UNE PIERRE
DANS L'ÉGLISE DE DIEU :
KÉPHAS
 
 
 
 
par
 
 
 
 
DANIEL MEYNEN
 
Chanoine de Saint-Aubain
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
© Daniel Meynen, 1996-2007
 
ISBN 2-84094-224-0
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
ÉTUDE DU MÉDIATEUR
D'ORDRE CORPOREL
 
 
 
 
 
Pierre a persévéré dans la foi jusqu'au bout.
C'est ainsi qu'il est devenu la «pierre» inébranlable,
même si en tant qu'homme il n'était que sable mouvant.
 
S.S. Jean-Paul II
 

 
 
 
 
 
 
 
TABLE DES MATIÈRES
 
 
 
 
 
Pour mémoire
 
07
 
 
 
Préambule
 
09
 
 
 
Chapitre I
 
 
Un seul Corps du Christ : Képhas
 
15
 
 
 
Chapitre II
 
 
L'unique médiation du Corps du Christ
 
23
 
 
 
Chapitre III
 
 
L'Ordre et l'Eucharistie
 
35
 
 
 
Chapitre IV
 
 
Hoc facite in meam commemorationem
 
47
 
 
 
Chapitre V
 
 
L'action de Marie-Médiatrice dans la Divine Trinité
 
59
 
 
 
Chapitre VI
 
 
Marie : Épouse de l'Esprit-Saint pour Képhas
 
71
 
 
 
Conclusion
 
79
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
POUR MÉMOIRE
 
 
 
 
 
 
Dans un précédent ouvrage intitulé L'Eucharistie : l'Église dans le Coeur du Christ, j'ai relaté ce que l'Esprit de Dieu n'a permis de comprendre, dans la foi touchant le sacrement du Corps du Christ, c'est-à-dire le moyen ou le médiateur d'ordre corporel institué par le Seigneur, pour que Marie, sa Mère, puisse exercer son universelle médiation.
 
Marie étant l'Épouse du Pape, le Vicaire du Christ sur la terre, il me faut aussi parler, pour être complet, de la relation existant entre le Christ-Eucharistie et le Pontife Romain, qui sont tous deux, chacun pour sa part, médiateurs d'ordre corporel. C'est le thème que je me propose de développer dans le présent ouvrage, suivant toujours dans la foi ce que le Seigneur me communique de sa Lumière.
 
Ce livre, comme son contenu, sera donc directement en relation avec le précédent. Pratiquement, lorsqu'il faudra se référer à L'Eucharistie : l'Église dans le Coeur du Christ, l'abréviation EECC, suivie du numéro du paragraphe concerné, ou bien suivie du chiffre de la page (s'il s'agit d'un texte sans numéro), sera insérée dans la logique du raisonnement. Ainsi, étroitement liés l'un à l'autre, ces deux livres constitueront l'un, le premier, et l'autre, le deuxième volume d'une Oeuvre unique.
 

 
 
 
 
PRÉAMBULE
 
 
 
 
 
Arrivé sur le territoire de Césarée de Philippe, Jésus questionna ses disciples : Au dire des gens, dit-il, qui est le Fils de l'Homme? Ils répondirent : Pour les uns, c'est Jean-Baptiste ; pour d'autres, Élie; pour d'autres, Jérémie ou l'un des prophètes. - Et pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? Simon-Pierre prit la parole : Tu es le Christ, dit-il, le Fils du Dieu vivant ! Alors Jésus prit la parole à son tour et lui dit : Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. (Mt. 16, 13-18)
 
1. Simon-Pierre, le Prince des Apôtres, s'adresse au Christ, le Fils de Dieu qui s'est fait chair (Jn. 1, 14), lui disant : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. (Mt. 16, 16) Et ce qu'il dit, il le pense - au même moment - dans son esprit : il a l'image du Christ en lui, selon un mode de connaissance spirituelle. Aussi, lorsqu'il prononce ces paroles Tu es le Christ..., Pierre est en union spirituelle avec le Christ, par voie de connaissance. Mais, avant l'événement de Césarée, et dès leur première rencontre, le Christ lui-même avait créé une union spirituelle, par la même voie de connaissance, entre lui et le futur Apôtre, en déclarant : Tu es Simon, fils de Jean. (Jn. 1, 42) Cependant, en ce point de départ, Jésus donna à Simon un nom nouveau : Tu t'appelleras Képhas (ce mot signifie Pierre). (ibid.) Ce qui veut dire que le Christ connaît spirituellement Simon par le moyen et par l'intermédiaire d'une appellation exclusivement matérielle, ou corporelle, celle de la pierre, qui, en langue araméenne, se traduit par Képhas. Par le fait même, dès son origine, l'union créée par le Seigneur entre lui-même et Simon-Pierre, quoiqu'essentiellement spirituelle, est et ne peut pas ne pas être aussi et tout en même temps corporelle, et ce, mystiquement, c'est-à-dire, selon l'ordre de la volonté divine. Et tout ceci vaut nécessairement lorsque Pierre s'adresse au Christ pour lui dire : Tu es le Christ..., puisque, juste après la profession de foi de Pierre, le Seigneur lui réplique, pour le confirmer intérieurement : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. (Mt. 16, 18)
 
2. Ce qui est important à remarquer ici, c'est que, en prononçant ces paroles Tu es le Christ..., Pierre n'est pas seulement en union spirituelle, et aussi corporelle, avec le Christ il est aussi, en vertu du témoignage du Christ lui-même, en union spirituelle avec le Père, Celui qui, éternellement, engendre le Verbe de vie. (1 Jn. 1, 1) Le Christ dit en effet, après les paroles de Pierre : Ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. (Mt. 16, 17) Ainsi, lorsque Pierre prononce ces paroles Tu es le Christ..., le Père est en lui, qui lui parle par mode de révélation, ou de connaissance, spirituelle et intérieure. Or, si le Christ-Homme reçoit immédiatement du Verbe, qui est Dieu en Personne, toute connaissance ou révélation d'ordre divin, par contre, tout autre homme - et donc Pierre - ne peut recevoir de révélation divine que par l'intermédiaire du Christ, le seul médiateur entre Dieu et les hommes. (1 Tm. 2, 5) C'est d'ailleurs pour cette raison que l'union spirituelle, par voie de connaissance, entre le Père et Pierre, est révélée à ce dernier par le Christ en personne. Et finalement, étant donné qu'entre le Christ et Pierre il existe - au moment même où Pierre prononce ces paroles Tu es le Christ... - une union spirituelle, et aussi corporelle, par voie de connaissance ou de révélation, tout ceci permet de dire que, entre le Père et Pierre, il existe une union spirituelle, par voie de révélation, qui est aussi et nécessairement corporelle.
 
3. Si, lorsque Pierre prononce ces paroles Tu es le Christ..., il existe une union spirituelle et corporelle entre le Père et Pierre, et entre le Christ - qui est le Fils de Dieu incarné - et Pierre, alors il doit aussi exister, au même moment, une union spirituelle et corporelle entre l'Esprit-Saint et Pierre : si Pierre fait un avec le Père et un avec le Fils, il doit nécessairement faire aussi un avec l'Esprit du Père et du Fils. Autant dire qu'entre la Très Sainte Trinité et le Prince des Apôtres, il existe - dans le Christ et par sa médiation - une union, qui est, quant à son mode (de l'ordre de la connaissance ou de la révélation), tant spirituelle que corporelle ; et que, par le fait même, toute la personne de Pierre, considéré corps et âme dans son union au Christ, manifeste et révèle la Très Sainte Trinité tout entière, la rendant visible et connaissable à l'Église et au monde (et donc aussi à lui-même) par la proclamation publique de sa foi à la parole du Père dite sans cesse dans son Fils, sous l'action de l'Esprit-Saint. C'est là ce que nous pouvons appeler le ministère trinitaire de Pierre en particulier, et du Pape en général. C'est aussi là tout le sujet de notre livre, sujet qui est pleinement contenu dans le titre que nous lui avons donné : Une pierre dans l'Église de Dieu : Képhas.
 
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4. Képhas est le nom donné par Jésus à Simon, le Prince des Apôtres, nom qui - parce qu'il signifie pierre - est l'expression verbale de l'union corporelle et spirituelle existant entre le Christ et Simon-Pierre. Et dans ce nom Képhas réside toute la racine et le fondement du ministère trinitaire de Pierre en particulier, et du Pape en général. Or, pour ce qui regarde l'union corporelle existant entre le Christ et Pierre, union exprimée par le mot Képhas, c'est proprement et uniquement par le biais de la communion eucharistique que cette union corporelle peut exister et existe réellement, puisque, d'une part, la personne humaine étant incommunicable, on ne peut envisager ici le Christ sous son apparence corporelle humaine, tel qu'il est in via, et plus précisément, tel qu'il est dans son acte d'élocution temporelle à Simon-Pierre; et que, d'autre part, l'Eucharistie considérée comme communion possède, de soi, un aspect proprement corporel, permettant - relativement à la médiation de Marie (se référer à EECC, n° 103) - une union corporelle, d'ordre mystique, entre le Christ et la personne humaine qui communie. Ainsi, le ministère trinitaire de Pierre s'exerce pleinement et uniquement par le biais de la communion corporelle et spirituelle au Christ-Eucharistie (à ce sujet, voir EECC, n° 74).
 
5. Cependant, on ne peut absolument pas nier que, lorsque le Christ dit à Simon Tu es Pierre (ou Képhas) (Mt. 16, 18), le même Christ est présent, vis-à-vis de Simon-Pierre, et ce, dans son apparence humaine, avec son corps historique. Aussi, si l'union corporelle, et spirituelle, exprimée par le mot Képhas, entre le Christ et Simon-Pierre trouve sa réalisation dans la communion eucharistique, ce ne peut être - au moment même où la parole Képhas est proférée par le Christ - selon le mode de l'acte, mais bien selon le mode de la puissance, ou encore selon un mode relatif à un temps futur, et non présent, ainsi que le contexte dans lequel la parole Képhas est dite le confirme : Sur cette pierre, je bâtirai (Mt. 16, 18), et non je bâtis ; Tu t'appelleras Képhas (Jn. 1, 42), et non tu t'appelles. Par le fait même, dans la mesure où la parole Képhas est l'expression verbale de l'union corporelle, et spirituelle, entre le Christ-Eucharistie et Simon-Pierre, cette même parole Képhas signifie par elle-même et en elle-même, de par la volonté du Christ - qui est Dieu - que cette parole manifeste extérieurement, que le Prince des Apôtres est et ne peut pas ne pas être, en ce moment même où le Christ lui parle, en puissance par rapport à l'acte sacramentel - corporel et spirituel - de la communion eucharistique. Mais, étant donné le caractère extérieur de la parole Képhas considérée dans son essence de parole vocale ; et étant donné aussi, et plus encore, le caractère corporel et matériel de la parole Képhas considérée dans son rapport essentiel avec la réalité corporelle de la pierre que cette même parole exprime; il faut affirmer nettement que la parole Képhas, dite par le Christ à Simon-Pierre, ne peut pas ne pas signifier et exprimer, de soi, que Simon-Pierre est - par rapport à l'acte de la communion eucharistique - en puissance, qui est, spirituellement passive et corporellement active, et ce, d'une manière une et indissociable, en vertu du caractère simple et un de la personne humaine, dont la parole Képhas est l'expression en tant que nom. Ceci revient à dire que, en disant à Simon : Tu es Pierre (ou Képhas) (Mt. 16, 18), le Christ lui confère le pouvoir ministériel et sacerdotal relatif à l'acte de la communion eucharistique, pouvoir qui est de l'ordre de la grâce, puisque le Christ vient de dire : Tu es bienheureux, Simon. (Mt. 16, 17)
 
6. Képhas est l'expression verbale en vertu de laquelle Simon-Pierre est en puissance de communier corporellement et spirituellement au Christ-Eucharistie. Or, étant donné que ce que Dieu dit dans le Christ, qui est le Verbe incarné, il le fait (puisqu'il est écrit : Il a dit, et tout a été fait (Ps. 32, 9 - 148, 5 - consulter EECC, n° 37)), on doit penser et croire sans aucun doute que, par le moyen et par l'interrmédiaire de la parole Képhas, le Christ - qui est Dieu - réalise effectivement, quoique mystiquement (voir n° 1), une union corporelle, et spirituelle, entre lui-même, considéré dans son Eucharistie, et la personne de Simon-Pierre. Autrement dit, il apparaît clairement que Képhas est l'expression verbale en vertu de laquelle Simon-Pierre est en acte de communion corporelle et spirituelle au Christ-Eucharistie. Par conséquent, étant donné que la vie divine, telle qu'elle nous est révélée dans le Christ, et telle qu'elle nous est communiquée dans l'Eucharistie, est tout à la fois et indissociablement acte et puissance (se référer à EECC, n° 43), il faut conclure finalement que Képhas est l'expression verbale en vertu de laquelle Simon-Pierre est tout à la fois et indissociablement en acte et en puissance de communier corporellement et spirituellement au Christ-Eucharistie.
 
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7. Dans le cadre du ministère trinitaire de Pierre, Képhas est l'expression verbale de l'union corporelle et spirituelle entre le Christ-Eucharistie et Simon-Pierre, union qui est tout à la fois en acte et en puissance. Or, l'Eucharistie étant corporellement une nourriture, et toute nourriture étant unie d'une manière absolument simple et une - par le principe de la vie - au sujet qui se nourrit, on peut affirmer sans hésiter que, dans l'acte d'union corporelle, et spirituelle, entre le Christ-Eucharistie et Simon-Pierre, l'expression verbale Képhas. Si elle s'attribue à Simon-Pierre, elle doit s'attribuer aussi et nécessairement au Christ-Eucharistie, c'est-à-dire au Christ considéré tant comme Parole de Dieu, que comme nourriture (voir notre livre EECC, n° 49). C'est pourquoi Pierre dit lui-même du Christ qu'il est la pierre vivante (1 P. 2, 4), ou encore la pierre qui, parce quelle est nourriture, donne la vie sous un mode proprement corporel. Donc, Képhas ne peut pas ne pas être l'expression verbale de l'union corporelle réciproque entre le Christ-Eucharistie et Simon-Pierre : Képhas exprime ensemble et tout en même temps l'union corporelle, et spirituelle, du Christ - considéré dans l'Eucharistie - avec Simon-Pierre, et l'union corporelle, et spirituelle, de Simon-Pierre avec le Christ-Eucharistie.
 
8. Si le mot Képhas sert d'expression verbale de l'union corporelle, et spirituelle, réciproque entre le Christ-Eucharistie et Simon-Pierre, il sert aussi, semblablement, d'expression verbale de l'union corporelle entre le Pape et l'Église considérée en la personne des Cardinaux lors du conclave d'élection, et en l'universalité du Peuple de Dieu dans la reconnaissance du nouveau Pontife. Or, par le fait que le Pape reçoit de l'Église le nom de Képhas, c'est-à-dire le même nom que Simon-Pierre, le premier Pape, il est permis de dire que le Pape, dans l'exercice de son ministère, est personnellement semblable à Simon-Pierre, et ce, en vertu du caractère individuel de la personne humaine dont le nom est, de soi, toute l'expression. Par le fait même, il est clair que le Pape, dans l'acte de son élection, est et ne peut pas ne pas être uni au Christ-Eucharistie, selon le mode de la puissance en vertu de l'action de l'Église qui lui impose le nom de Képhas, et aussi - d'une manière une et indissociable (voir n° 6) - selon le mode de l'acte en vertu de l'action du Christ, qu'il faut nécessairement supposer agir ici, en tant que Dieu, en union simple et une avec l'Église, et ce, en raison du même fait de l'absolue indissociabilité de la puissance et de l'acte relativement à la communion eucharistique du Pape en général, et de Pierre en particulier (voir n° 6). Ainsi, on doit affirmer nettement que, lorsque l'Église impose au Pape le nom de Képhas, elle l'impose aussi et nécessairement au Christ considéré dans son Eucharistie, le Pape et le Christ-Eucharistie étant alors unis simplement entre eux. Mais, c'est le propre du Pape, en tant qu'il est ministériellement semblable à Simon-Pierre, d'imposer au Christ - dans la communion eucharistique - le nom de Képhas (voir n° 7). Par conséquent, lorsque l'Église impose au Pape le nom de Képhas, en l'imposant aussi au Christ-Eucharistie, elle agit comme le Pape, et en son nom. Ce qui revient à dire que, lorsque l'Église impose au Pape le nom de Képhas, le Pape, lui, impose à l'Église le même nom de Képhas, qui est le sien propre. C'est pourquoi Pierre appelle les fidèles chrétiens pierres vivantes (1 P. 2, 5), tout comme le Christ pierre vivante (1 P. 2, 4). Par le fait même, Képhas est l'expression verbale de l'union corporelle, et spirituelle, réciproque entre le Pape, semblable - quant à son ministère - à Simon-Pierre, et l'Église : Képhas exprime ensemble et tout en même temps l'union corporelle, et spirituelle, de l'Église avec Simon-Pierre (en la personne du Pape, Vicaire du Christ), et l'union corporelle, et spirituelle, de Simon-Pierre avec l'Église.
 
9. De tout ce qui précède, il est aisé de conclure que, si Képhas est l'expression verbale de l'union corporelle, et spirituelle, réciproque entre le Christ-Eucharistie et Simon-Pierre, et si cette même appellation est l'expression verbale de l'union corporelle, et spirituelle, réciproque entre Simon-Pierre et l'Église, alors, par le moyen et par l'intermédiaire de l'expression verbale Képhas, les deux unions susdites sont simplement semblables entre elles, et par le fait même, le Christ-Eucharistie et l'Église sont, eux aussi, simplement semblables corporellement, c'est-à-dire relativement à l'appellation corporelle Képhas, l'Église est le corps du Christ (1 Co. 12, 27). Et finalement, comme l'appellation Képhas n'est autre que le propre nom du premier Pape, et donc, tout ce qui exprime son être personnel, il est hors de doute que la personne de Simon, en tant que Pierre, ou Képhas (c'est-à-dire considéré dans l'exercice de son ministère trinitaire), est médiateur d'ordre corporel, d'une manière mystique (relativement à la volonté de Dieu manifestée par le Christ en personne - voir n° 1), entre le Christ-Eucharistie (qui suppose, de soi, la personne du Christ historique) et l'Église, selon un mode pleinement réciproque, du Christ-Eucharistie vers l'Église, et de l'Église vers le Christ-Eucharistie. C'est là tout le sens du sous-titre de notre livre : étude du médiateur d'ordre corporel. C'est aussi là l'accomplissement de ce que nous avons annoncé dans notre premier volume, au n° 4.
 
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10. Tel qu'il apparaît dans l'épisode de Césarée, le ministère trinitaire de Képhas s'exerce, tout à la fois et indissociablement, par le moyen de son corps matériel et organique et par celui de son âme spirituelle sanctifiée par la grâce (voir n° 3). C'est-à-dire que l'Apôtre Pierre participe corps et âme au mystère du Dieu un et trine révélé aux hommes dans le Christ, et notamment à lui, Pierre, lors de l'épisode de Césarée. Or, il est hors de doute que Pierre, qui fait partie de tous ceux qui - en Adam - ont péché (cf. Rm. 5, 12), ne peut entrer corporellement en participation au mystère trinitaire que dans la mesure où son corps est réunifié par sa résurrection, devenu ainsi de nouveau semblable à la Trinité des Personnes en un seul Dieu (à ce sujet, consulter EECC, n° 33). C'est ce que le Seigneur lui-même a parfaitement déclaré à Pierre, lorsqu'il lui a dit, relativement à son ministère trinitaire : Ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela (Mt. 16, 17), voulant manifester par là que le corps vivant (contenant le sang) de Pierre est alors dans l'impossibilité de révéler, par ce qu'il est, l'image de Dieu-Trinité, dont il est l'expression dès la Création, mais expression qui, depuis le péché originel, est défigurée et obscurcie. Ainsi, il est tout à fait clair que le ministère trinitaire de Képhas ne peut s'exercer d'une manière pleinement corporelle (selon un mode manifeste et visible, correspondant pleinement à la notion de corps) qu'à la fin des temps, au temps de la Résurrection des Corps.
 
Mais, étant donné que Marie-Médiarice (parce qu'Elle est simplement semblable, corps et âme, à Dieu-Trinité - voir EECC, nos 32 et 33) ne fait absolument qu'un avec la Très Sainte Trinité, lorsque Képhas, à la fin des temps, révèle corporellement le Dieu un et trine, il ne peut pas ne pas révéler aussi et tout en même temps Marie-Médiatrice, et ce, d'une manière pleinement corporelle. Or, relativement à la Divine Trinité (que Marie-Médiatrice révèle par le biais de l'acte de la communion eucharistique - consulter EECC, n° 26), la même Marie-Médiatrice doit être considérée, de soi, comme l'Épouse du Pontife Romain, et donc, comme l'Épouse de Képhas (voir EECC, nos 69 et 74). Donc, comme, d'une part, Marie-Médiatrice est révélée corporellement par Képhas, lorsqu'il exerce son ministère trinitaire à la fin des temps ; et comme, d'autre part, l'époux et l'épouse ne font plus entre eux, de soi, qu'une chair (Gn. 2, 24) ; il est clair que Képhas, en tant que médiateur d'ordre corporel à la fin des temps, révèle et Marie-Médiatrice, et lui-même (tous deux étant époux et épouse l'un de l'autre), et ce, dans l'exercice en acte de son ministère trinitaire. Par le fait même, Képhas, à la fin des temps, manifeste au grand jour, d'une manière visible et matérielle, dans l'exercice de son ministère trinitaire, l'union sponsale, d'ordre mystique, existant entre le Pontife Romain et Marie-Médiatrice.
 
11. Mais l'action ministérielle trinitaire de Képhas, telle que nous venons d'en parler (voir n° 10), s'est déjà réalisée dès avant la fin des temps proprement dite : l'union sponsale mystique entre le Pape et Marie-Médiatrice a déjà reçu un certain caractère matériel, ou corporel, et donc, visible et manifeste par la publication d'un livre qui en parle, celui que nous avons écrit et qui s'intitule : L'Eucharistie : l'Église dans le Coeur du Christ (voir, entre autres, le n° 71). Aussi peut-on affirmer que ce que nous avons rédigé concernant cette union sponsale entre le Pontife Romain et Marie-Médiatrice est l'Oeuvre de Képhas en personne, et pareillement, que ce que nous disons en général de Marie-Médiatrice elle-même, ou du Pape en tant que tel, est aussi son Oeuvre, puisque l'union sponsale est relative à ce qu'il y a de plus intime dans la personne humaine, et que celui qui révèle ce qu'il y a de plus intime dans une personne est le même qui révèle ce qu'il y a de plus général dans cette personne, étant alors celui qui en a pénétré toute l'individualité.
 
Partant, le présent livre (qui ne fait qu'une unique Oeuvre avec notre premier volume), livre dans lequel nous étudions le ministère trinitaire de Képhas considéré comme médiateur d'ordre corporel, est l'Oeuvre de Pierre, le Prince des Apôtres, celui que le Christ a choisi pour être, en tant que Képhas, le fondement de son Église (cf. Mt. 16, 18) : nous allons voir dans cet ouvrage tout ce que Képhas dit de Marie et de lui, dans leur relation commune avec l'Église, tous deux étant les ministres de cet édifice mystique dont ils font en même temps partie.
 
Ainsi, dans les deux premiers chapitres, la fonction de Marie-Médiatrice touchant, de soi, l'édification de l'Église dans le Christ apparaîtra sous l'angle de vue de Képhas, c'est-à-dire jouissant, d'une manière simple et une, du caractère papal : nous verrons ce que dit Pierre au sujet de Marie-Médiatrice exerçant papalement sa médiation. Dans les deux chapitres suivants, le ministère trinitaire de Képhas ordonné, de soi, à l'union du Christ-Eucharistie et de l'Église, union qui donne naissance à un nouveau membre du Corps mystique du Christ, se verra sous un jour intime et personnel, celui du Pape Époux de Marie dans le Christ : nous découvrirons ce que dit Pierre au sujet de lui-même lorsqu'il exerce marialement son ministère trinitaire par le biais de l'acte de la communion eucharistique. Et dans les deux derniers chapitres, Képhas nous révélera quelle est l'activité de Marie-Médiatrice au sein de la Divine Trinité : celle de l'introduire, lui, le ministre de l'Eucharistie, au coeur des Trois Personnes divines, afin d'en faire éternellement son Époux dans le Christ. Finalement, dans notre conclusion, la fonction propre du diacre sera mise en pleine lumière, comparativement au ministère trinitaire de Képhas, et à la médiation corporelle de Marie.
 
 
 
 
 
Chapitre I
 
 
 
UN SEUL CORPS DU CHRIST : KÉPHAS
ou
Comment Marie exerce papalement sa médiation
 
 
 
12. Cette Oeuvre de Képhas, dans son ensemble, traite de l'acte sacramentel de la communion eucharistique (voir EECC, pp. 22 et 26). Et la conclusion de notre premier volume a été que ce même acte de la communion eucharistique possède, de soi, un aspect proprement corporel (EECC, n° 103). En ce sens, le sacrement de l'Eucharistie envisagé comme communion est le sacrement qui permet à la personne humaine d'obtenir, par la grâce de Dieu tout-puissant et miséricordieux, la réalité anticipée du salut éternel (à ce sujet, voir EECC, nos 92 à 95). De plus, c'est relativement au ministère trinitaire du dernier Pape que l'Eucharistie peut être considérée telle que nous venons de la décrire (voir EECC, n° 75). Ainsi, il apparaît clairement que l'étude approfondie - qui est le propre de ce livre - du médiateur d'ordre corporel, actualisé en la personne corporelle du Pape, qui exerce son ministère par l'acte corporel de la communion eucharistique, doit se placer - en sa phase initiale - dans le contexte propre de la fin des temps, ou encore de celui de la plénitude des temps (voir n° 10).
 
13. D'après ce que nous venons de dire, on pourrait penser, a priori, que la notion de plénitude des temps concerne proprement l'acte de la communion eucharistique. Si nous considérions que la notion de plénitude des temps signifie que le temps est plein car il touche à l'éternité de Dieu et participe à la plénitude de l'Etre qui ne manque de rien que ce soit, alors la proposition énoncée ci-dessus serait vraie (se référer à EECC, n° 71). Mais si, dans un cadre plus restreint, nous mettons sous les termes "plénitude des temps" le fait que les temps sont pleins car ils sont accomplis et qu'il n'y en a plus, alors il nous faut affirmer sans hésiter que la notion de plénitude des temps ne concerne nullement l'acte de la communion eucharistique. En effet, à la fin des temps, lorsqu'il n'y a plus de temps, le voile se déchire, Dieu apparaît au grand jour sous son apparence humaine, dans le Christ, et tous les signes temporels sont abolis en présence de la réalité éternelle. Or, sans signe, il n'y a pas de sacrement, et donc pas d'Eucharistie. Et ainsi, la notion de plénitude des temps, recouvrant la notion de fin des temps, ne concerne pas et ne peut nullement concerner l'acte sacramentel de la communion eucharistique.
 
14. A la fin des temps, ou dans la plénitude des temps, on ne peut faire référence à l'acte de la communion eucharistique (voir n° 13). Par le fait même, le dernier Pape, à la fin des temps, doit être considéré comme étant tout à fait incapable d'exercer son ministère trinitaire, faute de moyen pour le faire. Mais, le dernier Pape, puisqu'il est Époux de Marie dans le Christ (ainsi qu'il a été dit - voir n° 10), et que, par le fait même, il ne fait - mystiquement (le corps du Pape et celui de Marie étant spiritualisés - voir EECC, n° 70) - qu'un corps et qu'une âme avec Marie-Médiatrice, le dernier Pape, disions-nous, n'agit jamais seul dans l'exercice de son ministère trinitaire : Marie-Médiatrice est toujours agissante conjointement et simultanément avec lui. De plus, étant donné que le dernier Pape est éternellement sauvé - relativement à la médiation de Marie - tant naturellement (corporellement et spirituellement) que surnaturellement (se référer à EECC, nos 70 et 75), et que la médiation de Marie est régie, de soi, par la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine, association dont la règle de base est la philosophie humaine (à ce sujet, voir EECC, nos 39 et 40) ; il faut certainement penser et croire que, à la fin des temps, si le dernier Pape est naturellement agissant (et c'est précisément le cas puisqu'il est alors vivant), il est aussi et tout en même temps surnaturellement agissant. Par conséquent, de ce qui précède, il est tout à fait permis de dire que le dernier Pape, à la fin des temps, est et ne peut pas ne pas être en acte de médiation par rapport à sa propre personne, et ce, par et pour Marie-Médiatrice, son Épouse dans le Christ.
 
Cependant, ainsi que nous l'avons affirmé en commençant, le dernier Pape, à la fin des temps, est dans l'incapacité d'exercer son ministère trinitaire, faute de moyen pour cela. Donc, finalement, il faut conclure que, à la fin des temps, c'est proprement et uniquement Marie-Médiatrice qui exerce le ministère trinitaire du dernier Pape, son Époux mystique, et que, par le fait même, Marie-Médiatrice considérée à la fin des temps comme médiateur d'ordre corporel accomplit sa médiation d'une manière papale. C'est ce que nous avions annoncé précédemment (voir n° 11) : c'est aussi ce que nous allons voir ci-après.
 
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15. L'étude du médiateur d'ordre corporel considéré en lui-même dans la plénitude des temps (c'est-à-dire à la fin des temps) revient à envisager Marie-Médiatrice agissant, en tant que médiateur d'ordre corporel, d'une manière papale (voir n° 14). Or, Marie-Médiatrice possède, par la disposition de la Divine Providence, deux moyens pour exercer sa médiation : la Sainte Écriture, et la Sainte Eucharistie considérée comme communion. Comme on ne peut faire référence à l'acte de la communion eucharistique dans le contexte de la plénitude des temps (voir n° 13), Marie-Médiatrice ne dispose donc ici que d'un seul moyen pour l'exercice de sa médiation : le livre de vie (Ap. 21, 27), qui est la Sainte Écriture. Cependant, nous savons que l'acte de proclamation de la Parole de Dieu consignée par écrit, qui est l'acte de la médiation de Marie accompli par le biais de la Sainte Écriture, se réalise nécessairement par l'intermédiaire de l'acte de la communion eucharistique (se référer à EECC, n° 56). Par conséquent, étant donné que l'acte de la communion eucharistique ne peut être pris en considération dans le contexte de la plénitude des temps, et que, par le fait même, on ne peut se référer qu'à la réalité que ce même acte de la communion eucharistique exprime et réalise sacramentellement, savoir l'acte de la Nativité du Christ (voir EECC, nos 47 et 73 - voir aussi n° 82) ; nous devons finalement affirmer sans aucun doute que Marie-Médiatrice, si elle exerce papalement sa médiation, ce ne peut être que dans l'acte de proclamation de la Sainte Écriture accompli par le biais de l'acte de la Nativité du Christ.
 
16. L'acte de proclamation de la Sainte Écriture en général est un acte accompli par l'Église, agissant conjointement avec le Christ, par l'intermédiaire de Marie-Médiatrice, et pour elle (se référer à EECC, nos 51 et 52). Autrement dit, en prononçant ensemble les paroles de la Sainte Ecriture, le Christ et l'Église donnent naissance à leur médiateur corporel commun, qui est Marie-Médiatrice (ibid.). Par le fait même, il s'établit entre le Christ et l'Église une union corporelle d'ordre mystique, c'est-à-dire relativement à la médiation de Marie (consulter EECC, n° 23). Cependant, étant donné que tout ceci se réalise au moyen des paroles de la Sainte Ecriture, paroles qui doivent être considérées comme une nourriture d'ordre corporel (voir EECC, n° 49), il est hors de doute qu'entre le Christ et l'Église, il s'établit un contact simple et un (consulter EECC, n° 50). Donc, comme Marie-Médiatrice, lors de sa médiation par le biais de la Sainte Écriture, doit être considérée uniquement selon son corps (voir et lire EECC, n° 32), et comme, par le fait même, l'union entre le Christ et l'Église ne peut pas ne pas être considérée fondamentalement et principalement comme corporelle (quoique mystiquement) ; on doit conclure de tout ceci que l'union entre le Christ et l'Église, union qui donne naissance au médiateur corporel, qui est Marie-Médiatrice, est de l'ordre du corps spiritualisé ou simplifié.
 
17. Lorsque nous examinons en détail cet ordre du corps spiritualisé ou simplifié, nous voyons qu'il se rapporte à deux réalités distinctes mais indissociables entre elles. Ainsi, premièrement, relativement au fait que l'union du Christ et de l'Église dans l'acte de proclamation de la Sainte Écriture donne naissance à leur médiateur corporel commun, qui est Marie-Médiatrice, étant donné que le moyen utilisé par Marie-Médiatrice est celui de la Sainte Écriture, et que ce moyen est, de soi, composé et non-simple, et encore que ce même moyen, parce qu'il est un moyen (ou un intermédiaire) ne peut pas ne pas concerner pleinement Marie en tant que médiateur ou intermédiaire d'ordre corporel, il faut affirmer nettement que cette union entre le Christ et l'Église ne peut en aucun cas donner naissance au corps spiritualisé de Marie-Médiatrice, mais bien et uniquement au corps de Marie-Médiatrice considéré d'une manière décomposée et fragmentaire, et selon un ordre corporel tendant vers l'infiniment petit. Autrement dit, lors de la proclamation des multiples paroles de la Sainte Écriture, l'action conjointe et commune du Christ et de l'Église donne naissance, mystiquement, à un élément corporel simple, infiniment petit, entrant dans la composition du corps même de Marie-Médiatrice.
 
18. Deuxièmement, relativement au fait que l'union du Christ et de l'Église dans l'acte de proclamation de la Sainte Écriture, tout en donnant mystiquement naissance au corps de Marie-Médiatrice, donne naissance, tout en même temps et tout aussi mystiquement, à un nouveau membre du Corps mystique du Christ, par et pour Marie-Médiatrice (se référer à EECC, nos 51 et 52), étant donné que le moyen utilisé par l'Église est le même que celui utilisé par Marie-Médiatrice, savoir celui de la Sainte Écriture, mais que ce même moyen, parce qu'il est un moyen (ou un intermédiaire) ne peut en aucun cas concerner l'Église qui n'est pas intermédiaire ou médiateur, mais bien un des termes extrêmes de la médiation de Marie, il faut affirmer sans doute possible que l'union du Christ et de l'Église dans l'acte de proclamation de la Sainte Écriture, tout en donnant mystiquement naissance à un élément corporel simple, infiniment petit, entrant dans la composition du corps de Marie-Médiatrice (voir n° 17), donne aussi naissance, tout en même temps, et d'une manière mystique, au corps spiritualisé d'un nouveau membre de l'Église considéré dans toute son individualité personnelle. Cela revient à dire que, par Marie et pour Marie, l'édification de l'Église se réalise aussi en Marie considérée comme médiateur d'ordre corporel.
 
19. Un beau texte de Saint Louis-Marie Grignon de Montfort vient illustrer ce que nous venons d'énoncer : Il faut faire ses actions en Marie. Pour bien comprendre cette pratique, il faut savoir que la Très Sainte Vierge est le vrai paradis terrestre du nouvel Adam, et que l'ancien paradis terrestre n'en était que la figure. Il y a donc, dans ce paradis terrestre, des richesses, des beautés, des raretés et des douceurs inexplicables, que le nouvel Adam, Jésus-Christ, y a laissées. C'est en ce paradis qu'il a pris ses complaisances pendant neuf mois, qu'il a opéré ses merveilles, et qu'il a étalé ses richesses avec la magnificence d'un Dieu. Ce très saint lieu n'est composé que d'une terre vierge et immaculée, dont a été formé et nourri le nouvel Adam, sans aucune tache ni souillure, par l'opération du Saint-Esprit, qui y habite. (Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, n° 261) Il faut demeurer dans le bel intérieur de Marie avec complaisance, s'y reposer en paix, s'y appuyer avec confiance, s'y cacher en assurance et s'y perdre sans réserve, afin que dans ce sein virginal, l'âme y soit nourrie du lait de sa grâce et de sa miséricorde maternelle (...) afin qu'elle soit formée en Jésus-Christ et que Jésus-Christ soit formé en elle : parce que son sein est, comme disent les Pères, la salle des sacrements divins où Jésus-Christ et tous les élus ont été formés : Homo et homo natus est in ea, Cet homme-ci et cet homme-là y sont nés (Ps. 86, 5). (ibid., n° 264)
 
20. Relativement à la médiation de Marie par le biais de la Sainte Écriture, l'union conjointe et commune du Christ et de l'Église donne mystiquement naissance, d'une part, à un élément corporel simple entrant dans la composition du corps de Marie-Médiatrice, et d'autre part, à un nouveau membre du Corps mystique du Christ considéré dans la spiritualisation ou la simplification de son corps. Or, quant à cette dernière réalité, étant donné qu'un corps spiritualisé ou simplifié doit être assimilé à une réalité de l'ordre spirituel, qui est, de soi, caractérisé par la note de simplicité et d'unité, il est tout à fait clair que l'union qui donne naissance à un nouveau membre de l'Église est elle aussi caractérisée par la même note de simplicité et d'unité. Par conséquent, en vertu du caractère simple et un dont jouit l'union du Christ et de l'Église dans l'acte de proclamation de la Sainte Écriture par et pour Marie-Médiatrice, les deux réalités issues de ladite union ne font qu'un entre elles. Autrement dit, par le biais des paroles de la Sainte Écriture, l'édification de l'Église réalise mystiquement, de soi, un élément corporel simple qui entre dans la composition du corps de Marie-Médiatrice, et donc, étant donné le caractère individuel de la personne humaine, chacun des nouveaux membres de l'Église réalise mystiquement un élément déterminé du corps de Marie-Médiatrice.
 
21. Dans le contexte de la fin des temps, ou de la plénitude des temps, contexte que requiert, de soi, le concept de corps spiritualisé ou simplifié (relativement au dernier Pape, modèle des fidèles - se référer à EECC, nos 70 et 75), il faut penser et croire, en vertu de tout ce qui précède, que la totalité des membres du Corps mystique du Christ, totalité stable et définitive en raison de l'absence absolue de temps, réalise mystiquement autant d'éléments simples du corps de Marie-Médiatrice qu'il y a alors de personnes élues de Dieu composant le Corps mystique du Christ. Mais, étant donné que Marie-Médiatrice - parce qu'elle est la première des fidèles - possède, dès le commencement de l'édification de l'Église, son corps tout entier, et ce, d'une manière pleinement naturelle ; et étant donné aussi que la médiation de Marie est régie, de soi, par la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine, association dans laquelle la référence de base est la philosophie humaine (se référer à EECC, nos 39 et 40) ; il apparaît clairement que, si Marie-Médiatrice possède naturellement son corps tout entier, alors elle doit aussi et nécessairement posséder mystiquement ce même corps dans son intégralité totale et pleine.
 
Ainsi, en vertu du caractère stable et définitif de la quantité des membres du Corps mystique du Christ considéré à la fin des temps, ou dans la plénitude des temps, il est permis de conclure finalement que la quantité d'éléments corporels simples, entrant dans la composition du corps de Marie-Médiatrice et réalisés mystiquement par chacun des membres du Corps mystique du Christ considéré dans sa plénitude, n'est autre que celle qui compose, sans aucune variation de nombre possible, le corps tout entier de Marie-Médiatrice, et ce, d'une manière mystique, pleinement relative à la médiation de Marie.
 
Cela revient à dire que, dans la plénitude des temps, il y a identification mystique entre la plénitude des membres du Corps mystique du Christ et le corps de Marie-Médiatrice, considérée mystiquement comme médiateur d'ordre corporel agissant dans l'acte de proclamation des paroles de la Sainte Écriture, et que, par le fait même, l'Église se trouve en Marie, et Marie dans l'Église et comme Église. (S.S. Jean-Paul II, Allocution du 4 décembre 1991)
 
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22. Dans la plénitude des temps, il y a, relativement à la médiation de Marie par le biais de la Sainte Écriture, identification mystique entre le corps de Marie-Médiatrice et la plénitude des membres qui composent le Corps mystique du Christ (voir n° 21). Or, tout ceci suppose, de soi, qu'entre le Christ et l'Église - qui sont les termes extrêmes de la médiation de Marie - il existe un contact absolument simple et un, et ce, relativement à la médiation de Marie par le biais de la Sainte Écriture (voir n° 16). Ainsi, on doit affirmer sans aucun doute qu'entre le corps de Marie-Médiatrice et la plénitude des membres de l'Église, il y a identification simple, d'ordre mystique, c'est-à-dire relativement à la médiation de Marie. Par le fait même, il est tout à fait clair que, dans la plénitude des temps, Marie-Médiatrice considérée uniquement selon son corps doit être envisagée comme une simple fidèle - modèle de tous les autres fidèles - dont le corps est mystiquement réalisé par la plénitude des membres de l'Église.
 
23. Si on considère Marie-Médiatrice comme une simple fidèle, elle est, tout comme les autres fidèles dont elle est le modèle, en union simple et une avec le Christ (voir n° 16). Or, étant donné que l'union simple entre le Christ et l'Église s'accomplit par le biais de la Sainte Écriture (ibid.), et donc que, par le fait même, cette union simple est pleinement relative à la médiation de Marie, on doit dire que l'union simple et une entre le Christ et Marie-Médiatrice se réalise par l'intermédiaire de Marie-Médiatrice elle-même, considérée comme médiateur d'ordre corporel. Cela revient à dire que, lorsque Marie-Médiatrice, dans son union simple avec le Christ, est envisagée comme un des termes extrêmes de sa médiation (termes extrêmes qui sont le Christ et l'Église, c'est-à-dire les fidèles du Christ), cette même Marie-Médiatrice ne cesse aucunement d'être le terme milieu ou intermédiaire de sa médiation, et elle doit être considèrée comme telle. Or, dans une médiation d'ordre corporel (et c'est le cas ici), lorsqu'un des termes extrêmes est aussi et tout en même temps terme milieu ou intermédiaire, cela signifie sans aucun doute que l'autre terme extrême est lui aussi - en même temps que le terme extrême précédent - terme milieu ou intermédiaire, et ce, d'une manière pleinement corporelle.
 
Par conséquent, on peut affirmer de tout ce qui précède que, si Marie-Médiatrice, tout en étant, en tant que simple fidèle, terme extrême de sa médiation, est aussi et nécessairement terme milieu ou intermédiaire de cette même médiation, alors semblablement, le Christ, tout en étant terme extrême de la médiation de Marie, est aussi et tout en même temps terme milieu ou intermédiaire de cette même médiation de Marie. Autrement dit, relativement à l'union simple et une entre le Christ et Marie-Médiatrice, le propre corps du Christ, d'une part, et le propre corps de Marie-Médiatrice, d'autre part, sont tous deux terme milieu ou intermédiaire entre les termes extrêmes qui sont le Christ et Marie-Médiatrice. Finalement, en vertu du caractère simple et un de l'union entre le Christ et Marie-Médiatrice, on doit affirmer nettement qu'il y a identification simple entre le corps du Christ et le corps de Marie-Médiatrice, et ce, d'une manière tout à fait mystique, c'est-à-dire relativement à la médiation de Marie.
 
24. Pour conclure, disons que, s'il y a identification simple entre le corps du Christ lui-même et le corps de Marie-Médiatrice, et s'il y a, tout en même temps, identification simple entre le corps de Marie-Médiatrice et la plénitude des membres du Corps mystique du Christ, alors le Christ lui-même, Marie-Médiatrice, et l'Église considérée dans toute sa plénitude ne font tous qu'un seul corps, et ce d'une manière mystique, pleinement relative à la médiation de Marie envisagée comme médiateur d'ordre corporel. Par le fait même, ceci permet d'affirmer nettement que, si l'édification de l'Église dans le Christ - édification qui résulte de l'union du Christ et de l'Église - s'accomplit en Marie-Médiatrice lorsqu'elle exerce sa médiation par le biais de la Sainte Écriture (voir n° 18), alors l'édification de l'Église dans le Christ s'accomplit aussi et nécessairement avec Marie-Médiatrice dans l'exercice principal de sa médiation, c'est-à-dire dans la réalisation de l'acte de la Nativité du Christ (voir n° 15) : c'est là tout le développement de ce que nous avons esquissé dans nos Préliminaires (EECC, n° 74).
 
Enfin, il est encore permis de dire, en vertu de ce qui précède, que, si le Christ lui-même, Marie-Médiatrice, et l'Église en sa plénitude ne font qu'un seul corps, alors il doit nécessairement exister une expression verbale, et par là même, un concept propre selon lequel cet unique corps est appelé par notre bouche après avoir été conçu par notre esprit. Or, étant donné que, ici, dans le contexte de la plénitude des temps, Marie-Médiatrice doit être considérée comme une simple fidèle (voir n° 22), il est clair que l'unique corps dont nous parlons est, d'une part, celui du Christ lui-même, et d'autre part, celui de l'Église considérée dans sa plénitude, et donc envisagée mystiquement comme l'intégralité pleine et entière du corps même de Marie-Médiatrice (voir n° 21). Ainsi, on doit penser et croire finalement que l'expression verbale propre à cet unique corps du Christ lui-même et de l'Église en sa plénitude n'est autre que Képhas (cf. Jn. 1, 42), puisque cette expression s'applique corporellement tant au Christ qu'à l'Église (voir n° 9), et que cette même expression est la seule et unique qui puisse leur être appliquée, ainsi que nous allons le voir dans les pages qui suivent, afin de pouvoir affirmer sans doute possible que Marie-Médiatrice exerce papalement sa médiation.
 
 

 
 
 
 
 
 
 
Chapitre II
 
 
 
L'UNIQUE MÉDIATION DU CORPS DU CHRIST
ou
Comment Marie exerce papalement sa médiation
(suite)
 
 
 
25. Dans la plénitude des temps, relativement à la médiation de Marie, le Christ lui-même, Marie-Médiatrice, et l'Église considérée en la plénitude de ses membres font un seul et unique corps. Or, manifestement, comme tout ceci est relatif à la médiation de Marie par le biais de la Sainte Écriture (voir n° 15), parmi les trois éléments qui font un seul corps, il est clair que Marie-Médiatrice est l'élément médiateur, et le Christ lui-même et l'Église en sa plénitude sont les deux termes extrêmes que l'élément médiateur unit entre eux. Ainsi, on peut dire que le Christ lui-même et l'Église en la plénitude de ses membres font un seul corps par l'intermédiaire de Marie-Médiatrice considérée comme médiateur d'ordre corporel. Mais dire que le Christ lui-même et l'Église en sa plénitude font un seul corps revient à affirmer que le Christ lui-même et l'Église en sa plénitude sont corporellement semblables et identiques, quoique d'une manière tout à fait mystique, c'est-à-dire pleinement relative à la médiation de Marie. De plus, étant donné que le Christ est le premier-né d'une foule de frères (Rm. 8, 29), ce n'est pas le Christ lui-même qui est, de soi, corporellement semblable à l'Église en sa plénitude, mais bien l'Église en la plénitude de ses membres qui est corporellement semblable au Christ lui-même, son modèle c'est en ce sens que l'Église en sa plénitude est mystiquement le corps du Christ (1 Co. 12, 27).
 
Par conséquent, de ce qui précède, on doit conclure que, relativement aux trois éléments qui font un seul et unique corps, Marie-Médiatrice est l'élément médiateur, d'ordre corporel, qui unit, d'une part, le Christ lui-même, et d'autre part, aussi le Christ lui-même considéré dans son identité corporelle, d'ordre mystique, avec l'Église en la plénitude de ses membres. Autrement dit, la médiation propre du Christ considérée dans toute sa plénitude, c'est-à-dire la réalisation en acte de l'union, d'ordre corporel et mystique, entre le Christ et la plénitude des membres de l'Église, s'accomplit nécessairement par l'intermédiaire de Marie-Médiatrice envisagée comme médiateur d'ordre corporel, dans la plénitude des temps.
 
26. Ainsi que nous venons de le voir, dans la plénitude des temps, la médiation propre du Christ vis-à-vis de l'Église considérée dans la plénitude de ses membres s'accomplit mystiquement par l'intermédiaire de la médiation de Marie (voir n° 25). Or, la médiation propre du Christ se réalise, de soi, par le biais et par l'intermédiaire de l'Humanité du Christ, élément médiateur entre Dieu, dans le Verbe, et la plénitude des personnes humaines élues de toute éternité pour composer l'Église, Corps mystique du Christ. De plus, le Christ-Homme, en tant qu'il fait un seul corps avec Marie-Médiatrice et avec l'Église en la plénitude de ses membres, doit être considéré, relativement à la médiation de Marie, non seulement comme l'un des termes extrêmes de cette même médiation de Marie, mais aussi et nécessairement comme l'élément médiateur, d'ordre corporel, de cette médiation (voir n° 23). Par conséquent, on ne peut pas ne pas affirmer, de ce qui précède, que la propre médiation du Christ entre Dieu, dans le Verbe, et l'Église en sa plénitude s'accomplit et se réalise, d'une manière première, par l'intermédiaire du propre corps de Marie-Médiatrice, et d'une manière seconde, par l'intermédiaire du propre corps du Christ, et ce, dans une identification simple et une entre le corps du Christ lui-même et le corps de Marie-Médiatrice, dans le contexte propre de la plénitude des temps (voir n° 23). Cela revient à dire finalement que, dans la plénitude des temps, la médiation propre du Christ et la médiation propre de Marie ne font qu'un. Comme la médiation de Marie est d'ordre proprement corporel, la médiation du Christ lui-même, dans la plénitude des temps, est elle aussi d'ordre proprement corporel : c'est par l'intermédiaire de son corps, ainsi que par celui de son âme spirituelle sanctifiée par la grâce, que le Christ révèle à l'Église et au monde tout le Mystère de la Sainte Trinité. C'est pourquoi, dans la plénitude des temps, ces paroles spirituelles du Christ trouvent leur pleine réalisation corporelle : «Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi (...) Celui qui m'a vu, a vu le Père (...) Croyez-moi : je suis dans le Père, et le Père est en moi.» (Jn. 14, 6-9-11)
 
27. Dans la plénitude des temps, c'est-à-dire à la fin des temps, la médiation propre du Christ et celle de Marie-Médiatrice ne font qu'un pour révéler à l'Église et au monde, d'une manière tant corporelle que spirituelle, tout le Mystère de la Sainte Trinité (voir n° 26 - voir également EECC, n° 33). Or, on ne peut absolument pas nier que Marie-Médiatrice - puisque, contrairement au Christ qui est tout à la fois Dieu et Homme, cette même Marie-Médiatrice n'est qu'une personne humaine et non-divine - exerce sa médiation trinitaire, de soi, dans sa foi et par sa foi au Mystère qui n'est pas de sa propre nature. De plus, étant donné qu'il s'agit ici de l'exercice de la médiation de Marie par le biais de la Sainte Écriture (voir n° 15), et que, par le fait même, la foi dans laquelle et par laquelle Marie-Médiatrice exerce sa médiation possède, de soi, et un aspect proprement spirituel - aspect qui est pleinement relatif au sujet qui croit spirituellement - et un aspect proprement corporel - aspect qui est pleinement relatif à l'objet qui est cru, et, par là même, aspect qui est pleinement relatif au corps de la personne humaine qui croit spirituellement - (se référer à EECC, n° 54), on doit penser et croire que, si Marie-Médiatrice exerce, dans la foi et par la foi, sa médiation trinitaire, alors elle le fait d'une manière tant corporelle que spirituelle, et ce, relativement à la vertu de foi dans son rapport au Mystère de la Sainte Trinité. Cependant, on ne peut pas ne pas affirmer que, dans la plénitude des temps, ou à la fin des temps, la vertu de foi ne peut nullement exister quant au sujet qui croit (puisque nous sommes dans la claire vision - sans voile - du Dieu-Trinité), mais bien et uniquement quant à l'objet qui est vu dans et par cette même vertu de foi. Autrement dit, dans la plénitude des temps, il ne peut être question de l'aspect spirituel de la vertu de foi, mais seulement de son aspect corporel, d'ordre mystique, c'est-à-dire pleinement relatif à la médiation de Marie. Par conséquent, en tant que, dans la plénitude des temps, elle ne fait qu'un avec la médiation propre du Christ, la médiation trinitaire de Marie-Médiatrice s'exerce dans et par sa foi corporelle au Mystère qu'elle révèle à l'Église et au monde c'est par celle qui, spirituellement et corporellement, a cru à l'accomplissement des paroles qui lui ont été adressées de la part du Seigneur (Lc. 1, 45), paroles qui ne sont autres que les multiples paroles de Dieu consignées dans la Sainte Écriture, que le Mystère du Dieu un et trine est corporellement (et aussi spirituellement) manifesté et révélé dans le Christ Seigneur.
 
28. Moyennant sa foi dans son aspect proprement corporel, Marie-Médiatrice - dans son union au Christ-Médiateur - révèle à l'Église et au monde, tant corporellement que spirituellement, tout le Mystère de la Sainte Trinité, et ce, dans le contexte propre de la plénitude des temps (voir n° 27). Or, cela revient à dire que Marie-Médiatrice, en tant que médiateur d'ordre corporel, exerce sa médiation dans la mesure où elle croit elle-même, d'une manière corporelle, et donc mystique, au Dieu un et trine pleinement révélé dans le Christ en personne. Ou encore : Marie-Médiatrice, tout en étant élément médiateur de sa médiation, exerce cette même médiation en tant que terme extrême, c'est-à-dire en tant que simple fidèle, en tant que croyante - dans le Christ - au Mystère du Dieu un et trine. Mais, nous avons vu précédemment que, lorsque Marie-Médiatrice est considérée tant comme élément médiateur que comme terme extrême, c'est-à-dire comme simple fidèle, cette même Marie-Médiatrice est alors, de soi, la personne humaine dont le corps est mystiquement réalisé par la plénitude des membres de l'Église, Corps mystique du Christ. Ainsi, on peut affirmer nettement que, dans la plénitude des temps, Marie-Médiatrice exerce sa médiation propre, qui ne fait qu'un avec la médiation du Christ lui-même, dans la mesure absolue et exclusive où le corps de cette même Marie-Médiatrice est considérée dans son identification simple, d'ordre mystique, avec la plénitude des membres de l'Église. Finalement, tout ceci permet de conclure que, si Marie-Médiatrice, en tant qu'elle croit corporellement - dans son union au Christ-Médiateur - au Mystère du Dieu un et trine, révèle corporellement (ainsi que spirituellement), par l'intermédiaire de son corps envisagé comme médiateur d'ordre corporel, tout le Mystère de la Sainte Trinité, alors, l'Église en la plénitude de ses membres révèle elle aussi, corporellement (et aussi spirituellement), par l'intermédiaire du corps de Marie-Médiatrice auquel elle s'identifie simplement d'une manière mystique, le Mystère du Dieu un et trine pleinement révélé dans le Christ.
 
Par le fait même, relativement à la médiation de Marie qui ne fait qu'un, dans la plénitude des temps, avec la médiation du Christ lui-même, il existe une médiation propre de l'Église considérée en la plénitude de ses membres, médiation qui ne fait aussi qu'un avec la médiation propre du Christ. C'est ainsi que s'accomplissent en plénitude ces paroles du Concile Vatican II, qui enseigne : «Dans l'exercice de son apostolat, l'Église regarde à juste titre vers (Marie) qui engendra le Christ, conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge précisément afin de naître et de grandir aussi par l'Église dans le coeur des fidèles.» (Concile Vatican II, Lumen gentium, n° 65)
 
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29. Relativement à la médiation de Marie par le biais de la Sainte Écriture, l'Église en la plénitude de ses membres exerce sa médiation, dans la plénitude des temps, en révélant corporellement - d'une manière mystique - tout le Mystère de la Sainte Trinité (voir n° 28). Cela revient à dire que, en union simple et une avec le Christ qui est tout à la fois Dieu et Homme, l'Église en sa plénitude révèle corporellement le Mystère trinitaire, dans la plénitude des temps, en proclamant les multiples paroles de Dieu consignées matériellement, ou corporellement, dans la Sainte Écriture : à la fin des temps, l'Église en la plénitude de ses membres participe corporellement, dans le Christ, à l'acte éternel de la génération du Verbe, ou Parole du Père dans l'Esprit-Saint, et ce, par le biais des multiples paroles de Dieu consignées dans la Sainte Écriture. Par le fait même, on peut affirmer que, dans la plénitude des temps, l'Église considérée en la plénitude de ses membres, et envisagée selon son corps, en tant que médiateur d'ordre corporel, est de l'ordre de l'agir a se - tout comme la Très Sainte Trinité elle-même - et ce, d'une manière tout à fait mystique, c'est-à-dire relativement à la médiation de Marie par le biais de la Sainte Ecriture. Cependant, étant donné que, en vertu de la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine, règle qui régit de soi l'exercice de la médiation de Marie (voir EECC, nos 39 et 40), l'identification simple et une entre l'Église en la plénitude de ses membres et le corps de Marie-Médiatrice doit s'entendre tant d'une manière mystique que d'une manière naturelle et humaine (à ce sujet, voir n° 21), on doit nécessairement tenir compte du fait que, naturellement, selon la philosophie humaine, le corps d'une personne en particulier, et, en général, l'Église en la plénitude de ses membres considérée dans son identification simple au corps même de la personne de Marie-Médiatrice, est et ne peut pas ne pas être de l'ordre de l'agir ab alio, puisque le corps est informé par l'âme spirituelle qui l'anime (en tant que l'âme est étymologiquement anima). Ainsi, toujours en vertu de la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine, règle dont la référence de base est la philosophie humaine, on doit penser et croire que l'Église en sa plénitude, considérée corporellement comme médiateur d'ordre corporel, est, dans l'exercice de sa médiation trinitaire à la fin des temps, tant de l'ordre de l'agir ab alio que de l'ordre de l'agir a se. Or, tout ceci ne peut se concevoir que si l'on admet que cet autre être, dont l'agir de l'Église, considérée corporellement en sa plénitude, dépend, est et ne peut pas ne pas être cette même Église envisagée corporellement en la plénitude de ses membres. Autrement dit, dans l'exercice de sa médiation trinitaire à la fin des temps, l'Église en sa plénitude, considérée comme médiateur d'ordre corporel, est simplement semblable à l'Être transcendant, c'est-à-dire à la Divine Trinité elle-même.
 
30. En vertu de tout ce que nous venons de dire, il est clair que l'Église considérée en la plénitude de ses membres est, à la fin des temps, semblable et identique - d'une manière simple et une - tant à la Divinité une et trine qu'à Marie-Médiatrice considérée mystiquement selon son corps, c'est-à-dire relativement à sa médiation dans son aspect corporel. Par le fait même, nous pouvons affirmer que, relativement à la médiation de l'Église, il existe une similitude simple et une entre la Divine Trinité et Marie-Médiatrice considérée uniquement selon son corps, fait que nous avons déjà démontré dans nos Préliminaires (EECC, n° 32), et fait qui est ainsi argumenté davantage et mieux explicité. Mais, étant donné que la similitude simple et une entre l'Église en sa plénitude et le corps de Marie-Médiatrice est fondamentale et première, et que, par le fait même, la similitude simple et une entre l'Église en sa plénitude et la Divine Trinité est seconde et médiate, nous pouvons dire aussi que la relation d'identité entre la Divinité une et trine et l'Église en sa plénitude vient modifier, nécessairement et absolument (en vertu de la notion d'unicité ou de simplicité), la notion propre qui caractérise l'Église en sa plénitude dans sa relation d'identité avec Marie-Médiatrice considérée uniquement selon son corps. Or, comme, dans la plénitude des temps, Marie-Médiatrice envisagée uniquement selon son corps ne peut pas ne pas être considérée comme une réalité d'ordre proprement corporel (voir n° 17) ; et comme, de soi, Marie-Médiatrice considérée uniquement selon son corps est médiateur d'ordre corporel, on voit que la notion qui caractérise fondamentalement et principalement l'Église en sa plénitude, en vertu de sa relation d'identité avec le corps de Marie-Médiatrice, est celle de dimension, puisque cette dernière est la notion qui permet de donner tout son sens au concept de médiateur ou de milieu corporel et matériel (consulter EECC, n° 52). De plus, il est clair aussi que la Divinité une et trine, qui est esprit (Jn. 4, 24) et est donc l'Être spirituel transcendant tout à fait incommensurable, sans limite, et infini, ne peut modifier la notion de dimension qu'en la réduisant nécessairement à l'inexistence absolue. Par conséquent, de tout ce qui précède, on doit penser et croire que l'Église en sa plénitude considérée, à la fin des temps, dans la similitude simple et une avec le corps de Marie-Médiatrice d'abord, et ensuite, avec la Divinité une et trine, doit être envisagée, absolument et exclusivement, comme une réalité, d'ordre corporel et matériel, qui ne possède, de soi, aucune dimension. Autrement dit, dans la plénitude des temps, l'Église en sa plénitude doit être considérée comme étant, de soi, corporellement et matériellement, un point mathématique qui, par postulat, ne possède aucune dimension.
 
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31. Dans la mesure où, dans la plénitude des temps, l'Église en la plénitude de ses membres exerce sa médiation, mystiquement (c'est-à-dire en union avec la médiation de Marie, qui ne fait qu'un avec la médiation du Christ - voir n° 28), en tant qu'elle est corporellement et matériellement un point mathématique, alors, en vertu de sa similitude simple et une avec la Divine Trinité, l'Église en sa plénitude révèle au monde la même Divine Trinité par le moyen et par l'intermédiaire de la réalité proprement corporelle du point mathématique : autrement dit, par la médiation propre de l'Église, la Divinité spirituelle trinitaire apparaît dans le monde matériel sous la forme proprement corporelle du point mathématique. Mais si la Très Sainte Trinité - qui est un des éléments extrêmes de la médiation de l'Église - ne fait qu'un, d'une manière simple, avec l'Église en sa plénitude, qui est l'élément médiateur, il va pleinement de soi que le monde entier - qui est l'autre élément extrême de la médiation de l'Église - ne fait, lui aussi, qu'un avec l'Église en sa plénitude, et ce, d'une manière tout à fait simple et une. Ainsi, étant donné que, corporellement (quoique mystiquement), l'Église en la plénitude de ses membres doit être considérée, dans la plénitude des temps, comme un point mathématique, il est clair que le monde entier doit être, de même, considéré comme un point mathématique lorsqu'il est mis en relation, par voie de médiation mystique, avec la Divine Trinité, dont il émane en tant que créature. Cela revient à dire que, lorsque l'Église considère en Dieu, qui est lumière (1 Jn. 1, 5), le monde tout entier, celui-ci lui apparaît mystiquement sous la forme d'un point, sans dimension aucune. Le Patriarche des moines, Saint Benoît, a pu un jour en faire l'expérience ; Saint Grégoire le Grand, dans la Vie du Saint, rapporte en effet que l'homme de Dieu Benoît (...), au milieu de la nuit, vit une lumière qui se répandant d'en haut, avait chassé toutes les ténèbres et brillait d'une telle splendeur que cette lumière, qui avait surgi d'entre les ténèbres, surpassait l'éclat du jour. Et une chose étonnante se produisit ensuite en cette vision. Comme il le raconta ensuite, le monde entier se présenta devant ses yeux comme rassemblé sous un seul rayon de soleil ; et Saint Grégoire de tirer cette conclusion : Pour l'âme qui voit le Créateur, toute créature n'est qu'un point. Si peu en effet qu'elle ait vu de la lumière du Créateur, tout le créé devient petit. (Saint Grégoire le Grand, Dialogues, Livre II, n° 35)
 
32. Dire que le point mathématique, en tant qu'il est l'expression mystique, d'ordre corporel, de l'Église considérée en la plénitude de ses membres, manifeste matériellement dans le monde, par mode de similitude simple et une, tout le Mystère de la Sainte Trinité (voir n° 31), suppose, de soi, que l'Église en sa plénitude est, à la fin des temps, en union corporelle - d'ordre mystique - avec la Divine Trinité elle-même (voir n° 29). Or, étant donné que la médiation de l'Église ne fait qu'un avec la médiation propre du Christ (voir n° 28), l'union corporelle entre la Très Sainte Trinité et l'Église inclut nécessairement l'union spirituelle entre ces mêmes éléments. De plus, l'union spirituelle entre la Divine Trinité et toutes et chacune des personnes humaines composant l'Église en sa plénitude nécessite le don de la grâce divine, librement reçue et possédée par ces mêmes personnes humaines devenues ainsi agréables à Dieu. Par conséquent, si, dans le contexte de la médiation de l'Église à la fin des temps, il existe une réalité d'ordre corporel simplement semblable à la Divinité une et trine, qui est la Grâce incréée, alors il doit aussi et nécessairement exister une réalité d'ordre corporel qui est semblable, d'une manière simple et une, à la grâce créée, don de Dieu aux personnes humaines qui composent l'Église en sa plénitude. Or, étant donné que la grâce divine est essentiellement spirituelle, cette même grâce de Dieu ne fait absolument qu'un, d'une manière simple, avec toutes et chacune des personnes humaines composant l'Église en sa plénitude. Aussi, de ce qui précède, on peut conclure que, à première vue, la réalité d'ordre corporel simplement semblable à la grâce divine n'est autre que celle du point mathématique considéré comme expression mystique, d'ordre corporel, de l'Église en la plénitude de ses membres.
 
33. Cependant, tout en se basant sur ce que nous venons de dire, on doit absolument tenir compte aussi du fait que la grâce divine, parce qu'elle est créée, est un moyen et un intermédiaire entre la Très Sainte Trinité et l'Église en sa plénitude. Ainsi, en vertu du fait que, nécessairement, la grâce de Dieu possède une similitude simple et une dans une réalité d'ordre corporel (ainsi que nous l'avons dit ci-dessus - voir n° 32), il faut penser et croire nettement que la réalité d'ordre corporel simplement semblable à la grâce divine est caractérisée, de soi, par la notion propre de médiateur d'ordre corporel. Par conséquent, on peut affirmer sans hésiter que la grâce de Dieu, relativement à la médiation de l'Église à la fin des temps, trouve sa similitude simple et une dans la réalité corporelle et matérielle du point mathématique considéré comme médiateur d'ordre corporel. Mais alors, en ce cas, il faut admettre sans conteste possible que la réalité, d'ordre corporel, simplement semblable à la grâce divine n'est autre qu'un point mathématique qui, dans sa relation simple et une avec la grâce divine, possède véritablement - quoique mystiquement - une dimension, et ce, en vertu de la notion propre de médiateur d'ordre corporel, dont le fondement même est le concept de dimension et de mesure (voir n° 30). Or, mathématiquement, et donc naturellement, le point ne possède, par postulat, aucune dimension. De plus, comme il s' agit ici de la médiation de l'Église en tant qu'elle est envisagée dans son union simple avec la médiation propre de Marie ; et comme cette même médiation de Marie est régie, de soi, par la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine (consulter EECC, nos 39 et 40) ; nous devons considérer nécessairement que le point mathématique qui est simplement semblable à la grâce divine possède une dimension - mystiquement - et n'en possède aucune - naturellement - tout ensemble et en même temps. Par conséquent, pour concilier tout ce que nous venons d'affirmer, nous devons penser et croire absolument que la réalité d'ordre corporel simplement semblable à la grâce de Dieu, relativement à la médiation de l'Église, est, de soi, celle du point mathématique circonscrit spatialement par une sphère dont le rayon tend vers l'infiniment petit autrement dit, la grâce divine trouve sa similitude simple et une, d'ordre corporel, dans le volume appelé sphère considérée dans son identité maximale, quasi infinie, avec le point mathématique.
 
34. Ce que nous venons d'affirmer est admirablement confirmé par les deux témoignages suivants, dans lesquels l'âme spirituelle sanctifiée par la grâce de Dieu et unie simplement à cette même grâce est représentée par une sphère ou par un globe. Le premier de ces témoignages est la suite de la vision rapportée plus haut (voir n° 31) et dont fut gratifié Saint Benoît : Tandis que le vénérable Père tenait ses yeux fixés sur la splendeur de cette lumière éclatante, il vit l'âme de l'évêque de Capoue Germain portée au ciel par des anges sous la forme d'une sphère de feu. (Saint Grégoire le Grand, Dialogues, Livre II, n° 35) Le second témoignage, un de ceux que nous avons cités dans notre premier volume (au n° 11), est celui de l'apparition de la Vierge Immaculée à Sainte Catherine Labouré, en 1830. Selon un biographe de la voyante, Notre-Dame tient "une boule dans ses mains, qui représentait le globe (...) Catherine elle-même avait précisé ... : La Vierge offrait le globe à Notre-Seigneur. Cela est impossible à rendre, Il me serait impossible de l'exprimer. (René Laurentin, Vie authentique de Catherine Labouré, pp. 184 et 268) Finalement, de cet ensemble de considérations tant sur la Grâce incréée que sur la grâce créée, il est permis de conclure que, si l'Église en la plénitude de ses membres, considérée directement dans sa relation avec la Divinité une et trine, doit être envisagée mystiquement, à la fin des temps, comme un point mathématique (voir n° 30), alors, parallèlement, lorsqu'elle est considérée indirectement - par le moyen et par l'intermédiaire de la grâce créée - dans sa relation avec la Divinité une et trine, cette même Église en sa plénitude - en vertu, d'une part, de l'union simple et une entre la grâce de Dieu et l'âme spirituelle de toute personne humaine, et d'autre part, de l'inclusion simple, par le principe de la vie, de l'âme dans le corps de tout être humain vivant - doit être envisagée, tout aussi mystiquement, comme une sphère dont le rayon tend vers l'infiniment petit, et ce, dans le contexte propre de la plénitude des temps.
 
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35. En tant que la grâce divine sert de moyen et d'intermédiaire pour l'union entre la Divinité une et trine et l'Église considérée en la plénitude de ses membres, cette même grâce divine possède, relativement à la médiation de l'Église dans le contexte propre de la plénitude des temps, une similitude simple et une dans la réalité corporelle et matérielle de la "sphère" considérée dans son identité maximale avec le point mathématique (voir n° 33) Or, la grâce de Dieu, en tant que don divin librement possédé par l'Église considérée en la plénitude de ses membres, et donc, envisagée nécessairement après l'acte du péché originel, est et ne peut pas ne pas être un don divin librement possédé par l'Église en tant qu'elle est composée, de soi (sauf exception pour la Vierge Marie Immaculée), par des êtres humains qui, en Adam, ont tous péché (Rm. 5, 12). Donc, en vertu de cette priorité - dans le temps - du péché originel par rapport à la grâce de Dieu considérée à la fin des temps, cette même grâce divine, avant d'être un moyen et un intermédiaire pour l'union de l'Église à Dieu, est - premièrement et fondamentalement - un remède d'ordre spirituel servant, non pas à détruire, mais à neutraliser l'empêchement et l'obstacle, produit par le péché originel, quant à l'union de l'Église à Dieu. Par le fait même, si la grâce de Dieu, considérée comme moyen et intermédiaire en vue de l'union de l'Église à Dieu, possède nécessairement, une similitude simple et une dans une réalité corporelle et matérielle, alors, il apparait clairement que, premièrement et fondamentalement (dans l'ordre des réalités spirituelles), cette même grâce de Dieu, envisagée comme remède à l'obstacle - produit par le péché originel - empêchant l'union de l'Église à Dieu, doit posséder aussi, relativement à la médiation de l'Église, une similitude simple et une dans une réalité corporelle et matérielle, essentiellement différente de celle de la sphère considérée dans son identité maximale avec le point mathématique.
 
36. Quant à cette réalité corporelle différente de la sphère, réalité simplement semblable à la grâce divine, étant donné que cette même grâce divine, quoiqu'elle doive être envisagée ici dans sa fonction de neutralisation de l'obstacle produit par le péché originel, ne demeure pas moins, toujours, et d'une manière essentielle (en tant que bien divin donné à la personne humaine), un moyen et un intermédiaire, d'origine divine et ordonné à Dieu, permettant l'union de l'Église à la Divinité une et trine, il faut affirmer nettement qu'il s'agit d'un volume dimensionnel et spatial, médiateur d'ordre corporel, contenant en lui le point mathématique, en tant qu'expression mystique de l'Église considérée à la fin des temps dans la plénitude de ses membres, point mathématique qui est le centre du volume en question, et auquel ce même volume doit être envisagé comme quasiment identique, s'il était possible, tout comme la sphère (voir n° 33). Cependant, étant donné que - en vertu de la fonction de la grâce dans sa neutralisation de l'obstacle produit par le péché originel, fonction qui est essentiellement différente de celle selon laquelle la grâce permet l'union de l'Église à Dieu - on doit penser et croire que le volume recherché est, ainsi que nous l'avons déjà dit, essentiellement différent de celui de la sphère. Or, cette dernière possède, comme caractéristique géométrique propre, le fait de n'avoir absolument aucune surface plane et aucun point anguleux sur sa superficie extérieure. Par conséquent, de tout ce qui précède, il est permis d'affirmer que le volume dont il s'agit ici est un prisme régulier, qui possède, de soi, des surfaces planes (ainsi que des points anguleux), et qui - parce que ses surfaces sont régulières - est le seul, parmi les prismes (qui peuvent être réguliers ou irréguliers), pouvant être quasiment identique au point mathématique qu'il contient en lui.
 
37. Il nous reste à rechercher quelle est l'espèce du prisme régulier que nous considérons. Pour cela, revenons à la caractéristique fondamentale qui relie ce volume au point mathématique qui est son centre : ce volume, qui est dimensionnel et spatial, confère une certaine dimension - tendant vers l'infiniment petit - au point mathématique, centre de ce même volume (en vertu de la comparaison entre ce volume et la sphère - voir n° 36 - voir aussi n° 33). Ceci permet donc de dire que le point mathématique, qui est, de soi, au centre du volume, se trouve aussi et tout en même temps à la surface de ce même volume. Or, étant donné que ce volume doit être considéré dans son identité maximale avec le point mathématique qui est son centre, c'est-à-dire que la dimension de ce volume doit tendre vers l'infiniment petit, il va de soi que, si le point mathématique, centre du volume, se trouve aussi et tout en même temps sur la surface de ce même volume, ce ne peut être qu'au centre de toutes et de chacune des multiples surfaces planes qui forment ce volume, puisque la distance entre le centre de chaque face du volume et le centre de ce même volume - distance qu'on appelle distance orthonormée - est la plus courte. Cependant, si on se base sur le principe mathématique qui veut qu'un point n'est autre que l'intersection de deux droites (ou segments de droite) ou l'intersection d'une droite (ou segment de droite) et d'un plan (ou tout autre surface assimilable), on doit affirmer nettement que le point mathématique, lorsqu'il se trouve au centre de chacune des faces du volume, est nécessairement caractérisé par l'orthonormie de la distance la plus courte qui relie chaque face du volume au centre de ce même volume. Par conséquent, étant donné que la distance orthonormée tend, de soi, vers l'infiniment petit (en vertu de l'identité maximale, quasi infinie, entre le volume en question et le point mathématique qui est son centre), il faut conclure, de tout ce qui précède, que l'orthonormie, qui caractérise le point mathématique lorsqu'il se trouve sur la surface du volume, caractérise aussi et nécessairement ce point mathématique lorsqu'il est au centre de ce même volume, et que, par le fait même, puisqu'il s'agit ici de l'orthonormie pleinement relative à toutes et à chacune des distances orthonormées du volume, ce même volume n'est autre qu'un cube, c'est-à-dire le prisme régulier à faces carrées dont chacune des distances orthonormées est perpendiculaire à la distance orthonormée relative à la face contiguë.
 
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38. Dans la plénitude des temps, relativement à la médiation de l'Église, si la grâce divine - dans sa fonction qui permet l'union de l'Église à Dieu - possède une similitude simple et une, d'ordre corporel, dans la réalité propre de la sphère (voir n° 33), par contre, la même grâce divine - dans sa fonction qui neutralise l'obstacle, produit par le péché originel, empêchant l'union de l'Église à Dieu - possède une similitude simple et une, d'ordre corporel, dans la réalité propre du cube (voir nos 36 et 37). Or, étant donné que la fonction de la grâce selon laquelle cette même grâce neutralise l'obstacle, produit par le péché originel, empêchant l'union de l'Église à Dieu est première et fondamentale - dans l'ordre des réalités spirituelles - par rapport à la fonction de la grâce selon laquelle cette même grâce permet l'union de l'Église à Dieu, on doit admettre que, spirituellement parlant, la réalité propre du cube est, relativement à la médiation de l'Église à la fin des temps, incluse dans la réalité propre de la sphère. Cependant, contrairement à ce que nous venons de dire, étant donné que la sphère et le cube dont il s'agit ont, l'une, un diamètre, et l'autre, un côté tout à fait identiques entre eux (puisque tendant tous deux vers l'infiniment petit), on doit admettre que, corporellement parlant, la réalité propre de la sphère est, toujours relativement à la médiation de l'Église à la fin des temps, incluse dans la réalité propre du cube. Par conséquent, pour ce qui regarde l'Église en la plénitude de ses membres (qui sont des personnes humaines vivantes, c'est-à-dire considérées corps et âme), étant donné que cette même Église en sa plénitude - relativement à la grâce divine dans sa fonction permettant l'union de l'Église à Dieu - trouve son expression mystique dans la réalité propre de la sphère envisagée dans son identité maximale avec le point mathématique (voir n° 34), il faut penser et croire, en vertu de tout ce qui précède, que l'Église en la plénitude de ses membres trouve - aussi et tout en même temps, d'une manière simple et une (par le principe de la vie qui unit le corps organique et l'âme spirituelle) - son expression mystique dans la réalité propre du cube envisagé pareillement dans son identité maximale avec le point mathématique.
 
39. Ce qui vient d'être dit au sujet de l'Église dans son expression mystique, d'ordre corporel, à la fin des temps est divinement confirmé par le passage suivant tiré de l'Apocalypse de Saint Jean : Un des anges aux sept coupes pleines des sept fléaux suprêmes vint alors me parler : "Viens, me dit-il, que je te montre la Fiancée, l'Épouse de l'Agneau". Il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne et me fit voir la Ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu, dans toute la gloire de Dieu (...) Mon interlocuteur tenait un roseau d'or en guise de mesure pour arpenter la ville, ses portes et sa muraille. Or, la ville était bâtie en carré, sa longueur égalait sa largeur. Il arpenta donc la ville avec le roseau, et trouva douze mille stades : longueur, largeur et hauteur étaient égales. (Ap. 21, 9-10-15-16) La Ville sainte, Jérusalem céleste, possède donc bien à la fin des temps, matériellement et corporellement, une forme cubique. D'ailleurs, l'Ancien Testament annonçait déjà, par avance, la même figure. Outre la vision du Prophète Ezéchiel (40, 1-3 ; 42, 15 et 20), très proche de celle de Saint Jean, il faut mentionner la forme propre du Sanctuaire - le Saint des Saints - dans le Temple de Salomon, Sanctuaire fixant durablement les ordonnances mêmes du Seigneur à Moïse, dans le désert (voir Exode 26). Ainsi le Sanctuaire du Temple de Salomon avait vingt coudées de long, vingt de large, et vingt de haut (1 R. 6, 20).
 
40. Pour conclure ce chapitre, et par là même, notre analyse de la médiation de l'Église dans la plénitude des temps, disons que - la médiation propre de l'Église étant une, d'une manière simple, avec la médiation propre de Marie, et donc, les caractéristiques propres de la première étant aussi et en même temps celles de la seconde - Marie-Médiatrice exerce sa médiation - par le biais des multiples paroles de Dieu consignées dans la Sainte Écriture - d'une manière cubique, c'est-à-dire en tant que son corps, qui ne fait qu'un avec l'Église considérée en la plénitude de ses membres, est mystiquement un cube, incluant corporellement en lui une sphère, envisagée dans son identité maximale, quasi infinie, avec un point mathématique. Or, il est manifeste, d'après le témoignage de la Sainte Écriture, que l'Église en sa plénitude, c'est-à-dire la Ville sainte, la Jérusalem céleste, est mystiquement, à la fin des temps, une pierre de forme cubique : La Ville sainte, Jérusalem,... avait l'éclat d'une pierre très précieuse... La muraille était construite en jaspe... ; les soubassements du mur de la ville étaient diaprés de toutes sortes de pierres précieuses... (Ap. 21, 10-11-18-19) Donc, on ne peut pas ne pas affirmer nettement, pour finir, que Marie-Médiatrice exerce sa médiation, dans la plénitude des temps, en tant qu'elle est corporellement, bien que mystiquement, une pierre cubique, et donc anguleuse, tout comme le Christ, pierre angulaire, choisie et précieuse (1 P. 2, 6) : en un mot, Marie-Médiatrice - ainsi que nous l'avions annoncé (voir n° 24) - exerce papalement sa médiation, et ce, dans la plénitude des temps.
 
 

 
 
 
 
 
Chapitre III
 
 
 
LE MINISTÈRE MARIAL DE KÉPHAS
 
(1) L'ORDRE ET L'EUCHARISTIE
 
 
 
(Aspect marial du ministère papal)
 
41. Marie-Médiatrice, à la fin des temps, exerce papalement sa médiation : le médiateur d'ordre corporel, considéré en la personne de Marie-Médiatrice, exerce sa médiation, dans la plénitude des temps, en tant qu'il est une pierre cubique, c'est-à-dire en tant que Képhas. C'est ce que nous avons montré, avec quelques détails, dans les pages qui précèdent. Or, étant donné que l'époux et l'épouse ne sont plus deux, mais une seule chair (Mt. 19, 6), et que, par le fait même, l'époux est dans l'épouse, et l'épouse dans l'époux, il est manifeste que, si Marie-Médiatrice (qui est l'Épouse du dernier Pape - voir n° 14) exerce papalement sa médiation, et ce, d'une manière pleinement corporelle (quoique mystiquement - voir n° 40), alors le dernier Pape, Époux de Marie dans le Christ, accomplit marialement son ministère trinitaire, et ce, d'une manière tout aussi corporelle et mystique. Mais -ainsi que nous allons l'établir ci-après - dans la mesure même où, dans la plénitude des temps, le dernier Pape exerce marialement son ministère trinitaire, alors, en vertu de l'aspect proprement marial qui caractérise l'exercice de son ministère, le même dernier Pape (et en lui, tout Pape, qui est Époux de Marie - se référer à EECC, nos 69 et 70) accomplit son ministère trinitaire d'une manière tout aussi mariale dans le temps de grâce, depuis l'Incarnation du Verbe jusqu'à l'instant ultime précédant la Parousie du Christ, ainsi que nous l'avions annoncé en commençant ce traité (voir n° 11).
 
 
(L'exercice du ministère papal dans le Christ)
 
42. En effet, dire que Marie-Médiatrice, dans la plénitude des temps, exerce papalement sa médiation permet d'affirmer, par le fait même, que le dernier Pape, qui, par lui-même et de lui-même, est incapable - à la fin des temps - d'accomplir son ministère trinitaire, exerce ce même ministère par et en la personne de Marie-Médiatrice (voir n° 14) : dans la plénitude des temps, le dernier Pape accomplit marialement son ministère trinitaire. Or, en vertu de l'identité simple et une entre la médiation propre du Christ et celle de Marie-Médiatrice (lorsque l'une et l'autre sont considérées dans la plénitude des temps - voir n° 26), si Marie-Médiatrice exerce papalement sa médiation, alors, le Christ lui-même exerce aussi sa propre médiation d'une manière papale. Par le fait même, il faut penser et croire que, dans la plénitude des temps, le dernier Pape accomplit son ministère trinitaire par et en la personne du Christ lui-même. Mais, quant au fait que nous avons mentionné ci-dessus, savoir que le dernier Pape accomplit son ministère trinitaire par et en Marie-Médiatrice, ce fait ne peut se concevoir qu'en vertu de la relation sponsale, d'ordre mystique, existant entre le dernier Pape et Marie-Médiatrice, relation par laquelle et selon laquelle ces deux personnes distinctes - qui sont le dernier Pape et Marie-Médiatrice - ne font plus corporellement qu'un entre elles. Par conséquent, on devrait être amené à penser et à croire, a priori, que cet autre fait, qui consiste en ce que le dernier Pape accomplit son ministère trinitaire par et en la personne du Christ lui-même, ne pourrait se concevoir qu'en vertu de la relation sponsale, d'ordre mystique, existant entre le Christ lui-même et le dernier Pape, relation sponsale qui serait alors le modèle propre de la relation sponsale unissant mystiquement - par la grâce divine le Christ et l'Église considérée en tous et en chacun de ses membres (à ce sujet, voir EECC, n° 75).
 
 
(Le ministère papal est toujours exercé par un homme)
 
43. Cependant, étant donné que tout ceci est pleinement relatif à la médiation de Marie (qui ne fait qu'un avec la médiation propre du Christ) ; et étant donné aussi que la médiation de Marie est régie, de soi, par la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine ; il est clair que, s'il y a relation sponsale mystique entre le dernier Pape et Marie-Médiatrice, il y a aussi et nécessairement relation sponsale naturelle entre ces deux mêmes personnes : cela veut dire que, puisque Marie-Médiatrice est naturellement une femme, le dernier Pape est et ne peut pas ne pas être naturellement un homme. Aussi, on doit affirmer nettement, en vertu de ce qui précède, que le fait, selon lequel le dernier Pape accomplit son ministère trinitaire par et en la personne du Christ lui-même, ne peut en aucun cas se concevoir en vertu de la relation sponsale, d'ordre mystique, existant entre le Christ lui-même et le dernier Pape, puisque l'un et l'autre sont naturellement homme et qu'ils ne peuvent donc être unis par aucune relation sponsale naturelle. Par conséquent, on peut conclure que, si le dernier Pape, dans la plénitude des temps, accomplit son ministère trinitaire par et en la personne du Christ lui-même, ce fait - qui (ainsi que nous venons de le dire) ne peut se concevoir en vertu de la relation sponsale, d'ordre mystique (c'est-à-dire dans l'ordre de la grâce), existant entre le Christ lui-même et le dernier Pape - doit se concevoir, de soi, en vertu de la relation sacramentelle - considérée dans la réalité du caractère épiscopal (puisque le caractère est la seule réalité sacramentelle perdurant hors du temps, et que le caractère épiscopal est pleinement relatif au ministère du Pontife Romain) - existant nécessairement entre le Christ lui-même et le dernier Pape, Evêque de Rome.
 
 
(Essence relationnelle du caractère épiscopal)
 
44. D'après ce que nous avons établi ci-dessus, il apparaît clairement que, si Marie-Médiatrice exerce papalement sa médiation dans la plénitude des temps, alors, d'une part, le dernier Pape, dans l'accomplissement de son ministère trinitaire, doit être considéré dans sa relation sponsale, d'ordre mystique, avec Marie-Médiatrice, et d'autre part, le même dernier Pape doit être considéré dans sa relation sacerdotale, d'ordre sacramentel (dans la réalité du caractère épiscopal), avec le Christ lui-même. Mais, étant donné que tout ceci est fondé sur l'identité simple et une entre la médiation propre du Christ et celle de Marie-Médiatrice (voir n° 42), ce que nous venons de dire permet d'affirmer aussi, conjointement et simultanément, que, si Marie-Médiatrice exerce papalement sa médiation dans la plénitude des temps, alors, d'une part, le dernier Pape (dans l'accomplissement de son ministère trinitaire) doit être considéré - par le biais de la médiation de Marie - dans sa relation sponsale, d'ordre mystique, avec le Christ lui-même, et d'autre part, le même dernier Pape doit être considéré - par le biais de la médiation du Christ - dans sa relation sacerdotale, d'ordre sacramentel (dans la réalité du caractère épiscopal), avec Marie-Médiatrice. Par conséquent, on peut déclarer fermement que, relativement à l'exercice en acte de la médiation de Marie accomplie papalement à la fin des temps (dans l'union simple et une à la médiation propre du Christ), le caractère épiscopal configure sacramentellement tant au Christ lui-même qu'à Marie-Médiatrice en personne, c'est-à-dire tant au Christ qu'à l'Église considérée en la plénitude de ses membres (en vertu de l'identité simple et une entre le corps de Marie-Médiatrice et l'Église en sa plénitude, identité fondamentale quant à l'union simple et une entre la médiation propre du Christ et celle de Marie - voir n° 28) ; en un mot, le caractère épiscopal configure sacramentellement tant au Christ-Tête qu'au Christ-Corps : il configure au Christ-Total.
 
 
(Le ministère papal dans le temps de grâce)
 
45. Finalement, dans la mesure où le dernier Pape est uni à Marie-Médiatrice non seulement dans l'ordre de la grâce, par le biais de l'union sponsale incluse simplement dans l'union mystique (de type sponsal) existant entre le Christ et le même dernier Pape (voir n° 44), mais encore dans l'ordre sacramentel, par le biais du caractère épiscopal qui configure tant au Christ qu'à Marie-Médiatrice (ibidem), on doit penser et croire sans hésiter que le dernier Pape, et, en lui, tout Pape, exerce marialement son ministère trinitaire dans le temps de grâce, depuis l'Incarnation du Verbe en Marie, puisque tout ce qui est proprement sacramentel - ici, le caractère épiscopal - trouve son origine existentielle dans ce même temps de grâce.
 
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(Tout prêtre est Vicaire du Christ)
 
46. Comme Marie est la première de tous les fidèles du Christ, et donc leur modèle, le fait que le Pape exerce marialement son ministère trinitaire dans le temps de grâce doit s'entendre en ce sens qu'il accomplit ce même ministère d'une manière première, en tant qu'il est le premier de tous les prêtres, qu'ils soient du premier ou du second ordre (consulter EECC, n° 46). Mais si le Pontife Romain est le premier de tous les prêtres, il est donc aussi leur modèle comme Vicaire du Christ, de telle sorte que ce titre, qui est propre au Pape, peut aussi être attribué à chaque évêque, à chaque prêtre, et même à chaque baptisé (relativement au sacerdoce commun des fidèles) : Tout évêque est Vicaire du Christ pour l'Église qui lui est confiée. Le Pape l'est pour l'Église de Rome et, à travers elle, pour toute Église qui est en communion avec elle (...) Mais si l'on utilise ce titre pour suggérer la dignité particulière de l'Évêque de Rome, on ne peut pas le faire sans évoquer en même temps la dignité de tout le Collège épiscopal, à laquelle elle est très étroitement liée, ainsi qu'à la dignité de chaque évêque, de chaque prêtre et de chaque baptisé. (S.S. Jean-Paul II, Entrez dans l'Espérance, p. 37) Par conséquent, il est tout à fait permis d'affirmer que, dans le temps de grâce, chaque évêque, chaque prêtre, en tant que Vicaire du Christ, exerce marialement son ministère sacerdotal.
 
 
(La communion eucharistique du Pape édifie l'Église)
 
47. Le Pape, qui est le Vicaire du Christ par excellence, accomplit son ministère trinitaire, dans le temps de grâce, d'une manière mariale (c'est-à-dire relativement à la médiation de Marie), par le biais de l'acte de la communion eucharistique (voir n° 4 - consulter aussi EECC, n° 74). Cela revient à dire que, dans l'exercice de son ministère, le Pape communie marialement à l'Eucharistie. Mais, étant donné que l'acte de la communion eucharistique n'est autre que la réalisation sacramentelle de l'acte de la Nativité du Christ (voir et lire EECC, nos 47 et 73), qui est l'acte fondamental et premier de la médiation de Marie (se référer à EECC, nos 45 et 82), le caractère marial de la communion eucharistique du Pontife Romain est et ne peut pas ne pas être le caractère spécifique de l'acte de la Nativité du Christ considéré dans sa relation simple et une (car sacramentelle) avec l'acte de la communion eucharistique en tant que tel. Or, comme la relation ou le rapport mutuel existant entre l'acte de la Nativité du Christ et celui de la communion eucharistique est d'ordre proprement corporel (consulter EECC, n° 48), il est facile de constater que le caractère spécifique de l'acte de la Nativité du Christ réside dans le fait que le Christ Seigneur sort corporellement de Marie, sa Mère, qui le met au monde. Donc, si le Pape, en tant que Vicaire du Christ, communie marialement au Christ-Eucharistie, cela signifie que, par et dans cette action sacramentelle, le Christ entre dans la personne du Pontife Romain, et en sort, indissociablement et simultanément, et ce, d'une manière corporelle et mystique, c'est-à-dire relativement à la médiation de Marie. Autrement dit, et par le fait même, tout Vicaire du Christ qui, dans l'exercice propre de son ministère, communie au Christ-Eucharistie, envoie corporellement le Christ - Verbe de Vie incarné - dans le monde, donnant ainsi mystiquement au même Christ l'existence et la vie sur terre, en n'importe quelle personne humaine qui soit, par là même, Vicaire du Christ : l'acte de la communion eucharistique accompli ministériellement, d'une manière mariale, par tout Vicaire du Christ procure sacramentellement l'édification de l'Église, Vicaire du Christ universel.
 
 
(Képhas et le sacramentum Ecclesiae)
 
48. Dans la mesure où l'Église s'édifie sacramentellement par la communion eucharistique du Vicaire du Christ agissant marialement dans le temps de grâce, il apparaît clairement que le sacramentum Ecclesiae, c'est-à-dire l'Église-Sacrement (se référer à EECC, n° 57), se réalise véritablement, mais de la manière la plus excellente qui soit, par la communion eucharistique de Képhas, agissant marialement, comme le premier de tous les Papes, et donc, comme le premier des prêtres par excellence. Or, relativement à l'acte de la communion eucharistique, Képhas, le premier Pape, ne peut agir marialement que s'il exerce son ministère trinitaire d'une manière proprement corporelle, quoique mystiquement, relativement à la médiation de Marie (voir n° 47). Mais, nous avons déjà fait remarquer que Képhas ne peut exercer corporellement son ministère trinitaire qu'à la fin des temps, au temps de la Résurrection des Corps (voir n° 10). Par conséquent, étant donné, d'une part, que Képhas a réellement vécu au temps de la Pentecôte, lors de la naissance de l'Église ; et d'autre part, que le même Képhas, qui - comme tous les Papes - est Époux de Marie dans le Christ, a réellement exercé son ministère trinitaire, d'une manière corporelle et mariale, par le biais de l'acte de la communion eucharistique ; on doit penser et croire, pour pouvoir concilier tout ce qui vient d'être dit, que Képhas, le premier Pape, exerce marialement, et donc corporellement, son ministère trinitaire, par le biais de l'acte de la communion eucharistique, depuis le temps de la Pentecôte, jusqu'au temps de la Résurrection des Corps.
 
 
(Le sacramentum Ecclesiae dans la Tradition de l'Église)
 
49. Cependant, puisque Képhas est mort quelque trente ans après la Pentecôte (aux environs de l'an 67), on ne peut admettre qu'il continue d'exercer corporellement son ministère trinitaire, par le biais de la communion eucharistique, qu'en supposant qu'il agit, de soi, par personne interposée, par l'intermédiaire de quelqu'un qui parle et qui oeuvre en son nom. Comme tout Pape est appelé et se déclare lui-même successeur de Pierre, il est clair que c'est par l'intermédiaire du Pontife Romain, successeur de Pierre, que Képhas continue d'exercer corporellement son ministère trinitaire par le biais de la communion eucharistique. Par le fait même, il est tout aussi clair que l'édification du sacramentum Ecclesiae se réalise, de soi, par et dans l'acte de la communion eucharistique du Vicaire du Christ, agissant, non seulement marialement, mais aussi d'une manière proprement pétrinienne, relative à la personne même de Képhas. Tout ceci permet alors de dire que, relativement au ministère marial du Vicaire du Christ, la réalisation du sacramentum Ecclesiae ne peut pas ne pas se fonder sur la Tradition vivante de l'Église.
 
 
(L'Ordre et l'Eucharistie pour l'édification de l'Église)
 
50. Or, voici ce qu'affirme la Tradition vivante du Concile Vatican II : C'est aux prêtres qu'il revient de procurer l'édification du Corps (mystique) par le sacrifice eucharistique en accomplissant les paroles de Dieu quand il dit par la voix du prophète : De l'Orient jusqu'au couchant, mon Nom est grand chez les nations, et en tous lieux est offert à mon nom un sacrifice et une offrande pure." (Mal. 1, 11) Ainsi l'Église unit prière et travail pour que le monde entier dans tout son être soit transformé en peuple de Dieu, en Corps du Seigneur et temple du Saint-Esprit, et que soient rendus dans le Christ, chef de tous, au Créateur et Père de l'univers, tout honneur et toute gloire. (Lumen gentium, n° 17) De ce beau texte, il ressort que deux sacrements concourent à l'édification de ce que nous avons appelé sacramentum Ecclesiae : il s'agit des sacrements de l'Ordre et de l'Eucharistie.
 
C'est ce qu'enseignait déjà le Concile de Trente, quoique d'une manière un peu moins claire, c'est-à-dire en ne voyant l'édification du Corps mystique du Christ que dans la rémission des péchés véniels commis de jour en jour par les fidèles : «In Coena novissima, qua nocte tradebatur (1 Co. 11, 13), ut dilectae sponsae suae Ecclesiae visibile (sicut hominum natura exigit) relinqueret sacrificium (...) quo (Sacrificii Crucis) salutaris virtus in remissionem eorum, quae a nobis quotidie committuntur, peccatorum applicaretur : sacerdotem secundum ordinem Melchisedech se in aeternum (Ps. 109, 4) constitutum declarans, (Deus et Dominus noster) corpus et sanguinem suum sub speciebus panis et vini Deo Patri obtulit ac sub earundem rerum symbolis Apostolis (quos tunc Novi Testamenti sacerdotes constituebat), ut sumerent, tradidit, et eisdem eorumque in sacerdotio successoribus, ut offerrent, praecepit per haec verba : Hoc facite in meam commemorationem, etc. (Lc. 22, 19 ; 1 Co. 11, 24), uti semper catholica Ecclesia intellexit et docuit.» (Session XXII, ch. 1 - Denzinger. n° 1740) A la dernière Cène, la nuit où il fut livré, (notre Dieu et Seigneur) voulut laisser à l'Église, son épouse bien-aimée, un sacrifice visible, comme le réclame la nature humaine,... (sacrifice) dont la vertu salutaire s'appliquerait à la rédemption des péchés que nous commettons chaque jour. Déclarant qu'il était établi prêtre selon l'ordre de Melchisédech pour l'éternité (Ps. 109, 4), il offrit à Dieu le Père son corps et son sang sous les espèces du pain et du vin et, sous les mêmes signes, il les distribua à manger à ses Apôtres qu'il établissait alors prêtres du Nouveau Testament ; à eux et à leurs successeurs dans le sacerdoce, il donna l'ordre de les offrir par ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi (Lc. 22, 19), comme l'Église l'a toujours compris et enseigné.» (Concile de Trente, Session XXII, ch. 1 - Dumeige, n° 766)
 
 
(L'Ordre au service de l'Eucharistie, pour l'Église)
 
51. Ainsi, les sacrements de l'Ordre et de l'Eucharistie sont ordonnés à l'édification du sacramentum Ecclesiae. Cependant, c'est l'Eucharistie qui est le sacrement qui concourt principalement à cette fin commune, et le sacrement de l'Ordre est au service de l'Eucharistie : Je réaffirme le lien étroit entre le prêtre et l'Eucharistie, comme l'Église nous l'enseigne, et je réaffirme avec conviction, et aussi avec une intime joie de l'âme, que le prêtre est surtout l'homme de l'Eucharistie : le serviteur et le ministre du Christ dans ce sacrement, en qui - selon le Concile, qui résume la doctrine des antiques Pères et Docteurs - est contenu tout le bien spirituel de l'Église (Presbyterorum ordinis, n° 5) ; chaque prêtre est serviteur et ministre du mystère pascal accompli sur la croix et revécu sur l'autel pour la rédemption du monde, à tous les niveaux, dans chaque domaine de son travail. (S.S. le Pape Jean-Paul II, Allocution du 12 mai 1993) Ce que Saint Thomas d'Aquin exprime brièvement ainsi : «Ordinatur omnis ordo ad Eucharistiae sacramentum.» Le sacrement de l'Ordre, dans tous ses degrés, a pour raison de son institution le sacrement de l'Eucharistie. (S. Thomas, Supp. IIIae, q. 40, a. 5, corp.)
 
 
(Hoc facite in meam commemorationem)
 
52. Si nous remontons à l'origine de ces deux sacrements, nous constatons que l'Ordre et l'Eucharistie ont été institués par le Seigneur lorsqu'il prononça ces paroles : «Hoc facite in meam commemorationem.» Faites ceci en mémoire de moi. (Lc. 22, 19) Cela découle du fait que, par ces paroles, le Christ nous a enseigné le moyen par lequel le sacrement de l'Église se réalise et s'édifie. En effet, saint Paul, qui cite ces paroles du Seigneur (cf. 1 Co. 11, 24-25), les explique très clairement : Ainsi donc, toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. (1 Co. 11, 26) Donc, l'ordre du Seigneur : Hoc facite in meam commemorationem n'est pas autre chose que l'ordre d'annoncer sa mort jusqu'à ce qu'il vienne. Le Concile de Trente nous enseigne d'ailleurs le même parallèle : «Salvator noster, discessurus ex hoc mundo ad Patrem, sacramentum hoc instituit (...), et in illius sumptione colere nos sui memoriam (1 Co. 11, 24) praecepit suamque annuntiare mortem, donec ipse ad iudicandum mundum veniat (1 Co. 11, 26) (Session XIII, ch. 2 - Denzinger, n° 1638) Notre Sauveur, près de quitter ce monde pour aller à son Père, a institué ce sacrement... (et) il nous a ordonné, en le recevant, de célébrer sa mémoire et d'annoncer sa mort jusqu'à ce qu'il vienne en personne juger le monde (1 Co. 1, 24 et 26). (Concile de Trente, Session XIII, ch. 2 - Dumeige, n° 737) Sur l'ordre du Christ, nous devons donc annoncer sa mort : autrement dit, nous devons proclamer notre foi en la mission que le Christ a reçue de son Père, la mission de manifester l'amour de Dieu envers les hommes, lequel amour est si grand que le Fils même de Dieu est mort sur la Croix par amour pour tous les pécheurs : Il m'a aimé et s'est livré pour moi. (Ga. 2, 20) Or, proclamer notre foi en la mission du Christ, c'est proclamer que nous sommes les fidèles du Christ, selon ce que dit le Seigneur à son Père, à propos des Apôtres : Ils ont vraiment admis que je suis venu de toi, et ils ont cru que c'est toi qui m'as envoyé. (Jn. 17, 8) Annoncer la mort du Seigneur, c'est donc proclamer que nous sommes les fidèles du Christ : l'Église.
 
 
(L'édification du sacramentum Ecclesiae)
 
53. Mais comme il s'agit ici d'une action sacramentelle, savoir la communion au Corps et au Sang du Christ (voir n° 52, où nous citons le Concile de Trente), lorsque nous proclamons que nous sommes l'Église, nous le réalisons ; et donc, réellement, l'Église s'édifie. Par ces paroles Hoc facite in meam commemorationem, le Christ nous a donc bien enseigné l'ordre et le moyen d'édifier l'Église. Il faut cependant préciser que, ces paroles ayant été adressées aux seuls Apôtres, l'Église s'édifie par la communion de l'évêque, successeur des Apôtres, ou par la communion du prêtre en union avec son évêque; car le Christ a donné aux seuls Apôtres l'ordre de proclamer sa mission au monde entier : Le Christ, que le Père a consacré et envoyé dans le monde (Jean 10, 36) a, par les Apôtres, fait leurs successeurs, c'est-à-dire les évêques, participants de sa consécration et de sa mission. (Concile Vatican II, Lumen gentium, n° 28) Donc lors de la célébration eucharistique, le sacramentum Ecclesiae se réalise et s'édifie par la communion du célébrant au Corps et au Sang du Christ (voir n° 47) : «Unitas corporis mystici est fructus corporis veri percepti.» L'unité du corps mystique (du Christ) est le fruit que produit la réception de son vrai corps. (S. Thomas, IIIa, q. 82, a. 9, ad 2)
 
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(Hoc est corpus meum... Hoc facite...)
 
54. Afin de découvrir tout le sens théologique des paroles Hoc facite..., replaçons-les dans leur contexte historique. Ces mots Hoc facite in meam commemorationem, le Christ les prononça parmi les divers faits et gestes de l'institution de l'Eucharistie ; or, relativement à l'espèce du pain, le Seigneur fit alors trois actions distinctes, bien décrites dans les synoptiques :
 
- Lc. 22,19 :
«accepto pane gratias egit
et fregit
et dedit eis»
Il prit du pain, rendit grâce,
le rompit
et le leur donna.
 
- Mt. 26, 26 :
«accepit Jesus panem et benedixit
ac fregit
deditque discipulis suis»
Jésus prit du pain ; il prononça la bénédiction,
le rompit,
et le donna à ses disciples.
 
Il est évident que le Christ consacra d'abord le pain (gratias egit - benedixit) avant de le donner à ses disciples ; de même pour la fraction du pain, qui se place, dans la liturgie, après la consécration et avant la communion. Il faut donc lire directement, «accepto pane gratias egit..., dicens : Hoc est corpus meum quod pro vobis datur : hoc facite in meam commemorationem» Il prit du pain, rendit grâce,... en disant : Ceci est mon corps qui est donné pour vous : faites ceci en mémoire de moi. (Lc. 22, 19)
 
 
(Hic est calix... Hoc facite...)
 
55. Relativement à l'espèce du vin, l'Écriture nous rapporte seulement deux actions du Seigneur; mais la Tradition nous a transmis la troisième, qui fait le parallèle avec les trois actions relatives au pain :
 
- dans S. Luc : le verset 20 semble devoir s'expliquer et se développer par le verset 17 :
«accepto calice gratias egit...
accipite et dividite inter vos»
Il prit une coupe, rendit grâce (et dit) :
Prenez cette coupe et partagez-la entre vous. (Lc. 22, 17)
 
- dans S. Matthieu :
«accipiens calicem gratias egit
et dedit illis»
Il prit une coupe, rendit grâce,
et la leur donna. (Mt. 26, 27)
 
- dans la Tradition : «Monet deinde sancta Synodus, praeceptum esse ab Ecclesia sacerdotibus, ut aquam vino in calice offerendo miscerent, tum quod Christum Dominum ita fecisse credatur...» (Concile de Trente, Session XXII, ch. 7 - Denzinger, n° 1748) Le Saint Concile avertit... que l'Église a prescrit aux prêtres de mêler de l'eau, dans le calice, au vin qu'on va offrir... parce qu'on croit que le Christ notre Seigneur a fait ainsi... (Concile de Trente, Session XXII, ch. 7 - Dumeige, n° 773)
 
Nous faisons la même conclusion que pour la consécration du pain. Il convient donc de lire directement : «Similiter (= accepto calice gratias egit) et calicem... dicens : Hic est calix novum testamentum in sanguine meo, qui pro vobis fundetur.» Il prit de même la coupe [= Il prit une coupe, rendit grâce (Lc. 22, 17)] ... en disant : Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang qui est répandu pour vous... (Lc. 22, 20) Saint Paul ajoute : «Hoc facite quotiescumque bibetis in meam commemorationem.» Toutes les fois que vous en boirez, faites ceci en mémoire de moi. (1 Co. 11, 25) Cela paraît plus évident encore dans Saint Marc, où les paroles de la consécration du vin sont rapportées après que tous ont bu. Il est donc clair qu'elles se rapportent à gratias agens (Mc. 14, 23-24).
 
 
(La Dernière Cène : Hoc facite...)
 
56. Dans l'analyse des faits historiques de la Dernière Cène, nous avons établi l'existence de trois actions dictinctes du Seigneur : la consécration du pain et du vin, la fraction du pain et le mélange de l'eau au vin, la communion au Corps et au Sang du Christ. Aussi, c'est au milieu de ces trois actions que nous devons placer les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, afin d'en connaître tout le sens et toute la portée théologique. Mais véritablement, c'est au milieu de deux actions seulement, celle de la consécration du pain et du vin, et celle de la communion au Corps et au Sang du Christ, qu'il faut situer les paroles Hoc facite in meam commemorationem, pour en saisir la signification pleine et entière, car, dans la mesure où ces mêmes paroles sont comprises comme étant celles qui sont à l'origine des deux sacrements de l'Ordre et de l'Eucharistie (voir n° 52), l'action de la fraction du pain, et celle du mélange de l'eau au vin, ne pouvant être considérée comme essentielle à la célébration de l'Eucharistie (ainsi que nous allons le voir), n'est qu'indirectement - à l'exclusion de tout mode direct - en relation avec les paroles Hoc facite in meam commemorationem.
 
 
(Le pain et le vin eucharistique : un seul sacrement)
 
57. En effet, Saint Thomas nous enseigne clairement que, quoique double selon les espèces sous lesquelles il existe, le sacrement de l'Eucharistie forme un tout en soi considéré toujours sous l'une et l'autre espèce : «Hoc sacramentum multa quidem est materialiter, sed unum formaliter, et perfective.» Si ce sacrement comporte une pluralité du côté de la matière, il est un du côté de la forme et de la perfection. (S. Thomas, IIIa, q. 73, a. 2, corp.) Ce témoignage ne vient d'ailleurs que confirmer la conclusion à laquelle nous avons abouti précédemment, savoir que, en vertu de la relation fondamentale existant entre l'Eucharistie envisagée comme communion et l'exercice en acte de la médiation de Marie (qui est régie, de soi, par la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie de la vie humaine), on doit considérer le Sang du Christ, présent sacramentellement sous les apparences du vin, comme inclus dans le Corps du Christ, présent sacramentellement sous les apparences du pain, le Corps et le Sang du Christ ne faisant qu'un entre eux dans leur relation simple avec le corps et l'âme de la personne humaine vivante (voir et lire EECC, n° 92 - voir aussi nos 93 et 94). Or, si la fraction du pain est bien une action sacramentelle, puisqu'il s'agit de la rupture ou du brisement de l'Hostie consacrée, par contre, en ce qui concerne le mélange de l'eau au vin, il s'agit toujours du vin, et non pas du Sang du Christ, qui est coupé ou brisé au moyen d'un élément matériel qui est l'eau. Par conséquent, ni la fraction du pain, ni le mélange de l'eau au vin ne peuvent être considérés comme action essentielle de la célébration eucharistique.
 
 
(La fraction du pain... : arguments de Saint Thomas)
 
58. A ce sujet, nous pouvons citer les textes suivants de Saint Thomas. Le premier est relatif à la fraction du pain; il faut le comprendre en tenant compte du principe selon lequel tout ce qui concerne le Corps mystique du Christ ne se rapporte pas nécessairement à l'Eucharistie (puisque, dans l'Église, Corps du Christ, il existe des membres qui possèdent la grâce de Dieu par le moyen de la seule foi, à l'exclusion du mode sacramentel), tandis que, au contraire, relativement à la médiation de Marie (et c'est ce dont il s'agit ici), tout ce qui concerne l'Eucharistie se rapporte pleinement au Corps mystique du Christ.
 
Voici ce premier texte : «Dicendum est quod fractio hostiae consecratae, et quod una sola pars mittatur in calicem, respicit corpus mysticum ; sicut admixtio quae significat populum, et ideo horum praetermissio non facit imperfectionem sacrificii, ut propter hoc sit necesse aliquid reiterare circa celebrationem hujus sacramenti.» On doit dire que l'on rompt l'hostie consacrée et qu'on en met seulement une partie dans le calice pour signifier le corps mystique, comme on y mêle de l'eau pour signifier le peuple. C'est pourquoi l'omission de ces choses ne rend pas le sacrifice imparfait, et par conséquent il n'est pas nécessaire pour cela de réitérer quelque chose à l'égard de la célébration de ce sacrement. (S. Thomas, IIIa, q. 83, a. 6, ad 6)
 
Le second texte parle de l'eau mêlée au vin lors de l'offertoire de la Messe : «Si vero post consecrationis verba perceperit, quod aqua desit, debet nihilominus procedere, quia impositio aquae, ut supra dictum est (q. 74, a. 7), non est de necessitate sacramenti (...) Nullo autem modo debet aqua vino jam consecrato misceri, quia sequeretur corruptio sacramenti pro aliqua parte, ut supra dictum est (q. 77, a. 8).» Si après les paroles de la consécration le prêtre s'aperçoit qu'il n'y a pas d'eau, il doit néanmoins poursuivre, parce que, nous l'avons dit (q. 74, a. 7), le mélange de l'eau n'est pas nécessaire pour la validité du sacrement (...) On ne doit en aucune manière mêler de l'eau au vin lorsqu'il est consacré, parce qu'il en résulterait une altération partielle du sacrement, ainsi que nous l'avons observé (q. 77, a. 8). (S. Thomas, IIIa, q. 83, a. 6, ad 4)
 
Donc, il est tout à fait clair que l'action de la fraction du pain, et celle du mélange de l'eau au vin, doivent être considérées comme des éléments non-essentiels de la célébration eucharistique. Cependant, comme, de toute évidence, il ne se peut pas que le Seigneur Jésus, au cours de la Dernière Cène, ait fait quoi que ce soit d'inutile et de vain, l'action de la fraction du pain, et celle du mélange de l'eau au vin, si elles ne sont pas essentielles à la célébration de l'Eucharistie, doivent néanmoins être considérées comme de grande importance. On pourrait même dire que, relativement à la célébration eucharistique, elles en constituent la surabondance, et que, de la sorte, elles sont ce par quoi cette même célébration eucharistique peut être envisagée dans sa profondeur la plus mystérieuse et dans sa sublimité quasi inaccessible. Nous en reparlerons ultérieurement, selon un angle de vue différent, dans un autre contexte : celui de notre prochain livre.
 
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(Un médiateur entre la consécration et la communion)
 
59. D'après les documents que nous avons produits ci-dessus (voir n° 52), il est hors de doute que, selon la Tradition et l'Écriture, les paroles du Seigneur «Hoc facite in meam commemorationem» doivent être mises en relation pleine et entière, d'une manière directe, avec l'acte sacramentel de la communion eucharistique. Mais, personne ne niera que l'acte de la communion dépend pleinement et en tout de l'acte de la consécration, qui précède dans le temps, c'est-à-dire d'une manière pleinement relative à la notion de mémoire, ou de mémorial. Ainsi, tout en étant pleinement et directement relatives à l'acte de la communion, les paroles «Hoc facite...» sont pleinement, quoiqu'indirectement, relatives à l'acte de la consécration. Or, nous venons de voir que, d'après l'analyse des faits historiques de la Dernière Cène, les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem trouvent leur place entre ces deux actions sacramentelles que nous venons de mentionner : la consécration du pain et du vin, et la communion au Corps et au Sang du Christ. Par conséquent, comme tout être, qui trouve sa raison d'être entre deux autres êtres, et qui est pleinement relatif à chacun de ces deux autres êtres, est médiateur entre ces deux êtres, on doit affirmer nettement que les paroles Hoc facite... sont médiateur, ou intermédiaire, selon la pleine acception du mot, entre l'acte de la consécration et celui de la communion.
 
 
(Hoc facite... : médiateur d'ordre corporel)
 
60. Le fait que les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem sont intermédiaire, ou médiateur, entre la consécration du pain et du vin, et la communion au Corps et au Sang du Christ, ce fait, quoique nous le vivions sans cesse dans la Liturgie eucharistique, se trouve consigné par écrit, matériellement, dans la Bible. C'est d'ailleurs l'analyse des passages scripturaires relatifs à la Dernière Cène qui a été à la base et à l'origine de cette affirmation. On peut donc aller jusqu'à dire que, par rapport à l'acte de la consécration et à celui de la communion, considérés tous deux dans leur codification matérielle et écrite, les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem sont médiateur d'ordre corporel, et ce, dans le contexte propre et exclusif de la Sainte Ecriture.
(Comment se réalise le sacramentum Ecclesiae)
 
61. Mais nous avons établi déjà que la Sainte Ecriture est le moyen, uniquement matériel, ou corporel, mis par la Divine Providence à la disposition de Marie-Médiatrice pour l'exercice de sa médiation (voir EECC, n° 31). Pareillement, nous avons montré pourquoi la même Sainte Ecriture, en tant que paroles de Dieu consignées par écrit, doit être considérée comme une nourriture d'ordre proprement corporel (d'une manière mystique, c'est-à-dire pleinement relative à la médiation de Marie - se référer à EECC, n° 49). Aussi, puisqu'une nourriture est faite, de soi, pour être mangée, et que la personne qui se nourrit et la nourriture ne font qu'un par le principe simple de la vie qui les unit, il est clair que, lorsque nous, l'Église, lisons les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem dans la Sainte Ecriture, et donc, par l'intermédiaire de Marie-Médiatrice, nous devons penser et croire sans aucun doute que ces paroles Hoc facite..., si elles sont médiateur d'ordre corporel, elles le sont de la même manière et selon la même conception que celle qui convient, de soi, à Marie-Médiatrice en personne, et qui a été décrite dans nos Préliminaires (EECC, n° 52). Par conséquent, il est tout à fait permis d'affirmer que, les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem étant pleinement relatives à l'édification du sacramentum Ecclesiae (voir n° 52), l'existence et l'agir de l'Église-Sacrement dépend pleinement et en tout de l'acte de la consécration du pain et du vin, et de celui de la communion au Corps et au Sang du Christ, et ce, en vertu de la notion même de médiateur d'ordre corporel, tel que nous venons d'en parler.
 
 
(Éléments essentiels de la célébration eucharistique)
 
62. Par le biais des paroles Hoc facite in meam commemorationem, nous venons d'établir que les éléments essentiels permettant la réalisation en acte du «sacramentum Ecclesiae» sont la consécration du pain et du vin, et la communion au Corps et au Sang du Christ, lors de la célébration de l'Eucharistie. Or, cette dernière est et n'est pas autre chose que la réalisation en acte du sacramentum Ecclesiae : en admettant, après l'avoir démontré, que les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, tout en étant à l'origine des sacrements de l'Ordre et de l'Eucharistie, sont tout en même temps l'expression du moyen par lequel le sacrement de l'Église se réalise et s'édifie (voir nos 52 et 53), nous avons implicitement admis le fait que, par le biais des paroles Hoc facite in meam commemorationem, le sacramentum Ecclesiae, d'une part, et les sacrements de l'Ordre et de l'Eucharistie (considérés relativement à l'acte de la consécration et à celui de la communion), d'autre part, dépendent réciproquement l'un de l'autre, d'une manière pleine et entière. Par conséquent, en vertu et par le biais des paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, et dans une pleine et entière référence à ces mêmes paroles comprises et entendues d'une manière mariale, et donc relativement au ministère eucharistique du Vicaire du Christ exercé marialement, nous pouvons affirmer nettement, pour conclure, que les éléments essentiels de la célébration eucharistique sont l'acte de la consécration du pain et du vin, et celui de la communion au Corps et au Sang du Christ.
 
 
 
 
 
 
 
 
Chapitre IV
 
 
 
LE MINISTÈRE MARIAL DE KEPHAS
 
(2) HOC FACITE IN MEAM COMMEMORATIONEM
 
 
 
 
(Képhas, Marie, et l'Église-Sacrement)
 
63. Tout le sujet de notre livre consiste dans l'étude du ministère trinitaire de Pierre en particulier, et du Pape en général (voir n° 3) dans les pages de ce volume, le lecteur a déjà pu voir, et verra encore en détails ce que Képhas dit de lui-même dans l'exercice de son ministère (voir n° 11). Or, étant donné que le Vicaire du Christ exerce marialement son ministère trinitaire dans le temps de grâce (voir nos 41 et 45), c'est proprement dans et par l'acte sacramentel de la communion eucharistique que le Pape agit ministériellement pour Marie-Médiatrice, son Épouse dans le Christ (voir n° 4 - consulter aussi EECC, n° 74). Mais, lorsque le Vicaire du Christ s'unit, d'une manière mariale, au Christ-Eucharistie, réellement, selon un mode proprement sacramentel, l'Église s'édifie, croît, et grandit dans le Christ (voir nos 47 et 48). Ainsi, il apparaît clairement que l'étude du ministère trinitaire et marial de Képhas est pleinement relatif à la recherche propre traitant de l'édification sacramentelle du Corps mystique du Christ. Nous avons déjà orienté notre démarche en ce sens dans les pages qui précèdent : nous allons poursuivre dans la même direction tout au long du chapitre qui s'ouvre maintenant.
 
 
(L'édification de l'Église et la Nativité du Christ)
 
64. En tant qu'il est exercé marialement, le ministère trinitaire de Képhas s'accomplit dans et par l'acte de la communion eucharistique, acte qui procure à l'Église son édification dans le Christ. Mais, considéré marialement, le ministère trinitaire de Képhas est et ne peut pas ne pas être régi, de soi, par la règle d'association simple et une, entre la Révélation divine et la philosophie humaine, c'est-à-dire la règle propre à la médiation de Marie (voir EECC, nos 39 et 40). Donc, relativement au ministère trinitaire et marial de Képhas, l'acte de la communion eucharistique est régi, de soi, par cette même règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine. Or, par rapport à la personne du Pontife Romain qui communie en vue de l'édification du sacramentum Ecclesiae, le Christ-Euchatistie entre dans cette personne, si on considère la philosophie humaine, et il sort de cette même personne, si on envisage la Révélation divine le Christ-Eucharistie entre naturellement et sort surnaturellement de la personne de Képhas (voir n° 47). Mais le fait de sortir est ici pleinement relatif à l'acte de la Nativité du Christ, dont la communion est la réalisation sacramentelle. De plus, relativement à l'acte de la Nativité, le fait de sortir doit s'entendre, de soi, d'une manière tout à fait naturelle, selon la philosophie humaine. Ainsi, naturellement parlant, sur le plan de la philosophie humaine, l'acte de la Nativité du Christ et celui de la communion eucharistique s'opposent entre eux.
 
Or, en vertu de la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine, règle qui régit, de soi, et l'acte de la Nativité du Christ, et l'acte de la communion eucharistique, on doit affirmer sans aucun doute que ces deux mêmes actes de la Nativité du Christ et de la communion eucharistique s'opposent surnaturellement entre eux, sur le plan de la Révélation divine. Par conséquent, quant à l'acte de la Nativité du Christ, on doit penser et croire que, par rapport à la personne de Marie-Médiatrice, le Christ sort de cette personne, si on considère la philosophie humaine, et qu'il entre dans cette même personne, si on envisage la Révélation divine : le Christ entre surnaturellement en Marie, sa Mère, lorsqu'il en sort naturellement. Finalement, comme l'acte de la Nativité du Christ est le modèle, en tant que réalité, de l'acte de la communion eucharistique, tout ce que nous venons de dire au sujet de l'acte de la Nativité permet une parfaite et totale compréhension de l'acte de la communion, en tant que celui-ci, relativement au ministère trinitaire de Képhas, procure à l'Église son édification dans le Christ.
 
 
(La Nativité du Christ dans la plénitude des temps)
 
65. Dans et par l'acte de sa Nativité, le Christ sort naturellement de Marie-Médiatrice, sa Mère, et il entre surnaturellement en cette même personne, tout cela entendu corporellement, et donc, mystiquement. Cela revient à dire que, naturellement, par Marie, le Christ est mis au monde, et qu'il entre donc dans le monde, d'une manière naturelle, tandis que, d'une manière surnaturelle, il entre en Marie-Médiatrice, sa Mère. Or, quant au fait que le Christ entre dans le monde, cela confère au même Christ un caractère public, ou encore, communicable. Par contre, quant au fait que le Christ entre en Marie-Médiatrice, qui est une personne, et qui, par le fait même, est tout à fait incommunicable, cela confère au même Christ un caractère personnel, et donc, incommunicable. Ainsi, en vertu de la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine, règle qui régit de soi l'acte de la Nativité du Christ, il faut penser et croire absolument que, dans et par l'acte de sa Nativité, le Christ jouit à la fois et tout en même temps du caractère de la comunicabilité et de celui de l'incommunicabilité. Mais, lorsque le Christ, en vertu même de sa Nativité, entre surnaturellement en Marie-Médiatrice, sa Mère, il ne fait plus qu'un corps avec elle, et ce, d'une manière tout à fait mystique, relativement à la médiation de Marie. Par conséquent, il est tout à fait permis d'affirmer que, dans et par l'acte de la Nativité du Christ, Marie-Médiatrice, ne faisant mystiquement qu'un corps avec le Christ, son Fils, jouit tout à la fois et en même temps du caractère de la communicabilité, et de celui de l'incommunicabilité. Or, tout ceci ne peut se comprendre que si on suppose qu'il y a identité corporelle, d'ordre mystique, entre Marie-Médiatrice et l'Église considérée en la plénitude de ses membres à la fin des temps (à ce sujet, voir n° 21) : ce n'est que dans ce cas que la personne de Marie-Médiatrice est tout à la fois, et en même temps, communicable et incommunicable. Finalement, de tout ce qui précède, on peut conclure que, dans sa relation avec l'acte de la communion eucharistique procurant à l'Église son édification dans le Christ, l'acte de la Nativité du même Christ doit s'entendre dans le contexte propre de la plénitude des temps, c'est-à-dire dans le contexte où le Christ, Marie-Médiatrice, et l'Église en la plénitude de ses membres ne font tous qu'un seul corps, d'une manière mystique (voir n° 24).
 
 
(Le Mystère de la Nativité vu par un théologien)
 
66. Tout l'essentiel de ce que nous avons affirmé à propos de l'acte de la Nativité du Christ (voir nos 64 et 65) peut se retrouver dans l'analyse de ce Mystère tel que l'a entrevu, dans la foi, le Père M.L. Guérard des Lauriers, O.P. Il dit en effet, parlant d'abord du fait que, mystiquement, dans l'acte de la Nativité, le Christ et Marie, sa Mère, ne font qu'un seul corps : La présence éternelle du corps de Jésus dans le corps de Marie est fondée sur le fait que le corps de la Mère est tout relatif au corps de l'Enfant. L'expérience familière permet au moins d'entrevoir quelque chose de ce mystère. Lorsque nous contractons une relation avec une réalité distincte de nous-mêmes, nous observons que cette réalité nous devient plus ou moins présente. Et nous pouvons aisément découvrir que ce plus ou moins de présence dépend du degré d'intimité où nous affecte la relation que nous avons avec elle. L'amour qu'une mère porte à son enfant entraîne que l'enfant est présent en elle ; il est présent dans son coeur, dans son esprit. Ces choses peuvent être analysées ; elles recouvrent toujours un mystère mais sur lequel le sens commun ne se trompe pas. (Marie, n° 33, p. 64-65 - Texte polycopié - Pontcalec, 1965) Et continuant dans la même optique, se référant non seulement au temps de grâce, mais aussi à la plénitude des temps, il déclare : Dans cette vue, on doit donc affirmer que le moment où le corps de Jésus a quitté physiquement le corps de Marie inaugure une nouvelle présence de son corps à Lui dans son corps à Elle ; présence meilleure que celle d'avant l'enfantement parce qu'elle est fondée divinement et non humainement, présence qui de par sa nature même est d'ailleurs éternelle. Et si la Sainte Vierge n'a pas perçu ces choses physiquement selon son corps - ce qui sauf privilège est réservé à l'univers de Gloire - Elle a joui, pour le moins dans sa foi, de cette nouvelle et meilleure présence. En sorte qu'il serait aberrant de supposer que la parturition virginale soit accompagnée moralement d'une brisure qu'elle excluait physiquement. La joie de Noël est sans ombre pour la Sainte Vierge. Le corps de son Enfant qu'Elle donne et abandonne au monde pour le sauver, ne la déserte pas, ce corps Elle le conserve d'une manière meilleure, mirabiliori modo, divinement. (ibidem, n° 33, p. 65)
 
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(Le sacramentum Ecclesiae et la plénitude des temps)
 
67. Ce qui permet de comprendre l'édification du Corps mystique du Christ, relativement au ministère trinitaire de Képhas, c'est l'acte de la Nativité du Christ considéré dans la plénitude des temps, alors que le Christ lui-même, Marie-Médiatrice, et l'Église en la plénitude de ses membres ne font tous qu'un seul corps (voir nos 64 et 65). Or, étant donné que l'acte de la Nativité du Christ est, de soi, l'acte principal dans lequel et par lequel s'exerce la médiation de Marie (consulter EECC, n° 45), il apparaît clairement que l'édification de l'Église, dans le temps de grâce, par le biais de l'acte de la communion eucharistique, s'accomplit nécessairement d'une manière mariale, selon le mode propre du médiateur d'ordre corporel. Mais, ce qu'il importe de remarquer ici, c'est qu'il s'agit, non pas de l'acte de la Nativité du Christ considéré dans le temps, mais de ce même acte envisagé dans la plénitude des temps : il nous faut mettre en relation, de soi, un acte du temps de grâce - la communion eucharistique - avec un acte de la plénitude des temps la Nativité du Christ. Donc, le caractère marial dont jouit la réalisation en acte du sacramentum Ecclesiae introduit nécessairement dans cette action sacramentelle la note propre de la plénitude des temps, par mode d'anticipation, et ce, étant donné le caractère temporel de l'acte en question.
 
 
(Hoc facite... : des paroles de Marie-Médiatrice)
 
68. Si nous anticipons la fin des temps, d'une manière mystique (relativement à la médiation de Marie), ce que nous avons dit jusqu'à présent touchant l'édification de l'Église, c'est-à-dire la formation du Christ en nous, trouve un parfait résumé dans ces paroles, qui doivent alors être comprises en plénitude : Le mystère de Noël s'accomplit en nous lorsque le Christ "prend forme" en nous (Ga. 4, 19). (Catéchisme de l'Église Catholique, n° 526) Mais pour ce qui regarde l'anticipation de la plénitude des temps - entendue comme la fin des temps - dans la réalisation du sacrement de l'Église, l'Apôtre Saint Paul (qui vient d'être cité) en donne une confirmation claire et nette dans son commentaire des paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem. Nous avons déjà rapporté ce qu'il dit (voir n° 52), mais nous tenons à le remettre sous les yeux du lecteur : Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. (1 Co. 11, 26) Enfin, tout notre propos est entièrement confirmé (parce que déjà implicitement affirmé) par le fait que ces paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem doivent être comprises et entendues d'une manière mariale (voir nos 61 et 62). En effet, la note propre de la plénitude des temps, relativement à l'édification de l'Église dans le Christ, réside dans le fait que, mystiquement, à la fin des temps, le Christ lui-même, Marie-Médiatrice, et l'Église en la plénitude de ses membres ne font tous qu'un seul corps (voir n° 24).
 
Par conséquent, si on admet l'anticipation de la fin des temps dans la réalisation en acte du sacramentum Ecclesiae, on doit affirmer sans conteste que ces paroles Hoc facite in meam commemorationem, si, dans le temps de grâce, elles sont celles du Christ lui-même lors de la Dernière Cène, et si elles sont celles de l'Église, en la personne de Képhas, lors de la liturgie eucharistique, alors, dans la plénitude des temps, ces mêmes paroles sont celles propres de Marie-Médiatrice, fait selon lequel et en vertu duquel on ne peut pas ne pas déclarer que les paroles en question doivent être considérées comme proprement mariales.
 
 
(Sens plénier des paroles : Hoc facite...)
 
69. Si nous voulons connaître parfaitement en quoi consiste l'édification du  sacramentum Ecclesiae, relativement au ministère trinitaire de Képhas, nous devons l'envisager d'une manière mariale, et par le fait même, dans son rapport avec la fin des temps, par mode d'anticipation (voir n° 67). Plus précisément, en tant que ces paroles Hoc facite in meam commemorationem expriment divinement la nature propre du moyen par lequel le sacrement de l'Église se réalise et s'édifie (voir n° 52), il nous faut considérer ces mêmes paroles Hoc facite... comme celles propres de Marie-Médiatrice (voir n° 68). Or, ainsi que nous l'avons vu, il est manifeste que les paroles Hoc facite in meam commemorationem ne peuvent être celles propres de Marie-Médiatrice que dans la mesure où cette même Marie-Médiatrice, ne faisant, dans la plénitude des temps, qu'un seul corps avec le Christ lui-même et l'Église en la plénitude de ses membres, est envisagée comme médiateur d'ordre corporel entre le Christ et l'Église en sa plénitude, c'est-à-dire dans la mesure où le Christ et l'Église en la plénitude de ses membres s'unissent entre eux pour Marie-Médiatrice. Par conséquent, de ce qui précède, il est permis d'affirmer nettement que, si ces paroles Hoc facite in meam commemorationem sont celles propres de Marie-Médiatrice, cela doit être absolument et nécessairement d'une manière finale, selon l'ordre de l'intention. Par le fait même, si nous voulons connaître le sens plein et entier des paroles Hoc facite..., et par là même, ce en quoi consiste l'édification du sacramentum Ecclesiae, ce ne peut être qu'en considérant ces mêmes paroles comme celles propres de Marie-Médiatrice qui, dans la plénitude des temps, ne fait qu'un seul corps avec le Christ et l'Église en la plénitude de ses membres.
 
 
(Marie-Médiatrice semblable à Dieu)
 
70. Envisageons Marie-Médiatrice prononçant les paroles du Seigneur : Hoc facite in meam commemorationem. Nous sommes ici dans la plénitude des temps : Marie-Médiatrice ne fait donc qu'un seul corps avec l'Église en la plénitude de ses membres. Ainsi, Marie-Médiatrice qui prononce les paroles Hoc facite..., ce n'est rien d'autre que l'Église en sa plénitude qui dit ces mêmes paroles, en union simple et une avec le Christ lui-même (voir n° 16). Mais, par le biais des paroles de la Sainte Ecriture en général, et par celui des paroles Hoc facite... en particulier, l'union simple et une entre le Christ et l'Église en sa plénitude donne naissance, dans la plénitude des temps, à tout le corps, plein et entier, de Marie-Médiatrice elle-même (voir nos 20 et 21). Par conséquent, de ce qui précède, il faut affirmer absolument que, en prononçant ces paroles Hoc facite in meam commemorationem, en union simple et une avec le Christ, Marie-Médiatrice donne naissance, mystiquement (relativement à l'exercice de sa médiation), à son propre corps tout entier. Autrement dit, dans cet acte d'élocution, simple et un, des paroles de la Sainte Ecriture, l'existence du corps de Marie-Médiatrice dépend en tout de l'agir corporel de cette même personne. Or, chez tout être humain, et donc chez Marie-Médiatrice, l'agir dépend en tout de l'existence de son être humain. Donc, dans l'acte simple accompli par Marie-Médiatrice lorsqu'elle prononce, avec le Christ, les paroles Hoc facite..., cette même Marie-Médiatrice apparaît comme un être dont l'existence se confond avec l'agir, et ce, d'une manière simple et une, en vertu du caractère simple de l'acte en question. Étant donné que l'être dont l'existence se confond simplement avec l'agir n'est autre que l'Être par excellence, c'est-à-dire Dieu, Marie-Médiatrice, lorsqu'elle prononce les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, doit être déclarée créature à la ressemblance de Dieu (Gn. 5, 1).
 
 
(Marie proclame Hoc facite... par mode de mémoire)
 
71. Ce que nous venons de dire touchant la similitude entre Dieu et Marie-Médiatrice, nous en avons déjà parlé précédemment (voir n° 30 - consulter aussi EECC, n° 32). Mais ici il nous faut aller plus loin. Ainsi, comme, d'une part, il n'existe qu'un et un seul Dieu; et comme, d'autre part, Marie-Médiatrice ne peut absolument pas confondre en elle-même son existence et son agir sans l'intervention de la faculté mentale appelée mémoire (puisque, en toute créature, l'existence est antérieure à l'agir - quoique, dans la plénitude des temps, l'intervalle de temps entre l'existence et l'agir tend, sans cesse et toujours davantage, vers l'infiniment petit) ; il s'ensuit que, lorsque Marie-Médiatrice proclame, en union avec le Christ image du Dieu invisible (Col. 1, 15), les paroles Hoc facite in meam commemorationem, si elle est semblable à Dieu, elle l'est nécessairement par mode de mémoire, ou de souvenir, et donc, par le fait même, elle est représentation ou copie simple de Dieu : Marie-Médiatrice est véritablement créature à l'image de Dieu (Gn. 1, 27). Comme tous les élus de Dieu, c'est-à-dire tous les hommes conçus éternellement dans l'Esprit divin par mode d'élection, sont en Marie-Médiatrice (voir nos 18 et 21), ce qui précède est confirmé par le Psalmiste qui, s'adressant à Dieu, s'écrie : «Qu'est-ce que l'homme pour que tu te souviennes de lui ? (Ps. 8, 5), sentence qui ne peut se comprendre que si l'homme, qui est conçu par l'Esprit de Dieu, ressemble à Dieu par mode de mémoire, puisque Dieu n'a pas de mémoire, étant éternel. Finalement, compte tenu de tout ce qui précède, il est aisé de conclure que, pour obtenir une parfaite compréhension du sacramentum Ecclesiae, relativement au ministère trinitaire de Képhas, il faut considérer les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem selon le mode propre de la mémoire, tel qu'il caractérise Marie-Médiatrice dans l'exercice de sa médiation par le biais de la Sainte Ecriture, dans la plénitude des temps.
 
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(Premier sens des paroles Hoc facite...)
 
72. Entendues et comprises par mode de mémoire, les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem doivent être attribuées proprement à Marie-Médiatrice en personne (voir n° 71). Cela reviendrait à dire en toute première vue, en vertu du fait que le mode de mémoire, dont il est ici question, est originairement relatif à Marie-Médiatrice elle-même, que les deux actes de la consécration et de la communion, auxquels se rapportent pleinement les paroles Hoc facite... (voir n° 59), si ces deux actes concernent, de soi, le Christ quant au sacrement de l'Eucharistie, par contre, ils concernent, selon le mode propre de la mémoire, Marie-Médiatrice quant au sacramentum Ecclesiae, dont les paroles Hoc facite... sont la divine expression. On serait donc ainsi amené à admettre une certaine présence et une certaine action de Marie à la Messe, présence et action relatives tant à l'aspect sacramentel qu'à l'aspect sacrificiel de la célébration eucharistique : «Pour mieux situer le rôle de Marie à la messe, comparons ce rôle à celui du Christ (...) Si la Vierge est présente en un sens à la messe, c'est en tant qu'elle est unie au Christ, en tant qu'elle est le premier et le plus achevé des membres de son corps mystique dont l'Eucharistie est le sacrement (...) La part de Marie à la messe dépend de sa part au sacrifice rédempteur. A la Messe comme à la Croix, elle n'est pas le prêtre, ni la victime : elle communie au Prêtre, qui est aussi la Victime, dans l'esprit sacerdotal et victimal le plus achevé. (R. Laurentin, Notre-Dame et la Messe au service de la Paix du Christ, pp. 57 à 61)
 
 
(Deuxième sens des paroles «Hoc facite...»)
 
73. Si nous analysons plus en détail ce mode de mémoire qui, relativement à Marie-Médiatrice, caractérise les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, il faut mentionner le fait que la mémoire est d'ordre spirituel, si on se base sur la similitude existant entre Dieu et l'Homme par mode de mémoire (voir n° 71). De cela découle que les deux actes de la consécration et de la communion, auxquels les paroles Hoc facite... sont pleinement relatives (ainsi que nous venons de le rappeler - voir n° 72), doivent être entendus et compris de manière spirituelle : l'acte de la consécration est l'acte dans lequel et par lequel le Christ s'offre réellement en sacrifice à son Père, mais de manière spirituelle, non-sanglante, car sacramentelle ; l'acte de la communion est l'acte dans lequel et par lequel l'Église accomplit le mémorial eucharistique, c'est-à-dire l'anamnèse, qui est la communion spirituelle de l'Église, par mode de mémoire, et la préparation à la communion sacramentelle, couronnement et aboutissement de la communion spirituelle. On voit par là que, si les éléments essentiels de la célébration eucharistique, et donc, ceux de la réalisation du sacramentum Ecclesiae, sont l'acte de la consécration et celui de la communion (voir n° 62), il s'agit alors plus précisément de l'acte sacramentel de la consécration, actualisant l'unique sacrifice du Christ, et de l'acte sacramentel de la communion, couronnant et concluant le mémorial eucharistique de l'Église. C'est pourquoi Saint Thomas d'Aquin affirme (sans parler véritablement de deux éléments essentiels) : «In missa duo est considerare, scilicet ipsum sacramentum, quod est principale ; et orationes, quae in missa fiunt pro vivis et mortuis.» Dans la messe, il faut considérer deux choses le sacrement lui-même, qui est la chose principale ; et les prières qui y sont faites pour les vivants et pour les morts. (S. Thomas, IIIa, q. 82, a. 6, corp.)
 
 
(Troisième sens des paroles Hoc facite...)
 
74. En tenant compte de la notion propre de mémoire, c'est-à-dire en tenant compte du fait que la mémoire relie le passé au présent, il faut affirmer que, si Marie-Médiatrice proclame, par mode de mémoire, les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, elle le fait relativement à la notion de temps, qui peut se définir la durée passant entre deux instants de vie. Ainsi, Marie-Médiatrice proclame les paroles Hoc facite... dans le temps compris entre l'instant de la consécration et celui de la communion sacramentelle. Mais, ce qu'il importe de remarquer ici, c'est que, pour pouvoir se souvenir de l'instant passé dans l'instant présent, la mémoire a dû nécessairement être agissante dans l'instant passé, en enregistrant et en mémorisant ce même instant passé. Donc, on doit tenir en compte que la mémoire, pour pouvoir relier le passé au présent, doit être considérée comme étant pleinement en relation tant avec le passé qu'avec le présent. Comme, par rapport à la notion de temps, le passé est, de soi, distinct du présent, on voit clairement, de ce qui précède, que la mémoire sert véritablement d'intermédiaire entre le passé et le présent. Enfin, étant donné que la mémoire est et ne peut pas ne pas être nécessairement spirituelle (en vertu de son rapport modal avec la divinité - voir n° 73), il faut déclarer nettement que la mémoire est la faculté humaine spirituelle servant de médiatrice entre le passé et le présent, les unissant tous deux dans l'éternel présent de Dieu. Par conséquent, lorsque Marie-Médiatrice prononce les paroles Hoc facite in meam commemorationem, entre l'instant de la consécration et celui de la communion sacramentelle, on doit penser et croire absolument qu'elle agit véritablement en médiatrice du temps compris entre la consécration et la communion sacramentelle, et ce, relativement au mode de mémoire, tel que nous l'envisageons. Tout ceci permet alors de dire certainement que, lorsque les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem sont prononcées par Marie-Médiatrice, par mode de mémoire, elles le sont - mystiquement, relativement à la médiation de Marie - au milieu précis du temps compris entre l'instant de la consécration et celui de la communion sacramentelle.
 
 
(Sens final des paroles Hoc facite...)
 
75. Compte tenu de ce qui a été affirmé précédemment au sujet des paroles Hoc facite in meam commemorationem ; étant donné, d'une part, que ces mêmes paroles se prononcent, non pas en un instant, mais bien durant un certain temps ; et étant donné, d'autre part, que le milieu du temps compris entre la consécration et la communion sacramentelle est pleinement et uniquement fondée sur la notion propre de mémoire; on doit aussi et finalement affirmer que les paroles Hoc facite in meam commemorationem sont prononcées par Marie-Médiatrice, mystiquement, et par mode de mémoire, de telle sorte que le milieu précis du temps compris entre l'instant de la consécration et celui de la communion sacramentelle est exactement situé entre la fin des paroles Hoc facite et le début des autres in meam commemorationem. C'est là, dans ce que nous venons de dire, que se trouve le sens final, plénier (voir n° 69), des paroles Hoc facite in meam commemorationem, et partant, ce en quoi consiste toute la réalisation en acte du sacramentum Ecclesiae, relativement au ministère trinitaire et marial de Képhas. En d'autres mots, il faut admettre fondamentalement, et d'une manière mystique, que les mots Hoc facite sont prononcés dans un temps nécessairement plus proche de l'acte de la consécration que de celui de la communion ; et que les mots in meam commemorationem sont prononcés dans un temps nécessairement plus proche de l'acte de la communion que de celui de la consécration.
 
 
(Hoc facite et in meam commemorationem : conséquence)
 
76. Quoique, en tant que médiateur d'ordre corporel, les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem concernent, toutes ensemble, et l'acte de la consécration, et celui de la communion (voir n° 59), il est manifeste - en vertu de ce que nous venons d'établir - que, temporellement, ce ne sont que les paroles Hoc facite qui se rapportent à l'acte de la consécration, et ce ne sont que les paroles in meam commemorationem qui se rapportent à l'acte de la communion. Or, cela revient à dire que c'est proprement par rapport à l'acte de la communion que les paroles Hoc facite in meam commemorationem doivent être entendues et comprises par mode de mémoire. Donc, le fait d'attribuer en propre les paroles Hoc facite à l'acte de la consécration, et les paroles in meam commemorationem à l'acte de la communion, ce fait a pour conséquence que toutes les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, que le mode de mémoire caractérise absolument et nécessairement, doivent être considérées comme directement relatives à l'acte de la communion, et comme indirectement relatives à l'acte de la consécration, ainsi que nous l'avions déjà montré ci-dessus (voir n° 59). Finalement, étant donné que les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem sont l'expression divine du moyen par lequel se réalise et s'édifie le sacramentum Ecclesiae (voir n° 52), tout ce qui précède permet d'affirmer nettement que c'est directement dans et par l'acte de la communion eucharistique, et indirectement dans et par l'acte de la consécration du pain et du vin au Corps et au Sang du Christ, que l'Église-Sacrement peut exister, croître, et grandir dans le Christ, relativement au ministère trinitaire et marial de Képhas.
 
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(Hoc facite : commentaire détaillé)
 
77. Dans la mesure où les paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem sont à l'origine des deux sacrements de l'Ordre et de l'Eucharistie (à ce sujet, voir nos 50 et 52) ; et dans la mesure aussi où le sacrement de l'Ordre est au service du sacrement de l'Eucharistie (voir n° 51) ; il apparaît clairement - en nous basant sur ce que nous venons de conclure - que les paroles Hoc facite sont l'expression du sacrement de l'Ordre ordonné à l'acte de la consécration du pain et du vin au Corps et au Sang du Christ; et que les paroles in meam commemorationem sont l'expression du sacrement de l'Ordre ordonné à l'édification du sacramentum Ecclesiae par l'acte de la communion au Corps et au Sang du Christ. Or, pour ce qui regarde les paroles Hoc facite, on peut dire que, par cette expression, le Christ a transmis aux Apôtres - donc, à Képhas - et à leurs successeurs, les Évêques, l'Ordre de ré-actualiser son sacrifice, qu'il venait d'accomplir par la consécration du pain et du vin en son Corps et en son Sang. Or, le Christ ne s'est offert en sacrifice pour la Rédemption du monde que sur l'Ordre même de son Père, pour accomplir sa Volonté : cette action sacrificielle n'est autre que l'accomplissement d'un Ordre divin. Donc, par ces paroles Hoc facite, le Christ a donné aux Apôtres l'Ordre d'accomplir une action proprement divine, c'est-à-dire l'Ordre même qu'il a reçu de son Père.
 
 
(Suite du même sujet)
 
78. Relativement à l'Ordre divin transmis par le Christ aux Apôtres et à leurs successeurs, il est manifeste puisque ces mêmes Apôtres et tous ceux qui leur succèdent ne sont que des hommes - qu'ils ne peuvent accomplir cet Ordre divin qu'au nom du Christ, qui seul est Dieu et Homme : ils agissent ainsi in persona Christi (S. Thomas, IIIa, q. 82, a. 7, ad 3). Par le fait même, le pouvoir dont les Apôtres, et leurs successeurs les Évêques, jouissent pour accomplir l'Ordre du Christ exprimé par les paroles Hoc facite est nécessairement un pouvoir divin. Or, comme l'action correspondant à ce pouvoir n'est autre que l'accomplissement de la Volonté du Père dans et par le Fils, on peut dire que ce pouvoir est la toute-puissance même de l'Esprit-Saint ; autrement dit, il s'agit de la toute-puissance émanant de la Personne divine qui, d'une part, procède du Père et du Fils par mode de volonté, mais qui, d'autre part, est aussi et tout à la fois celle qui procède du Père par le Fils, si l'on considère que, dans l'Acte sacrificiel rédempteur, accompli par l'Esprit éternel (He. 9, 14), le Fils n'exécute pas, par mode de volonté, son Ordre propre, mais bien celui du Père, dont ce même Ordre émane originairement. En effet, la sainte Eucharistie contient (...) le Christ lui-même, (...) dont la chair, vivifiée par l'Esprit-Saint et vivifiante, donne la vie aux hommes, les invitant et les conduisant à offrir, en union avec lui, leur propre vie. (Concile Vatican II, Presbyterorum ordinis, n° 5) Ainsi donc, les paroles du Seigneur Hoc facite sont pleinement l'expression de l'Ordre du Père à son Fils éternel, Ordre reposant sur le Christ avec la toute-puissance de l'Esprit-Saint, et Ordre ordonné à une action absolument et exclusivement divine : celle dans laquelle le sacrifice du Christ est ré-actualisé par la consécration du pain et du vin au Corps et au Sang du Christ.
 
 
(in meam commemorationem : commentaire détaillé)
 
79. Par ces autres paroles in meam commemorationem, le Christ a transmis aux Apôtres - donc, à Képhas - et à leurs successeurs, les Évêques, son Ordre personnel, l'Ordre de se souvenir de lui, afin que, par la communion à son Corps et à son Sang, l'Église - son Corps mystique - puisse s'édifier, grandir, et croître en lui. Or, ainsi qu'il apparaît par ces paroles  in meam commemorationem, l'Ordre personnel du Christ est conféré par mode de mémoire : c'est par l'intermédiaire du vocable propre de mémoire que le Christ a transmis aux Apôtres son Ordre personnel. Donc, il s'agit ici d'un Ordre proprement humain, personnel au Christ, conféré par mode de mémoire. Cependant, cet Ordre personnel du Christ, quoiqu'humain, reste du domaine véritablement sacramentel, et donc divin, ordonné pleinement à l'édification du sacramentum Ecclesiae. En effet, si l'Ordre personnel du Christ est conféré par mode de mémoire, cela revient à dire que ce même Ordre se trouve enregistré dans la propre mémoire du Christ, et que, par le fait même, cet Ordre personnel du Christ est proprement relatif à un temps passé, par rapport au temps présent où le Christ profère les paroles in meam commemorationem. Or, étant donné que les paroles in meam commemorationem se rattachent grammaticalement à ces autres paroles Hoc facite, il est tout à fait clair que les paroles Hoc facite in meam commemorationem sont, toutes ensemble, unies dans l'esprit humain du Christ, lorsqu'il les conçoit intérieurement, par grâce, dans le passé, avant de les proférer, dans le présent, par sa bouche. Ainsi, de ce qui précède, on doit penser et croire sans hésiter que l'Ordre personnel du Christ, qui est enregistré dans la mémoire du même Christ, est et ne peut pas ne pas être l'Ordre divin transmis aux Apôtres par l'intermédiaire des paroles Hoc facite, Ordre divin considéré non pas en lui-même (ce qui est pleinement relatif aux mêmes paroles Hoc facite), mais bien considéré selon le mode de la mémoire (ce qui est pleinement relatif aux paroles in meam commemorationem).
 
Finalement, comme il s'agit ici de l'Ordre du Christ qui lui est véritablement personnel (en vertu des paroles in meam) ; et comme le mode de mémoire est, de soi, le mode en vertu duquel Dieu Créateur et la personne humaine sont simplement semblables entre eux (voir n° 71) ; on doit admettre sans conteste que l'Ordre personnel du Christ est un Ordre proprement humain qui, parce qu'il est simplement semblable à l'Ordre du Père à son Fils transmis aux Apôtres par mode de mémoire, est et demeure toujours du domaine sacramentel et divin. Tout ceci est d'ailleurs confirmé par cet extrait de la prière sacerdotale du Christ à son Père : Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Je me consacre moi-même pour eux, afin qu'ils soient consacrés à leur tour par la vérité. (Jn. 17, 18-19)
 
 
(Suite du même sujet)
 
80. Dans la mesure où les paroles du Seigneur in meam commemorationem se rapportent, de soi, à l'acte de la communion sacramentelle (voir n° 76), l'Ordre personnel du Christ, en tant qu'Ordre proprement humain, trouve originairement son sens et sa signification dans ces autres paroles : Prenez et mangez... Buvez-en tous... (Mt. 26, 26-27) Ces dernières paroles, exprimant par elles-mêmes l'Ordre personnel du Christ concernant la communion à son Corps et à son Sang présents sous forme de nourriture ou de boisson, peuvent alors être considérées comme l'expression de la plénitude du sacrement de l'Ordre, et, par le fait même, de celui de l'Eucharistie, auquel le sacrement de l'Ordre est ordonné, ou encore, en résumé, de la célébration eucharistique, culminant dans la communion. (S.S. Jean-Paul II, Allocution du 11 novembre 1992) Mais, de tout ceci découle le fait que l'Ordre personnel du Christ, qui est un Ordre proprement humain, doit être considéré tant spirituellement - relativement aux paroles du Seigneur in meam commemorationem - que corporellement - relativement aux paroles parallèles : Prenez et mangez... Buvez-en tous... Par conséquent, en vertu de ce qui précède, il est tout à fait permis d'affirmer que le pouvoir dont les Apôtres, et leurs successeurs les Évêques, jouissent pour accomplir l'Ordre personnel du Christ est nécessairement un pouvoir humain qui est tant spirituel que corporel. Or, il est manifeste que le pouvoir, qui est d'ordre spirituel, et qui est ordonné à l'acte de la communion eucharistique, n'est pas humain, mais bien divin : la grâce. Aussi, le pouvoir nécessaire à l'accomplissement de l'Ordre personnel du Christ est et n'est que corporel, car humain.
 
Comme nous avons vu, lors de nos Préliminaires (EECC, n° 26), que, pour pouvoir communier corporellement au Corps et au Sang du Christ, le seul et unique moyen - en tant que médiateur d'ordre corporel - est Marie-Médiatrice en personne, il est tout à fait clair que le pouvoir corporel nécessaire à l'accomplissement de l'Ordre personnel du Christ n'est autre que celui de Marie-Médiatrice, la Vierge puissante de la Nativité (se référer à EECC, n° 45). Finalement, pour conclure ce commentaire des paroles in meam commemorationem, disons que ces mêmes paroles sont pleinement l'expression de l'Ordre personnel du Christ ordonné à une action proprement humaine et mystique, car corporelle (relativement à la médiation de Marie) : celle de la communion eucharistique, moyen d'édification du Corps mystique du Christ, par Marie, avec Marie, en Marie, et pour Marie.
 
 
(Essence constitutive du caractère épiscopal)
 
81. Compte tenu de tout ce qui a été énoncé dans ce livre au sujet des paroles du Seigneur Hoc facite in meam commemorationem, nous pouvons dire en définitive, et nous affirmons nettement que le caractère épiscopal, si, dans son essence relationnelle, il configure au Christ-Total (qui est Marie-Médiatrice - voir nos 44 et 45), alors, dans son essence constitutive, il est un pouvoir, d'ordre sacramentel et divin, permettant de rendre présent - par mode de nutrition, dans l'acte de la communion eucharistique - la plénitude absolue et totale du Christ, considéré Tête et Corps tout ensemble et inséparablement, et ce, d'une manière encore invisible, anticipant mystérieusement le mode visible et manifeste de la Révélation de Dieu au dernier Jour. Et, pour conclure cette étude du ministère trinitaire et marial de Képhas, repassons dans notre mémoire les paroles du Seigneur que nous venons d'analyser, et méditons-les.
 
Imaginons que, pour les paraphraser, le Christ pourrait nous dire : Consacrez ce pain et ce vin comme vous me l'avez vu faire : je changerai ce pain en mon Corps, ce vin en mon Sang. Ainsi, vous annoncerez ma mort douloureuse sur la Croix et vous vous souviendrez de ce que j'ai fait pour vous, jusqu'à quel point je vous ai aimés pendant ma vie mortelle : aimez-moi et offrez-vous avec moi. Souvenez-vous aussi que je suis ressuscité d'entre les morts et que je suis au Ciel assis à la droite de mon Père. Là, dans la gloire céleste, mes plaies glorieuses resplendissent d'une vive clarté qui fait le bonheur éternel des anges et des élus. Là, mon sacrifice apparaît glorieux et de mon Coeur débordent des trésors infinis de grâces qui rassasient les élus du Ciel, soulagent les âmes du Purgatoire, et inondent la terre pour la purifier davantage de ses souillures et pour l'élever vers le firmament. Souvenez-vous aussi que je suis votre nourriture et votre vie, et que je désire vivre en vous afin que vous aussi vous viviez en moi, dès ici-bas, et au Ciel pour l'éternité, participant au banquet des noces de l'Agneau. Souvenez-vous aussi que je vous attends là-haut; que je viens sur l'autel, voilé sous les apparences du pain et du vin, pour venir vous chercher et vous emmener avec moi dans le séjour des bienheureux. Aussi, souvenez-vous que je dois revenir bientôt, non plus caché, mais au grand Jour, dans la gloire, pour juger les vivants et les morts. Souvenez-vous... Souvenez-vous...
 
 
 
 
 
 
 
 
 
CHAPITRE V
 
 
 
L'ACTION DE MARIE-MÉDIATRICE
DANS LA DIVINE TRINITÉ
 
 
 
82. Sur l'Ordre du Seigneur lui-même, le Pape, et donc Képhas, exerce son ministère trinitaire en communiant marialement au Christ-Eucharistie, anticipant ainsi sacramentellement la Révélation divine de la fin des temps : c'est le résumé des pages qui précèdent. Par là même, utilisant le moyen qui est l'Eucharistie envisagée comme communion - mis par la Divine Providence à la disposition de Marie-Médiatrice pour révéler tout le Mystère de la Sainte Trinité, le Pontife Romain réalise véritablement son salut - quoique d'une manière sacramentelle - par Marie, avec Marie, en Marie, et pour Marie, son Épouse dans le Christ (à ce sujet, voir n° 12). Cela revient à dire que, configuré à Marie-Médiatrice, en tant que Christ-Total, par le caractère épiscopal, le Pape, par la grâce de Dieu, s'unit au Christ-Eucharistie par mode de relation d'union sponsale (voir nos 44 et 45) ; et donc, cela permet d'affirmer sans aucun doute que, relativement à la médiation de Marie, le Christ et l'Église, représentée sacramentellement et mystiquement par le Pape, sont Époux l'un de l'autre. Comme Marie est la première de tous les fidèles, et leur modèle dans le Christ, tout ceci suppose, de soi, que l'Épouse du Pape est d'abord et fondamentalement Épouse du Verbe incarné, son Fils selon la chair, et par là, Épouse de toute la Divine Trinité.
 
83. Ainsi, comme nous l'avions annoncé (voir n° 11), nous sommes amenés, dans la logique des choses, à considérer Marie-Médiatrice dans son action au sein des Trois Personnes divines. Or, relativement à l'acte de la communion eucharistique accompli par le Pape en général, et par Képhas en particulier, Marie-Médiatrice doit être considérée uniquement selon son corps, comme médiateur d'ordre proprement corporel (voir n° 80) : il faut envisager Marie-Médiatrice comme intermédiaire entre le Christ et l'Église, servant de point milieu entre les deux termes extrêmes de sa médiation (à ce sujet, consulter EECC, n° 52). Mais ici, Marie-Médiatrice est regardée comme étant fondamentalement une fidèle - quoique la première - parmi les autres fidèles (voir n° 82). Donc, Marie-Médiatrice, tout en étant le point milieu de sa médiation, est aussi, et tout en même temps, l'un des termes extrêmes de cette même médiation, relativement à la notion de médiateur d'ordre proprement corporel, tout ceci ne peut se comprendre que dans la mesure où le terme milieu et chacun des deux termes extrêmes de la médiation de Marie se confondent simplement et absolument. Par conséquent, il y a identité corporelle, d'ordre mystique, entre les deux termes extrêmes de la médiation de Marie, lorsque cette dernière est considérée comme une simple fidèle (à ce sujet, voir n° 23), ce qui est le cas ici.
 
84. Mystiquement, il y a identité corporelle entre le Christ et Marie-Médiatrice. Or, relativement à l'acte de la communion eucharistique, dont il s'agit ici (voir n° 83), le Christ est celui qui, par Marie-Médiatrice, révèle tout le Mystère trinitaire, il est celui qui est à la fois le médiateur et la plénitude de toute la Révélation. (Concile Vatican II, Dei Verbum, n° 2) Donc, on peut dire que Marie-Médiatrice est aussi, quoique mystiquement, la plénitude de toute la Révélation, ainsi qu'elle l'a déclaré elle-même : Je suis la VIERGE DE LA REVELATION. (Apparition du 12 avril 1947, à Rome - cf. Mgr Fausto Rossi, La Vierge de la Révélation, p. 18) Mais, d'une part, le concept propre de Révélation trouve sa parfaite expression dans le fait que le Père communique au monde sa Parole qu'il engendre, en tant que Fils, dans la procession éternelle de l'Esprit-Saint : la Révélation est l'acte de la Vie divine trinitaire ad extra (se référer à EECC, n° 36) ; d'autre part, Marie-Médiatrice, envisagée dans sa dimension personnelle, est uniquement humaine, et non divine, à l'encontre du Christ qui, lui, est tout à la fois Dieu et Homme. Par conséquent, on peut affirmer que Marie-Médiatrice - si elle est, dans son identité mystique corporelle avec le Christ, la plénitude de toute la Révélation - n'est autre que l'expression humaine de toute la Très Sainte Trinité : toute la personne de Marie-Médiatrice, entendue corps et âme (en tant que médiateur et fidèle), réalise en elle tout le Mystère de la Divine Trinité, en tout ce que cette dernière a de communicable dans le Christ. Par le fait même, il faut affirmer nettement qu'il existe entre la Très Sainte Trinité et la personne de Marie-Médiatrice une similitude totale et parfaite : Marie-Médiatrice, considérée corps et âme, est véritablement semblable à Dieu-Trinité (voir nos 30 et 70 - voir aussi EECC, n° 56).
 
85. Dans le Christ et par sa médiation, Marie-Médiatrice est semblable à la Divine Trinité, qu'elle reflète à la face du monde, dans son corps et dans son âme. Or, on peut aller jusqu'à affirmer que, dans la personne du Christ, la Divinité du Verbe et l'Humanité assumée par elle sont unies simplement entre elles par le type de l'union sponsale : «Sponsus atque sponsa, Dominus noster est in corpore Deus» C'est en tant qu'époux et épouse, que notre Seigneur est Dieu dans un corps. (Saint Hilaire de Poitiers, Homélie sur Saint Matthieu, C. 27, n. 4 - PL 9, 1059) De plus, comme toute union sponsale suppose un échange réciproque, par mode de don, entre l'époux et l'épouse, il est juste de dire qu'entre le Verbe et son Humanité il y a don de l'un à l'autre, ou encore que le Verbe divin est dans l'Humanité du Christ, et que le Christ-Homme est dans la Divinité du Verbe : «O admirabile commercium!» : O échange admirable ! (...) C'est avant tout la nuit de la Naissance du Seigneur qui le proclame. Dieu s'est fait homme pour que l'homme put devenir Dieu. (S.S. Jean-Paul II, Discours du 21 décembre 1993) Par conséquent, on doit penser et croire que, en vertu de l'identité corporelle - d'ordre mystique - entre le Christ et Marie-Médiatrice, il existe une union sponsale entre la Très Sainte Trinité et Marie-Médiatrice, union sponsale qui suppose, de soi, que toute la Divine Trinité est en Marie-Médiatrice, et que cette dernière est dans la Divine Trinité.
 
86. Si, en tant qu'épouse, Marie-Médiatrice est dans la Très Sainte Trinité, cela permet de dire qu'il y a réellement et indissolublement - en vertu du lien d'union sponsale - une présence humaine, et donc non-divine, dans la Très Sainte Trinité, présence humaine qui sert de moyen et d'intermédiaire dans la communication de Dieu-Trinité aux hommes, par mode de Révélation. Or, quoique l'humanité du Christ soit - hors mis le péché - parfaitement semblable à notre propre humanité, néanmoins, la personne humaine de Marie-Médiatrice est plus parfaitement semblable à toutes et à chacune des personnes humaines qui composent l'Église, puisque, d'une part, le Christ est l'Homme parfait dont la foi - entendue seulement dans son aspect corporel (à ce sujet, voir n° 27), à l'exclusion de son aspect spirituel - est louée par les Saintes Ecritures (cf. Ga. 3, 22 ; Ep. 3, 12) ; et d'autre part, Marie-Médiatrice est la Femme parfaite qui a vécu de foi, ainsi que nous : Le Concile dit que, intimement présente... à l'histoire du salut, Marie rassemble et reflète en elle-même d'une certaine façon les requêtes suprêmes de la foi. (Lumen gentium, n° 65) Au milieu de tous les croyants, elle est comme un miroir dans lequel se reflètent les merveilles de Dieu (Ac. 2, 11) de la manière la plus profonde et la plus limpide. (S.S. Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris Mater, n° 25) Donc, bien plus que l'humanité du Christ lui-même, c'est la personne humaine de Marie-Médiatrice que nous devons considérer comme le moyen le plus parfaitement adéquat quant au fait de la Révélation trinitaire : Marie-Médiatrice est celle qui doit nous servir de point de comparaison et de lieu de passage obligé pour toute connaissance du Mystère trinitaire.
 
87. S'il est vrai de dire que Marie-Médiatrice est parfaitement semblable à nous parce que, comme nous, elle a vécu de foi, il serait tout aussi vrai d'affirmer, à première vue, que Marie-Médiatrice diffère autant de nous que le Christ depuis l'instant précis où elle a quitté cette terre pour entrer, corps et âme, dans la gloire du Paradis, c'est-à-dire depuis le moment de son Assomption au Ciel. Or, en réalité, il n'en est rien. En effet, en vertu de l'identité corporelle, d'ordre mystique, entre le Christ et Marie-Médiatrice lorsque cette dernière est considérée comme une simple croyante (voir n° 83), il est tout à fait permis de penser et de dire que, lors de son Ascension au Ciel, le Christ, vrai Dieu et vrai Homme, a également, en plus de sa propre humanité - d'une manière absolument réelle, quoique mystique - introduit dans la gloire céleste tout ce que la personne même de Marie-Médiatrice possède de communicable par voie de médiation. Autrement dit, tout en restant sur terre avec les Apôtres (cf. Ac. 1, 14), et donc, tout en demeurant une personne humaine membre de l'Église et vivant intérieurement de foi, Marie-Médiatrice est déjà participante de la gloire céleste si on la considère comme médiateur d'ordre corporel, c'est-à-dire comme réellement présente et agissante dans le Christ et dans l'Église, termes extrêmes de sa médiation, qui lui donnent l'être et l'agir (se référer à EECC, n° 52).
 
88. D'ailleurs, cette anticipation - par la médiation du Christ - de l'Assomption de Marie lors de l'Ascension de son Fils est attestée par la Tradition de l'Église. Ainsi, un ancien auteur écrit : Tous les disciples, avec la bienheureuse Vierge, étant arrivés au mont des Olives, Jésus se fit voir à eux avec un visage doux et brillant d'une lumière extraordinaire (...) Marie, en sa qualité de mère, eut cet avantage qu'elle baisa la plaie du coeur, où elle aurait bien désiré entrer afin de monter, si elle eût pu, avec son Fils dans le ciel. (Vénérable Père Louis du Pont, Méditations, Ve Partie, XVIIIe Méditation - p. 585) - (Au sujet du Père Louis du Pont, voir EECC, n° 16) Et un autre auteur, du XIXe siècle, déclare : L'âme de la bienheureuse Vierge aurait constamment et jusqu'au bout suivi Jésus montant au Ciel (...) Considérant l'ascension de son Fils, soit dans une lumière accidentelle de gloire, soit seulement à la clarté d'une foi suréminente, doublée de la science la plus élevée dont l'Esprit-Saint puisse doter ici-bas une simple créature, Marie, par l'excellence de sa religion et l'ardeur de sa charité, donna à elle seule plus d'honneur et de joie à Jésus dans ce mystère, qu'il n'en reçut de cette troupe comme infinie d'anges et de saints qui montaient avec lui (...) Cette ascension spirituelle de la sainte Vierge acheva de faire fleurir en elle tout ce que Dieu y avait semé de germes au courant de sa vie, et surtout durant la Passion. Ce fut comme la glorification anticipée de tout son intérieur, et le prélude de son Assomption. (Mgr L.-Charles Gay, Entretiens sur les mystères du Saint Rosaire, Tome II, pp. 264-265)
 
Mais, finalement, tout ce qui vient d'être dit trouve sa confirmation dans ce passage de l'Écriture qui affirme : Ce Jésus qui vient de vous être enlevé vers le ciel, en reviendra de la même manière que vous l'y avez vu monter (Ac. 1, 11), puisque le mode de l'Ascension - qui est donc celui de la Parousie - est proprement corporel et mystique (le mystère résidant dans le fait que le dernier Jour n'est connu que du Père - cf. Mt. 24, 36), et que, à la fin des temps, le Christ et Marie-Médiatrice (ainsi que l'Église en la plénitude de ses membres) ne font tous mystiquement qu'un seul corps (voir n° 24).
 
89. Par conséquent, en vertu de ce qui précède, il est hors de doute que Marie-Médiatrice est plus parfaitement semblable que le Christ à tous et à chacun des fidèles qui composent l'Église, comprise depuis la Pentecôte jusqu'à la fin des temps, puisque, dès avant la Pentecôte, Marie participait corps et âme - mystiquement - à la gloire du Ciel, et que, par le fait même, la vie de foi de Marie-Médiatrice considérée comme un membre suréminent et absolument unique de l'Église, modèle et exemplaire admirables pour celle-ci dans la foi et dans la charité (Concile Vatican II, Lumen gentium, n° 53) comprenait par elle-même et en elle-même le Mystère glorieux de son Assomption au Ciel.
 
C'est donc bien par l'intermédiaire et par le moyen de la personne humaine de Marie-Médiatrice, Épouse de la Très Sainte Trinité, que nous devons aller, dans le Christ, au sein de la Divinité pour y contempler la Vie des Trois Personnes consubstantielles, dans l'acte de la communion eucharistique, entendu avec ses caractéristiques propres (toujours implicitement admises) : la plénitude des temps, ou la fin des temps, par mode d'anticipation (voir n° 67), et, par le fait même, la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine (se référer à EECC, nos 39 et 40), règle dans laquelle la référence de base est la philosophie humaine.
 
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90. Par la Volonté de Dieu, manifestée et réalisée par le Mystère de l'Ascension du Christ, qui est l'Homme-Dieu, la présence humaine unie et demeurant indissolublement associée, d'une manière simple et une, à la Divine Trinité est la personne de Marie-Médiatrice, son Épouse dans le Christ : par la médiation du Christ lui-même, c'est Marie-Médiatrice qui est, par volonté divine, notre intermédiaire, ou notre médiateur auprès de la Très Sainte Trinité dans la mesure où cette dernière se communique à nous par mode de Révélation (voir n° 89). Par le fait même, la Divine Trinité introduit en elle-même - parce qu'elle l'a voulu ainsi en désirant se révéler au monde - un élément humain, non-divin dont la caractéristique essentielle et fondamentale est d'être médiateur, c'est-à-dire moyen d'unification. Comme Marie-Médiatrice, dans l'exercice de sa médiation, doit être regardée comme un médiateur d'ordre corporel, il est clair que, en voulant se révéler elle-même à nous, les hommes, la Très Sainte Trinité a introduit en elle, par la personne humaine de Marie-Médiatrice, toute la notion de médiateur corporel, notion qui, en vertu de l'union sponsale entre la Divine Trinité et Marie-Médiatrice, est absolument et indissolublement unie, d'une manière simple et une, à toute la quintessence communicable et connaissable du Mystère des Trois Personnes divines.
 
91. La notion de médiateur d'ordre corporel est introduite et insérée, comme élément indissociable, dans la Très Sainte Trinité, par la personne même de Marie-Médiatrice. Or, cette dernière, si elle est Celle qui est dans la Divine Trinité, est aussi et tout en même temps Celle qui, en tant qu'épouse, est la personne humaine membre de l'Église en laquelle habite et demeure toute la Très Sainte Trinité, dans le Christ (voir n° 85). De plus, c'est dans la mesure où Marie-Médiatrice exerce sa médiation auprès de sa propre personne que la Très Sainte Trinité est en Marie-Médiatrice par mode de Révélation (se référer à EECC, n° 26). Il s'ensuit donc que la notion de médiateur d'ordre corporel est introduite au sein du Mystère trinitaire par la personne de Marie-Médiatrice si celle-ci est considérée dans l'exercice de sa médiation auprès de sa propre personne. Par le fait même, nous devons envisager Marie-Médiatrice comme la personne humaine qui, dans le Christ, se révèle à elle-même tout le Mystère trinitaire, si nous voulons comprendre par là toute l'essence même de la notion de médiateur d'ordre corporel dans sa relation intime et connexe avec la Divine Trinité.
 
92. Considérer Marie-Médiatrice comme médiateur d'ordre corporel suppose, de soi, que la personne humaine de Marie - quoique toujours composée d'un corps et d'une âme - soit envisagée uniquement selon son corps matériel et organique (voir n° 83 - voir EECC, n° 52). Aussi, si Marie-Médiatrice exerce auprès d'elle-même sa médiation dans le but de recevoir de Dieu-Trinité, dans le Christ, sa Vie même par mode de Révélation, il faut affirmer sans hésiter que la personne de Marie-Médiatrice, envisagée uniquement selon son corps, est réduite - mystiquement (selon l'ordre de sa médiation) - à un simple point (voir n° 30), lieu géométrique considéré mathématiquement comme le centre exact, et donc le milieu précis, de tout le corps matériel qui entre dans la composition de la personne humaine de Marie-Médiatrice, et qui, s'il est considéré en lui-même (c'est-à-dire indépendamment de l'âme qui l'informe), est un ensemble de multiples éléments infiniment petits appelés mathématiquement points. Par conséquent, en vertu de l'identité corporelle, d'ordre mystique, entre le Christ et Marie-Médiatrice (voir n° 83), lorsque cette dernière est considérée comme simple fidèle (ce qui correspond pleinement au cas que nous traitons), le Christ-Homme doit, lui aussi, être considéré comme réduit mystiquement à un point corporel et matériel, point qui, premièrement, est nécessairement différent de celui auquel Marie-Médiatrice est mystiquement réduite, puisque le Christ et Marie-Médiatrice sont des personnes essentiellement différentes ; et deuxièmement, est celui dont la distance qui le sépare du point auquel Marie-Médiatrice est mystiquement réduite tend vers l'infiniment petit, puisque le Christ et Marie-Médiatrice ne réalisent à eux deux qu'une seule médiation (cf. 1 Tm. 2, 5). Or, d'une part, si ainsi que nous venons de le voir - l'élément médiateur (qui est Marie-Médiatrice) est mystiquement réduit à un point considéré mathématiquement ; et d'autre part, si - pareillement - un des termes extrêmes de la médiation (qui est le Christ) est, lui aussi, mystiquement réduit à un point mathématique différent du précédent ; il s'ensuit que, géométriquement parlant (ce qui doit se faire dans notre propos), l'autre terme extrême de la médiation, savoir l'Église, doit aussi et nécessairement être réduit à un point mathématique, de sorte que les trois points en question, c'est-à-dire le point milieu et les deux points extrêmes, constituent ensemble un segment de droite dont la longueur tend vers l'infiniment petit.
 
93. Dans l'exercice de sa médiation corporelle auprès d'elle-même, Marie-Médiatrice envisagée uniquement selon son corps, ainsi que le corps du Christ lui-même et le corps de toutes et de chacune des personnes qui composent l'Église, doit être mystiquement considérée comme un point mathématique. Or, pour pouvoir agir (et c'est ce dont il est question ici, puisque nous traitons de l'exercice de la médiation de Marie auprès d'elle-même), Marie-Médiatrice a nécessairement besoin de l'organe corporel de la tête : si une personne humaine peut, éventuellement, agir sans l'intervention d'un bras ou d'une jambe (lorsque, par exemple, l'un ou l'autre a été amputé), par contre nul ne peut agir sans sa propre tête. De plus, il est hors de doute que le point central, ou le milieu géométrique du corps humain - quelle que soit la personne à laquelle il appartient - n'est pas un des éléments de la tête, mais bien un de ceux du corps, ou de tout ce qui n'est pas la tête. Donc, il est clair que Marie-Médiatrice ne peut agir par elle-même si, mystiquement, son corps est envisagé comme un point mathématique. Mais, étant donné, premièrement, qu'il existe une identité corporelle, d'ordre mystique, entre le Christ et Marie-Médiatrice envisagée comme simple fidèle (voir n° 83) ; et deuxièmement, que, par le fait même, le Christ lui-même doit être considéré pareillement comme un point mathématiquement en relation et en union avec le point auquel est réduit le corps de Marie-Médiatrice (voir n° 92) ; on peut conclure, de tout ce qui précède, que c'est le Christ en personne qui, par sa médiation, permet à Marie-Médiatrice d'agir et d'exercer sa propre médiation corporelle, et ce, dans la mesure absolue et exclusive où le corps du même Christ est mystiquement considéré comme réduit à tous et à chacun des points ou éléments infiniment petits qui composent la tête de Marie-Médiatrice. Cependant, vu que les deux termes extrêmes de la médiation de Marie sont indissociables l'un de l'autre et se répondent symétriquement - car mathématiquement - l'un à l'autre, il faut aussi et nécessairement affirmer, conjointement à ce que nous venons de dire à propos du Christ, que l'Église, comprise en tous et en chacun de ses membres, permet - dans son union au Christ-Médiateur - à Marie-Médiatrice d'agir et d'exercer sa médiation en tant que médiateur d'ordre corporel, et ce, dans la mesure absolue et exclusive où le corps de tous et de chacun des membres de l'Église est mystiquement considéré comme réduit, premièrement, de soi, à tous et à chacun des points ou éléments infiniment petits qui composent les pieds de Marie-Médiatrice, et deuxièmement, par extension, à tous les points qui composent tout ce qui n'est pas la tête de Marie-Médiatrice.
 
94. L'agir de Marie-Médiatrice envisagée comme médiateur d'ordre corporel dans l'exercice de sa médiation auprès d'elle-même, dépend pleinement et absolument de la réduction mystique du Christ et de l'Église, respectivement, à la tête et au corps de Marie-Médiatrice (voir n° 93). Par le fait même, la réduction mystique dont nous venons de parler ne peut être le résultat d'une action de Marie-Médiatrice elle-même. Par conséquent, cette même réduction mystique est nécessairement le résultat d'une action accomplie par tout élément qui n'est pas milieu ou centre géométrique, c'est-à-dire, en pratique, concrètement, par les éléments extrêmes de la médiation de Marie envisagée comme médiateur d'ordre corporel. Autrement dit, l'existence corporelle - d'ordre mystique - de Marie-Médiatrice dépend pleinement et absolument de l'action conjointe et simultanée de la personne du Christ et de toutes et de chacune des personnes qui composent l'Église (voir nos 20 et 21).
 
Or, en tant qu'éléments extrêmes de la médiation de Marie, le Christ et l'Église ne peuvent agir conjointement et simultanément qu'en vertu d'une action personnelle de Marie-Médiatrice, dont le propre, en tant que médiateur, est d'unir les termes extrêmes de sa médiation : «Ad mediatoris officium proprie pertinet conjungere, et unire eos, inter quos est mediator, nam extrema uniuntur in medio.» A l'office du médiateur il appartient en propre de lier et d'unir ceux entre lesquels il interpose sa médiation ; car les extrêmes s'unissent dans un milieu. (S. Thomas, IIIa, q. 26, a. 1, corp.) Ce qui revient à dire que, dans le cadre de l'exercice de la médiation de Marie, l'action conjointe et simultanée du Christ et de l'Église dépend en tout et absolument de l'action de Marie-Médiatrice. Mais, d'une part, comme nous venons de voir que l'existence corporelle de Marie-Médiatrice dépend pleinement et absolument de l'action conjointe et simultanée du Christ et de l'Église ; et d'autre part, comme l'action corporelle de toute personne humaine dépend absolument et en tout de son existence corporelle ; il est clair que l'action de Marie-Médiatrice considérée comme médiateur d'ordre corporel dépend pleinement et absolument de l'action conjointe et simultanée du Christ et de l'Église.
 
Finalement, on peut conclure de tout ce qui précède que, mystiquement (c'est-à-dire par le biais de l'existence corporelle de Marie-Médiatrice réalisée par la réduction mystique du Christ et de l'Église respectivement à la tête et au corps de Marie-Médiatrice), la personne du Christ, la personne de Marie-Médiatrice, et la personne morale de l'Église agissent conjointement et simultanément dans une pleine et entière dépendance, chacune par rapport aux autres.
 
95. Par le biais et au sein même du Mystère de Marie-Médiatrice, Mystère par lequel et dans lequel le corps de Marie-Médiatrice reçoit l'existence en vertu de la réduction du Christ et de l'Église respectivement à la tête et au corps (ou tout ce qui n'est pas la tête) de Marie-Médiatrice, les trois personnes du Christ, de Marie-Médiatrice, et de l'Église agissent conjointement et simultanément - dans le contexte propre de la médiation de Marie - et ce, d'une manière absolument et pleinement dépendante pour chacune des personnes par rapport aux autres. Or, en vertu de ce même Mystère de Marie-Médiatrice, ou Mystère du médiateur d'ordre corporel, chacune des personnes du Christ, de Marie-Médiatrice, et de l'Église existe selon un mode corporel différent de celui des deux autres : le Christ existe corporellement en tant que tête, Marie-Médiatrice existe corporellement en tant que corps humain complet, et l'Église existe corporellement en tant que corps, c'est-à-dire en tant que tout ce qui n'est pas la tête. Donc, tout en agissant - mystiquement - d'une manière conjointe et dans une pleine dépendance vis-à-vis des autres personnes, chacune des personnes du Christ, de Marie-Médiatrice, et de l'Église agit d'une manière essentiellement différente de celle des deux autres, puisque, lorsqu'elles sont appliquées à des personnes humaines, les trois notions corporelles de tête, de corps humain complet, et de corps (ou tout ce qui n'est pas la tête) possèdent mystiquement le caractère d'incommunicabilité propre à la personne en tant que telle. Tout ceci se retrouvant en archétype dans la Très Sainte Trinité, c'est ainsi, comprise mystiquement comme médiateur d'ordre corporel, que Marie-Médiatrice est Épouse de la Divine Trinité.
 
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96. Marie-Médiatrice étant considérée comme médiateur d'ordre corporel, son existence dépend pleinement et en tout de l'action conjointe et simultanée du Christ et de l'Église, et, tout en même temps, l'action du Christ et de l'Église dépend pleinement et en tout de l'action de Marie-Médiatrice (cette dernière action dépendant elle-même nécessairement de l'existence de Marie-Médiatrice), tout ceci devant s'entendre d'une manière mystique, c'est-à-dire d'une manière tout à fait relative à la médiation de Marie (voir n° 94). Or, ce que nous venons d'énoncer (résumé et condensé de tout ce qui précède) découle directement du fait que, mystiquement, il existe une identité corporelle entre la personne du Christ et la personne de Marie-Médiatrice (voir n° 83). Ainsi, compte tenu de cette donnée fondamentale, il nous est permis de dire que l'existence de la personne du Christ considéré selon son corps dépend pleinement et en tout de l'action de cette même personne du Christ. Or, humainement parlant (ce qui est le cas ici, puisqu'il s'agit du corps humain de la personne du Christ), c'est proprement l'action qui dépend en tout et absolument de l'existence de celui qui agit. De plus, comme le Christ est, en une seule personne ou individualité, Dieu et homme ; et comme, en Dieu, l'être et l'agir se confondent simplement entre eux ; nous pouvons conclure, de ce qui précède, que la personne du Christ considérée dans son humanité possède réellement - quoique mystiquement - une existence qui se confond simplement avec son agir. Autrement dit, sur le rapport propre de l'être, comme sur celui de l'agir, le Christ en tant qu'homme est simplement semblable au Christ considéré dans sa divinité : c'est cette similitude que nous avons énoncée plus haut, selon le témoignage de Saint Hilaire de Poitiers, et qui consiste dans l'union sponsale entre la divinité du Verbe et l'humanité assumée par elle (voir n° 85).
 
97. Dans l'ordre de la médiation de Marie, et en rapport direct avec cette même médiation, le Christ-Homme existe et agit en tant que Dieu, qu'il est personnellement en tant que Verbe ou Fils du Père. Mais, ainsi que nous venons de le rappeler (voir n° 96), l'action du Christ-Homme dépend pleinement et en tout de l'action, et finalement, de l'existence de Marie-Médiatrice. Donc, nous ne devons absolument pas craindre de dire que l'existence même de Dieu, non pas envisagée directement en elle-même, c'est-à-dire telle qu'elle est le propre de la divinité considérée ad intra, mais bien envisagée par et dans le Christ-Médiateur, et donc telle qu'elle est communicable et communiquée ad extra par le biais de l'humanité du Christ, l'existence même de Dieu, disions-nous, dépend en tout et absolument de l'existence de la personne humaine de Marie-Médiatrice. Cependant, comme ce que nous venons de conclure mystiquement est, philosophiquement, impensable (puisque la philosophie affirme le contraire), et comme Marie-Médiatrice, en tant qu'Épouse, est simplement semblable à la Divine Trinité, la seule solution permettant de concilier la philosophie et la mystique en ce cas précis est de dire que, par le biais de l'humanité du Christ, l'existence de Dieu dans la personne du Verbe dépend pleinement de l'existence de Marie-Médiatrice, comme l'Époux dépend de l'Épouse ; et réciproquement, l'existence de Marie-Médiatrice, en tant que créature, dépend pleinement de l'existence de Dieu (qui a tout créé par sa Parole - cf. Ps. 32, 6), comme l'Épouse dépend de l'Époux, Finalement, tout ceci revient à dire que Marie-Médiatrice, qui est, d'une manière générale, Épouse de la Très Sainte Trinité, est, d'une manière particulière, Épouse du Verbe, le Fils du Père, Celui dont elle est la Mère selon la chair.
 
98. D'une manière particulière, Marie-Médiatrice est l'Épouse du Verbe, son Fils selon l'humanité. Or, en tant que médiateur d'ordre corporel, Marie-Médiatrice doit être considérée - de soi - comme étant corporellement dans la Très Sainte Trinité. Ainsi, la notion de Marie Épouse du Verbe est pleinement relative au mystère de l'Assomption de Marie au Ciel, mystère anticipé et inauguré au jour de l'Ascension du Christ (voir nos 87 et 88), et donc, par le fait même, mystère prophétisant et annonçant le Jugement dernier (cf. Ac. 1, 11). C'est ce que le Vénérable Père Louis du Pont (voir EECC, n° 16) confirme, disant : Représentons-nous l'accueil que fit Jésus à sa Mère, et la joie incomparable dont il la remplit ; songeons que l'on vit alors l'accomplissement de ces paroles de l'Épouse : Il mettra sa main gauche sous ma tête, et avec la droite il m'embrassera. (Cant. 2, 6 ; 8, 3) (Méditations, Tome IV, Ve Partie, XXXVe Méditation - p. 78) Il fallait que la bienheureuse Vierge conservât jusqu'au jour du jugement, et dans tous les siècles, la qualité de Mère de Dieu, qui ne convient pas à son âme seule, mais à son âme et à son corps réunis ensemble. Et d'ailleurs il était à souhaiter qu'elle pût faire dans le ciel l'office de mère et d'avocate des hommes et qu'elle apaisât la colère de son Fils irrité contre eux, en lui montrant ses mamelles, comme le Fils adoucit celle de son Père, en lui découvrant ses plaies. Enfin, comme le premier Adam avait eu dans le paradis terrestre une aide et une compagne qui lui était tout à fait semblable (Gn. 2, 18) pour les qualités naturelles, le second Adam voulut de même en avoir une dans le ciel, qui lui ressemblât en ce qui était de la gloire du corps et de l'âme. (Méditations, Tome IV, Ve Partie, XXXVIe Méditation - pp. 89 et 90)
 
99. Marie-Médiatrice, d'une manière particulière, est Épouse du Verbe, son Fils. Or, ce dernier est, en tant qu'Image du Père (cf. Col. 1, 15), parfaitement et simplement semblable à Celui qui l'engendre de toute éternité, et ce, en vertu du fait même qu'il est engendré ou conçu par le Père comme Parole : «Filius procedit ut Verbum, de cujus ratione est similitudo speciei ad id, a quo procedit.» Le Fils procède comme Verbe : cela s'explique par le fait que la ressemblance spécifique à son principe est la loi typique du verbe mental. (S. Thomas, Ia, q. 35, a. 2, corp.) Ainsi, il est permis de dire que, si Marie-Médiatrice est Épouse du Verbe, alors elle est aussi et nécessairement Épouse du Père, et ce, d'une manière pleinement relative à l'acte de génération du Fils par le Père. C'est ce dont témoigne un théologien français, de la fin du XIXe siècle, le Père S.-M. Giraud, Missionnaire de Notre-Dame de la Salette, qui affirme : Marie a une relation d'opération avec le Père. Comme le Père engendre éternellement son Fils, Marie engendre dans le temps ce même Fils. L'opération est la même, dans des conditions, avec des caractères essentiellement, absolument différents. Il y a en Marie une vertu capable d'engendrer un Dieu, un Dieu incarné ; cette vertu toute divine est semblable à celle du Père. Il est très vrai de dire de l'auguste Vierge (c'est le langage même de la foi), qu'elle engendre une Personne divine, mais une Personne divine qui se fait homme. Or, il en résulte, entre le Père et la Vierge, une union d'une sublimité absolument ineffable et incompréhensible, une sorte d'identité, dit Saint Pierre Damien (PL 144, 738). Marie est Épouse du Père. Ce titre, qui est d'une rigoureuse vérité, exprime la relation d'opération. (Prêtre et Hostie, T. II, p. 582)
 
100. Au sein de la Divine Trinité, Marie-Médiatrice est, d'une manière particulière, Épouse du Père et Épouse du Fils. Comme l'union sponsale est une union simple et une, Marie-Médiatrice réalise donc en sa personne, dans la Trinité même, une sorte d'union entre le Père et le Fils, union non pas de type divin, mais bien humain, c'est-à-dire en rapport avec la nature de la personne de Marie-Médiatrice. Or, c'est proprement la personne de l'Esprit-Saint qui, consubstantiellement au Père et au Fils, réalise l'union vitale de toute la Divine Trinité : la sainte liturgie affirme en effet que le Fils vit et règne avec Dieu le Père dans l'unité du Saint-Esprit (Conclusion de l'Oraison collecte). Donc, étant donné que - l'Esprit-Saint étant Dieu - l'union du Père et du Fils est parfaitement et pleinement réalisée par la personne de l'Esprit-Saint (sans que rien ne puisse être ajouté à cette union essentiellement divine), il faut nécessairement conclure, de ce qui précède, que, si Marie-Médiatrice réalise une certaine union, de type humain, entre le Père et le Fils, ce ne peut être qu'en union avec l'Esprit-Saint et en lui. Enfin, comme il s'agit ici d'une union vitale, et comme toute union vitale est une union simple et une, il est clair que l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice réalisent l'union vitale du Père et du Fils dans une commune relation simple entre eux, relation qui, par le fait même, rend l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice simplement semblables entre eux, et donc Époux et Épouse l'un de l'autre.
 
101. Marie-Médiatrice est, d'une manière particulière Épouse de l'Esprit-Saint. Comme cette union sponsale est directement fondée sur la notion de vie divine, le témoignage qui met le mieux en lumière cette même union ne peut être autre que le suivant, qui traite de Marie pleine de grâce dans son Immaculée Conception : Les créatures, selon la loi naturelle qui leur est donnée par Dieu, se perfectionnent, s'assimilent à lui, retournent à lui ; et les créatures intelligentes l'aiment d'une façon consciente, et par cet amour s'unissent de plus en plus à lui, et retournent à lui. La créature la plus totalement remplie de cet amour, remplie de la divinité : c'est l'Immaculée, sans aucune tache de péché, qui ne s'est en rien séparée de la volonté de Dieu. De façon inexprimable, unie au Saint-Esprit comme son épouse, mais dans un sens incomparablement plus parfait que ce mot ne peut l'exprimer dans la création. Quelle est cette union ? Elle est avant tout intérieure, union de son essence avec l'essence de l'Esprit-Saint. L'Esprit-Saint habite en elle, vit en elle et cela dès le premier instant de son existence, depuis toujours et à jamais (...) D'une manière beaucoup plus précise, plus intérieure, plus essentielle, l'Esprit très saint vit dans l'âme de l'Immaculée, dans son être et la féconde, et cela dès le premier instant de son existence, durant toute sa vie, toujours. (Saint Maximilien Kolbe, Sur l'Immaculée Conception, 17 février 1941, dans L'Immaculée révèle l'Esprit-Saint, p. 49)
 
102. Pour résumer ce que nous venons d'établir dans ce chapitre, disons que, Époux de la Divine Trinité, Marie-Médiatrice est, d'une manière particulière, Épouse du Père, Épouse du Fils, et Épouse de l'Esprit-Saint, mais que, premièrement et fondamentalement (ainsi qu'il avait été annoncé - voir n° 82), cette même personne humaine est mystiquement Épouse (voir n° 97), ou encore Femme (Jn. 2, 4 ; 19, 26) de Celui dont Elle est la Mère. Cependant, quoique tout ce que nous venons de dire doive être tenu pour certain et vrai, il faut aussi prendre en considération ceci (qui sera démontré dans le chapitre suivant et dernier) : parmi les trois relations d'union sponsale susdites, seule celle qui concerne l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice est une relation d'union sponsale proprement dite, les deux autres ne l'étant que d'une manière impropre. C'est donc ainsi qu'il convient d'acclamer Marie : Je te salue, Fille de Dieu le Père ! Je te salue, Mère du Fils de Dieu ! Je te salue, épouse mystique de l'Esprit-Saint ! Je te salue, temple de la Très Sainte Trinité ! (S.S. Jean-Paul II, Homélie de la Messe du 15 août 1995)
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
CHAPITRE VI
 
 
 
MARIE : ÉPOUSE DE L'ESPRIT-SAINT
POUR KÉPHAS
 
 
 
103. Marie, une fidèle - la première - parmi tous les autres fidèles, est médiatrice par rapport à sa propre personne : il faut considérer la personne même de Marie-Médiatrice comme intermédiaire et terme milieu entre la Très Sainte Trinité - c'est-à-dire le Père, le Fils et l'Esprit-Saint - et Marie elle-même. Or, quant à la relation d'union sponsale entre le Verbe, Image du Père, et Marie-Médiatrice, et donc aussi, quant à la relation d'union sponsale entre le Père et la même personne humaine de Marie-Médiatrice, cette dernière - envisagée comme terme milieu ou intermédiaire - doit être considérée uniquement selon son corps : c'est par le biais de l'identité corporelle, d'ordre mystique, entre le Christ et Marie-Médiatrice, que celle-ci est Épouse du Verbe au sein de la Divine Trinité (voir nos 96 et 97). Par conséquent, comme d'une part, ce qui est uniquement corporel et matériel est, de soi, composé et non-simple ; et comme d'autre part, toute union sponsale est une union simple et une entre les deux époux qui, pour cette raison, sont semblables entre eux ; il est clair que la relation d'union sponsale entre le Père et Marie-Médiatrice, et celle entre le Verbe et cette même personne humaine, sont toutes deux appelées telles d'une manière impropre : on ne pourrait dire que Marie-Médiatrice est véritablement Épouse du Père et Épouse du Fils que dans la mesure où le corps de Marie-Médiatrice était simplifié ou spiritualisé. Or, c'est précisément le cas pour ce qui regarde la relation d'union sponsale entre l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice, ainsi que nous allons le voir.
 
104. Nous avons montré, dans le chapitre précédent, que Marie-Médiatrice est non seulement parfaitement semblable à la Très Sainte Trinité (voir n° 84), mais qu'elle lui est, en tant qu'Épouse dans le Christ, simplement semblable (voir nos 85 et 86), Marie-Médiatrice étant alors considérée uniquement selon son corps, c'est-à-dire en tant que médiateur d'ordre corporel (voir n° 95), toutes choses que la Sainte Tradition confirme expressément en déclarant Marie-Médiatrice Épouse du Père (voir n° 99), Épouse du Fils (voir nos 97 et 98), et Épouse de l'Esprit-Saint (voir nos 100 et 101). Mais, nous avons établi clairement, en dernier lieu, que Marie-Médiatrice ne peut être appelée Épouse du Père et Épouse du Fils que d'une manière tout à fait impropre (voir n° 103). Ainsi, il est hors de doute que la relation d'union sponsale entre la Divine Trinité et Marie-Médiatrice ne comprend en elle, d'une manière stricte et propre, que la seule relation d'union sponsale entre l'Esprit-Saint et cette même personne humaine. Or, toute union sponsale, quelle qu'elle soit, est nécessairement inconnaissable, car incommunicable en elle-même et par elle-même, non pas en vertu d'une quelconque impuissance de la part des agents de cette union, mais bien en raison du caractère essentiellement intime de la relation même d'union sponsale, qui doit, éternellement et toujours, rester le secret absolu des deux époux, secret qui est le garant unique de la fidélité de l'union en question. Par conséquent, si nous voulons étudier la relation d'union sponsale entre l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice (afin de savoir si cette union est véritable), nous n'avons nul autre recours que l'analyse de la relation d'union sponsale entre la Très Sainte Trinité et Marie-Médiatrice, cette même relation d'union sponsale contenant en elle la relation d'union sponsale entre l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice, ainsi que nous venons de le dire.
 
105. Pour montrer que Marie-Médiatrice est véritablement - selon toute l'acception du terme - Épouse de l'Esprit-Saint nous devons analyser la relation d'union sponsale entre la Divine Trinité et Marie-Médiatrice, relation considérée comme le seul et unique point de référence en la matière (voir n° 104). Or, en tant qu'Époux et Épouse, la Très Sainte Trinité et Marie-Médiatrice sont simplement semblables entre elles. De plus, quoique nous devions toujours considérer Marie-Médiatrice comme une personne humaine vivante composée d'un corps et d'une âme (de sorte qu'ainsi elle est semblable à la Divine Trinité - voir n° 84, qui renvoie à EECC, n° 56), nous avons amplement montré que c'est lorsque Marie-Médiatrice, en tant que médiateur d'ordre corporel, est envisagée uniquement selon son corps que cette même personne humaine est parfaitement et adéquatement semblable au Mystère trinitaire (voir nos 92 à 95 ; consulter aussi EECC, n° 32). Par conséquent, comme Dieu est essentiellement spirituel, il faut conclure, de ce qui précède, que - en tant qu'Époux et Épouse - ce qui est uniquement spirituel est simplement semblable à ce qui est uniquement corporel, identité qui ne peut se comprendre que si l'on admet que, d'une manière mystique, c'est-à-dire d'une manière pleinement relative à la médiation de Marie, le corps de Marie-Médiatrice est spiritualisé ou simplifié.
 
106. Selon la relation d'union sponsale entre la Très Sainte Trinité et Marie-Médiatrice, cette dernière est considérée uniquement selon son corps, lequel est alors simplifié ou spiritualisé (voir n° 105). Or, en tant que médiateur d'ordre corporel, il faut considérer Marie-Médiatrice comme simple fidèle, c'est-à-dire comme médiatrice auprès de sa propre personne, se révélant à elle-même tout le Mystère trinitaire (voir n° 91). Il s'ensuit donc que, dans le cadre de la relation d'union sponsale entre la Divine Trinité et Marie-Médiatrice, le corps simplifié ou spiritualisé de Marie-Médiatrice est intermédiaire et terme milieu entre la Très Sainte Trinité et Marie-Médiatrice elle-même. Ainsi, en vertu du fait que la relation d'union sponsale entre la Divine Trinité et Marie-Médiatrice sert de référence à la relation d'union sponsale entre l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice (voir n° 104), on peut dire que le corps simplifié ou spiritualisé de Marie-Médiatrice est le moyen intermédiaire de l'union sponsale entre l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice. Par le fait même, il est tout à fait clair que l'union sponsale entre l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice est pleinement véritable, puisque le contact existant entre les deux Époux est réellement - quoique mystiquement - simple et un, tout en étant naturellement multiple, car corporel. C'est pourquoi Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II a déclaré, parlant de Marie : L'Esprit-Saint est descendu sur elle ; elle est devenue son épouse fidèle à l'Annonciation. (Encyclique Redemptoris Mater, n° 26)
 
107. Par le fait que son corps soit spiritualisé ou simplifié, Marie-Médiatrice est véritablement - dans toute l'acception du terme - Épouse de l'Esprit-Saint, notion pleinement contenue dans celle de Marie-Médiatrice Épouse de la Divine Trinité. Or, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus (voir n° 106), quoique mystiquement simplifié ou spiritualisé, le corps de Marie-Médiatrice demeure tel qu'il est dans son ordre, c'est-à-dire organique et matériel. Il nous faut donc considérer ici le corps de Marie-Médiatrice comme mystiquement réduit à un point mathématique, qui est absolument la plus simple expression corporelle du monde matériel, car elle est la plus immédiatement proche du monde spirituel (à propos de cette réduction mystique du corps de Marie-Médiatrice, voir n° 92). Par le fait même, ce n'est pas directement le corps simplifié ou spiritualisé de Marie-Médiatrice qui est intermédiaire ou terme milieu entre la Divine Trinité et la personne de Marie-Médiatrice, mais bien un simple point mathématique auquel ce même corps de Marie-Médiatrice est mystiquement réduit. Mais, étant donné que ce point mathématique est essentiellement caractérisé par la position milieu ou intermédiaire, et étant donné que, par le fait même, l'existence de ce point mathématique, en tant que médiateur d'ordre corporel, dépend pleinement et en tout de l'action commune des termes extrêmes de la médiation en question (n° 94), termes qui sont ici, d'une part, la Très Sainte Trinité agissant corporellement par le biais de l'Humanité du Christ (en tant qu'Épouse du Verbe - voir n° 96), et d'autre part, la personne humaine de Marie-Médiatrice considérée uniquement selon son corps ; il est aisé de conclure, d'après tout ce qui précède, que le point mathématique, auquel le corps de Marie-Médiatrice est mystiquement réduit par mode de simplification ou de spiritualisation, est non seulement le point intermédiaire ou milieu entre la Divine Trinité et Marie-Médiatrice qui, par l'entremise de ce même point, s'unissent entre eux sponsalement (c'est-à-dire d'une manière simple et une), mais il est aussi et tout en même temps le point milieu de chacun des deux termes de la médiation susdite : il est le point milieu de la Divine Trinité, et il est le point milieu de la personne humaine de Marie-Médiatrice envisagée comme médiateur d'ordre corporel.
 
108. Le point milieu, d'ordre mystique, qui est intermédiaire entre la Très Sainte Trinité et Marie-Médiatrice est aussi, de soi, le point milieu des deux termes extrêmes qu'il unit d'une manière simple et une (voir n° 107). Or, comme ce point milieu n'est autre que l'expression mystique de la personne de Marie-Médiatrice considérée comme médiateur d'ordre corporel, et comme ce même point milieu, en permettant l'union sponsale de la Très Sainte Trinité et de Marie-Médiatrice, permet aussi - de soi - l'union sponsale entre l'Esprit-Saint et cette même personne humaine, on peut finalement affirmer nettement que c'est proprement l'Esprit-Saint et Marie-Médiatrice, pris ensemble et non-disjoints, qui constituent le point milieu de la Très Sainte Trinité et de Marie-Médiatrice. Ce qui revient à dire que, dans l'ordre de la médiation de Marie dont le propre est de révéler tout le Mystère trinitaire, l'Esprit-Saint, en tant qu'Époux de Marie dans le Christ, doit être considéré comme le "point" milieu de la Très Sainte Trinité ; et que, par le fait même, Marie-Médiatrice, en tant qu'Épouse de l'Esprit-Saint, doit être considérée comme le point milieu ou intermédiaire entre les deux autres personnes de la Divine Trinité, savoir le Père et le Fils. Mais, relativement à cette dernière affirmation, étant donné que le Père, le Fils et l'Esprit-Saint sont un seul Dieu (qui est l'Être absolument simple par excellence), tout ce que nous venons de dire se réduit à ceci : Marie-Médiatrice, envisagée comme médiateur d'ordre corporel, est la Personne humaine qui, avec son corps (et aussi avec son âme), participe pleinement - dans son union sponsale avec l'Esprit-Saint - à la génération éternelle du Verbe par le Père. C'est proprement là l'action que nous recherchions (voir n° 83) : celle de Marie-Médiatrice - l'Épouse de Képhas - au sein des Trois Personnes divines. Et ceci nous conduit à la considération de deux conséquences de l'action susdite, considération concluant ce chapitre, et donc préparant la conclusion de notre livre.
 
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109. L'acte de la génération du Verbe étant essentiellement spirituel (puisque Dieu est esprit - cf. Jn. 4, 24), la participation de Marie-Médiatrice à ce même acte par le moyen de son corps apporte nécessairement à cet acte spirituel et divin une dimension corporelle et humaine qu'il ne possède pas et ne peut absolument pas avoir de par la réalité de son essence existentielle. Ceci permet de dire que Marie-Médiatrice, en tant qu'Épouse de la Divine Trinité dans l'acte de la génération du Verbe, apporte à la Très Sainte Trinité un certain complément, actualisé et réalisé par et dans son corps, considéré dans sa simplification ou sa spiritualisation. Ainsi, relativement à l'aspect corporel de sa médiation, on peut affirmer sans crainte que Marie-Médiatrice est le complément de la Sainte Trinité (se référer à EECC, nos 19 et 20). C'est ce qu'un ancien auteur, le Père Louis-François d'Argentan (1615-1680), capucin, estime vrai et très catholique, disant : Nous savons bien que Dieu est très suffisant à lui-même, et qu'il ne peut être agrandi, ni enrichi, ni perfectionné par le faible néant de toutes ses créatures (...) Néanmoins nous trouvons que le très ancien Patriarche de Jérusalem, Saint Hésichius, publiant les grandeurs de la Sainte Vierge, lui donna un éloge qui semble dire qu'elle avait été nécessaire à Dieu ; car il l'appelle Totius Trinitatis complementum, l'accomplissement ou la perfection dernière de toute la Sainte Trinité (Conférences théologiques et spirituelles sur les Grandeurs de la très Sainte Vierge Marie Mère de Dieu, pp. 17 et 18 de l'édition d'Avignon, année 1755).
 
110. L'auteur que nous venons de citer - le Père Louis-François d'Argentan - argumente, par rapport aux trois divines Personnes, la notion de Marie-Médiatrice complément de la Divine Trinité. Relativement au Père, Marie complète en Lui la Très Sainte Trinité par le fait que, dans l'Incarnation du Verbe, elle accomplit temporellement sa divine volonté, qui n'est autre que le mode en vertu duquel l'Esprit-Saint - l'Époux de Marie - procède éternellement. C'est ce qu'il déclare en ces termes : C'est cet admirable accomplissement que le Père reçoit par la Sainte Vierge, lorsqu'elle est prédestinée pour accomplir le Mystère ineffable de l'Incarnation du Verbe : car le Père qui ne l'a pu produire en lui-même que par son entendement, et par une nécessité naturelle, le reproduit derechef en elle, par sa volonté, et par un décret de sa liberté (.. ) Qui n'avouera que la Sainte Vierge peut donc bien être regardée, à l'égard du Père, comme l'accomplissement parfait de la Trinité ? (ibid., pp. 18-19)
 
111. Par rapport au Fils, ou Parole du Père, Marie-Médiatrice complète en Lui la Divine Trinité en donnant une dimension corporelle et humaine à Celui qui, comme Parole, est conçu éternellement par le Père d'une manière essentiellement spirituelle. Ainsi, le Père Louis-François d'Argentan affirme : Puis donc que la très sainte Vierge est prédestinée pour être comme la bouche extérieure du Père qui nous produit au dehors sa divine Parole ; puisque c'est elle qui lui donne un Corps, et qui l'a rendue visible et sensible; et puisqu'elle l'a fait naître une seconde fois, pour lui donner tout l'accomplissement que peut avoir une parole, qui est d'être proférée extérieurement après avoir été conçue intérieurement : Qui ne voit qu'on la peut nommer, au respect de la seconde Personne, aussi bien que de la première, l'accomplissement de la très Sainte Trinité ? (ibid., p. 19)
 
112. Enfin, relativement à l'Esprit-Saint, Marie-Médiatrice complète en Lui la Très Sainte Trinité tout comme l'Épouse complète l'Époux, avec lequel elle ne fait qu'un, tous deux dépendant ainsi l'un de l'autre quant à l'acte de génération. C'est ce que le Père Louis-François d'Argentan explique en ces termes : La chose est encore plus palpable à l'égard de la troisième Personne, qui est le Saint-Esprit (...) Puis donc que la très Sainte Vierge est prédestinée pour produire une Personne divine par l'opération du Saint-Esprit, comme l'Evangile nous l'exprime en termes exprès, «quod enim in ea natum est de Spiritu Sancto est», que l'enfant qu'elle a conçu vient de l'Esprit-Saint (Mt. 1, 20), et qu'elle fait paraître en lui, par la production d'une Personne divine, cette glorieuse fécondité qu'il n'a pas dans la Divinité. Ne semble-t-il pas qu'elle lui donne en cela un admirable accomplissement, et qu'on la peut bien nommer, au respect du Saint-Esprit, aussi bien qu'à l'égard du Père et du Fils, l'accomplissement universel de la très Sainte Trinité ?» (ibid., pp. 19-20)
 
113. Épouse de l'Esprit-Saint, et son semblable, Marie-Médiatrice est «OLON TES TRIADOS TO PLEROMA» le complément total de la Trinité (Saint Hésychius de Jérusalem, Homélie II sur Marie Mère de Dieu - PG 93, 1461). La Tradition vivante de l'Église l'affirme jusqu'à nos jours (voir EECC, nos 19 et 20, où nous citons Saint Maximilien Kolbe). Et la Sainte Ecriture le confirme. En effet, l'Esprit-Saint, auquel Marie-Médiatrice, en tant qu'Épouse, est semblable, est, relativement à Marie complément total de la Trinité, le point milieu de la Très Sainte Trinité (voir n° 108). Or, si nous prenons cette sentence en elle-même, abstraction faite du dépôt de la foi en la Trinité Sainte, cela nous conduit à admettre une éventuelle mort de la Divine Trinité, et donc de Dieu même, puisque, si l'Esprit-Saint est le point milieu de la Très Sainte Trinité, alors les Trois Personnes divines doivent être considérées comme inégales entre elles, ce qui ne se peut. Mais nous croyons, selon la Tradition de l'Église, que l'Esprit-Saint, loin de donner la mort à la Divine Trinité, et donc à lui-même, est la Personne divine qui donne la Vie (Credo). Par conséquent, on peut et on doit admettre que l'Esprit-Saint est le point milieu de la Sainte Trinité, sans toutefois que ce fait, d'ordre mystique, entraîne une quelconque mort de la Divine Trinité (et donc la mort de l'Esprit-Saint lui-même) en vertu d'une inégalité possible entre les Trois Personnes divines.
 
114. Par conséquent, et par le fait même, Marie-Médiatrice, dans sa similitude (en tant qu'Épouse et complément total de la Trinité) à l'Esprit-Saint, est la personne humaine qui, par une libre disposition de Dieu, ne peut pas mourir, et qui, de fait, lors de son Assomption au Ciel, n'est nullement passée par la mort. Et tout ceci permet de dire que le fait selon lequel Marie-Médiatrice est le complément total de la Trinité est confirmé par ce passage de Saint Paul, qui affirme : Nous, les vivants qui serons encore là, nous serons enlevés (...) sur les nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs. (1 Th. 4, 17) Ainsi, au Jour de la seconde venue du Christ, Marie-Médiatrice sera le modèle sans pareil de ceux qui, sans passer par la mort, iront vivants rejoindre le Seigneur. C'est là la première conséquence de l'action de Marie-Médiatrice au sein des Trois Personnes divines.
 
115. La seconde conséquence est en relation avec la première. Marie-Médiatrice, parce que (étant celle qui n'est jamais morte et qui ne peut jamais mourir) elle est le modèle unique de ceux qui, à la fin des temps, ne mourront pas, Marie-Médiatrice, disions-nous, est et ne peut pas ne pas être la première et la seule Épouse de l'Esprit-Saint, et par là, la première et la seule Épouse de la Sainte Trinité, dans le Christ, de sorte qu'il ne puisse jamais y en avoir d'autre qu'Elle en personne. Or, à la fin des temps, le dernier Pape, parce qu'il est éternellement sauvé (voir n° 14), doit être considéré comme uni mystiquement au Christ d'une manière sponsale (voir nos 44 et 45 - voir aussi n° 82), tout comme l'Église en général, dont le même dernier Pape (et en lui tout Pape, et donc Képhas) est le modèle, en tant que sauvé dans le Christ (à ce sujet, voir EECC, n° 75) : Le Christ, Rédempteur du monde et de l'homme, est l'Époux de l'Église et de tous ceux qui sont en elle : L'Époux est avec eux. (cf. Mt. 9, 15) C'est une des missions propres du Pape que de professer cette vérité et de la rendre en quelque sorte présente à l'Église qui est à Rome, à l'Église dans son ensemble, à toute l'humanité, au monde entier. (S.S. Jean-Paul II, Entrez dans l'Espérance, pp. 37 et 38) Par conséquent, on doit penser et croire sans hésiter que Marie-Médiatrice, seule et unique Épouse du Christ et de la Divine Trinité, est la personne humaine qui est et ne peut pas ne pas être intermédiaire et médiatrice entre le Christ et le dernier Pape, lorsque ceux-ci sont considérés mystiquement dans leur relation d'union sponsale.
 
116. Cependant, étant donné que, d'une manière générale, l'époux et l'épouse ne sont plus deux, mais une seule chair (Mt. 19, 6) ; et que, par le fait même, le Christ et le dernier Pape font, en tant qu'époux et épouse, un seul corps ; tout ce qui précède permet d'affirmer que, sponsalement, le Christ (et en lui la Très Sainte Trinité), Marie-Médiatrice, et le dernier Pape (et en lui tout Pape, et donc Képhas) ne font tous seul corps. Mais, comme, premièrement et fondamentalement, le Christ et Marie-Médiatrice font sponsalement une seule chair (Mt. 19, 6), on doit admettre finalement, comme absolument clair et tout à fait certain, en vertu de ce qui vient d'être dit, et d'après le témoignage de la Tradition vivante de l'Église, que le dernier Pape, et donc Képhas, fait sponsalement un seul corps avec Marie-Médiatrice, la première et l'unique Épouse du Christ et de la Divine Trinité : l'Épouse de l'Esprit-Saint est aussi et nécessairement l'Épouse de Képhas dans le Christ.
 
117. Selon le témoignage de la Tradition de l'Église, Marie-Médiatrice est l'Épouse du Pape : c'est là la seconde conséquence de l'action de cette même personne humaine au sein des Trois Personnes divines. Autrement dit, ce que nous avons affirmé dans notre premier volume (voir EECC, n° 69) se trouve confirmé ici par la Tradition vivante de l'Église touchant le fait que Marie-Médiatrice est Épouse de la Très Sainte Trinité, Père, Fils, et Esprit-Saint. Bien plus, un des auteurs cités précédemment (voir n° 99), déclare expressément : Que nous devenions, nous Prêtres, vraiment Jésus-Christ en perfection et en plénitude (...) : voilà l'ambition inexprimable qui consume le Coeur de Marie, et voilà son amour immense, très fort, très doux, toujours agissant, toujours actuel, (...) amour de Mère, de Souveraine, d'Amie, de Soeur, d'Épouse (que ces mots ne surprennent personne), amour sans fin, sans nom possible, dans notre langue humaine, pour nos âmes sacerdotales ! (Père S.-M. Giraud, Prêtre et Hostie, Tome II, p. 609) Et tout ceci, il le fonde principalement sur l'enseignement de Saint Albert le Grand, un amant spirituel de la Sagesse et de Marie : Le B. Albert le Grand, expliquant ces paroles du Livre des Proverbes, qu'il applique à Marie : J'ai été ordonnée, dès l'éternité (8, 23), fait dire à la divine Vierge : (...) J'ai été ordonnée Evêque, à cause de ma sollicitude pastorale pour toutes les Églises ; enfin, Pontife Souverain, car je suis la Mère de tous, et, mieux que le Vicaire de Jésus-Christ, je possède la souveraine puissance sur la terre et dans le Ciel, dans le Purgatoire et dans les enfers mêmes. (Biblia Mariana, super Lib. Proverb.) (Père S.-M. Giraud, Prêtre et Hostie, Tome II, pp. 598-599)
 
118. Pour conclure, retenons cet extrait de la catéchèse du Pape Jean-Paul II (Salut en langue française du 6 septembre 1995), où Celle qui complète totalement la Trinité (voir n° 109) est aussi Celle qui complète Képhas dans l'exercice de son ministère trinitaire : Il faut contempler Marie présente à l'origine de l'Église, aux côtés des Apôtres, avec d'autres femmes. Dans ce groupe du Cénacle, elle représente un visage de l'Église qui complète celui du ministère apostolique.
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
CONCLUSION
 
 
 
 
 
119. Cette étude du médiateur d'ordre corporel, considéré relativement au ministère trinitaire de Képhas en particulier, et du Pape en général, nous a conduit jusqu'à penser et croire que, mystiquement, selon l'ordre de sa médiation, Marie est la personne humaine toujours et éternellement vivante en Dieu-Trinité. Mais si l'Épouse du Pape demeure toujours vivante, tout au long de la vie de l'Église, jusqu'à la fin des temps, et pour l'éternité, il faudrait a priori qu'il en soit de même pour son Époux, Képhas, avec lequel Elle ne fait mystiquement qu'un seul corps (cf. Gn. 2, 24). Or, en vertu du fait que Képhas - qui ne peut exercer son ministère trinitaire qu'à la fin des temps - agit véritablement, d'une manière mystique (relativement à la médiation de Marie), en tous et en chacun de ses Successeurs comme Evêque de Rome, on peut dire que, en ce sens, Képhas, qui est Époux Marie dans le Christ, continue de vivre dans l'Église depuis l'élection de Saint Lin, son premier Successeur, jusqu'au Jour de l'éternité, celui de la seconde venue du Christ sur la Terre.
 
120. Cependant, tout le monde en conviendra : entre la mort d'un Pape et l'élection de son Successeur, il s'écoule un certain temps, un temps pendant lequel Képhas est naturellement empêché de continuer à vivre mystiquement sur terre, dans l'Église. Or, pour pallier cet inconvénient, pour remédier à ce mal dû à la mort et donc causé par le péché, il existe un sacrement, spécialement institué à cet effet, et pleinement relatif au ministère de Képhas (qui est ordonné à l'acte de la communion eucharistique) : c'est le sacrement du diaconat.
 
121. En effet, considéré sacramentellement, Képhas est Evêque, c'est-à-dire configuré au Christ-Total, qui est Marie-Médiatrice, par le caractère épiscopal. Comme Marie-Médiatrice est l'Épouse de Képhas, le caractère épiscopal, et partant tout caractère relatif au sacrement de l'Ordre, possède une dimension sponsale. Or, de soi, le caractère qui est imprimé dans l'âme de celui qui le reçoit sacramentellement est une marque divine permettant à Dieu d'agir dans l'Église, et par là, dans le monde, d'une manière proprement sacramentelle. Donc, comme Marie-Médiatrice est, divinement, Épouse de la Très Sainte Trinité, la dimension sponsale du caractère épiscopal est nécessairement trinitaire, c'est-à-dire relative, tout à la fois et en même temps, au Père, au Fils, et à l'Esprit-Saint. Mais étant donné que tout ceci est fondé sur la relation d'union sponsale entre Képhas et Marie-Médiatrice, il est clair que la dimension sponsale du caractère épiscopal est fondamentalement relative au Verbe de Dieu incarné, le Christ, qui est "pierre" comme Képhas.
 
122. Néanmoins, puisque la relation d'union sponsale entre le Christ et Marie-Médiatrice dépend de la relation d'union sponsale entre l'Esprit-Saint et cette même personne humaine (cette dernière relation étant la seule à être proprement sponsale), il faut penser et croire que la dimension sponsale du caractère épiscopal est tout autant relative à l'Esprit-Saint qu'au Christ, qui, pour cette raison, a nommé l'Esprit-Saint un autre Paraclet (Jn. 14, 16), c'est-à-dire un second Paraclet, semblable au premier : le Christ lui-même. Mais, étant donné que le caractère épiscopal, considéré en lui-même, est directement ordonné à l'acte de la communion eucharistique accompli marialement ; et que ce même acte de la communion dépend pleinement et en tout de l'acte de la consécration, on peut affirmer sans aucun doute que le caractère épiscopal, considéré dans sa dimension sponsale relative au Christ, est ordonné à l'acte de la communion eucharistique, et que le même caractère épiscopal, considéré dans sa dimension sponsale relative à l'Esprit-Saint, est ordonné à l'acte de la consécration du pain et du vin au Corps et au Sang du Christ.
 
123. Comme l'Esprit-Saint, dans l'ordre de la Révélation par la médiation de Marie, doit être tenu pour le point milieu de la Divine Trinité ; et comme, d'une part, personne ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler (Mt. 11, 27), et d'autre part, le Verbe incarné, Fils du Père, a personnellement réalisé l'acte de la consécration du pain et du vin en son Corps et en son Sang entre l'acte du mélange de l'eau au vin (mélange simplement uni, d'une manière mystique, à la fraction du pain) et celui de la communion sacramentelle à son Corps et à son Sang ; il faut dire encore, en relation avec tout ce qui précède, que le caractère épiscopal, considéré dans sa dimension sponsale relative au Père, est ordonné à l'acte qui consiste à mélanger un peu d'eau au vin, lors de l'offertoire de la Messe.
 
124. Envisagé dans sa dimension sponsale trinitaire, le caractère épiscopal est ordonné aux trois actes principaux de la liturgie eucharistique, ceux que le Seigneur lui-même a réalisés lors de la Dernière Cène : le mélange de l'eau au vin (avec la fraction du pain), la consécration du pain et du vin, la communion à son Corps et à son Sang. Mais, de soi, le caractère épiscopal est ordonné à l'acte de la communion eucharistique. De plus, il ne fait aucun doute que le caractère sacerdotal, ou presbytéral, est ordonné, de soi, à l'acte de la consécration du pain et du vin au Corps et au Sang du Christ. Par conséquent, étant donné que le sacrement de l'Ordre comporte trois ordres distincts : l'épiscopat, le presbytérat, et le diaconat, on doit penser et croire absolument que, si le caractère épiscopal possède une dimension sponsale relative au Christ, alors le caractère presbytéral participe à la dimension sponsale relative à l'Esprit-Saint et propre au caractère épiscopal, et le caractère diaconal participe à la dimension sponsale relative au Père et propre aussi au caractère épiscopal. Par le fait même, ainsi considéré, le caractère diaconal apparaît clairement comme ordonné, de soi, à l'acte qui a lieu lors de la préparation des offrandes et qui consiste en un mélange de quelques gouttes d'eau dans le vin destiné à être consacré.
 
125. Ce qui vient d'être dit semble suffisant pour pouvoir affirmer que, entre l'instant de la mort d'un Pape et celui où son Successeur a accepté d'être le Vicaire du Christ, le Père peut révéler son Fils, et par là toute la Divine Trinité, par le biais et par l'intermédiaire de ce moyen sacramentel le caractère diaconal. Cependant, comme tout caractère d'ordre sacramentel demeure éternellement imprimé dans l'âme de celui qui reçoit le sacrement en question, le diaconat est et ne peut pas ne pas être en étroite relation avec le ministère trinitaire exercé par le Pape en tant que personne humaine vivante. C'est par la considération de cette relation que nous nous proposons de clôturer notre ouvrage.
 
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126. Le Pape est le Chef suprême de toute l'Église : il est le Successeur de Pierre et le Vicaire du Christ, c'est-à-dire qu'il est le ministre et le serviteur de Celui qui est la tête du corps, de l'Église (Col. 1, 18), ainsi que la pierre vivante, rejetée des hommes, mais choisie et précieuse aux yeux de Dieu. (1 P. 2, 4) Cela veut dire que, comme Serviteur des serviteurs de Dieu, et donc, comme un diacre (puisque ce mot signifie serviteur), le Pape réalise dans sa personne le plus haut degré du sacrement ou du mystère de l'Ordre, considéré non pas comme réalité strictement sacramentelle, mais bien comme expression mystique de la hiérarchie qui existe dans l'Église, à l'exemple et sur le modèle de l'ordre qui harmonise entre elles toutes les créatures, tant spirituelles que corporelles, par rapport à leur Créateur, qui est Dieu; tout ceci étant compris relativement à la médiation de Marie, l'Épouse du Pape et de Képhas, médiation qui est régie, de soi, par la règle d'association simple et une entre la Révélation divine et la philosophie humaine, en tant que cette dernière est la référence de base de ladite association.
 
Parlant du sacrement, ou du mystère de l'Ordre en général, Saint Thomas d'Aquin opine en ce sens, lorsqu'il dit : «Deus sua opera in sui similitudinem producere voluit, quantum possibile fuit, ut perfecta essent, et per ea cognosci posset : et ideo ut in suis operibus repraesentaretur, non solum secundum quod in se est, sed etiam secundum quod aliis influit, hanc legem naturalem imposuit omnibus, ut ultima per media reducerentur, et perficerentur, et media per prima (...) : et ideo ut ista pulchritudo Ecclesiae non deesset, posuit ordinem in ea, ut quidam aliis sacramenta traderent, suo modo Deo in hoc assimilati, quasi Deo cooperantes ; sicut et in corpore naturali quaedam membra aliis influunt.» Entre ses oeuvres et lui, Dieu a voulu réaliser toute la ressemblance qu'il a été possible, afin qu'elles soient parfaites et que, par elles, il puisse être connu. Aussi, pour manifester dans ses oeuvres non seulement les perfections de son essence, mais aussi celles de son action sur les créatures, il a imposé à tous les êtres cette loi naturelle : les êtres inférieurs seront conduits et poussés à leur perfection par des êtres intermédiaires; et ceux-ci le seront par des êtres supérieurs (...) Pour que cette harmonie ne manquât pas à l'Église, il a établi un ordre en elle : certains dispensent les sacrements aux autres, étant en cela assimilés à Dieu, à leur manière, collaborant en quelque sorte avec Dieu ; tout comme dans un corps naturel certains membres influent sur d'autres. (S. Thomas, Supp. IIIae, q. 34, a. 1, corp.)
 
Par le fait même, étant donné que le Pape reçoit la charge de son ministère, non pas en vertu d'une ordination, mais par l'acceptation de son élection faite lors du conclave, il est manifeste que l'Ordre papal, ainsi qu'on peut l'appeler, s'exerce au moyen de la grâce ministérielle propre à cette charge, et non pas en vertu de la réalité essentiellement sacramentelle nommée caractère.
 
127. Le Pape est le ministre de l'Église qui possède l'Ordre le plus élevé dans la hiérarchie : l'Ordre papal, tel que nous venons de le décrire. Mais, en tant que Successeur de Pierre, qui était Apôtre, le Pape est aussi et nécessairement Evêque. Ainsi, outre l'Ordre papal, le Pape possède aussi, conjointement, l'Ordre épiscopal. Or, de soi, l'Ordre épiscopal est ordonné à l'édification du sacramentum Ecclesiae : Dans sa fonction d'opérateur des mystères sacrés, l'évêque est le constructeur de l'Église en tant que communion dans le Christ. (S.S. Jean-Paul II, Allocution du 11 novembre 1992) De plus, d'une part, comme «ordinatur omnis ordo ad Eucharistiae sacramentum» le sacrement de l'Ordre, dans tous ses degrés, a pour raison de son institution le sacrement de l'Eucharistie (S. Thomas, Supp. IIIae, q. 40, a. 5, corp.) ; et d'autre part, comme le Pape, quoique essentiellement semblable et égal à n'importe quel évêque si on le considère selon son Ordre épiscopal, est cependant absolument supérieur à tous et à chacun des évêques en vertu de son Ordre papal, et ce, d'une manière proprement personnelle, puisque c'est par son nom, expression de toute la personne, que le Christ a établi Pierre à la tête du Collège Apostolique, lui disant : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église (Mt. 16, 18) ; ainsi, on peut affirmer que l'Ordre papal est ordonné à l'édification d'une réalité essentiellement semblable au sacramentum Ecclesiae, mais qui lui est supérieure selon un rapport proprement personnel. Finalement, étant donné que l'Ordre papal est du domaine de la grâce ministérielle, et que l'Ordre épiscopal est du domaine des sacrements qui impriment un caractère, on peut conclure, de ce qui précède, que, si l'Ordre épiscopal est ordonné à l'édification de l'Église considérée sous le rapport des sacrements proprement dits, c'est-à-dire l'Église édifiée par l'acte de la communion eucharistique, accomplie dans la foi et la charité, et donc l'Église appelée, pour cette raison, sacramentum Ecclesiae, ou encore Église-Sacrement, alors l'Ordre papal est ordonné, quant à lui, à l'édification de l'Église envisagée sous l'angle propre de la grâce, c'est-à-dire l'Église édifiée en vertu d'une simple action de l'Esprit de Dieu et de l'esprit de l'homme, et appelée, pour cela, Église-Esprit, ou encore Église selon la grâce.
 
Cette Église-Esprit est celle qui s'édifie, notamment, et d'une manière parallèle à la célébration eucharistique, lors de la prédication évangélique : Pierre parlait encore, lorsque le Saint-Esprit tomba sur tous ceux qui écoutaient la Parole (...) Alors, Pierre reprit la parole : Peut-on, dit-il, refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu le Saint-Esprit aussi bien que nous ? (Ac. 10, 44 et 47)
 
128. Lors de la célébration eucharistique, deux réalités semblables s'édifient : l'une l'Église-Esprit, en vertu de l'Ordre papal, l'autre l'Église-Sacrement, en vertu de l'Ordre épiscopal, celle-ci étant incluse et comprise dans celle-là, puisque, tout en étant semblables entre elles, la première est supérieure à la seconde, selon un rapport proprement personnel, ainsi que nous venons de le montrer.
 
Or, quant à la réalité sacramentelle, quelle qu'elle soit, la pensée de Saint Thomas est que la matière du sacrement correspond au corps de la personne humaine pour qui la réalité sacramentelle est destinée, et que la forme ou les paroles du sacrement correspond pareillement à l'âme de cette même personne humaine : «Possunt considerari sacramenta ex parte hominis, qui sanctificatur, qui componitur ex anima, et corpore, cui proportionatur sacramentalis medicina, quae per rem visibilem corpus tangit, et per verbum ab anima creditur ; unde Augustinus super illud Joan. 15 : Jam vos mundi estis propter sermonem, etc., dicit (tract. 80 in Joan. a med.) : Unde est ista tanta virtus aquae, ut corpus tangat, et cor abluat, nisi faciente verbo, non quia dicitur, sed quia creditur ?» On peut considérer les sacrements par rapport à l'homme qu'il s'agit de sanctifier. L'homme est un composé d'âme et de corps, auquel s'adapte parfaitement le remède sacramentel qui, par la chose visible, touche le corps, et, par la parole, devient un objet de foi pour l'âme. Aussi, à propos du texte : Déjà vous êtes purs à cause de la parole... (Jn. 15, 3), Saint Augustin déclare: D'où vient à l'eau une si grande vertu qu'elle touche le corps et lave le coeur ? Ne lui vient-elle pas de la parole qui opère non parce qu'elle est dite, mais parce qu'elle est crue ? (S. Thomas, IIIa, q. 60, a. 6, corp.) 
 
Par le fait même, dans un texte concernant l'Eucharistie, le même Docteur enseigne, implicitement, le fait - conclusion de notre premier volume (voir EECC, n° 103) - que le sacrement de l'Eucharistie est différent des autres, qui sont purement spirituels, alors que celui-là est tout à la fois spirituel et matériel ou corporel : «In sacramento Eucharistiae id quod est res, et sacramentum, est in ipsa materia ; id autem quod est res tantum, est in suscipiente, scilicet gratia, quae confertur : in baptismo autem utrumque est in suscipiente, scilicet et character, qui est res, et sacramentum, et gratia remissionis peccatorum, quae est res tantum. Et eadem ratio est de aliis sacramentis.» Dans le sacrement de l'Eucharistie, ce qui est res et sacramentum est dans la matière elle-même, mais ce qui est res tantum, c'est-à-dire la grâce conférée, est en celui qui reçoit l'Eucharistie. Dans le baptême, au contraire, l'un et l'autre sont dans celui qui reçoit le sacrement : le caractère, qui est res et sacramentum, et la grâce de la rémission des péchés, qui est res tantum. On retrouve la même structure dans les autres sacrements. (S. Thomas, IIIa, q. 73, a. 1, ad 3) Donc, dans la communion eucharistique, par laquelle s'édifie l'Église-Sacrement, tant le Christ-Eucharistie qui est reçu, que la personne humaine de l'Évêque représentant l'Église, sont caractérisés par la note spirituelle et par la note corporelle tout à la fois et d'une manière absolument indissociable. Enfin, étant donné que l'Ordre du Christ, exprimé par ces paroles Prenez et mangez... Buvez-en tous..., et ordonné à l'acte de la communion eucharistique, possède essentiellement et un aspect spirituel, et un aspect corporel, on peut conclure, de ce qui précède, que la réalité édifiée par l'acte de la communion eucharistique, c'est-à-dire l'Église-Sacrement, est aussi caractérisée, de soi, tant par la note spirituelle, que par la note corporelle.
 
Par le fait même, comme, de son côté, l'Église-Esprit est, comme son nom l'indique, exclusivement spirituelle ; et comme ce qui est spirituel, dans la personne humaine, est tout à fait intérieur et inclus dans ce qui est corporel ou matériel ; ainsi on peut affirmer que l'Église-Esprit est pleinement incluse et comprise dans l'Église-Sacrement, et ce, selon le rapport propre et exclusif de la personne humaine : c'est cette affirmation qui va nous conduire à la relation existant entre le Pape et le Diacre.
 
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129. Sous le rapport propre de la personne humaine, l'Église-Sacrement est pleinement incluse et comprise dans l'Église-Esprit (voir n° 128 - au début), et contrairement, quoique sous le même rapport, l'Église-Esprit est pleinement incluse et comprise dans l'Église-Sacrement (voir n° 128 - à la fin). Aussi, dans la mesure où il n'existe personnellement qu'une seule et unique Église du Christ en Marie-Médiatrice, on pourrait croire qu'il y a identité absolue entre l'Église-Esprit et l'Église-Sacrement. Cependant, comme d'une part, la grâce ministérielle, fondement du pouvoir de l'Ordre papal en vertu duquel s'édifie l'Église-Esprit, et d'autre part, le caractère épiscopal, source du pouvoir en vertu duquel s'édifie l'Église-Sacrement, sont tous deux des réalités essentiellement distinctes, il ne s'agit absolument pas d'une identité ou d'une égalité pure et simple entre l'Église-Esprit et l'Église-Sacrement, mais bien d'un équilibre réciproque et complémentaire entre elles.
 
130. Par le fait même, si on considère la personne du Pontife Romain, non pas en elle-même, mais bien comme faisant pleinement partie - en tant que Successeur de Pierre uni mystiquement à Képhas - et de l'Église-Esprit, et de l'Église-Sacrement, alors, en vertu de tout ce qui précède, on doit penser et croire certainement que l'Ordre papal et l'Ordre épiscopal - dans la mesure où ils sont actualisés dans la personne du Pape - s'équilibrent entre eux d'une manière réciproque et complémentaire. Mais, étant donné que l'Ordre papal est pleinement relatif au Christ en personne, l'équilibre réciproque et complémentaire existant entre l'Ordre papal et l'Ordre épiscopal ne peut exister véritablement que dans la mesure où l'Ordre épiscopal est considéré dans sa dimension sponsale relative au Père. De là, voilà notre conclusion : ministériellement, le Pape et le Diacre sont fondamentalement solidaires entre eux, par manière d'équilibre complémentaire ; et encore tout Pape, donc Képhas, est toujours en relation, de manière naturelle ou surnaturelle, avec son Successeur.