonté divine, notre
intermédiaire, ou notre médiateur auprès de la Très Sainte Trinité dans la
mesure où cette dernière se communique à nous par mode de Révélation (voir
n° 89). Par le fait même, la Divine Trinité introduit en elle-même - parce
qu'elle l'a voulu ainsi en désirant se révéler au monde - un élément
humain, non-divin dont la caractéristique essentielle et fondamentale est
d'être médiateur, c'est-à-dire moyen d'unification. Comme Marie-Médiatrice,
dans l'exercice de sa médiation, doit être regardée comme un médiateur
d'ordre corporel, il est clair que, en voulant se révéler elle-même à nous,
les hommes, la Très Sainte Trinité a introduit en elle, par la personne
humaine de Marie-Médiatrice, toute la notion de médiateur corporel, notion
qui, en vertu de l'union sponsale entre la Divine Trinité et
Marie-Médiatrice, est absolument et indissolublement unie, d'une manière
simple et une, à toute la quintessence communicable et connaissable du
Mystère des Trois Personnes divines.
91. La notion de médiateur d'ordre
corporel est introduite et insérée, comme élément indissociable, dans la
Très Sainte Trinité, par la personne même de Marie-Médiatrice. Or, cette
dernière, si elle est Celle qui est dans la Divine Trinité, est aussi et
tout en même temps Celle qui, en tant qu'épouse, est la personne humaine
membre de l'Église en laquelle habite et demeure toute la Très Sainte
Trinité, dans le Christ (voir n° 85). De plus, c'est dans la mesure où
Marie-Médiatrice exerce sa médiation auprès de sa propre personne que la
Très Sainte Trinité est en Marie-Médiatrice par mode de Révélation (se
référer à EECC, n° 26). Il s'ensuit donc que la notion de médiateur d'ordre
corporel est introduite au sein du Mystère trinitaire par la personne de
Marie-Médiatrice si celle-ci est considérée dans l'exercice de sa médiation
auprès de sa propre personne. Par le fait même, nous devons envisager
Marie-Médiatrice comme la personne humaine qui, dans le Christ, se révèle à
elle-même tout le Mystère trinitaire, si nous voulons comprendre par là
toute l'essence même de la notion de médiateur d'ordre corporel dans sa
relation intime et connexe avec la Divine Trinité.
92. Considérer Marie-Médiatrice comme
médiateur d'ordre corporel suppose, de soi, que la personne humaine de
Marie - quoique toujours composée d'un corps et d'une âme - soit envisagée
uniquement selon son corps matériel et organique (voir n° 83 - voir EECC,
n° 52). Aussi, si Marie-Médiatrice exerce auprès d'elle-même sa médiation
dans le but de recevoir de Dieu-Trinité, dans le Christ, sa Vie même par
mode de Révélation, il faut affirmer sans hésiter que la personne de
Marie-Médiatrice, envisagée uniquement selon son corps, est réduite -
mystiquement (selon l'ordre de sa médiation) - à un simple point (voir n° 30), lieu géométrique
considéré mathématiquement comme le centre exact, et donc le milieu précis,
de tout le corps matériel qui entre dans la composition de la personne
humaine de Marie-Médiatrice, et qui, s'il est considéré en lui-même
(c'est-à-dire indépendamment de l'âme qui l'informe), est un ensemble de
multiples éléments infiniment petits appelés mathématiquement points. Par conséquent, en vertu de
l'identité corporelle, d'ordre mystique, entre le Christ et
Marie-Médiatrice (voir n° 83), lorsque cette dernière est considérée comme
simple fidèle (ce qui correspond pleinement au cas que nous traitons), le
Christ-Homme doit, lui aussi, être considéré comme réduit mystiquement à un point corporel et matériel, point qui, premièrement, est nécessairement
différent de celui auquel Marie-Médiatrice est mystiquement réduite,
puisque le Christ et Marie-Médiatrice sont des personnes essentiellement
différentes ; et deuxièmement, est celui dont la distance qui le sépare du point auquel Marie-Médiatrice est
mystiquement réduite tend vers l'infiniment petit, puisque le Christ et
Marie-Médiatrice ne réalisent à eux deux qu'une seule médiation (cf. 1 Tm.
2, 5). Or, d'une part, si ainsi que nous venons de le voir - l'élément
médiateur (qui est Marie-Médiatrice) est mystiquement réduit à un point
considéré mathématiquement ; et d'autre part, si - pareillement - un des
termes extrêmes de la médiation (qui est le Christ) est, lui aussi,
mystiquement réduit à un point
mathématique différent du précédent ; il s'ensuit que, géométriquement
parlant (ce qui doit se faire dans notre propos), l'autre terme extrême de
la médiation, savoir l'Église, doit aussi et nécessairement être réduit à
un point mathématique, de sorte
que les trois points en question, c'est-à-dire le point milieu et les deux
points extrêmes, constituent ensemble un segment de droite dont la longueur
tend vers l'infiniment petit.
93. Dans l'exercice de sa médiation
corporelle auprès d'elle-même, Marie-Médiatrice envisagée uniquement selon
son corps, ainsi que le corps du Christ lui-même et le corps de toutes et
de chacune des personnes qui composent l'Église, doit être mystiquement
considérée comme un point
mathématique. Or, pour pouvoir agir (et c'est ce dont il est question ici,
puisque nous traitons de l'exercice de la médiation de Marie auprès
d'elle-même), Marie-Médiatrice a nécessairement besoin de l'organe corporel
de la tête : si une personne humaine peut, éventuellement, agir sans
l'intervention d'un bras ou d'une jambe (lorsque, par exemple, l'un ou
l'autre a été amputé), par contre nul ne peut agir sans sa propre tête. De
plus, il est hors de doute que le point central, ou le milieu géométrique
du corps humain - quelle que soit la personne à laquelle il appartient -
n'est pas un des éléments de la tête, mais bien un de ceux du corps, ou de
tout ce qui n'est pas la tête. Donc, il est clair que Marie-Médiatrice ne
peut agir par elle-même si, mystiquement, son corps est envisagé comme un point mathématique. Mais, étant donné,
premièrement, qu'il existe une identité corporelle, d'ordre mystique, entre
le Christ et Marie-Médiatrice envisagée comme simple fidèle (voir n° 83) ;
et deuxièmement, que, par le fait même, le Christ lui-même doit être
considéré pareillement comme un point mathématiquement en relation et en union avec le point auquel est
réduit le corps de Marie-Médiatrice (voir n° 92) ; on peut conclure, de
tout ce qui précède, que c'est le Christ en personne qui, par sa médiation,
permet à Marie-Médiatrice d'agir et d'exercer sa propre médiation
corporelle, et ce, dans la mesure absolue et exclusive où le corps du même
Christ est mystiquement considéré comme réduit à tous et à chacun des
points ou éléments infiniment petits qui composent la tête de
Marie-Médiatrice. Cependant, vu que les deux termes extrêmes de la
médiation de Marie sont indissociables l'un de l'autre et se répondent
symétriquement - car mathématiquement - l'un à l'autre, il faut aussi et
nécessairement affirmer, conjointement à ce que nous venons de dire à
propos du Christ, que l'Église, comprise en tous et en chacun de ses
membres, permet - dans son union au Christ-Médiateur - à Marie-Médiatrice
d'agir et d'exercer sa médiation en tant que médiateur d'ordre corporel, et
ce, dans la mesure absolue et exclusive où le corps de tous et de chacun
des membres de l'Église est mystiquement considéré comme réduit,
premièrement, de soi, à tous et à chacun des points ou éléments infiniment
petits qui composent les pieds de Marie-Médiatrice, et deuxièmement, par
extension, à tous les points qui composent tout ce qui n'est pas la tête de
Marie-Médiatrice.
94. L'agir de Marie-Médiatrice
envisagée comme médiateur d'ordre corporel dans l'exercice de sa médiation
auprès d'elle-même, dépend pleinement et absolument de la réduction
mystique du Christ et de l'Église, respectivement, à la tête et au corps de
Marie-Médiatrice (voir n° 93). Par le fait même, la réduction mystique dont
nous venons de parler ne peut être le résultat d'une action de
Marie-Médiatrice elle-même. Par conséquent, cette même réduction mystique
est nécessairement le résultat d'une action accomplie par tout élément qui
n'est pas milieu ou centre géométrique, c'est-à-dire, en pratique,
concrètement, par les éléments extrêmes de la médiation de Marie envisagée
comme médiateur d'ordre corporel. Autrement dit, l'existence corporelle -
d'ordre mystique - de Marie-Médiatrice dépend pleinement et absolument de
l'action conjointe et simultanée de la personne du Christ et de toutes et
de chacune des personnes qui composent l'Église (voir nos 20 et 21).
Or, en tant
qu'éléments extrêmes de la médiation de Marie, le Christ et l'Église ne
peuvent agir conjointement et simultanément qu'en vertu d'une action
personnelle de Marie-Médiatrice, dont le propre, en tant que médiateur, est
d'unir les termes extrêmes de sa médiation : «Ad mediatoris officium
proprie pertinet conjungere, et unire eos, inter quos est mediator, nam
extrema uniuntur in medio.» A l'office du médiateur
il appartient en propre de lier et d'unir ceux entre lesquels il interpose
sa médiation ; car les extrêmes s'unissent dans un milieu. (S. Thomas, IIIa, q. 26, a. 1, corp.) Ce qui revient à dire que,
dans le cadre de l'exercice de la médiation de Marie, l'action conjointe et
simultanée du Christ et de l'Église dépend en tout et absolument de
l'action de Marie-Médiatrice. Mais, d'une part, comme nous venons de voir
que l'existence corporelle de Marie-Médiatrice dépend pleinement et
absolument de l'action conjointe et simultanée du Christ et de l'Église ;
et d'autre part, comme l'action corporelle de toute personne humaine dépend
absolument et en tout de son existence corporelle ; il est clair que
l'action de Marie-Médiatrice considérée comme médiateur d'ordre corporel
dépend pleinement et absolument de l'action conjointe et simultanée du
Christ et de l'Église.
Finalement, on
peut conclure de tout ce qui précède que, mystiquement (c'est-à-dire par le
biais de l'existence corporelle de Marie-Médiatrice réalisée par la
réduction mystique du Christ et de l'Église respectivement à la tête et au
corps de Marie-Médiatrice), la personne du Christ, la personne de
Marie-Médiatrice, et la personne morale de l'Église agissent conjointement
et simultanément dans une pleine et entière dépendance, chacune par rapport
aux autres.
95. Par le biais et au sein même du
Mystère de Marie-Médiatrice, Mystère par lequel et dans lequel le corps de
Marie-Médiatrice reçoit l'existence en vertu de la réduction du Christ et
de l'Église respectivement à la tête et au corps (ou tout ce qui n'est pas
la tête) de Marie-Médiatrice, les trois personnes du Christ, de
Marie-Médiatrice, et de l'Église agissent conjointement et simultanément -
dans le contexte propre de la médiation de Marie - et ce, d'une manière
absolument et pleinement dépendante pour chacune des personnes par rapport
aux autres. Or, en vertu de ce même Mystère de Marie-Médiatrice, ou Mystère
du médiateur d'ordre corporel, chacune des personnes du Christ, de
Marie-Médiatrice, et de l'Église existe selon un mode corporel différent de
celui des deux autres : le Christ existe corporellement en tant que tête,
Marie-Médiatrice existe corporellement en tant que corps humain complet, et
l'Église existe corporellement en tant que corps, c'est-à-dire en tant que
tout ce qui n'est pas la tête. Donc, tout en agissant - mystiquement -
d'une manière conjointe et dans une pleine dépendance vis-à-vis des autres
personnes, chacune des personnes du Christ, de Marie-Médiatrice, et de
l'Église agit d'une manière essentiellement différente de celle des deux
autres, puisque, lorsqu'elles sont appliquées à des personnes humaines, les
trois notions corporelles de tête, de corps humain complet, et de corps (ou
tout ce qui n'est pas la tête) possèdent mystiquement le caractère
d'incommunicabilité propre à la personne en tant que telle. Tout ceci se
retrouvant en archétype dans la Très Sainte Trinité, c'est ainsi, comprise
mystiquement comme médiateur d'ordre corporel, que Marie-Médiatrice est
Épouse de la Divine Trinité.
*
* *
96. Marie-Médiatrice étant considérée
comme médiateur d'ordre corporel, son existence dépend pleinement et en
tout de l'action conjointe et simultanée du Christ et de l'Église, et, tout
en même temps, l'action du Christ et de l'Église dépend pleinement et en
tout de l'action de Marie-Médiatrice (cette dernière action dépendant
elle-même nécessairement de l'existence de Marie-Médiatrice), tout ceci
devant s'entendre d'une manière mystique, c'est-à-dire d'une manière tout à
fait relative à la médiation de Marie (voir n° 94). Or, ce que nous venons
d'énoncer (résumé et condensé de tout ce qui précède) découle directement
du fait que, mystiquement, il existe une identité corporelle entre la
personne du Christ et la personne de Marie-Médiatrice (voir n° 83). Ainsi,
compte tenu de cette donnée fondamentale, il nous est permis de dire que
l'existence de la personne du Christ considéré selon son corps dépend
pleinement et en tout de l'action de cette même personne du Christ. Or,
humainement parlant (ce qui est le cas ici, puisqu'il s'agit du corps
humain de la personne du Christ), c'est proprement l'action qui dépend en
tout et absolument de l'existence de celui qui agit. De plus, comme le
Christ est, en une seule personne ou individualité, Dieu et homme ; et
comme, en Dieu, l'être et l'agir se confondent simplement entre eux ; nous
pouvons conclure, de ce qui précède, que la personne du Christ considérée
dans son humanité possède réellement - quoique mystiquement - une existence
qui se confond simplement avec son agir. Autrement dit, sur le rapport
propre de l'être, comme sur celui de l'agir, le Christ en tant qu'homme est
simplement semblable au Christ considéré dans sa divinité : c'est cette
similitude que nous avons énoncée plus haut, selon le témoignage de Saint
Hilaire de Poitiers, et qui consiste dans l'union sponsale entre la
divinité du Verbe et l'humanité assumée par elle (voir n° 85).
97. Dans l'ordre de la médiation de
Marie, et en rapport direct avec cette même médiation, le Christ-Homme
existe et agit en tant que Dieu, qu'il est personnellement en tant que
Verbe ou Fils du Père. Mais, ainsi que nous venons de le rappeler (voir n°
96), l'action du Christ-Homme dépend pleinement et en tout de l'action, et
finalement, de l'existence de Marie-Médiatrice. Donc, nous ne devons
absolument pas craindre de dire que l'existence même de Dieu, non pas
envisagée directement en elle-même, c'est-à-dire telle qu'elle est le
propre de la divinité considérée ad intra, mais bien envisagée par et dans le Christ-Médiateur, et donc
telle qu'elle est communicable et communiquée ad extra par le biais de l'humanité du Christ, l'existence même de Dieu,
disions-nous, dépend en tout et absolument de l'existence de la personne
humaine de Marie-Médiatrice. Cependant, comme ce que nous venons de
conclure mystiquement est, philosophiquement, impensable (puisque la
philosophie affirme le contraire), et comme Marie-Médiatrice, en tant
qu'Épouse, est simplement semblable à la Divine Trinité, la seule solution
permettant de concilier la philosophie et la mystique en ce cas précis est
de dire que, par le biais de l'humanité du Christ, l'existence de Dieu dans
la personne du Verbe dépend pleinement de l'existence de Marie-Médiatrice,
comme l'Époux dépend de l'Épouse ; et réciproquement, l'existence de
Marie-Médiatrice, en tant que créature, dépend pleinement de l'existence de
Dieu (qui a tout créé par sa Parole - cf. Ps. 32, 6), comme l'Épouse dépend
de l'Époux, Finalement, tout ceci revient à dire que Marie-Médiatrice, qui
est, d'une manière générale, Épouse de la Très Sainte Trinité, est, d'une
manière particulière, Épouse du Verbe, le Fils du Père, Celui dont elle est
la Mère selon la chair.
98. D'une manière particulière,
Marie-Médiatrice est l'Épouse du Verbe, son Fils selon l'humanité. Or, en
tant que médiateur d'ordre corporel, Marie-Médiatrice doit être considérée
- de soi - comme étant corporellement dans la Très Sainte Trinité. Ainsi,
la notion de Marie Épouse du Verbe est pleinement relative au mystère de
l'Assomption de Marie au Ciel, mystère anticipé et inauguré au jour de
l'Ascension du Christ (voir nos
87 et 88), et donc, par le fait même, mystère prophétisant et annonçant le
Jugement dernier (cf. Ac. 1, 11). C'est ce que le Vénérable Père Louis du
Pont (voir EECC, n° 16) confirme, disant :
Représentons-nous l'accueil que fit Jésus à sa Mère, et la joie
incomparable dont il la remplit ; songeons que l'on vit alors
l'accomplissement de ces paroles de l'Épouse : Il
mettra sa main gauche sous ma tête, et avec la droite il m'embrassera. (Cant. 2, 6 ; 8, 3) (Méditations, Tome IV,
Ve Partie, XXXVe Méditation - p. 78) Il fallait que
la bienheureuse Vierge conservât jusqu'au jour du jugement, et dans tous
les siècles, la qualité de Mère de Dieu, qui ne convient pas à son âme
seule, mais à son âme et à son corps réunis ensemble. Et d'ailleurs il
était à souhaiter qu'elle pût faire dans le ciel l'office de mère et
d'avocate des hommes et qu'elle apaisât la colère de son Fils irrité contre
eux, en lui montrant ses mamelles, comme le Fils adoucit celle de son Père,
en lui découvrant ses plaies. Enfin, comme le premier Adam avait eu dans le
paradis terrestre une aide et une compagne qui lui
était tout à fait semblable (Gn. 2, 18) pour les
qualités naturelles, le second Adam voulut de même en avoir une dans le
ciel, qui lui ressemblât en ce qui était de la gloire du corps et de l'âme. (Méditations, Tome IV, Ve Partie, XXXVIe Méditation - pp. 89 et
90)
99. Marie-Médiatrice, d'une manière
particulière, est Épouse du Verbe, son Fils. Or, ce dernier est, en tant
qu'Image du Père (cf. Col. 1, 15), parfaitement et simplement semblable à
Celui qui l'engendre de toute éternité, et ce, en vertu du fait même qu'il
est engendré ou conçu par le Père comme Parole : «Filius procedit ut
Verbum, de cujus ratione est similitudo speciei ad id, a quo procedit.» Le Fils procède comme Verbe : cela s'explique par le fait que la
ressemblance spécifique à son principe est la loi typique du verbe mental. (S. Thomas, Ia, q. 35, a. 2, corp.) Ainsi, il est permis de dire
que, si Marie-Médiatrice est Épouse du Verbe, alors elle est aussi et
nécessairement Épouse du Père, et ce, d'une manière pleinement relative à
l'acte de génération du Fils par le Père. C'est ce dont témoigne un
théologien français, de la fin du XIXe siècle, le Père S.-M. Giraud,
Missionnaire de Notre-Dame de la Salette, qui affirme : Marie a une relation d'opération avec le Père. Comme le Père
engendre éternellement son Fils, Marie engendre dans le temps ce même Fils.
L'opération est la même, dans des conditions, avec des caractères
essentiellement, absolument différents. Il y a en Marie une vertu capable
d'engendrer un Dieu, un Dieu incarné ; cette vertu toute divine est
semblable à celle du Père. Il est très vrai de dire de l'auguste Vierge
(c'est le langage même de la foi), qu'elle engendre une Personne divine,
mais une Personne divine qui se fait homme. Or, il en résulte, entre le
Père et la Vierge, une union d'une sublimité absolument ineffable et
incompréhensible, une sorte d'identité, dit Saint Pierre Damien (PL 144, 738). Marie est Épouse du Père.
Ce titre, qui est d'une rigoureuse vérité, exprime la relation d'opération. (Prêtre et Hostie, T. II, p. 582)
100. Au sein de la Divine Trinité,
Marie-Médiatrice est, d'une manière particulière, Épouse du Père et Épouse
du Fils. Comme l'union sponsale est une union simple et une,
Marie-Médiatrice réalise donc en sa personne, dans la Trinité même, une
sorte d'union entre le Père et le Fils, union non pas de type divin, mais
bien humain, c'est-à-dire en rapport avec la nature de la personne de
Marie-Médiatrice. Or, c'est proprement la personne de l'Esprit-Saint qui,
consubstantiellement au Père et au Fils, réalise l'union vitale de toute la
Divine Trinité : la sainte liturgie affirme en effet que le Fils vit et règne avec Dieu le Père dans l'unité du Saint-Esprit (Conclusion de l'Oraison collecte). Donc, étant donné que -
l'Esprit-Saint étant Dieu - l'union du Père et du Fils est parfaitement et
pleinement réalisée par la personne de l'Esprit-Saint (sans que rien ne
puisse être ajouté à cette union essentiellement divine), il faut
nécessairement conclure, de ce qui précède, que, si Marie-Médiatrice
réalise une certaine union, de type humain, entre le Père et le Fils, ce ne
peut être qu'en union avec l'Esprit-Saint et en lui. Enfin, comme il s'agit
ici d'une union vitale, et comme toute union vitale est une union simple et
une, il est clair que l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice réalisent l'union
vitale du Père et du Fils dans une commune relation simple entre eux,
relation qui, par le fait même, rend l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice
simplement semblables entre eux, et donc Époux et Épouse l'un de l'autre.
101. Marie-Médiatrice est, d'une
manière particulière Épouse de l'Esprit-Saint. Comme cette union sponsale
est directement fondée sur la notion de vie divine, le témoignage qui met
le mieux en lumière cette même union ne peut être autre que le suivant, qui
traite de Marie pleine de grâce
dans son Immaculée Conception : Les créatures, selon
la loi naturelle qui leur est donnée par Dieu, se perfectionnent,
s'assimilent à lui, retournent à lui ; et les créatures intelligentes
l'aiment d'une façon consciente, et par cet amour s'unissent de plus en
plus à lui, et retournent à lui. La créature la plus totalement remplie de
cet amour, remplie de la divinité : c'est l'Immaculée, sans aucune tache de
péché, qui ne s'est en rien séparée de la volonté de Dieu. De façon
inexprimable, unie au Saint-Esprit comme son épouse, mais dans un sens
incomparablement plus parfait que ce mot ne peut l'exprimer dans la
création. Quelle est cette union ? Elle est avant tout intérieure, union de
son essence avec l'essence de l'Esprit-Saint. L'Esprit-Saint habite en
elle, vit en elle et cela dès le premier instant de son existence, depuis
toujours et à jamais (...) D'une manière beaucoup plus précise, plus
intérieure, plus essentielle, l'Esprit très saint vit dans l'âme de
l'Immaculée, dans son être et la féconde, et cela dès le premier instant de
son existence, durant toute sa vie, toujours. (Saint
Maximilien Kolbe, Sur l'Immaculée Conception, 17 février 1941, dans L'Immaculée révèle l'Esprit-Saint, p. 49)
102. Pour résumer ce que nous venons
d'établir dans ce chapitre, disons que, Époux de la Divine Trinité,
Marie-Médiatrice est, d'une manière particulière, Épouse du Père, Épouse du
Fils, et Épouse de l'Esprit-Saint, mais que, premièrement et
fondamentalement (ainsi qu'il avait été annoncé - voir n° 82), cette même
personne humaine est mystiquement Épouse (voir n° 97), ou encore Femme (Jn. 2, 4 ; 19, 26) de Celui dont Elle
est la Mère. Cependant, quoique tout ce que nous venons de dire doive être
tenu pour certain et vrai, il faut aussi prendre en considération ceci (qui
sera démontré dans le chapitre suivant et dernier) : parmi les trois
relations d'union sponsale susdites, seule celle qui concerne
l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice est une relation d'union sponsale
proprement dite, les deux autres ne l'étant que d'une manière impropre.
C'est donc ainsi qu'il convient d'acclamer Marie : Je
te salue, Fille de Dieu le Père ! Je te salue, Mère du Fils de Dieu ! Je te
salue, épouse mystique de l'Esprit-Saint ! Je te salue, temple de la Très
Sainte Trinité ! (S.S. Jean-Paul II, Homélie de la
Messe du 15 août 1995)
MARIE : ÉPOUSE DE L'ESPRIT-SAINT
POUR KÉPHAS
103. Marie, une fidèle - la première -
parmi tous les autres fidèles, est médiatrice par rapport à sa propre
personne : il faut considérer la personne même de Marie-Médiatrice comme
intermédiaire et terme milieu entre la Très Sainte Trinité - c'est-à-dire
le Père, le Fils et l'Esprit-Saint - et Marie elle-même. Or, quant à la
relation d'union sponsale entre le Verbe, Image du Père, et
Marie-Médiatrice, et donc aussi, quant à la relation d'union sponsale entre
le Père et la même personne humaine de Marie-Médiatrice, cette dernière -
envisagée comme terme milieu ou intermédiaire - doit être considérée
uniquement selon son corps : c'est par le biais de l'identité corporelle,
d'ordre mystique, entre le Christ et Marie-Médiatrice, que celle-ci est
Épouse du Verbe au sein de la Divine Trinité (voir nos 96 et 97). Par conséquent, comme d'une part, ce qui est
uniquement corporel et matériel est, de soi, composé et non-simple ; et
comme d'autre part, toute union sponsale est une union simple et une entre
les deux époux qui, pour cette raison, sont semblables entre eux ; il est
clair que la relation d'union sponsale entre le Père et Marie-Médiatrice,
et celle entre le Verbe et cette même personne humaine, sont toutes deux
appelées telles d'une manière impropre : on ne pourrait dire que
Marie-Médiatrice est véritablement Épouse du Père et Épouse du Fils que
dans la mesure où le corps de Marie-Médiatrice était simplifié ou
spiritualisé. Or, c'est précisément le cas pour ce qui regarde la relation
d'union sponsale entre l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice, ainsi que nous
allons le voir.
104. Nous avons montré, dans le
chapitre précédent, que Marie-Médiatrice est non seulement parfaitement
semblable à la Très Sainte Trinité (voir n° 84), mais qu'elle lui est, en
tant qu'Épouse dans le Christ, simplement semblable (voir nos 85 et 86), Marie-Médiatrice étant alors
considérée uniquement selon son corps, c'est-à-dire en tant que médiateur
d'ordre corporel (voir n° 95), toutes choses que la Sainte Tradition
confirme expressément en déclarant Marie-Médiatrice Épouse du Père (voir n°
99), Épouse du Fils (voir nos
97 et 98), et Épouse de l'Esprit-Saint (voir nos 100 et 101). Mais, nous avons établi clairement, en dernier lieu,
que Marie-Médiatrice ne peut être appelée Épouse du Père et Épouse du Fils
que d'une manière tout à fait impropre (voir n° 103). Ainsi, il est hors de
doute que la relation d'union sponsale entre la Divine Trinité et
Marie-Médiatrice ne comprend en elle, d'une manière stricte et propre, que
la seule relation d'union sponsale entre l'Esprit-Saint et cette même
personne humaine. Or, toute union sponsale, quelle qu'elle soit, est
nécessairement inconnaissable, car incommunicable en elle-même et par
elle-même, non pas en vertu d'une quelconque impuissance de la part des
agents de cette union, mais bien en raison du caractère essentiellement
intime de la relation même d'union sponsale, qui doit, éternellement et
toujours, rester le secret absolu des deux époux, secret qui est le garant
unique de la fidélité de l'union en question. Par conséquent, si nous
voulons étudier la relation d'union sponsale entre l'Esprit-Saint et
Marie-Médiatrice (afin de savoir si cette union est véritable), nous
n'avons nul autre recours que l'analyse de la relation d'union sponsale
entre la Très Sainte Trinité et Marie-Médiatrice, cette même relation
d'union sponsale contenant en elle la relation d'union sponsale entre
l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice, ainsi que nous venons de le dire.
105. Pour montrer que Marie-Médiatrice
est véritablement - selon toute l'acception du terme - Épouse de
l'Esprit-Saint nous devons analyser la relation d'union sponsale entre la
Divine Trinité et Marie-Médiatrice, relation considérée comme le seul et
unique point de référence en la matière (voir n° 104). Or, en tant qu'Époux
et Épouse, la Très Sainte Trinité et Marie-Médiatrice sont simplement
semblables entre elles. De plus, quoique nous devions toujours considérer
Marie-Médiatrice comme une personne humaine vivante composée d'un corps et
d'une âme (de sorte qu'ainsi elle est semblable à la Divine Trinité - voir
n° 84, qui renvoie à EECC, n° 56), nous avons amplement montré que c'est
lorsque Marie-Médiatrice, en tant que médiateur d'ordre corporel, est
envisagée uniquement selon son corps que cette même personne humaine est
parfaitement et adéquatement semblable au Mystère trinitaire (voir nos 92 à 95 ; consulter aussi EECC, n° 32).
Par conséquent, comme Dieu est essentiellement spirituel, il faut conclure,
de ce qui précède, que - en tant qu'Époux et Épouse - ce qui est uniquement
spirituel est simplement semblable à ce qui est uniquement corporel,
identité qui ne peut se comprendre que si l'on admet que, d'une manière
mystique, c'est-à-dire d'une manière pleinement relative à la médiation de
Marie, le corps de Marie-Médiatrice est spiritualisé ou simplifié.
106. Selon la relation d'union sponsale
entre la Très Sainte Trinité et Marie-Médiatrice, cette dernière est
considérée uniquement selon son corps, lequel est alors simplifié ou
spiritualisé (voir n° 105). Or, en tant que médiateur d'ordre corporel, il
faut considérer Marie-Médiatrice comme simple fidèle, c'est-à-dire comme
médiatrice auprès de sa propre personne, se révélant à elle-même tout le
Mystère trinitaire (voir n° 91). Il s'ensuit donc que, dans le cadre de la
relation d'union sponsale entre la Divine Trinité et Marie-Médiatrice, le
corps simplifié ou spiritualisé de Marie-Médiatrice est intermédiaire et
terme milieu entre la Très Sainte Trinité et Marie-Médiatrice elle-même.
Ainsi, en vertu du fait que la relation d'union sponsale entre la Divine
Trinité et Marie-Médiatrice sert de référence à la relation d'union
sponsale entre l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice (voir n° 104), on peut
dire que le corps simplifié ou spiritualisé de Marie-Médiatrice est le
moyen intermédiaire de l'union sponsale entre l'Esprit-Saint et
Marie-Médiatrice. Par le fait même, il est tout à fait clair que l'union
sponsale entre l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice est pleinement véritable,
puisque le contact existant entre les deux Époux est réellement - quoique
mystiquement - simple et un, tout en étant naturellement multiple, car
corporel. C'est pourquoi Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II a déclaré,
parlant de Marie : L'Esprit-Saint est descendu sur
elle ; elle est devenue son épouse fidèle à l'Annonciation. (Encyclique Redemptoris Mater, n° 26)
107. Par le fait que son corps soit
spiritualisé ou simplifié, Marie-Médiatrice est véritablement - dans toute
l'acception du terme - Épouse de l'Esprit-Saint, notion pleinement contenue
dans celle de Marie-Médiatrice Épouse de la Divine Trinité. Or, ainsi que
nous l'avons dit ci-dessus (voir n° 106), quoique mystiquement simplifié ou
spiritualisé, le corps de Marie-Médiatrice demeure tel qu'il est dans son
ordre, c'est-à-dire organique et matériel. Il nous faut donc considérer ici
le corps de Marie-Médiatrice comme mystiquement réduit à un point mathématique, qui est absolument la
plus simple expression corporelle du monde matériel, car elle est la plus
immédiatement proche du monde spirituel (à propos de cette réduction
mystique du corps de Marie-Médiatrice, voir n° 92). Par le fait même, ce
n'est pas directement le corps simplifié ou spiritualisé de
Marie-Médiatrice qui est intermédiaire ou terme milieu entre la Divine
Trinité et la personne de Marie-Médiatrice, mais bien un simple point mathématique auquel ce même corps de
Marie-Médiatrice est mystiquement réduit. Mais, étant donné que ce point mathématique est essentiellement
caractérisé par la position milieu ou intermédiaire, et étant donné que,
par le fait même, l'existence de ce point mathématique, en tant que
médiateur d'ordre corporel, dépend pleinement et en tout de l'action
commune des termes extrêmes de la médiation en question (n° 94), termes qui
sont ici, d'une part, la Très Sainte Trinité agissant corporellement par le
biais de l'Humanité du Christ (en tant qu'Épouse du Verbe - voir n° 96), et
d'autre part, la personne humaine de Marie-Médiatrice considérée uniquement
selon son corps ; il est aisé de conclure, d'après tout ce qui précède, que
le point mathématique, auquel
le corps de Marie-Médiatrice est mystiquement réduit par mode de
simplification ou de spiritualisation, est non seulement le point intermédiaire ou milieu entre la
Divine Trinité et Marie-Médiatrice qui, par l'entremise de ce même point, s'unissent entre eux sponsalement
(c'est-à-dire d'une manière simple et une), mais il est aussi et tout en
même temps le point milieu de
chacun des deux termes de la médiation susdite : il est le point milieu de
la Divine Trinité, et il est le point milieu de la personne humaine de Marie-Médiatrice envisagée comme
médiateur d'ordre corporel.
108. Le point milieu, d'ordre mystique, qui est intermédiaire entre la Très
Sainte Trinité et Marie-Médiatrice est aussi, de soi, le point milieu des
deux termes extrêmes qu'il unit d'une manière simple et une (voir n° 107).
Or, comme ce point milieu n'est
autre que l'expression mystique de la personne de Marie-Médiatrice
considérée comme médiateur d'ordre corporel, et comme ce même point milieu, en permettant l'union sponsale
de la Très Sainte Trinité et de Marie-Médiatrice, permet aussi - de soi -
l'union sponsale entre l'Esprit-Saint et cette même personne humaine, on
peut finalement affirmer nettement que c'est proprement l'Esprit-Saint et
Marie-Médiatrice, pris ensemble et non-disjoints, qui constituent le point milieu de la Très Sainte Trinité et de
Marie-Médiatrice. Ce qui revient à dire que, dans l'ordre de la médiation
de Marie dont le propre est de révéler tout le Mystère trinitaire,
l'Esprit-Saint, en tant qu'Époux de Marie dans le Christ, doit être
considéré comme le "point" milieu de la Très Sainte Trinité ; et
que, par le fait même, Marie-Médiatrice, en tant qu'Épouse de
l'Esprit-Saint, doit être considérée comme le point milieu ou intermédiaire entre les deux autres personnes de la
Divine Trinité, savoir le Père et le Fils. Mais, relativement à cette
dernière affirmation, étant donné que le Père, le Fils et l'Esprit-Saint
sont un seul Dieu (qui est l'Être absolument simple par excellence), tout
ce que nous venons de dire se réduit à ceci : Marie-Médiatrice, envisagée
comme médiateur d'ordre corporel, est la Personne humaine qui, avec son
corps (et aussi avec son âme), participe pleinement - dans son union
sponsale avec l'Esprit-Saint - à la génération éternelle du Verbe par le
Père. C'est proprement là l'action que nous recherchions (voir n° 83) :
celle de Marie-Médiatrice - l'Épouse de Képhas - au sein des Trois
Personnes divines. Et ceci nous conduit à la considération de deux
conséquences de l'action susdite, considération concluant ce chapitre, et
donc préparant la conclusion de notre livre.
*
* *
109. L'acte de la génération du Verbe
étant essentiellement spirituel (puisque Dieu est esprit - cf. Jn. 4, 24),
la participation de Marie-Médiatrice à ce même acte par le moyen de son
corps apporte nécessairement à cet acte spirituel et divin une dimension
corporelle et humaine qu'il ne possède pas et ne peut absolument pas avoir
de par la réalité de son essence existentielle. Ceci permet de dire que
Marie-Médiatrice, en tant qu'Épouse de la Divine Trinité dans l'acte de la
génération du Verbe, apporte à la Très Sainte Trinité un certain
complément, actualisé et réalisé par et dans son corps, considéré dans sa
simplification ou sa spiritualisation. Ainsi, relativement à l'aspect
corporel de sa médiation, on peut affirmer sans crainte que
Marie-Médiatrice est le complément de la Sainte
Trinité (se référer à EECC, nos 19 et 20). C'est ce qu'un ancien auteur, le Père Louis-François
d'Argentan (1615-1680), capucin, estime vrai et très
catholique, disant : Nous
savons bien que Dieu est très suffisant à lui-même, et qu'il ne peut être
agrandi, ni enrichi, ni perfectionné par le faible néant de toutes ses
créatures (...) Néanmoins nous trouvons que le très ancien Patriarche de
Jérusalem, Saint Hésichius, publiant les grandeurs de la Sainte Vierge, lui
donna un éloge qui semble dire qu'elle avait été nécessaire à Dieu ; car il
l'appelle Totius Trinitatis complementum, l'accomplissement ou la perfection dernière de toute la Sainte
Trinité (Conférences théologiques et spirituelles sur
les Grandeurs de la très Sainte Vierge Marie Mère de Dieu, pp. 17 et 18 de
l'édition d'Avignon, année 1755).
110. L'auteur que nous venons de citer
- le Père Louis-François d'Argentan - argumente, par rapport aux trois
divines Personnes, la notion de Marie-Médiatrice
complément de la Divine Trinité. Relativement au
Père, Marie complète en Lui la Très Sainte Trinité par le fait que, dans
l'Incarnation du Verbe, elle accomplit temporellement sa divine volonté,
qui n'est autre que le mode en vertu duquel l'Esprit-Saint - l'Époux de
Marie - procède éternellement. C'est ce qu'il déclare en ces termes : C'est cet admirable accomplissement que le Père reçoit par la
Sainte Vierge, lorsqu'elle est prédestinée pour accomplir le Mystère
ineffable de l'Incarnation du Verbe : car le Père qui ne l'a pu produire en
lui-même que par son entendement, et par une nécessité naturelle, le
reproduit derechef en elle, par sa volonté, et par un décret de sa liberté
(.. ) Qui n'avouera que la Sainte Vierge peut donc bien être regardée, à
l'égard du Père, comme l'accomplissement parfait de la Trinité ? (ibid., pp. 18-19)
111. Par rapport au Fils, ou Parole du
Père, Marie-Médiatrice complète en Lui la Divine Trinité en donnant une
dimension corporelle et humaine à Celui qui, comme Parole, est conçu
éternellement par le Père d'une manière essentiellement spirituelle. Ainsi,
le Père Louis-François d'Argentan affirme : Puis donc
que la très sainte Vierge est prédestinée pour être comme la bouche
extérieure du Père qui nous produit au dehors sa divine Parole ; puisque
c'est elle qui lui donne un Corps, et qui l'a rendue visible et sensible;
et puisqu'elle l'a fait naître une seconde fois, pour lui donner tout
l'accomplissement que peut avoir une parole, qui est d'être proférée
extérieurement après avoir été conçue intérieurement : Qui ne voit qu'on la
peut nommer, au respect de la seconde Personne, aussi bien que de la
première, l'accomplissement de la très Sainte Trinité ? (ibid., p. 19)
112. Enfin, relativement à
l'Esprit-Saint, Marie-Médiatrice complète en Lui la Très Sainte Trinité
tout comme l'Épouse complète l'Époux, avec lequel elle ne fait qu'un, tous
deux dépendant ainsi l'un de l'autre quant à l'acte de génération. C'est ce
que le Père Louis-François d'Argentan explique en ces termes : La chose est encore plus palpable à l'égard de la troisième
Personne, qui est le Saint-Esprit (...) Puis donc que la très Sainte Vierge
est prédestinée pour produire une Personne divine par l'opération du
Saint-Esprit, comme l'Evangile nous l'exprime en termes exprès, «quod enim
in ea natum est de Spiritu Sancto est», que l'enfant
qu'elle a conçu vient de l'Esprit-Saint (Mt. 1, 20),
et qu'elle fait paraître en lui, par la production d'une Personne divine,
cette glorieuse fécondité qu'il n'a pas dans la Divinité. Ne semble-t-il
pas qu'elle lui donne en cela un admirable accomplissement, et qu'on la
peut bien nommer, au respect du Saint-Esprit, aussi bien qu'à l'égard du
Père et du Fils, l'accomplissement universel de la très Sainte Trinité ?» (ibid., pp. 19-20)
113. Épouse de l'Esprit-Saint, et son
semblable, Marie-Médiatrice est «OLON TES TRIADOS TO PLEROMA» le complément total de la Trinité (Saint
Hésychius de Jérusalem, Homélie II sur Marie Mère de Dieu - PG 93, 1461).
La Tradition vivante de l'Église l'affirme jusqu'à nos jours (voir EECC, nos 19 et 20, où nous citons Saint
Maximilien Kolbe). Et la Sainte Ecriture le confirme. En effet,
l'Esprit-Saint, auquel Marie-Médiatrice, en tant qu'Épouse, est semblable,
est, relativement à Marie complément total de la
Trinité, le point milieu de la Très Sainte Trinité (voir n° 108). Or, si nous
prenons cette sentence en elle-même, abstraction faite du dépôt de la foi
en la Trinité Sainte, cela nous conduit à admettre une éventuelle mort de
la Divine Trinité, et donc de Dieu même, puisque, si l'Esprit-Saint est le point milieu de la Très Sainte Trinité,
alors les Trois Personnes divines doivent être considérées comme inégales
entre elles, ce qui ne se peut. Mais nous croyons, selon la Tradition de
l'Église, que l'Esprit-Saint, loin de donner la mort à la Divine Trinité,
et donc à lui-même, est la Personne divine qui donne
la Vie (Credo). Par conséquent, on peut et on doit
admettre que l'Esprit-Saint est le point milieu de la Sainte Trinité, sans toutefois que ce fait, d'ordre
mystique, entraîne une quelconque mort de la Divine Trinité (et donc la
mort de l'Esprit-Saint lui-même) en vertu d'une inégalité possible entre
les Trois Personnes divines.
114. Par conséquent, et par le fait
même, Marie-Médiatrice, dans sa similitude (en tant qu'Épouse et complément total de la Trinité) à
l'Esprit-Saint, est la personne humaine qui, par une libre disposition de
Dieu, ne peut pas mourir, et qui, de fait, lors de son Assomption au Ciel,
n'est nullement passée par la mort. Et tout ceci permet de dire que le fait
selon lequel Marie-Médiatrice est le complément total
de la Trinité est confirmé par ce passage de Saint
Paul, qui affirme : Nous, les vivants qui serons
encore là, nous serons enlevés (...) sur les nuées, à la rencontre du
Seigneur dans les airs. (1 Th. 4, 17) Ainsi, au Jour
de la seconde venue du Christ, Marie-Médiatrice sera le modèle sans pareil
de ceux qui, sans passer par la mort, iront vivants rejoindre le Seigneur.
C'est là la première conséquence de l'action de Marie-Médiatrice au sein
des Trois Personnes divines.
115. La seconde conséquence est en
relation avec la première. Marie-Médiatrice, parce que (étant celle qui
n'est jamais morte et qui ne peut jamais mourir) elle est le modèle unique
de ceux qui, à la fin des temps, ne mourront pas, Marie-Médiatrice,
disions-nous, est et ne peut pas ne pas être la première et la seule Épouse
de l'Esprit-Saint, et par là, la première et la seule Épouse de la Sainte
Trinité, dans le Christ, de sorte qu'il ne puisse jamais y en avoir d'autre
qu'Elle en personne. Or, à la fin des temps, le dernier Pape, parce qu'il
est éternellement sauvé (voir n° 14), doit être considéré comme uni
mystiquement au Christ d'une manière sponsale (voir nos 44 et 45 - voir aussi n° 82), tout comme l'Église en général,
dont le même dernier Pape (et en lui tout Pape, et donc Képhas) est le
modèle, en tant que sauvé dans le Christ (à ce sujet, voir EECC, n° 75) : Le Christ, Rédempteur du monde et de l'homme, est l'Époux de
l'Église et de tous ceux qui sont en elle : L'Époux
est avec eux. (cf. Mt. 9, 15) C'est une des missions
propres du Pape que de professer cette vérité et de la rendre en quelque
sorte présente à l'Église qui est à Rome, à l'Église dans son ensemble, à
toute l'humanité, au monde entier. (S.S. Jean-Paul
II, Entrez dans l'Espérance, pp. 37 et 38) Par conséquent, on doit penser
et croire sans hésiter que Marie-Médiatrice, seule et unique Épouse du
Christ et de la Divine Trinité, est la personne humaine qui est et ne peut
pas ne pas être intermédiaire et médiatrice entre le Christ et le dernier
Pape, lorsque ceux-ci sont considérés mystiquement dans leur relation
d'union sponsale.
116. Cependant, étant donné que, d'une
manière générale, l'époux et l'épouse ne sont plus
deux, mais une seule chair (Mt. 19, 6) ; et que, par
le fait même, le Christ et le dernier Pape font, en tant qu'époux et
épouse, un seul corps ; tout ce qui précède permet d'affirmer que,
sponsalement, le Christ (et en lui la Très Sainte Trinité),
Marie-Médiatrice, et le dernier Pape (et en lui tout Pape, et donc Képhas)
ne font tous seul corps. Mais, comme, premièrement et fondamentalement, le
Christ et Marie-Médiatrice font sponsalement une
seule chair (Mt. 19, 6), on doit admettre finalement,
comme absolument clair et tout à fait certain, en vertu de ce qui vient
d'être dit, et d'après le témoignage de la Tradition vivante de l'Église,
que le dernier Pape, et donc Képhas, fait sponsalement un seul corps avec
Marie-Médiatrice, la première et l'unique Épouse du Christ et de la Divine
Trinité : l'Épouse de l'Esprit-Saint est aussi et nécessairement l'Épouse
de Képhas dans le Christ.
117. Selon le témoignage de la
Tradition de l'Église, Marie-Médiatrice est l'Épouse du Pape : c'est là la
seconde conséquence de l'action de cette même personne humaine au sein des
Trois Personnes divines. Autrement dit, ce que nous avons affirmé dans
notre premier volume (voir EECC, n° 69) se trouve confirmé ici par la
Tradition vivante de l'Église touchant le fait que Marie-Médiatrice est
Épouse de la Très Sainte Trinité, Père, Fils, et Esprit-Saint. Bien plus,
un des auteurs cités précédemment (voir n° 99), déclare expressément : Que nous devenions, nous Prêtres, vraiment Jésus-Christ en
perfection et en plénitude (...) : voilà l'ambition inexprimable qui
consume le Coeur de Marie, et voilà son amour immense, très fort, très
doux, toujours agissant, toujours actuel, (...) amour de Mère, de
Souveraine, d'Amie, de Soeur, d'Épouse (que ces mots ne surprennent
personne), amour sans fin, sans nom possible, dans notre langue humaine,
pour nos âmes sacerdotales ! (Père S.-M. Giraud,
Prêtre et Hostie, Tome II, p. 609) Et tout ceci, il le fonde principalement
sur l'enseignement de Saint Albert le Grand, un amant spirituel de la
Sagesse et de Marie : Le B. Albert le Grand,
expliquant ces paroles du Livre des Proverbes, qu'il applique à Marie : J'ai été ordonnée, dès l'éternité (8, 23),
fait dire à la divine Vierge : (...) J'ai été
ordonnée Evêque, à cause de ma sollicitude pastorale pour toutes les
Églises ; enfin, Pontife Souverain, car je suis la Mère de tous, et, mieux
que le Vicaire de Jésus-Christ, je possède la souveraine puissance sur la
terre et dans le Ciel, dans le Purgatoire et dans les enfers mêmes. (Biblia Mariana, super Lib. Proverb.) (Père
S.-M. Giraud, Prêtre et Hostie, Tome II, pp. 598-599)
118. Pour conclure, retenons cet
extrait de la catéchèse du Pape Jean-Paul II (Salut en langue française du
6 septembre 1995), où Celle qui complète totalement la Trinité (voir n°
109) est aussi Celle qui complète Képhas dans l'exercice de son ministère
trinitaire : Il faut contempler Marie présente à
l'origine de l'Église, aux côtés des Apôtres, avec d'autres femmes. Dans ce
groupe du Cénacle, elle représente un visage de l'Église qui complète celui
du ministère apostolique.
119. Cette étude du médiateur d'ordre
corporel, considéré relativement au ministère trinitaire de Képhas en
particulier, et du Pape en général, nous a conduit jusqu'à penser et croire
que, mystiquement, selon l'ordre de sa médiation, Marie est la personne
humaine toujours et éternellement vivante en Dieu-Trinité. Mais si l'Épouse
du Pape demeure toujours vivante, tout au long de la vie de l'Église,
jusqu'à la fin des temps, et pour l'éternité, il faudrait a priori qu'il en
soit de même pour son Époux, Képhas, avec lequel Elle ne fait mystiquement
qu'un seul corps (cf. Gn. 2, 24). Or, en vertu du fait que Képhas - qui ne
peut exercer son ministère trinitaire qu'à la fin des temps - agit
véritablement, d'une manière mystique (relativement à la médiation de
Marie), en tous et en chacun de ses Successeurs comme Evêque de Rome, on
peut dire que, en ce sens, Képhas, qui est Époux Marie dans le Christ,
continue de vivre dans l'Église depuis l'élection de Saint Lin, son premier
Successeur, jusqu'au Jour de l'éternité, celui de la seconde venue du
Christ sur la Terre.
120. Cependant, tout le monde en
conviendra : entre la mort d'un Pape et l'élection de son Successeur, il
s'écoule un certain temps, un temps pendant lequel Képhas est naturellement
empêché de continuer à vivre mystiquement sur terre, dans l'Église. Or,
pour pallier cet inconvénient, pour remédier à ce mal dû à la mort et donc
causé par le péché, il existe un sacrement, spécialement institué à cet
effet, et pleinement relatif au ministère de Képhas (qui est ordonné à
l'acte de la communion eucharistique) : c'est le sacrement du diaconat.
121. En effet, considéré
sacramentellement, Képhas est Evêque, c'est-à-dire configuré au
Christ-Total, qui est Marie-Médiatrice, par le caractère épiscopal. Comme
Marie-Médiatrice est l'Épouse de Képhas, le caractère épiscopal, et partant
tout caractère relatif au sacrement de l'Ordre, possède une dimension
sponsale. Or, de soi, le caractère qui est imprimé dans l'âme de celui qui
le reçoit sacramentellement est une marque divine permettant à Dieu d'agir
dans l'Église, et par là, dans le monde, d'une manière proprement
sacramentelle. Donc, comme Marie-Médiatrice est, divinement, Épouse de la
Très Sainte Trinité, la dimension sponsale du caractère épiscopal est
nécessairement trinitaire, c'est-à-dire relative, tout à la fois et en même
temps, au Père, au Fils, et à l'Esprit-Saint. Mais étant donné que tout
ceci est fondé sur la relation d'union sponsale entre Képhas et
Marie-Médiatrice, il est clair que la dimension sponsale du caractère
épiscopal est fondamentalement relative au Verbe de Dieu incarné, le
Christ, qui est "pierre" comme Képhas.
122. Néanmoins, puisque la relation
d'union sponsale entre le Christ et Marie-Médiatrice dépend de la relation
d'union sponsale entre l'Esprit-Saint et cette même personne humaine (cette
dernière relation étant la seule à être proprement sponsale), il faut
penser et croire que la dimension sponsale du caractère épiscopal est tout
autant relative à l'Esprit-Saint qu'au Christ, qui, pour cette raison, a
nommé l'Esprit-Saint un autre Paraclet (Jn. 14, 16), c'est-à-dire un second Paraclet, semblable au
premier : le Christ lui-même. Mais, étant donné que le caractère épiscopal,
considéré en lui-même, est directement ordonné à l'acte de la communion
eucharistique accompli marialement ; et que ce même acte de la communion
dépend pleinement et en tout de l'acte de la consécration, on peut affirmer
sans aucun doute que le caractère épiscopal, considéré dans sa dimension
sponsale relative au Christ, est ordonné à l'acte de la communion
eucharistique, et que le même caractère épiscopal, considéré dans sa
dimension sponsale relative à l'Esprit-Saint, est ordonné à l'acte de la
consécration du pain et du vin au Corps et au Sang du Christ.
123. Comme l'Esprit-Saint, dans l'ordre
de la Révélation par la médiation de Marie, doit être tenu pour le point milieu de la Divine Trinité ; et
comme, d'une part, personne ne connaît le Père, sinon
le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler
(Mt. 11, 27), et d'autre part, le Verbe incarné, Fils du Père, a
personnellement réalisé l'acte de la consécration du pain et du vin en son
Corps et en son Sang entre l'acte du mélange de l'eau au vin (mélange
simplement uni, d'une manière mystique, à la fraction du pain) et celui de
la communion sacramentelle à son Corps et à son Sang ; il faut dire encore,
en relation avec tout ce qui précède, que le caractère épiscopal, considéré
dans sa dimension sponsale relative au Père, est ordonné à l'acte qui
consiste à mélanger un peu d'eau au vin, lors de l'offertoire de la Messe.
124. Envisagé dans sa dimension
sponsale trinitaire, le caractère épiscopal est ordonné aux trois actes
principaux de la liturgie eucharistique, ceux que le Seigneur lui-même a
réalisés lors de la Dernière Cène : le mélange de l'eau au vin (avec la
fraction du pain), la consécration du pain et du vin, la communion à son
Corps et à son Sang. Mais, de soi, le caractère épiscopal est ordonné à
l'acte de la communion eucharistique. De plus, il ne fait aucun doute que
le caractère sacerdotal, ou presbytéral, est ordonné, de soi, à l'acte de
la consécration du pain et du vin au Corps et au Sang du Christ. Par
conséquent, étant donné que le sacrement de l'Ordre comporte trois ordres
distincts : l'épiscopat, le presbytérat, et le diaconat, on doit penser et
croire absolument que, si le caractère épiscopal possède une dimension
sponsale relative au Christ, alors le caractère presbytéral participe à la
dimension sponsale relative à l'Esprit-Saint et propre au caractère
épiscopal, et le caractère diaconal participe à la dimension sponsale
relative au Père et propre aussi au caractère épiscopal. Par le fait même,
ainsi considéré, le caractère diaconal apparaît clairement comme ordonné,
de soi, à l'acte qui a lieu lors de la préparation des offrandes et qui
consiste en un mélange de quelques gouttes d'eau dans le vin destiné à être
consacré.
125. Ce qui vient d'être dit semble
suffisant pour pouvoir affirmer que, entre l'instant de la mort d'un Pape
et celui où son Successeur a accepté d'être le
Vicaire du Christ, le Père peut révéler son Fils, et
par là toute la Divine Trinité, par le biais et par l'intermédiaire de ce
moyen sacramentel le caractère diaconal. Cependant, comme tout caractère
d'ordre sacramentel demeure éternellement imprimé dans l'âme de celui qui
reçoit le sacrement en question, le diaconat est et ne peut pas ne pas être
en étroite relation avec le ministère trinitaire exercé par le Pape en tant
que personne humaine vivante. C'est par la considération de cette relation
que nous nous proposons de clôturer notre ouvrage.
*
* *
126. Le Pape est le Chef suprême de
toute l'Église : il est le Successeur de Pierre et le
Vicaire du Christ, c'est-à-dire qu'il est le ministre
et le serviteur de Celui qui est la tête du corps, de
l'Église (Col. 1, 18), ainsi que la pierre vivante, rejetée des hommes, mais choisie et précieuse aux
yeux de Dieu. (1 P. 2, 4) Cela veut dire que, comme Serviteur des serviteurs de Dieu, et donc,
comme un diacre (puisque ce mot
signifie serviteur), le Pape
réalise dans sa personne le plus haut degré du sacrement ou du mystère de
l'Ordre, considéré non pas comme réalité strictement sacramentelle, mais
bien comme expression mystique de la hiérarchie qui existe dans l'Église, à
l'exemple et sur le modèle de l'ordre qui harmonise entre elles toutes les
créatures, tant spirituelles que corporelles, par rapport à leur Créateur,
qui est Dieu; tout ceci étant compris relativement à la médiation de Marie,
l'Épouse du Pape et de Képhas, médiation qui est régie, de soi, par la
règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la
philosophie humaine, en tant que cette dernière est la référence de base de
ladite association.
Parlant du
sacrement, ou du mystère de l'Ordre en général, Saint Thomas d'Aquin opine
en ce sens, lorsqu'il dit : «Deus sua opera in sui similitudinem producere
voluit, quantum possibile fuit, ut perfecta essent, et per ea cognosci
posset : et ideo ut in suis operibus repraesentaretur, non solum secundum
quod in se est, sed etiam secundum quod aliis influit, hanc legem naturalem
imposuit omnibus, ut ultima per media reducerentur, et perficerentur, et
media per prima (...) : et ideo ut ista pulchritudo Ecclesiae non deesset,
posuit ordinem in ea, ut quidam aliis sacramenta traderent, suo modo Deo in
hoc assimilati, quasi Deo cooperantes ; sicut et in corpore naturali
quaedam membra aliis influunt.» Entre ses oeuvres et
lui, Dieu a voulu réaliser toute la ressemblance qu'il a été possible, afin
qu'elles soient parfaites et que, par elles, il puisse être connu. Aussi,
pour manifester dans ses oeuvres non seulement les perfections de son
essence, mais aussi celles de son action sur les créatures, il a imposé à
tous les êtres cette loi naturelle : les êtres inférieurs seront conduits
et poussés à leur perfection par des êtres intermédiaires; et ceux-ci le
seront par des êtres supérieurs (...) Pour que cette harmonie ne manquât
pas à l'Église, il a établi un ordre en elle : certains dispensent les
sacrements aux autres, étant en cela assimilés à Dieu, à leur manière,
collaborant en quelque sorte avec Dieu ; tout comme dans un corps naturel
certains membres influent sur d'autres. (S. Thomas,
Supp. IIIae, q. 34, a. 1, corp.)
Par le fait même,
étant donné que le Pape reçoit la charge de son ministère, non pas en vertu
d'une ordination, mais par l'acceptation de son élection faite lors du
conclave, il est manifeste que l'Ordre papal, ainsi qu'on peut l'appeler,
s'exerce au moyen de la grâce ministérielle propre à cette charge, et non
pas en vertu de la réalité essentiellement sacramentelle nommée caractère.
127. Le Pape est le ministre de
l'Église qui possède l'Ordre le plus élevé dans la hiérarchie : l'Ordre
papal, tel que nous venons de le décrire. Mais, en tant que Successeur de
Pierre, qui était Apôtre, le Pape est aussi et nécessairement Evêque.
Ainsi, outre l'Ordre papal, le Pape possède aussi, conjointement, l'Ordre
épiscopal. Or, de soi, l'Ordre épiscopal est ordonné à l'édification du sacramentum Ecclesiae : Dans sa fonction d'opérateur des mystères sacrés, l'évêque est le
constructeur de l'Église en tant que communion dans le Christ. (S.S. Jean-Paul II, Allocution du 11 novembre 1992) De plus,
d'une part, comme «ordinatur omnis ordo ad Eucharistiae sacramentum» le sacrement de l'Ordre, dans tous ses degrés, a pour raison de
son institution le sacrement de l'Eucharistie (S.
Thomas, Supp. IIIae, q. 40, a. 5, corp.) ; et d'autre part, comme le Pape,
quoique essentiellement semblable et égal à n'importe quel évêque si on le
considère selon son Ordre épiscopal, est cependant absolument supérieur à
tous et à chacun des évêques en vertu de son Ordre papal, et ce, d'une
manière proprement personnelle, puisque c'est par son nom, expression de
toute la personne, que le Christ a établi Pierre à la tête du Collège
Apostolique, lui disant : Tu es Pierre, et sur cette
pierre je bâtirai mon Église (Mt. 16, 18) ; ainsi, on
peut affirmer que l'Ordre papal est ordonné à l'édification d'une réalité
essentiellement semblable au sacramentum Ecclesiae, mais qui lui est supérieure selon un rapport proprement
personnel. Finalement, étant donné que l'Ordre papal est du domaine de la
grâce ministérielle, et que l'Ordre épiscopal est du domaine des sacrements
qui impriment un caractère, on peut conclure, de ce qui précède, que, si
l'Ordre épiscopal est ordonné à l'édification de l'Église considérée sous
le rapport des sacrements proprement dits, c'est-à-dire l'Église édifiée
par l'acte de la communion eucharistique, accomplie dans la foi et la
charité, et donc l'Église appelée, pour cette raison,
sacramentum Ecclesiae, ou encore Église-Sacrement,
alors l'Ordre papal est ordonné, quant à lui, à l'édification de l'Église
envisagée sous l'angle propre de la grâce, c'est-à-dire l'Église édifiée en
vertu d'une simple action de l'Esprit de Dieu et de l'esprit de l'homme, et
appelée, pour cela, Église-Esprit, ou encore Église selon la grâce.
Cette
Église-Esprit est celle qui s'édifie, notamment, et d'une manière parallèle
à la célébration eucharistique, lors de la prédication évangélique : Pierre parlait encore, lorsque le Saint-Esprit tomba sur tous ceux
qui écoutaient la Parole (...) Alors, Pierre reprit la parole : Peut-on, dit-il, refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu le
Saint-Esprit aussi bien que nous ? (Ac. 10, 44 et 47)
128. Lors de la célébration
eucharistique, deux réalités semblables s'édifient : l'une l'Église-Esprit,
en vertu de l'Ordre papal, l'autre l'Église-Sacrement, en vertu de l'Ordre
épiscopal, celle-ci étant incluse et comprise dans celle-là, puisque, tout
en étant semblables entre elles, la première est supérieure à la seconde,
selon un rapport proprement personnel, ainsi que nous venons de le montrer.
Or, quant à la
réalité sacramentelle, quelle qu'elle soit, la pensée de Saint Thomas est
que la matière du sacrement correspond au corps de la personne humaine pour
qui la réalité sacramentelle est destinée, et que la forme ou les paroles
du sacrement correspond pareillement à l'âme de cette même personne humaine
: «Possunt considerari sacramenta ex parte hominis, qui sanctificatur, qui
componitur ex anima, et corpore, cui proportionatur sacramentalis medicina,
quae per rem visibilem corpus tangit, et per verbum ab anima creditur ;
unde Augustinus super illud Joan. 15 : Jam vos mundi
estis propter sermonem, etc., dicit (tract. 80 in
Joan. a med.) : Unde est ista tanta virtus aquae, ut
corpus tangat, et cor abluat, nisi faciente verbo, non quia dicitur, sed
quia creditur ?» On peut
considérer les sacrements par rapport à l'homme qu'il s'agit de sanctifier.
L'homme est un composé d'âme et de corps, auquel s'adapte parfaitement le
remède sacramentel qui, par la chose visible, touche le corps, et, par la
parole, devient un objet de foi pour l'âme. Aussi, à propos du texte : Déjà vous êtes purs à cause de la parole...
(Jn. 15, 3), Saint Augustin déclare: D'où vient à
l'eau une si grande vertu qu'elle touche le corps et lave le coeur ? Ne lui
vient-elle pas de la parole qui opère non parce qu'elle est dite, mais
parce qu'elle est crue ? (S. Thomas, IIIa, q. 60, a. 6, corp.)
Par le fait même,
dans un texte concernant l'Eucharistie, le même Docteur enseigne,
implicitement, le fait - conclusion de notre premier volume (voir EECC, n°
103) - que le sacrement de l'Eucharistie est différent des autres, qui sont
purement spirituels, alors que celui-là est tout à la fois spirituel et
matériel ou corporel : «In sacramento Eucharistiae id quod est res, et
sacramentum, est in ipsa materia ; id autem quod est res tantum, est in
suscipiente, scilicet gratia, quae confertur : in baptismo autem utrumque
est in suscipiente, scilicet et character, qui est res, et sacramentum, et
gratia remissionis peccatorum, quae est res tantum. Et eadem ratio est de
aliis sacramentis.» Dans le sacrement de
l'Eucharistie, ce qui est res et sacramentum est dans la matière elle-même, mais ce qui est res tantum, c'est-à-dire la grâce conférée,
est en celui qui reçoit l'Eucharistie. Dans le baptême, au contraire, l'un
et l'autre sont dans celui qui reçoit le sacrement : le caractère, qui est res et sacramentum, et la grâce de la
rémission des péchés, qui est res tantum. On retrouve la même structure dans les autres sacrements. (S. Thomas, IIIa, q. 73, a. 1, ad 3) Donc, dans la communion
eucharistique, par laquelle s'édifie l'Église-Sacrement, tant le
Christ-Eucharistie qui est reçu, que la personne humaine de l'Évêque
représentant l'Église, sont caractérisés par la note spirituelle et par la
note corporelle tout à la fois et d'une manière absolument indissociable.
Enfin, étant donné que l'Ordre du Christ, exprimé par ces paroles Prenez et mangez... Buvez-en tous..., et
ordonné à l'acte de la communion eucharistique, possède essentiellement et
un aspect spirituel, et un aspect corporel, on peut conclure, de ce qui
précède, que la réalité édifiée par l'acte de la communion eucharistique,
c'est-à-dire l'Église-Sacrement, est aussi caractérisée, de soi, tant par
la note spirituelle, que par la note corporelle.
Par le fait même,
comme, de son côté, l'Église-Esprit est, comme son nom l'indique,
exclusivement spirituelle ; et comme ce qui est spirituel, dans la personne
humaine, est tout à fait intérieur et inclus dans ce qui est corporel ou
matériel ; ainsi on peut affirmer que l'Église-Esprit est pleinement
incluse et comprise dans l'Église-Sacrement, et ce, selon le rapport propre
et exclusif de la personne humaine : c'est cette affirmation qui va nous
conduire à la relation existant entre le Pape et le Diacre.
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* *
129. Sous le rapport propre de la
personne humaine, l'Église-Sacrement est pleinement incluse et comprise
dans l'Église-Esprit (voir n° 128 - au début), et contrairement, quoique
sous le même rapport, l'Église-Esprit est pleinement incluse et comprise
dans l'Église-Sacrement (voir n° 128 - à la fin). Aussi, dans la mesure où
il n'existe personnellement qu'une seule et unique Église du Christ en
Marie-Médiatrice, on pourrait croire qu'il y a identité absolue entre
l'Église-Esprit et l'Église-Sacrement. Cependant, comme d'une part, la
grâce ministérielle, fondement du pouvoir de l'Ordre papal en vertu duquel
s'édifie l'Église-Esprit, et d'autre part, le caractère épiscopal, source
du pouvoir en vertu duquel s'édifie l'Église-Sacrement, sont tous deux des
réalités essentiellement distinctes, il ne s'agit absolument pas d'une
identité ou d'une égalité pure et simple entre l'Église-Esprit et
l'Église-Sacrement, mais bien d'un équilibre réciproque et complémentaire
entre elles.
130. Par le fait même, si on considère
la personne du Pontife Romain, non pas en elle-même, mais bien comme
faisant pleinement partie - en tant que Successeur de Pierre uni
mystiquement à Képhas - et de l'Église-Esprit, et de l'Église-Sacrement,
alors, en vertu de tout ce qui précède, on doit penser et croire
certainement que l'Ordre papal et l'Ordre épiscopal - dans la mesure où ils
sont actualisés dans la personne du Pape - s'équilibrent entre eux d'une
manière réciproque et complémentaire. Mais, étant donné que l'Ordre papal
est pleinement relatif au Christ en personne, l'équilibre réciproque et
complémentaire existant entre l'Ordre papal et l'Ordre épiscopal ne peut
exister véritablement que dans la mesure où l'Ordre épiscopal est considéré
dans sa dimension sponsale relative au Père. De là, voilà notre conclusion
: ministériellement, le Pape et le Diacre sont fondamentalement solidaires
entre eux, par manière d'équilibre complémentaire ; et encore tout Pape,
donc Képhas, est toujours en relation, de manière naturelle ou
surnaturelle, avec son Successeur.