L'EUCHARISTIE :
L'ÉGLISE
DANS LE COEUR DU CHRIST
PAR
DANIEL MEYNEN, D.D.
CHANOINE DE
SAINT-AUBAIN
© 1995-2012 -
Daniel Meynen
Comment l'Église
s'offre
au Père - dans
le Christ
avec l'Esprit-Saint
pour
Marie-Médiatrice
TABLE DES
MATIÈRES
L'Eucharistie:
l'Église dans le Coeur du Christ, tel est le titre de ce livre.
Assurément, tout le Christ est présent
dans l'Eucharistie, son Coeur aussi bien que tout son
corps, toute son âme, et toute la Divinité
du Verbe de Vie qu'il est en personne. Mais le Coeur du
Christ semble bien être le signe explicatif de
toute l'Eucharistie: il est le symbole humain de tout
l'Amour de Dieu pour son Église, qu'il a
rachetée au prix de son Sang versé sur la
Croix du Calvaire. Et l'amour n'a pas de raison, ou s'il
en a, c'est l'amour lui-même qui est sa propre
raison l'amour ne s'explique que par l'amour, qui est la
plénitude de sa raison. Il n'y a donc pas de
raison plus pleine et plus complète pour
expliquer l'Eucharistie que l'Amour même de Dieu,
symbolisé par le Coeur du Christ.
L'Église dans
le Coeur du Christ, c'est une
action de l'Église qui va au Christ et qui s'unit
à lui au plus intime de son Etre, jusque dans sa
Vie même, et dans son Amour. C'est donc l'action
de l'Église qui, dans la communion eucharistique
où elle ne fait qu'un avec le Christ, s'unit
à l'Amour de Dieu pour devenir, elle-même,
Amour des hommes qui sont ses frères dans le
monde, et donc pour devenir Amour d'elle-même,
pour participer à sa propre sanctification,
à son édification personnelle dans la
charité comme Corps du Christ. Et au fil des
temps, d'Eucharistie en Eucharistie, de communion en
communion, l'Église croît et
s'édifie en allant au Christ et en s'unissant
à lui, avec l'Amour même de Dieu qu'elle a
reçu au jour de la Pentecôte et qu'elle ne
cesse de recevoir chaque fois que se perpétue et
se renouvelle ce grand Mystère du Christ et de
l'Eglise.
*
* *
Un mot sur la
genèse de cet ouvrage: qu'est-ce qui m'a
poussé à écrire un livre sur
l'Eucharistie, qui - c'est évident pour tout le
monde - n'est pas une matière facile à
traiter ?
*
* *
Un soir de novembre
1975, le mardi 11 novembre très exactement, jour
célèbre et connu de tous en raison de
l'Armistice de la Grande Guerre (11 novembre 1918), mais
jour plus glorieux encore dans l'Église qui se
souvient du repos éternel du grand Saint Martin
(11 novembre 397), enfin jour intime et particulier qui
rappelle le baptême du frère Mutien-Marie
de Ciney (11 novembre 1895), neveu de Saint Mutien-Marie
de Malonne, tous deux grands serviteurs de Marie; ce
soir-là donc, je reçus la grâce de
la vocation sacerdotale.
Le jour du 11 novembre
1975 était le quatrième d'une retraite
spirituelle de cinq jours à laquelle je
participais, retraite placée sous le patronage de
Marie et, pour cette raison, intitulée les cinq jours avec Notre-Dame. Or, le soir de ce quatrième jour, les
retraitants, agenouillés devant le Très
Saint-Sacrement exposé, contemplaient en esprit
la Passion du Seigneur. Et ce fut à ce moment
précis que, attiré par
Jésus-Hostie, je répondis à l'appel
de la grâce venant par la Médiation de
Marie. Ainsi, je peux dire que, ce soir-là,
j'étais déjà conscient,
quoiqu'encore confusément, que toute ma vie
sacerdotale serait consacrée tout à la
fois à l'Eucharistie par Marie, et à Marie
par l'Eucharistie.
Entré le 2
octobre 1976 comme postulant dans une abbaye
bénédictine, en France, je
prononçai mes premiers voeux le 4 avril 1978.
C'est ainsi que la grâce de la vocation
sacerdotale reçue le 11 novembre 1975 acquit une
toute première insertion dans la mission de
l'Eglise universelle. Le 29 juin 1983, je fus
ordonné prêtre et ministre du Seigneur
Tout-Puissant: en ce jour inoubliable, la grâce de
ma vocation sacerdotale, qui n'était encore
qu'une grâce personnelle, devint réellement
une grâce ecclésiale, car sacramentelle,
par l'imposition des mains de l'Evêque. Mais, une
dizaine d'années plus tard, le 25 novembre 1994,
je quittai cette abbaye française et rentrai en
Belgique. Il était en effet temps que la
grâce de ma vocation sacerdotale recût une
insertion plus large et plus ouverte dans la mission de
l'Eglise. C'est ce qui advint par mon incardination,
comme prêtre séculier, dans le
diocèse de Namur, le 28 novembre 1997.
Revenons un peu en
arrière. En septembre 1981, j'eus l'occasion de
me rendre à Ciney, en Belgique, avec quelques
confrères. Je ne savais pas à
l'époque que ce serait le point de départ
de mon attachement pour le diocèse de Namur, dont
je fais aujourd'hui partie. En effet, j'avais
déjà lu la vie du frère
Mutien-Marie de Ciney, mais, une fois arrivé
à Ciney, j'eus l'occasion de prendre connaissance
de son manuscrit autobiographique. Et très vite,
ce frère des Ecoles Chrétiennes,
renommé par sa sainteté, m'est devenu
très cher. Non seulement parce que ma visite en
Belgique m'avait permis de me recueillir plusieurs fois
sur sa tombe, mais aussi parce que, durant douze ans,
j'ai fréquenté une école
dirigée par des frères de la même
Congrégation, et que, outre la coïncidence
du 11 novembre citée plus haut, j'ai reçu
le sacrement de confirmation et renouvelai ma profession
de foi chrétienne le 15 mai 1969,
c'est-à-dire au jour anniversaire de la mort
bienheureuse du frère Mutien Marie de Ciney (15
mai 1940). Mais, tout récemment encore, ce cher
frère manifesta sa présence dans ma vie,
car le 15 mai 2002 fut le jour choisi par la Divine
Providence pour mon installation comme Chanoine
Titulaire du Chapitre cathédral Saint-Aubain
à Namur: vraiment, Marie, par l'entremise de son
serviteur, a fondé ma vocation sacerdotale dans
la ville et le diocèse de Namur !
Par l'entremise de ce
grand Apôtre de Marie que fut le Frère
Mutien-Marie de Ciney, la date du 11 novembre 1975 me
faisait souvenir, non seulement de ma vocation
sacerdotale, mais aussi de ma confirmation dans la foi.
Comme le sacrement de confirmation n'est autre que le
baptême en sa perfection, je ne pouvais oublier
non plus ce dernier sacrement qui est la source et le
fondement de toute vie chrétienne, et, par le
fait même, de toute vie sacerdotale. Né le
2 avril 1957, le sacrement de baptême m'a
été conféré le 28 du
même mois, et le seul prénom de Daniel m'a
été imposé. Pour moi, donc, ce
sacrement signifie deux choses: un nom, Daniel; une
date, le 28 avril. Un nom d'abord. Daniel est un des
quatre grands Prophètes de l'Ancienne Alliance:
il annonce la victoire et le triomphe du Royaume de Dieu
sur les royaumes de la terre. Pour les chrétiens
de la Nouvelle Alliance, Daniel est donc le
Prophète de l'Eucharistie, puisque, dans ce
sacrement, le Christ anticipe sa venue glorieuse et
triomphale de la fin des temps. Une date ensuite. Le 28
avril, l'Église célèbre la
naissance au Ciel de Saint Louis-Marie Grignon de
Montfort (1716), Docteur de l'Église, un des plus
grands Apôtres de Marie. Aussi, entrer, un tel
jour, dans l'Eglise, dont Marie est le type et le
modèle, est un signe non équivoque d'un
appel au service de Marie.
Aujourd'hui, je suis
donc sûr - je le crois fermement - que ma mission
sacerdotale est tout orientée vers l'Eucharistie
et vers Marie: vers l'Eucharistie pour Marie, vers Marie
pour l'Eucharistie. Mais il y a plus encore. Le 11
novembre 1975 me rappelant l'unique baptême auquel
tous les chrétiens participent, ce jour envahit
toute ma mémoire par le Mystère Trinitaire
du Dieu unique dont l'extension à toute la
création constitue le baptême
lui-même. Le frère Mutien-Marie de Ciney
avait en effet reçu la grâce mystique d'une
union intime à la Trinité, grâce qui
ne s'est développée en lui que par
l'influence cachée et discrète de la
bienheureuse Élisabeth de la Trinité,
religieuse du carmel de Dijon (actuellement à
Flavignerot, en France). Finalement, c'est
particulièrement sous le patronage de cette
même religieuse que ma mission sacerdotale envers
l'Eucharistie et envers Marie s'inscrit dans le contexte
propre du Mystère Trinitaire. Et il en est bien
ainsi puisque ma première rencontre intime et
personnelle avec Jésus-Eucharistie, ma
première communion, a eu lieu le 19 avril 1964,
jour anniversaire de la première communion de la
bienheureuse Elisabeth de la Trinité (19 avril
1891).
Dans l'optique
générale du Mystère Trinitaire, je
crois donc être appelé à consacrer
ma vie sacerdotale à l'Eucharistie, en raison de
mon nom de baptême, et à Marie, en raison
de la date à laquelle je reçus ce
même sacrement. Or, d'une part, le nom, en tant
qu'il exprime toute la réalité de la
personne qui est, au cours d'une vie humaine,
spécifiquement immuable, le nom possède un
caractère permanent. D'autre part, la date, comme
elle détermine un point précis dans le
temps qui est, de soi, fugitif et insaisissable, la date
possède un caractère transitoire. Ainsi,
je peux dire que ma mission sacerdotale a pour fin
constante et ultime l'Eucharistie; et pour moyen en vue
de cette fin Marie. Autrement dit, ma vie sacerdotale
doit être toute dévouée à
Marie afin d'être entièrement
consacrée à l'Eucharistie: je ne peux
réaliser ma mission envers l'Eucharistie qu'en
passant par Marie.
Toute oeuvre, toute
étude que j'entreprenne au sujet de l'Eucharistie
doit passer par Marie: je dois recourir à Marie,
m'adresser à Elle et lui confier cette oeuvre.
C'est Marie qui me guide, qui m'éclaire, qui
m'instruit. C'est Marie qui me fait comprendre
l'Eucharistie, c'est Elle qui me rompt le Pain de Vie.
En un mot: c'est l'oeuvre de Marie. Mais comme les
oeuvres d'une personne manifestent ce qu'est cette
personne, ainsi Marie, en me révélant, par
son oeuvre, ce qu'est l'Eucharistie, Marie se
révèle et se manifeste aussi
elle-même. Donc, toute étude sur
l'Eucharistie que je puisse accomplir par Marie, me
permet de comprendre et l'Eucharistie, et Marie.
Toute étude sur
l'Eucharistie, je dois l'étudier, par Marie, dans
le contexte du Mystère et de la Vie Trinitaire.
Or, par l'Incarnation du Verbe ou Fils du Père,
Marie devient Epouse de l'Esprit-Saint, Elle ne fait
qu'un avec Lui au sein de la Trinité: Elle est
tout entière donnée et livrée
à ce Mystère d'Amour dans la Personne de
l'Esprit-Saint. Donc, tout ce qui est confié
à Marie est nécessairement et par le fait
même confié à l'Esprit-Saint: toute
oeuvre de Marie devient oeuvre de l'Esprit de Dieu, et
donc Oeuvre de Dieu. Ainsi, l'étude de
l'Eucharistie que j'entreprends par Marie,
c'est-à-dire en la Lui confiant, cette
étude n'est autre que l'Oeuvre de l'Esprit-Saint.
Après
l'Incarnation du Verbe de Vie, après être
devenue Épouse de l'Esprit-Saint, Marie
épousa aussi, non plus un Dieu, mais un homme:
Joseph, de la maison de David. Autrement dit,
l'Esprit-Saint, qui est Dieu et qui a l'initiative de
tout ce qui est à la fois divin et humain,
l'Esprit-Saint confia son Epouse Marie et tout ce
qu'Elle accomplit aux soins et à la prudence de
Saint Joseph. En conclusion, je peux dire et je crois
sans hésiter que ce travail, cette oeuvre de Dieu
au sujet de l'Eucharistie, c'est l'oeuvre de Saint
Joseph exécutant l'oeuvre de Marie sous la
conduite de l'Esprit-Saint. Comme il s'agit ici non
seulement d'expliquer l'Eucharistie, mais aussi
d'expliquer Marie, cette étude sur l'Eucharistie,
n'est autre qu'un don ou un présent offert
à Marie par son Epoux Joseph, guidé et
éclairé par l'Esprit de Dieu.
PRÉLIMINAIRES
MARIE DANS LA
TRINITÉ
POUR L'ÉGLISE
Aspect corporel de la
médiation de Marie
chaque prophète a
son message
particulier et sa
propre théologie
les sacrements ont en
propre une composante
prophétique,
surtout l'Eucharistie
Dom Notker
Füglister
1. Un fait s'impose
à nous: l'Eucharistie se présente sous
forme de nourriture, soit solide, comme le pain, soit
liquide, comme le vin; l'Eucharistie apparaît
comme le sacrement parfait du Christ en personne,
puisqu'il a dit: Ma chair est
vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment une
boisson. (Jn. 6, 55) En tant que
telle, l'Eucharistie est destinée à
être mangée ou bue par l'Eglise, car, sans
un acte de nutrition, toute nourriture reste absolument
sans effet: Si vous ne mangez
la chair du Fils de l'Homme et ne buvez son sang, vous
n'aurez point la vie en vous-mêmes. (Jn. 6, 53) Aussi, toute étude
adéquate de l'Eucharistie doit traiter, d'une
manière propre et exclusive, de la manducation de
l'Eucharistie par l'Eglise, acte nutritif et vital
appelé communément communion eucharistique: ce sera l'objet précis de notre
recherche. Or, pour Saint Thomas d'Aquin - le grand
Docteur du Verbe incarné - l'Eucharistie, qui est
le sacrement du Christ, porte ce nom,
c'est-à-dire ce qui en exprime toute la
réalité, parce qu'elle contient la
plénitude de grâce de la divinité du
Christ: «Dicitur Eucharistia, idest bona gratia,
quia (...) realiter continet Christum, qui est plenus
gratia.» On parle d'Eucharistie,
c'est-à-dire de bonne
grâce, parce que (...)
elle contient réellement le Christ, qui est plein
de grâce. (S. Thomas,
Summa Theologica, IIIa, q. 73, a. 4, corp.) Ainsi, dans
la mesure où l'unique objet de notre recherche
est l'acte de la communion eucharistique, nous voyons
que nous ne pouvons pas ne pas nous placer d'abord -
dans la phase initiale que constituent ces Préliminaires
- dans le domaine propre de la médiation de
Marie: l'union du Christ-Eucharistie et de
l'Église dans l'acte de la communion
sacramentelle est nécessairement relative au
ministère de la Vierge Marie dans son office
unique et exclusif de Médiatrice entre la
grâce du Verbe incarné et le libre arbitre
de toute personne humaine.
2. L'office de
médiateur, envisagé dans sa fonction
d'unificateur - ce qui est le cas ici, puisqu'il s'agit
de l'acte de la communion eucharistique - comporte, de
soi, le rôle de transmettre les biens de l'un
à l'autre, et réciproquement:
«Conjungit mediator per hoc, quod ea quae unius
sunt, defert ad alterum.» Le
médiateur unifie par le fait que, les choses qui
sont à l'un, il les communique à l'autre. (S. Thomas, Summa Theologica, IIIa, q. 26,
a. 2, corp.) Par conséquent, la médiation
de Marie s'exerce nécessairement dans un double
sens: un sens descendant, selon lequel la grâce de
Dieu est transmise du Christ à l'Église,
et un sens ascendant selon lequel la liberté de
l'homme est remise à Dieu, dans le Christ. La
médiation de Marie considérée dans
son sens descendant, du Christ vers l'Église,
fait partie de la doctrine de l'Église qui peut
être considérée comme certaine, ou
quasi certaine. Le Pape Saint Pie X en témoigne
lui-même: Du fait que
Marie l'emporte sur tous en sainteté et en union
avec Jésus-Christ et qu'elle a été
associée par Jésus-Christ à
l'oeuvre de la Rédemption (...), elle est le
ministre suprême de la dispensation des
grâces. (Encyclique Ad Diem illum, du 2
février 1904 - Texte latin dans Denzinger,
n° 3370). Par contre, il existe encore aujourd'hui
quelqu'incertitude, ou une demi-obscurité quant
à la portée dogmatique du sens ascendant
de la médiation de Marie. Pour s'en convaincre,
il suffit d'ouvrir le Catéchisme de l'Eglise
Catholique, qui déclare simplement, d'une
manière concise: La
prière de l'Église est comme portée
par la prière de Marie.
(n° 2679), la prière étant alors
l'expression pleine et entière de la
liberté humaine. On le voit: ce texte, si beau et
si précieux soit-il, ne nous dit pas si la prière de l'Eglise dont il s'agit recouvre aussi, de soi, cette
grande Prière de l'Eglise qu'est la Prière eucharistique...
3. Pour que la
médiation de Marie, entendue dans ses deux sens,
soit un jour définissable comme un dogme de foi,
ce point de doctrine doit encore être approfondi
et explicité davantage: c'est le but que nous
nous proposons dans ces Préliminaires. D'ailleurs, le lecteur attentif aura
découvert dans le titre de ce livre L'Eucharistie: l'Église dans le Coeur
du Christ, l'expression du
mouvement ascendant de l'Église vers le Coeur du
Christ par Marie-Médiatrice: pour se nourrir de
l'Eucharistie, l'Eglise doit porter la main sur le pain
et le vin consacrés, en confiant ainsi, par la
médiation de Marie, sa liberté à
l'Amour misécordieux du Coeur de Jésus...
Mais avant d'entrer en matière, nous voudrions,
dans cette introduction, donner une rapide
synthèse doctrinale de la médiation de
Marie, ainsi qu'un exposé succinct de
l'évolution historique, dans une
continuité de pensée, du plus grand des
dogmes vécus dans l'Église.
*
* *
4. Tout le contenu
doctrinal de la médiation de Marie est
résumé dans le sous-titre que nous avons
donné à ce livre: Comment
l'Église s'offre au Père, dans le Christ,
avec l'Esprit-Saint, pour Marie-Médiatrice. C'est-à-dire que la communion
d'offrande - faite dans la prière - du Christ et
de l'Église, unis sacramentellement dans la
communion eucharistique, s'accomplit, tout aussi bien et
d'une manière indissociable, et pour le
Père éternel, source de l'Esprit-Amour, et
pour Marie-Médiatrice, Épouse de
l'Esprit-Saint. Ce sous-titre renferme deux principes
indissociables, que nous aurons l'occasion de
développer tout au long de ce livre. Le premier
principe est que la prière du fidèle
chrétien, dans la mesure où elle est unie
à la grande Prière eucharistique de la
Liturgie, est le moyen unique et particulier par lequel
la personne humaine peut s'offrir elle-même tout
entière, et principalement sa liberté,
à Dieu: quand l'Eglise va vers le Christ, quand
elle va dans le Coeur du Christ, l'Eglise s'offre
à Dieu, dans le Christ, rendant avec
l'Esprit-Saint Amour pour Amour. Le second principe est
que, la notion propre de médiateur étant
d'être au milieu exact entre les deux
éléments de la médiation,
l'élément médiateur ne peut exister
qu'en vertu de l'existence des termes extrêmes
qu'il unit: quand, sur une feuille de papier, nous
traçons une ligne droite, nous allons d'un bout
à l'autre de la ligne, en passant par le milieu,
mais, ce milieu, nous ne pouvons le connaître avec
précision qu'après avoir tracé
toute la ligne, d'un bout à l'autre; en
résumé, pour tout médiateur d'ordre
corporel, le point milieu dépend en tout de
l'union des points extrêmes. Dans le cadre d'une
recherche du sens ascendant de la médiation de
Marie, c'est-à-dire dans le cas de l'Eglise qui
va vers le Christ-Eucharistie par
Marie-Médiatrice, la notion de médiateur
d'ordre corporel est absolument fondamentale et
essentielle: c'est par l'intermédiaire de Marie
considérée comme médiateur d'ordre
corporel que l'Eglise peut mettre la main sur
l'Eucharistie, dans un acte spirituel d'offrande au
Père dans l'Esprit-Saint.
5. Ainsi, l'essentiel
de la médiation de Marie tient en deux notions
complémentaires: l'une, d'ordre corporel, qui
consiste dans le fait que les deux
éléments extrêmes de la
médiation de Marie, qui sont le Christ et
l'Eglise, donnent naissance, par leur union commune et
réciproque, au terme médiateur ou milieu,
qui est Marie-Médiatrice; l'autre, d'ordre
spirituel, qui consiste dans le fait que
l'élément médiateur, ou
Marie-Médiatrice, en vertu de son action
médiante et unifiante, donne naissance à
l'union conjointe et simultanée des termes
extrêmes de la médiation, qui sont le
Christ - et en Lui, le Père dans l'Esprit-Saint -
et l'Eglise. Notons bien que ces deux notions de la
médiation de Marie, l'une d'ordre corporel, et
l'autre d'ordre spirituel, sont non seulement
complémentaires, mais aussi indissociables l'une
de l'autre, puisque, l'Eucharistie étant une
nourriture, ce sacrement est nécessairement
mangé par la personne humaine tout
entière, c'est-à-dire
considérée corps et âme
simultanément et inséparablement. C'est
pourquoi, lorsque nous envisagerons l'aspect corporel de
la médiation de Marie, l'aspect spirituel y sera
aussi traité, et ce, nécessairement et
conjointement; il en ira de même lorsque nous
considérerons l'aspect spirituel de la
médiation de Marie, où l'aspect corporel
apparaîtra également, quoique sous un autre
jour et selon une autre approche.
6. Afin de montrer au
lecteur la continuité dans le temps de la
médiation de Marie comprise selon la double
notion décrite ci-dessus (voir n° 5), nous
allons citer plusieurs auteurs, divers par leur fonction
dans l'Église ou par les expériences
spirituelles qu'ils ont vécues. Nous les citerons
en commençant par les personnages contemporains
(XXe siècle) et nous remonterons ainsi jusqu'au
XVIe siècle; bien que Saint Alphonse-Marie de
Liguori (XVIIIe siècle), que nous citerons,
évoque lui-même Saint Bernard (XIIe
siècle), nous n'irons cependant pas
au-delà de l'époque protestante,
c'est-à-dire l'époque où Martin
Luther manifesta son doute et son incompréhension
vis-à-vis de l'attitude du chrétien qui
invoque Marie, «ut Beatam Virginem colat
mediatricem loco Christi», de sorte qu'il honore la Bienheureuse Vierge
médiatrice à la place du Christ (Martin Luther, lettre du 19 août 1523
au Chapitre de l'Église de Wittenberg - Werke,
Briefwechsel, 3. Band, nr. 648, 45); en effet, c'est
d'ordinaire à partir du moment où une
doctrine de l'Église est contredite ou mise en
doute qu'elle commence à recevoir, sous la
conduite de l'Esprit-Saint, son plein essor et son
parfait développement. Précisons encore
que les auteurs cités ci-dessous évoquent
davantage tantôt l'un, tantôt l'autre aspect
de la médiation de Marie, dans une unité
de vue.
7. Il est impossible
de commencer cette rétrospective mariale sans
citer tout d'abord le plus actuel des auteurs
entièrement dévoués à Marie
et à son Fils Jésus: le Pape Jean-Paul II,
à qui d'ailleurs ce livre est
dédié. Nombreux sont les discours et
autres écrits que ce digne Successeur de Pierre a
consacrés à Marie. Parmi eux, il faut
mentionner tout d'abord l'encyclique «Dominum et
vivificantem» (Il est
Seigneur et Il donne la vie) sur
l'Esprit-Saint dans la vie de l'Eglise et du monde (18
mai 1986); mais surtout cette autre encyclique, qui fait
suite à la précédente, et qui
s'intitule «Redemptoris Mater» (La Mère du Rédempteur) sur la Bienheureuse Vierge Marie dans la vie
de l'Eglise en marche (25 mars 1987). Cependant, pour
célébrer avec Marie la
vingt-cinquième année de son Pontificat,
Jean-Paul II a voulu consacrer à la Mère
de Jésus une année du Rosaire, allant du
mois d'octobre 2002 au mois d'octobre 2003. Au cours de
cette année mariale, voici ce que dit un Pape
tout dévoué à la cause de Marie: Marie «mit au monde son fils
premier-né; elle l'emmaillota et le coucha dans
une mangeoire» (Lc. 2, 7). Telle est l'icône de Noël: un fragile nouveau-né, que les mains
d'une femme protègent de pauvres vêtements
et déposent dans une mangeoire. Qui peut penser
que ce petit être humain est le «Fils du
Très-Haut» (Lc. 1, 32) ? Elle seule, sa Mère,
connaît la vérité et en garde le
mystère. En cette nuit, nous pouvons, nous aussi,
«passer» par son
regard pour reconnaître en
cet Enfant le visage humain de Dieu. A nous aussi,
hommes du troisième millénaire, il est
possible de rencontrer le Christ et de le contempler
avec les yeux de Marie. (S. S.
Jean-Paul II, Homélie de la Messe de la Nuit de
Noël 2002) Passer par les yeux et le regard de
Marie pour connaître et reconnaître Dieu en
Jésus ! Il s'agit là d'une très
belle synthèse de la médiation de Marie
considérée dans son acte principal,
d'ordre corporel, savoir: la Nativité du
Seigneur, ainsi que nous le verrons au cours de ces Préliminaires
(voir Chapitre Deuxième).
8. Polonais comme le
Pape Jean-Paul II, Saint Maximilien Kolbe, un des plus
récents théologiens de la médiation
de Marie, et aussi un des plus connus, exprime ainsi sa
pensée: La
Médiatrice de toutes les grâces, c'est
Marie. C'est vers elle que nous allons comme les enfants
à leur mère.
(Saint Maximilien Kolbe, Conférence - sans date -
dans L'Immaculée
révèle l'Esprit-Saint, p. 69) Ce qu'il explique ainsi: Assurément la source de tout bien,
tant au plan naturel que surnaturel (la grâce),
c'est Dieu le Père qui agit toujours par le Fils
et le Saint-Esprit, c'est-à-dire la très
Sainte Trinité. En vérité, le seul
Médiateur auprès du Père, c'est le
Fils incarné, Jésus-Christ, Dieu et homme,
par qui tous les hommages que nous rendons à
Dieu, d'humains deviennent divins, acquièrent
alors une valeur infinie et deviennent dignes de la
majesté du Père. En vérité,
nous aimons le Père dans le Fils,
Jésus-Christ, et nous devons Lui donner tout
notre amour afin que le Père reçoive en
Lui et par Lui tout notre amour. Mais pourtant, il est
vrai que toutes nos actions, même les plus
saintes, ne sont pas sans taches, et si nous voulons les
offrir au Seigneur Jésus pures et
immaculées, nous devons les donner directement
à l'Immaculée pour qu'elle en fasse sa
propriété et qu'elle les donne comme
telles à son Fils. C'est alors qu'elles
deviendront sans taches, immaculées. En obtenant
par la divinité de Jésus une valeur
infinie, elles glorifieront Dieu le Père. (Lettre au Frère Matthieu
Spolitakiewicz, 10 octobre 1935, dans L'Immaculée révèle
l'Esprit-Saint, p. 71).
9. Vers 1920, un
religieux belge, le frère Mutien-Marie de Ciney,
des Ecoles Chrétiennes, neveu de Saint
Mutien-Marie de Malonne, écrivait les sentences
suivantes prises comme résolutions spirituelles:
Ma vocation, c'est l'amour !...
l'amour envers Marie ! (...) J'imiterai Dieu dans son
amour pour Marie: la Très Sainte Trinité a
tout fait pour glorifier Marie. J'aimerai Marie par
Jésus dans la Sainte Communion. J'aimerai Marie
par Mes Trois. Je serai le Jésus
de Marie, n'aimant Marie que par
Jésus !... Je serai l'amour
de la Très Sainte Trinité pour Marie, n'aimant Marie que par Mes Trois. (Manuscrit autobiographique
complet inédit, p. 111 - Ne pas confondre ce
document avec les Extraits dont nous reproduisons un passage
ci-après). Parlant de la
Sainte Communion pour obtenir la glorification de Marie, le même frère explique: La Sainte Communion, pratiquée de
cette manière, aurait donc pour but de glorifier
Dieu en rappelant à Jésus et à
Marie leur amour réciproque et en
perpétuant, pour ainsi parler, la vie de
Jésus aimant Marie, sa Mère (...) Non
certes que Jésus soit un moyen d'aimer Marie, que
le Créateur soit un moyen et la créature
une fin, mais encore une fois, dans l'intention
délicate de faire plaisir à Jésus
et à Marie qui ont mis l'un dans l'autre toutes
leurs complaisances. (Extraits
de l'autobiographie du Frère Mutien-Marie de
Ciney, page 76 de l'édition de Tournai,
année 1951)
10. A sa
manière, qui est tout intérieure,
Bienheureuse Elisabeth de la Trinité, religieuse
carmélite dijonnaise, exprime comment elle
conçoit, pareillement et sans presque de
différence, la vie de louange et d'offrande
à la Très Sainte Trinité et
à Marie tout ensemble: Dans
le ciel de notre âme, soyons louange de gloire de
la Sainte Trinité, louange d'amour de notre
Mère immaculée.
(Bienheureuse Élisabeth de la Trinité, Souvenirs, p. 117) Et
l'auteur anonyme des Souvenirs ajoute plus loin: L'appartenance
de Soeur Élisabeth aux trois divines Personnes
accroissait encore sa tendre dévotion envers la
très Sainte Vierge et lui donnait comme une
liaison de grâce plus intime avec celle qui, selon
son expression, fut la grande
louange de gloire de la Sainte Trinité. Son âme est
si simple, les mouvements en sont si profonds, (disait
Soeur Élisabeth), que l'on ne peut les
surprendre; elle semble reproduire sur la terre cette
vie qui est celle de l'Être divin: l'Être
simple; aussi est-elle si transparente, si lumineuse,
qu'on la prendrait pour la lumière: pourtant elle
n'est que le miroir du soleil
de justice. (ibid. p. 139) Et
ailleurs, dans une lettre à un prêtre
récemment ordonné, Bienheureuse
Élisabeth se complaisait à comparer le
ministre du Christ - l'unique Médiateur - avec
Marie, prêtre et médiatrice de la
grâce divine: Avec la
Vierge vous pouvez chanter votre Magnificat et
tressaillir en Dieu votre Sauveur, car le Tout-Puissant
fait en vous de grandes choses et sa miséricorde
est éternelle... Comme Marie, conservez tout en votre coeur, approchez-le tout près du sien, car
cette Vierge sacerdotale est aussi Mère de la
divine Grâce... (ibid. p.
143)
11. D'un tout autre
genre, quoique possédant autant de chaleur, est
le témoignage suivant: L'idée
de la Mère de Dieu est profondément
distincte de celle du Dieu Incarné.
Jésus-Christ, c'est Dieu qui s'abaisse; Marie,
c'est une femme élevée entre toutes (...)
Celui qui nous accuse de faire de Marie une
divinité méconnaît la
divinité de Jésus; il ne sait pas ce
qu'est la Divinité ! Notre-Seigneur ne peut pas
prier pour nous comme prie Marie. Il ne peut pas
inspirer les sentiments qu'inspire une créature.
Marie, en sa qualité de créature,
possède un droit naturel à notre
sympathie, à notre familiarité, par la
raison qu'elle est notre semblable (...) Nous nous
tournons vers elle, sans la crainte, le remords, le
tremblement intérieur qui nous saisissent devant
Celui qui lit en nous, qui nous juge et nous punit.
Notre coeur s'élance vers cette Vierge sans
tache, vers cette douce Mère; nous la saluons
avec joie et reconnaissance quand elle
s'élève, à travers les choeurs des
Anges, jusqu'à son trône de gloire. Si
modeste et si puissante, elle a tracé pour nous
son portrait dans le Magnificat: «Il a regardé la bassesse de sa
servante, et désormais toutes les nations
m'appelleront bienheureuse.» (Cardinal John Henry
Newman, cité par Pie Régamey, O.P., dans Les plus beaux textes sur la Vierge Marie, p. 408-409)
12. Dans la nuit du 18
au 19 juillet 1830, la Très Sainte Vierge Marie
apparut à une religieuse française, fille
de la Charité: Sainte Catherine Labouré.
Dans cette apparition, c'est Marie qui, plus par ses
gestes que par ses paroles, se décrit
elle-même comme Médiatrice de grâce
et d'offrande entre le Christ et l'Église. Voici
ce que rapporte un biographe de la Sainte: Catherine transmet la requête
intérieure, telle qu'elle s'impose à elle,
principalement l'autel: «Maintenant,
je me sens pressée, depuis deux ans, de vous dire
de faire bâtir ou élever un autel de la
Sainte Vierge dans l'endroit même où elle a
apparu.» Mais surtout, cet
autel doit comporter une statue de la Sainte Vierge,
telle qu'elle l'a vue, en cet endroit. Elle insiste sur
un détail inédit: Notre-Dame tient «une boule dans ses mains, qui
représentait le globe. Elle tenait les mains
élevées à la hauteur de l'estomac,
d'une manière très aisée, les yeux
élevés vers le Ciel» (...) C'est un regard d'imploration et un
geste d'offrande pour ce monde: ses enfants qu'elle aime
protéger. «Ici sa
figure était de toute beauté. Je ne
pourrais la dépeindre, et puis, tout à
coup, j'ai aperçu des anneaux à ses
doigts, revêtus de pierreries, plus belles les
unes que les autres, les unes plus grosses et les autres
plus petites, qui jetaient des rayons plus beaux les uns
que les autres (...)» La
voix lui a fait comprendre qu'on n'espère pas
assez: «Les pierreries
d'où il ne sort pas de rayons, ce sont les
grâces qu'on oublie de me demander.» (...) Catherine elle-même avait
précisé, dans l'autographe du 10 avril
(...): «La Vierge offrait
le globe à Notre-Seigneur. Cela est impossible
à rendre. Il me serait impossible de
l'exprimer.» (René Laurentin, Vie authentique de Catherine Labouré, pages 184 et 268)
13. Le grand
prophète et interprète de
Marie-Médiatrice est, sans nul doute, Saint
Louis-Marie Grignon de Montfort. Quoique tout son
enseignement soit fort utile et précieux, nous
nous bornerons cependant à ne citer qu'un court
extrait, celui qui nous a paru le plus important. Ainsi,
Saint Louis-Marie nous recommande de faire toutes nos
actions - dont la plus excellente est certes la
communion eucharistique - PAR
MARIE, AVEC MARIE, EN MARIE et POUR MARIE, afin de les
faire plus parfaitement par Jésus-Christ, avec
Jésus-Christ, en Jésus et pour
Jésus. (Traité de
la vraie dévotion à la Sainte Vierge,
n° 257) Ce qu'il développe en ces termes: Il faut faire toutes ses actions pour Marie.
Car, comme on s'est tout livré à son
service, il est juste qu'on fasse tout pour elle comme
un valet, un serviteur et un esclave; non pas qu'on la
prenne pour la dernière fin de ses services, qui
est Jésus-Christ seul, mais pour sa fin
prochaine, son milieu mystérieux, et son moyen
aisé pour aller à lui. (ibid. n° 265) Et il conclut: GLOIRE À JÉSUS EN MARIE !
GLOIRE À MARIE EN JÉSUS ! GLOIRE À
DIEU SEUL ! (ibid.)
14. A la même
époque que Saint Louis-Marie, nous trouvons un
autre grand Docteur: Saint Alphonse-Marie de Liguori.
Citant un auteur ancien (sans référence),
il nous dit: Saint Bernard nous
exhorte à recourir toujours à cette divine
Mère, parce que ses prières sont
certainement exaucées par son Fils: «Recours à Marie, je le dis sans
hésitation, le Fils exaucera certainement sa
Mère.» Et il
ajoute: «Mes petits
enfants, c'est elle, l'échelle des
pécheurs; elle, ma plus grande confiance; en elle
toute ma raison d'espérer.» Le saint l'appelle l'échelle parce que, comme sur une échelle on
ne monte au troisième échelon que si
d'abord on ne met le pied sur le premier, ainsi on ne
parvient à Dieu que par le moyen de
Jésus-Christ, et on ne parvient à
Jésus-Christ que par le moyen de Marie. (Le grand moyen de la prière, ch. 1,
n° 27) Et il continue sur le même sujet: En conformité de sentiment avec Saint
Bernard, parlent d'autres docteurs (...) Saint Bernardin
de Sienne dit quelque part (...): «Par la Vierge, les grâces
vitales sont transfusées du chef, le Christ, dans
son corps mystique. Dès l'instant que la
Vierge-Mère conçut dans son sein le Verbe
divin, elle obtint, si j'ose ainsi parler, une certaine
juridiction sur toute procession temporelle du
Saint-Esprit. De la sorte, nulle créature
n'obtiendra de Dieu une grâce qui ne relève
de la distribution faite par cette tendre
Mère.» (...) Saint
Bonaventure écrit de même: «La nature divine tout entière
s'étant renfermée dans le sein de la
Vierge, je ne crains pas de dire que cette vierge n'ait
obtenu une certaine juridiction sur toutes les
grâces qui en découlent. Dans son sein,
comme dans un océan divin, prennent leur source
les fleuves de toutes les grâces.» (ibid.)
*
* *
15. Pour terminer,
voici le témoignage d'un jésuite espagnol,
le Vénérable Louis du Pont (ou de la
Puente), qui vécut aux XVIe et XVIIe
siècles: Notre perte
ayant commencé par un homme et par une femme, la
Providence a voulu que notre salut
commençât de même par un homme et par
une femme; par Jésus-Christ principalement qui
est notre chef, notre unique médiateur, et le
Père du siècle à venir, et par sa
bienheureuse Mère. Tous les hommes peuvent
s'adresser avec confiance à l'un et à
l'autre, comme à leur Père et à
leur Mère. Car l'intention de Notre-Seigneur en
choisissant Marie pour sa mère, a
été qu'elle fût aussi la Mère
et l'avocate des pécheurs; et que si les
pécheurs, par une crainte assez naturelle,
n'osaient recourir à lui parce qu'il est non
seulement homme comme eux et leur avocat, mais encore
leur Dieu et leur juge, ils eussent recours à
Marie, qui ne doit point faire à leur
égard l'office de juge, mais seulement celui
d'avocate, de médiatrice et de Mère (...)
Je vous rends grâces, ô Père
Éternel, de ce que vous nous avez donné un
Père et une Mère de même nature que
nous, par l'entremise desquels nous sommes sûrs de
ménager notre réconciliation avec vous. Je
vous rends grâces pareillement, ô Verbe
divin, de ce que vous avez voulu que votre Mère
fut aussi la nôtre, et qu'elle nous servît
de médiatrice pour nous présenter devant
le trône de votre miséricorde, et pour nous
garantir des rigueurs de votre justice. (Vén. P. Louis du Pont, Méditations,
Tome I, IIe Partie, IIIe Méditation, pp. 400-401)
16. Nous venons de
citer le Vénérable Père Louis du
Pont; comme nous aurons encore recours à ses
lumières dans le courant de cette étude,
et afin de convaincre le lecteur de sa grande
autorité en matière de doctrine, voici
quelques traits de sa vie et de sa physionomie: Louis du Pont, espagnol, naquit à
Valladolid, le 10 de novembre de l'an 1554 (...) Il fut
reçu dans la Compagnie de Jésus, à
l'âge de vingt ans (...) Ses infirmités
s'augmentant de plus en plus, il fut obligé de
renoncer tout à fait et à la
régence et aux charges. Il se mit donc à
écrire, et à donner au public ce qu'il
avait appris jusqu'alors, moins par la lecture des
livres spirituels, que par sa propre expérience,
par l'exercice de l'oraison, et par une continuelle
mortification de sa volonté, de ses
appétits et de ses sens (...) Sa dévotion
particulière était envers le
Saint-Sacrement. Il passait les nuits entières
dans une profonde contemplation, prosterné
à terre, devant le corps de son Dieu et de son
Sauveur. Durant le jour, il allait souvent l'adorer; et
c'est dans ces sortes de visites que l'Esprit-Saint
l'éclairait extraordinairement, et qu'il lui
remplissait le coeur de consolations (...) Il mourut
à Valladolid, le 17 de février de l'an
1624 (...) Le Père du Pont apparut depuis sa mort
à quelques personnes éclatant de gloire
(...) Il se fit voir avec plusieurs marques de la gloire
dont il jouissait, mais particulièrement avec la
couronne de docteur, pour avoir laissé à
l'Église une doctrine salutaire, qu'il avait
reçue du Saint-Esprit.
(Notice sur la vie du Père Louis du Pont, dans
les Méditations, Tome I, pages I, II et IV)
17. Nous avons
parcouru rapidement cinq siècles de la
médiation de Marie: ce bref coup d'oeil sur la
pensée de ceux qui nous ont
précédés sur le chemin de la foi
nous a permis d'étoffer, par avance, la longue
suite de raisonnements que nous allons aborder et qui
sont nécessaires à toute
démonstration rigoureuse. Ainsi, la Tradition de
l'Église est toujours la référence
fondamentale quant à la réalité
objective de la médiation de Marie.
Mais ce que la
Tradition affirme, la Sainte Écriture le
confirme: les cinq chapitres de ces Préliminaires
nous le montreront.
Principalement, nous
verrons que, si Marie est Médiatrice (selon le
témoignage de la Tradition), alors Marie exerce
sa médiation d'une manière proprement
corporelle, et ce, par le biais de la Sainte Ecriture,
qui affirme explicitement qu'il n'y a qu'un seul
médiateur, le Christ (cf. 1 Tm. 2, 5). Ceci
revient à dire que notre propos principal sera
d'établir que la médiation de Marie se
réalise fondamentalement par le biais de la
Sainte Écriture, et parallèlement par le
biais de la communion eucharistique, laquelle
médiation possédant alors et d'une
manière tout à fait propre un aspect
véritablement corporel. Finalement, dans notre
conclusion, nous produirons le témoignage de
trois Pères de l'Église, afin de sceller
et de défendre avec autorité tout ce que
nous aurons dit, en général, touchant la
médiation de Marie entendue dans son aspect
corporel.
PRINCIPES FONDAMENTAUX
DE
MARIE-MÉDIATRICE
18. Ces Préliminaires
consacrés à la médiation de Marie
dans son aspect corporel ont pour but d'étudier
et de rechercher quels sont les différents
aspects et les caractéristiques principales du
rôle accompli par Marie lorsqu'elle guide et
conduit l'Église, par voie de médiation,
au sein de la Trinité, là où elle
est déjà et selon un mode tout à
fait personnel, c'est-à-dire d'une manière
première et parfaite, ou encore comme membre suréminent et absolument
unique de l'Église, modèle et exemplaire
admirables pour celle-ci dans la foi et dans la
charité. (Concile Vatican
II, Lumen gentium, n° 53) Autrement dit, il s'agit
de considérer Marie aidant, par volonté
divine, et la Trinité, et l'Église,
puisque, dans la mesure où elle est
Médiatrice entre le Christ et l'Eglise, Marie
permet, par son aide efficace, l'union de la
Trinité et de l'Église dans le Christ: Toute influence salutaire de la part de la
bienheureuse Vierge sur les hommes a sa source dans une
disposition purement gratuite de Dieu; elle ne
naît pas d'une nécessité objective,
mais découle de la surabondance des
mérites du Christ, elle s'appuie sur sa
médiation dont elle dépend en tout et
d'où elle tire toute sa vertu: l'union
immédiate des croyants avec le Christ ne s'en
trouve en aucune manière empêchée,
mais au contraire aidée.
(Concile Vatican II, Lumen gentium, n° 60)
19. Dire que Marie,
dans le Christ, est médiatrice entre la
Trinité et l'Eglise, et dire que, par le fait
même, Marie permet, par son aide, l'union de la
Trinité et de l'Église dans le Christ,
suppose nécessairement, d'une part, que Marie est
dans la Trinité et dans l'Église, et
d'autre part, que la Trinité et l'Église
sont en Marie. Aussi, quant à la première
de ces deux propositions, Saint Maximilien Kolbe
enseigne expressément, parlant de Marie dans la
Trinité: Elle est une
créature si élevée que l'un des
Pères n'hésite pas à la nommer complément de la Sainte
Trinité. (Lettre au Frère Salezy
Mikolajczyk, 28 juillet 1935, dans L'Immaculée révèle
l'Esprit-Saint, p. 51; Saint
Hésychius de Jérusalem dit en effet que
Marie-Médiatrice est OLON
TES TRIADOS TO PLEROMA: le complément total de la
Trinité; Patrologie
Grecque 93, 1461) Plus tard, Saint Maximilien Kolbe
développe sa pensée en disant: Elle, insérée dans l'amour de
la très Sainte Trinité, devient dès
le premier moment de son existence et pour toujours le complément de la Sainte
Trinité. (Sur l'Immaculée Conception, 17
février 1941, ibid., p. 50) Et parlant de Marie
dans l'Église, il déclare: L'Immaculée sait tout et dirige tout.
ll faut consentir à ce qu'elle nous conduise de
mieux en mieux, et c'est elle-même, à
travers nous, qui fera le plus pour le salut des
âmes, pour les conquérir à elle et
à travers elle au Coeur de Jésus. (Lettre au Frère Salezy Mikolajczyk,
28 décembre 1934, ibid., p. 113-114) Ce qu'il
avait déjà exprimé d'une autre
manière quelques temps plus tôt: Ouvrons-lui notre coeur et l'âme et le
corps et tout sans restriction et sans limites;
consacrons-nous à elle totalement pour être
ses serviteurs, ses fils, sa propriété
inconditionnelle, pour que, d'une certaine façon,
nous devenions elle-même vivant, parlant et
agissant dans ce monde. (Lettre
aux Clercs de l'Ordre, 28 février 1933, ibid., p.
113)
20. Quant à la
seconde proposition, que la Trinité et
l'Église sont en Marie, Saint Maximilien Kolbe
nous dit, d'abord quant à la présence de
la Sainte Trinité en Marie: «Le Seigneur
est avec vous !» O
vraiment, Dieu est toujours avec elle, et d'une
façon si étroite, si parfaite. N'est-elle
pas comme «une partie de
la Sainte Trinité» ?
Dieu le Père son Père, le Fils de Dieu son
Fils, l'Esprit-Saint son Époux ! Et partout
où elle va, elle apporte avec elle toute la
Trinité Sainte (...) Là où elle est
absente, Dieu, Jésus est absent aussi; et
là où elle est, il y a la Sainte
Trinité.»
(Méditation, 14 avril 1933, ibid., p. 50) Ensuite
quant à la présence de l'Église en
Marie, il n'hésite pas à déclarer
expressément: Il
faut s'en remettre à l'Immaculée, elle est
complètement divine. Il faut se dépouiller
complètement de soi, ne rien garder pour soi,
absolument rien: il faut que ce soit elle qui fasse
tout. (Conférence, 17
février 1938, ibid., p. 114-115) Et il
développe le dernier point en ces termes: Pour y arriver, nous devons vivre dans son
âme, penser par ses pensées, etc., pour
qu'il n'y ait pas de différence avec nos
manières de voir, de même qu'il n'y a pas
de différence entre ses désirs et la
Volonté de Dieu.
(Conférence, 24 novembre 1938, ibid., p. 115)
21. Au
témoignage de Saint Maximilien Kolbe, ajoutons
d'abord celui du Vénérable Père
Louis du Pont. Parlant de la Conception Immaculée
de Marie, il s'exclame: Oh !
quel plaisir c'était à la très
sainte Trinité de voir cette Vierge si accomplie
en toutes sortes de vertus ! Le Père
Éternel se glorifiait d'avoir mis au monde une
fille si digne de lui. Le Verbe divin considérait
avec joie tant de beauté et de grâce en
celle qui devait être sa Mère. Le
Saint-Esprit était ravi d'avoir trouvé une
telle épouse. En un mot, les trois Personnes
prirent possession de cette âme sainte, et y
établirent leur demeure.
(Méditations, Tome I, IIe Partie, IIIe
Méditation, p. 409) Et il poursuit, au sujet de
la nativité de Marie: Si
plusieurs se réjouirent de la naissance de Saint
Jean, parce qu'il était le précurseur de
Jésus-Christ, à combien plus forte raison
tout le monde devait-il être dans la joie à
la naissance de Marie, que Dieu destinait pour
être sa Mère ? Cette considération
doit produire dans nos coeurs une joie sainte, et nous
exciter à louer Dieu, et à
féliciter la très sainte Trinité de
ce que cette Vierge bien-aimée est venue au
monde; le Père de ce qu'il lui est né une
fille; le Fils, de ce qu'il lui est né une
Mère; et le Saint-Esprit, de ce qu'il lui est
né une épouse. O admirable Trinité,
qu'heureuse mille fois soit la naissance de cette fille
qui vous est si chère ! Communiquez-moi les
mêmes sentiments de joie que vous donnez à
tant d'autres en cet heureux jour, puisque Marie est
née pour moi aussi bien que pour tous les autres. (ibid., IVe Méditation, p. 410-411)
Ensuite, pour résumer toute la Tradition de
l'Eglise jusqu'à nos jours, citons le Pape
Jean-Paul II, dans son Encyclique Redemptoris Mater,
sur la Bienheureuse Vierge Marie dans la vie de l'Eglise
en marche. Le Successeur de Pierre présente ainsi
le rôle de Marie-Médiatrice entre la Sainte
Trinité, où Marie est l'Epouse de
l'Esprit-Saint, et l'Eglise, au sein de laquelle Marie
occupe la première place: Le jour de la Pentecôte (...), commence
le cheminement de la foi, le pèlerinage de
l'Eglise à travers l'histoire des hommes et des
peuples. On sait qu'au début de ce cheminement
Marie est présente, nous la voyons au milieu des
Apôtres dans le Cénacle «appelant de ses prières le don
de l'Esprit» (Concile
Vatican II, Constitution Lumen Gentium, n° 59). Son
cheminement de foi est, en un sens, plus long.
L'Esprit-Saint est déjà descendu sur elle;
elle est devenue son épouse fidèle
à l'Annonciation, elle accueille le Verbe du vrai
Dieu et rend «un complet
hommage d'intelligence et de volonté à
Dieu qui révèle dans un assentiment
volontaire à la révélation qu'il
fait», et même s'en
remet tout entière à Dieu par «l'obéissance de la foi» (Concile Vatican II, Constitution Dei
Verbum, n° 5), ce pourquoi elle répond
à l'ange: «Je suis
la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta
parole.» (Lc. 1, 38)
L'itinéraire de la foi de Marie, que nous voyons
en prière au Cénacle, est donc plus long
que celui des autres rassemblés là: Marie
les «précède»,
«occupe la première place» (Concile Vatican II, Constitution Lumen
Gentium, n° 63). (S.S.
Jean-Paul II, "Redemptoris Mater", n° 26) Et le Pape
ajoute peu après: Dès
le premier moment, l'Eglise regardait Marie à travers Jésus, comme
elle regardait Jésus à travers Marie. (ibidem)
22. Dans la mesure
où Marie, considérée dans la Sainte
Trinité, exerce, dans le Christ, l'office de
médiatrice entre la Sainte Trinité et
l'Eglise; et si l'on envisage, non pas les Personnes
mises en relation par l'intermédiaire de Marie,
mais bien le don - qui est la grâce - que Marie a
la charge de transmettre de la Sainte Trinité -
dans le Christ - à l'Église; alors on peut
dire que Marie n'a pas de fonction plus haute et plus
digne que celle de transmettre à l'Église,
dans le Christ, tout le Mystère qu'est la Sainte
Trinité elle-même, c'est-à-dire le
Mystère propre de la Divinité une et
trine, qui est, de par sa nature, la Grâce
incréée. Autrement dit,
Marie-Médiatrice dans la Sainte Trinité
révèle à l'Église cette
même Trinité divine dont elle fait, d'une
certaine manière, partie. Aussi, à Rome,
le 12 avril 1947, lors d'une apparition à un
chrétien protestant, Bruno Cornacchiola, Marie
proclama clairement qu'elle est, pour toujours,
Médiatrice du Mystère du Dieu un et trine
dans le Christ, disant: Je suis
Celle qui est dans la divine Trinité. Je suis la
VIERGE DE LA REVELATION. (cf.
Mgr Fausto Rossi, La Vierge de la
Révélation, p. 18) Mais ce qui est tout
aussi important à remarquer, c'est que Marie, au
cours de cette même apparition, adressa à
ce chrétien des paroles toutes maternelles et
remplies de force et d'encouragement pour l'aider dans
son mouvement de conversion vers le souverain Bien qui
est Dieu un et trine; ainsi, elle lui dit, après
les paroles citées plus haut: Tu me persécutes; arrête
maintenant ! Entre dans le troupeau élu, cour
céleste sur la Terre. La promesse de Dieu est, et
reste immuable: les neuf vendredis du
Sacré-Coeur, que tu as observés pour faire
plaisir à ta fidèle épouse avant de
suivre le chemin de l'erreur, t'ont sauvé ! (ibid.) Voilà donc un premier
principe, tout entier contenu dans le titre de nos Préliminaires: Marie dans la
Trinité, pour l'Église.
*
* *
23. Si nous supposons
que Marie est médiatrice entre Dieu - dans le
Christ - et l'Eglise, cela revient à envisager la
médiation de Marie comme le moyen par lequel le
Dieu un et trine se révèle à
l'Église: Marie-Médiatrice est alors Celle
par laquelle le Mystère de la Sainte
Trinité est transmis, par mode de
révélation, à l'Église, dans
le Christ. Or, de son côté, le Christ est
lui aussi médiateur entre Dieu, qu'il est
lui-même, et l'Eglise: le Christ est Celui qui
révèle Dieu à l'Église,
selon l'enseignement du Concile Vatican II, qui
déclare que le Christ
(...) est à la fois le médiateur et la
plénitude de toute la Révélation (Dei Verbum, n° 2). Ainsi, selon notre
supposition, nous sommes en présence de deux
médiateurs: le Christ et Marie. Ces deux
médiateurs sont essentiellement différents
et distincts, puisque le Christ et Marie sont tous deux
des personnes et que la personne est, de soi, totalement
incommunicable. De plus, le Christ est médiateur
d'une manière première, ou encore
principale, puisqu'il possède et la nature
divine, et la nature humaine, alors que Marie ne
possède que la seule nature humaine. Donc, selon
le témoignage de la Tradition, il existe
certainement deux médiateurs, qui sont les deux
personnes, distinctes et incommunicables, du Christ et
de Marie, le Christ étant médiateur
principal, et Marie médiateur secondaire. Or,
à tout cela, s'oppose, ou plutôt semble
s'opposer ce passage de l'Ecriture, qui déclare,
par la bouche de Saint Paul: Il
n'y a qu'un Dieu, et qu'un seul médiateur entre
Dieu et les hommes, le Christ Jésus. (1 Tm. 2, 5) Aussi, il nous faut introduire
une notion qui permette de concilier ces deux
affirmations: celle de la Tradition qui enseigne qu'il y
a deux médiateurs, le Christ et Marie; et celle
de l'Ecriture, qui déclare qu'il n'y a qu'un seul
médiateur: le Christ. Or, la notion permettant
une telle conciliation ne peut être que celle de mystère,
c'est-à-dire ce qui dépasse la raison
créée, car seule la notion de
mystère permet de concilier le fait qu'une
même réalité - ici celle de
médiateur - soit, tout à la fois et sous
le même rapport, une et double, ou encore, une et
multiple. Par conséquent, si Marie est vraiment
médiatrice (et c'est ce que nous voulons
démontrer), ce ne peut être que d'une
manière mystique ou mystérieuse.
24. La
médiation de Marie est d'ordre mystique, Marie
est Médiatrice si on la considère comme un
Mystère par rapport au Christ-Médiateur.
Or, ainsi que nous venons de l'établir, ce
mystère de la Médiation de Marie repose
entièrement sur la notion de personne: il y a
deux médiateurs parce que le Christ et Marie sont
deux personnes différentes et distinctes. Donc,
comme l'homme est essentiellement composé d'une
âme spirituelle et d'un corps organique et
matériel, il s'ensuit que la médiation de
Marie - si on considère Marie comme un
Mystère - possède nécessairement
deux aspects absolument essentiels, l'un spirituel,
l'autre corporel. Mais, quant à l'aspect
spirituel de la Médiation de Marie, comme ce qui
est spirituel est simple et un, nous sommes
réduits, de soi, à ne considérer
que l'unique médiation du Christ, avec laquelle
se confond alors la médiation de Marie dans son
aspect spirituel. C'est ce que Saint Paul met en
évidence lorsqu'il associe l'unicité de
Dieu, qui est esprit (Jn. 4, 24), avec l'unicité du
Médiateur, qui est le Christ (voir 1 Tm. 2, 5
cité au n° 23). Par conséquent, par
mode d'exclusion, nous pouvons conclure, de ce qui
précède, que seul l'aspect corporel de la
médiation de Marie permet de considérer
Marie comme Médiatrice - d'une manière
mystique - avec et dans l'union au
Christ-Médiateur.
25.
Marie-Médiatrice, considérée d'une
manière mystique, et donc, par le fait
même, dans son union au Christ-Médiateur,
ne peut être conçue comme telle que selon
l'aspect corporel de sa médiation. Or, quant au
Christ-Médiateur, toujours premier en tant que
Dieu, Saint Paul l'appelle, mystiquement, et d'une
manière corporelle, la
tête du corps, de l'Église (Col. 1, 18), ou encore le chef de tout homme
(1 Co. 11, 3). Ainsi, comme Marie-Médiatrice est
nécessairement différente et distincte du
Christ-Médiateur, on ne peut appeler
Marie-Médiatrice, d'une manière mystique
et corporelle, que par la partie de la personne humaine
qui n'est pas la tête, c'est-à-dire par
tout ce qui est alors proprement le corps:
Marie-Médiatrice est donc mystiquement, d'une
manière corporelle, le
corps du Christ (1 Co. 12, 27).
Mais la notion de corps du
Christ, en vertu de l'aspect
multiple et composé du corps humain, se rapporte
nécessairement, non pas à une seule
personne qui serait Marie-Médiatrice, mais bien
à plusieurs, ainsi que Saint Paul le confirme,
disant: Nous ne formons,
à plusieurs, qu'un seul corps. (1 Co. 10, 17) Il s'ensuit donc que
Marie-Médiatrice, en tant qu'elle est
appelée mystiquement le «corps du
Christ», doit être considérée
comme un des membres de l'Église, comme une
simple fidèle, à qui s'appliquent ces
autres paroles de l'Apôtre: Nul n'a jamais haï sa propre chair; au
contraire, chacun la nourrit et la soigne ainsi que le
Christ fait pour l'Église, puisque nous sommes
les membres de son corps. (Ep.
5, 29-30)
26. Selon l'aspect
corporel de sa médiation, Marie-Médiatrice
doit être considérée comme un membre
de l'Église, Corps du Christ. Cela revient
à dire que, dans la mesure où la fonction
propre de Marie-Médiatrice consiste à
révéler à l'Église tout le
Mystère du Dieu un et trine dans le Christ, alors
Marie-Médiatrice exerce, auprès
d'elle-même, l'office de Médiatrice: Marie,
simple membre du Corps mystique du Christ, se
révèle à elle-même, par voie
de médiation, tout le Mystère de la Sainte
Trinité. Et ceci ne peut s'accomplir que dans et
par l'acte sacramentel de la communion eucharistique. En
effet, selon l'aspect corporel de la médiation du
Christ et de Marie, comprise dans un sens mystique, le
Christ et Marie sont corporellement distincts et
différents l'un de l'autre: le Christ est Tête, et Marie
est Corps. Ainsi en est-il dans la communion
eucharistique où, d'une part, le Christ, agissant
comme Chef et Tête en décidant
lui-même de son mode d'existence, est
présent sous les apparences corporelles du pain
et du vin; et d'autre part, Marie, agissant
corporellement lors de la manducation du sacrement,
manifeste son existence ordinaire de personne humaine.
De plus, le Christ-Eucharistie étant
nécessairement passif si on le considère
comme vraiment une nourriture (Jn. 6, 55) et comme vraiment une boisson
(ibid.), il faut affirmer que c'est réellement
Marie qui agit lorsqu'elle porte la main sur le
sacrement pour le porter à sa bouche et s'en
nourrir: c'est donc vraiment Marie qui, en vertu de la
Volonté divine manifestée par
l'institution de l'Eucharistie sous forme de nourriture
ou de boisson, se révèle à
elle-même, d'une manière sacramentelle, la
Parole de Dieu incarnée dans le Christ. Autrement
dit, dans la communion eucharistique, Marie, par son
action humaine, permet au Dieu un et trine de se
révéler sacramentellement à elle.
27. L'aspect corporel
de la médiation de Marie consiste, pour Marie,
à se révéler à
elle-même le Mystère de la Sainte
Trinité par l'action sacramentelle de la
communion eucharistique. Or, premièrement, comme
tout ce qui concerne la divinité est
essentiellement caractérisé par la notion
de plénitude, il s'ensuit que Marie, en
communiant à l'Eucharistie, réalise son
office de médiatrice selon un mode de
plénitude qualitative, c'est-à-dire une
plénitude relative à l'objet de sa
médiation, qui est le Mystère de la Sainte
Trinité. Deuxièmement, Marie, en
communiant à l'Eucharistie, réalise son
office de médiatrice selon un mode de
plénitude quantitative, c'est-à-dire une
plénitude relative à la totalité
des sujets propres de sa médiation. En effet,
nous savons que, pour communier à la
divinité, il est nécessaire d'être
agréable à Dieu: il faut posséder
le don divin de la grâce sanctifiante. Or, d'une
part, la médiation de Marie - en tant que
Mystère - est fondée sur la notion de
personne (voir n° 23); et d'autre part, le nom
propre de Marie, c'est-à-dire l'expression de
toute sa personne, est pleine
de grâce (Lc. 1, 28). Par
conséquent, relativement au sujet de sa
médiation, c'est-à-dire toute personne
humaine appelée à faire partie du Corps du
Christ, qui est l'Eglise, Marie exerce cette même
médiation selon un mode de plénitude
quantitative: parce qu'elle est personnellement pleine de grâce, Marie est médiatrice entre le Christ,
qui est Dieu, et toute et chacune des personnes qui
composent l'Eglise. Finalement, tout ceci permet de dire
que, lorsque, en vertu de sa plénitude de
grâce, Marie communie à l'Eucharistie, elle
le fait nécessairement et directement en tant que
médiatrice, dans le Christ, entre la Sainte
Trinité et l'Église
considérée dans toute sa plénitude,
ou encore envisagée selon la totalité des
élus de Dieu dans le Christ; et que, par le fait
même, ce n'est que d'une manière indirecte
que Marie communie à l'Eucharistie pour se
révéler à elle-même - en tant
que simple membre de l'Église - tout le
Mystère de la Sainte Trinité. En
résumé, Marie, en communiant à
l'Eucharistie en vertu de sa plénitude de
grâce, réalise son office de
médiatrice selon un mode de plénitude
qualitative et quantitative, c'est-à-dire une
plénitude relative tant à l'objet
qu'à la totalité des sujets propres de sa
médiation.
28. En communiant
à l'Eucharistie, Marie réalise
sacramentellement, d'une manière absolument
pleine, aussi bien qualitativement que quantitativement,
l'office de sa médiation, qui est de
révéler à l'Église, dans le
Christ, tout le Mystère du Dieu un et trine.
Mais, comme, d'une part, le Christ-Médiateur est
Celui dont le corps humain vivant, visible et
matériel, sert d'intermédiaire et de moyen
pour permettre à l'Église de voir le Dieu invisible (Col.
1, 15), ainsi que le Christ lui-même l'a
expressément déclaré, disant: Nul ne vient au Père que par moi (...)
Celui qui m'a vu, a vu le Père (Jn. 14, 6 et 9); et comme, d'autre part, le
sacrement de l'Eucharistie, en tant qu'il contient
réellement le pain de
Dieu (Jn. 6, 33) fait chair (Jn. 1,
14), est appelé, et est vraiment, sous mode
sacramentel, le corps du Christ (1 Co. 10, 16) nous pouvons conclure, de
tout ce qui précède, que
Marie-Médiatrice révèle à
l'Église le Mystère de la Sainte
Trinité au moyen du Corps sacramentel du Christ,
tout comme le Christ-Médiateur accomplit la
même action au moyen de son Corps personnel et
historique. Voici donc un deuxième principe, tout
entier contenu dans le sous-titre de nos Préliminaires: Aspect corporel de la
médiation de Marie.
*
* *
29. La
Révélation divine consiste, pour Dieu,
à se révéler lui-même en
personne: Il a plu à
Dieu, dans sa sagesse et sa bonté, de se
révéler en personne. (Concile Vatican II, Dei Verbum, n° 2)
Par le fait même, comme il y a trois personnes
divines, la Révélation divine est
fondamentalement un acte trinitaire. C'est pourquoi le
Christ, qui est le Fils éternellement
engendré par le Père dans l'Esprit-Saint,
est appelé «la
plénitude de toute la Révélation (ibid.). Or, Marie-Médiatrice, ainsi
que nous l'avons vu ci-dessus (voir n° 22), est
Celle qui est dans la Divine Trinité. Donc, on
peut dire que lorsque Dieu se révèle en
tant que Trinité, il révèle aussi,
implicitement, la personne de Marie-Médiatrice.
Mais, comme Marie
exerce sa fonction de médiatrice par
l'intermédiaire du sacrement de l'Eucharistie
envisagée comme communion (voir n° 28), la
Révélation que Dieu fait de lui-même
en tant que Trinité ne peut contenir en elle la
révélation de Marie-Médiatrice que
dans la mesure où cette même
révélation témoigne du
Mystère de la Communion eucharistique, et ce,
d'une manière tout à fait explicite et
ouverte, puisqu'il s'agit ici d'un sacrement, et que
tout sacrement comporte essentiellement un aspect
sensible et apparent.
30. Étant
donné que nous traitons de la médiation de
Marie dans son aspect corporel (voir nos 24 et 28), la
Révélation trinitaire de Dieu, par rapport
à l'Eucharistie, et concernant
Marie-Médiatrice, ne peut pas se trouver ailleurs
que dans la Sainte Écriture, qui est l'aspect
corporel de la Révélation divine, ou
encore, la parole de Dieu en
tant que, sous l'inspiration de l'Esprit divin, elle est
consignée par écrit. (Concile Vatican II, Dei Verbum, n° 9)
Or, dans la Sainte Écriture, au verset 57 du
chapitre sixième de l'Évangile de Saint
Jean, nous trouvons, en une seule et même phrase,
la Révélation que Dieu fait de
lui-même, en tant que Trinité, et, dans une
commune relation, la Révélation explicite
du Mystère de la Communion eucharistique. Donc,
ce verset de la Sainte Écriture (Jn. 6, 57) peut
être donné comme un fondement sûr de
la médiation de Marie dans son aspect corporel.
Mais, par le fait même, c'est-à-dire,
étant donné que ce passage scripturaire
traite implicitement de la médiation de Marie
dans son aspect corporel (puisqu'il en possède
toutes les caractéristiques propres), nous devons
nécessairement lire et comprendre ce texte
à l'aide de notions essentiellement humaines,
c'est-à-dire non pas directement comme
étant la Parole de Dieu, simple et unique (car
spirituelle), mais bien comme étant humainement -
car corporellement - les
paroles de Dieu (Jn. 3, 34 - cf.
Concile Vatican II, Dei Verbum, n° 4), qui sont
toujours multiples en elles-mêmes.
31. Si nous avons
choisi le texte de Jean 6, 57 (que nous analyserons en
détail ci-dessous), c'est parce qu'il correspond
pleinement aux caractéristiques propres de la
médiation de Marie dans son aspect corporel (voir
nos 29
et 30). En effet, d'une part, la médiation de
Marie dans son aspect corporel possède les
caractéristiques suivantes: la première,
qui est absolument essentielle, est sa dimension
corporelle; la deuxième, qui est relative
à son mode d'exercice, est qu'elle s'accomplit
par le moyen de la communion eucharistique; la
troisième, qui est relative à son objet,
est qu'elle permet à la Très Sainte
Trinité de se révéler en personne.
D'autre part, le passage scripturaire de Jean 6, 57
possède les caractéristiques suivantes: la
première est sa dimension corporelle, puisqu'il
s'agit d'un texte écrit; la deuxième est
que ce texte utilise le moyen de la communion
eucharistique pour nous parler, puisqu'il décrit
la communion de vie, par mode de nutrition, entre le
Christ et l'Eglise; la troisième est qu'il permet
à la Très Sainte Trinité de se
révéler au lecteur, puisqu'il
décrit la comparaison entre la Vie divine
trinitaire et la communion eucharistique. Aussi, de tout
ceci, étant donné que la Sainte
Écriture, en tant qu'elle contient les paroles de Dieu
(Jn. 3, 34 - voir n° 30), est pleinement incluse et
comprise dans le mystère eucharistique, qui est
celui de l'unique Parole de Dieu communiquée
à l'homme, on peut affirmer que la Sainte
Écriture en général, et le passage
de Jean 6, 57 en particulier, est le moyen exclusivement
corporel, qui est parallèle au mystère de
l'Eucharistie et inclus en lui, moyen par lequel
Marie-Médiatrice révèle à
l'Église, dans le Christ, le Mystère de la
Sainte Trinité. Par le fait même, en vertu
des deux sens de la médiation de Marie, le
passage de Jean 6, 57, s'il vient de Dieu par Marie,
doit de même être lu et
interprété par l'Église au moyen et
par l'intermédiaire de Marie.
32. Comme nous venons
de le rappeler (voir n° 31), l'objet de la
médiation de Marie est la Sainte Trinité
elle-même. Cela veut dire que Marie est
médiatrice, par mode de révélation,
entre la Sainte Trinité et l'Église. Mais,
comme nous avons vu que Marie se révèle
à elle-même, par le biais de la communion
eucharistique, tout le Mystère de la Sainte
Trinité (voir n° 26); et en vertu du rapport
d'inclusion entre la Sainte Écriture et le
mystère eucharistique (voir n° 31); nous
pouvons dire aussi que Marie, par le biais de la Sainte
Écriture, se révèle à
elle-même le Mystère de la Sainte
Trinité, Mystère contenu, non pas
directement dans l'unique Parole de Dieu, mais bien
indirectement dans les multiples paroles de Dieu qui
composent la Sainte Écriture. Autrement dit, par
rapport à l'objet de sa médiation, Marie
est médiatrice entre la Sainte Trinité et
sa propre personne. Or, d'une part, Marie, en tant que
médiatrice, est Celle qui est dans la Divine
Trinité: Marie ne peut être
médiatrice entre la Sainte Trinité et sa
propre personne que si cette dernière fait
partie, d'une certaine manière, de la Sainte
Trinité (voir n° 19). D'autre part, la Sainte
Trinité, en tant qu'objet de la médiation
de Marie entre la même Sainte Trinité et la
personne même de Marie, est Celle qui est en
Marie; c'est-à-dire que la Sainte Trinité,
révélée dans le Christ par le biais
de la Sainte Écriture composée de
multiples paroles divines, est dans toute personne
humaine qui accueille librement en elle cette
Révélation, ainsi que le Seigneur le
confirme, disant: Si quelqu'un
m'aime, il gardera ma parole et mon Père
l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons
chez lui notre demeure. (Jn. 14,
23) De plus, comme il s'agit ici de la médiation
de Marie s'exerçant par le biais de la Sainte
Écriture, et comme la même Écriture
Sainte est, de soi, uniquement corporelle et
matérielle - puisqu'elle est de l'ordre du signe
- nous devons considérer que la médiation
de Marie ne s'exerce, dans le cas présent de la
Révélation par le biais de la Sainte
Ecriture, que d'une manière corporelle. Autrement
dit, Marie-Médiatrice, quoiqu'étant - par
mode de médiation - en communion corporelle et
spirituelle avec la Sainte Trinité par le biais
du mystère eucharistique, cependant, ici, elle
n'est qu'en communion corporelle avec ce même
mystère de la Sainte Trinité; par le fait
même, Marie, dans l'acte de la
Révélation par le biais de la Sainte
Écriture ne peut et ne doit être
envisagée que selon son corps, et non pas selon
toute sa personne, c'est-à-dire corps et
âme. Par conséquent, de tout ce qui
précède, nous pouvons aisément
conclure, premièrement, que ce qui est uniquement
corporel - c'est-à-dire Marie - est dans ce qui
est uniquement spirituel - c'est-à-dire Dieu - et
deuxièmement, que ce qui est uniquement spirituel
- toujours Dieu - est dans ce qui est uniquement
corporel - Marie. Par le fait même, nous pouvons
dire que, considérée comme
médiatrice entre la Sainte Trinité et
l'Eglise, Marie, qui possède un corps, est
semblable à Dieu, qui est
esprit (Jn. 4, 24): elle est la
nouvelle Éve, qui a été
créée, ainsi qu'Adam, à la ressemblance de Dieu (Gn. 5, 1).
33. En Jean 6, 57,
Dieu-Trinité se révèle
lui-même à l'Église par
Marie-Médiatrice. Or, nous venons de voir que, en
tant que médiatrice entre la Sainte
Trinité - dans le Christ - et l'Église,
Marie est semblable à Dieu-Trinité. Donc,
lorsque Dieu-Trinité se révèle
lui-même, il ne peut pas - parce qu'il l'a voulu
ainsi - ne pas révéler, par le fait
même, la personne humaine de Marie qui lui est
semblable: la Révélation de
Dieu-Trinité, dans la Sainte Écriture, est
absolument inséparable de la
Révélation de Marie-Médiatrice, et
ce, d'une manière simple et une, en vertu du
caractère simple de la divinité, toujours
première pour ce qui concerne le fait de la
Révélation. Mais comme Marie n'est
semblable à Dieu-Trinité que parce qu'elle
est médiatrice, c'est-à-dire
intermédiaire entre la Sainte Trinité et
l'Église, nous devons affirmer nettement que,
lorsque Dieu-Trinité se révèle
lui-même dans la Sainte Écriture,
Marie-Médiatrice, en tant que personne humaine
semblable à Dieu-Trinité, sert de point de
comparaison et de lieu de passage obligé pour
lire et pour interpréter, dans l'union de
l'Esprit de Dieu, la Révélation trinitaire
de Jean 6, 57. Par conséquent, par mode de
principe, nous pouvons conclure que, lorsque Dieu se
révèle lui-même en tant que
Trinité, dans Jean 6, 57, on ne peut pas ne pas
appliquer aux notions divines contenues dans ce texte
toutes les notions pleinement humaines qui se rapportent
directement à ces mêmes notions divines.
Cela veut dire que nous devons nécessairement
comparer la vie trinitaire - qui est essentiellement une
et triple, une par l'essence divine, triple par les
personnes - à la vie humaine - qui est elle
aussi, et elle seule, une et triple, puisque une et
multiple, une par l'âme spirituelle
sanctifiée par la grâce, et multiple par le
corps animal, organique, et matériel. C'est
là notre troisième principe -
conséquence des deux premiers (voir nos 22 et 28) - qui va
nous permettre d'analyser en détail le passage
scripturaire de Jean 6, 57.
JEAN 6, 57
LA VIERGE PUISSANTE DE
LA NATIVITÉ
34. Le passage
scripturaire de Jean 6, 57 contient des paroles du
Christ lui-même: en tant que tel, ce texte est
l'expression de la Parole de Dieu adressée aux
hommes par l'intermédiaire du Christ en personne.
Mais en tant que l'Église lit ces paroles de Jean
6, 57 au moyen du livre inspiré qui s'appelle
Bible, ou Écriture Sainte, il s'agit aussi, et
tout en même temps, de la Parole de Dieu
adressée aux hommes par l'intermédiaire de
Marie-Médiatrice, puisque premièrement, le
rédacteur de ce texte est Saint Jean, un des
membres de l'Église, et que deuxièmement,
l'Église reçoit toute
Révélation trinitaire d'ordre
exclusivement corporel - c'est-à-dire par le
biais de la Sainte Écriture - par
l'intermédiaire de Marie-Médiatrice (voir
n° 31). Donc, comme d'une part,
Marie-Médiatrice, dans le cadre de sa
médiation touchant la Sainte Écriture,
doit être considérée uniquement
selon son corps; et comme d'autre part, ce qui est
exclusivement corporel est nécessairement
composé et multiple; il s'ensuit que le passage
de Jean 6, 57, envisagé comme la Parole de Dieu
adressée aux hommes par l'intermédiaire de
Marie-Médiatrice, ne peut pas - en tant que
Révélation trinitaire
révélant Marie-Médiatrice (voir
n° 33) - ne pas posséder plusieurs (au moins
deux) versions écrites de l'unique Parole de Dieu
révélée par le Christ. Autrement
dit, le passage scripturaire de Jean 6, 57, quoique ne
possédant qu'une seule et unique formulation
humaine dans l'esprit du Christ qui est Dieu,
possède cependant, et nécessairement au
moins deux formulations différentes,
écrites par l'homme - ici Saint Jean -
guidé dans la foi, par l'Esprit de Dieu. Par le
fait même, dans notre interprétation de
Jean 6, 57 par l'intermédiaire de
Marie-Médiatrice, nous aurons à tenir
compte des diverses expressions que nous pourrons
rencontrer dans les différentes versions ou
traductions de la Sainte Écriture.
35. Dans la Bible de
Maredsous, nous trouvons la traduction française
suivante: Tout comme le
Père, qui m'a envoyé, est vivant, et comme
je vis par le Père, ainsi celui qui me mange
vivra par moi. (Jn. 6, 57 -
Bible de Maredsous, édition 1990 - Cette version
de la Bible a été établie par les
moines de l'Abbaye de Maredsous, en Belgique, avec la
collaboration des moines de l'Abbaye de Hautecombe, en
France.) Cette première traduction, pour ce qui
regarde la première proposition de la phrase, met
l'accent sur la Vie du Père et du Fils dans
l'Esprit-Saint; elle est donc proche de celle
donnée par le Catéchisme de l'Eglise
Catholique, où on lit: De
même qu'envoyé par le Père, qui est
vivant, Moi, Je vis par le Père, de même,
celui qui Me mange, vivra, lui aussi, par Moi. (n° 1391) La seconde traduction est
celle de la Vulgate latine. Saint Jérôme
traduit ainsi l'original grec: Sicut
misit me vivens Pater, et ego vivo propter Patrem; et
qui manducat me, et ipse vivet propter me. (Jn. 6, 58 - Dans la Vulgate latine, le
verset 57 est numéroté 58) Cette seconde
traduction donne un autre sens à la
première proposition de la phrase: l'accent est
mis ici sur l'envoi du Fils par le Père, envoi
accompli dans la relation à la Vie divine
trinitaire; ainsi, cette seconde traduction est voisine
de celle donnée par le Lectionnaire liturgique
français, où il est écrit: De même que le Père, qui est
vivant, m'a envoyé, et que moi je vis par le
Père, de même aussi celui qui me mangera
vivra par moi. (Il faut
toutefois noter une différence entre cette
dernière traduction et le texte de la Vulgate,
car le verbe manducat doit se traduire par le
présent mange, et non pas par le futur mangera.) Ainsi, le
passage scripturaire de Jean 6, 57, quant à la
première proposition de la phrase, apparaît
clairement comme la révélation du
Père et du Fils agissant trinitairement (le
Saint-Esprit étant sous-entendu lorsqu'on parle
communément du Père et du Fils), laquelle
révélation peut être décrite
deux manières conjointes: ou bien le Père
et le Fils, au Ciel comme sur la terre où ce
même Fils a été envoyé,
vivent relativement l'un à l'autre dans l'union
de l'Esprit-Saint (comme il est dit dans la conclusion
de l'Oraison Collecte de la Messe); ou bien le
Père envoie son Fils tout en demeurant uni
à Lui par le lien de la Vie, qui est celui de
l'Esprit vivifiant (Credo).
*
* *
36. Si nous comparons
et expliquons le texte de Jean 6, 57 à l'aide des
concepts propres de la personne humaine,
c'est-à-dire si nous comparons la vie divine
trinitaire à la vie humaine qui est tout à
la fois spirituelle et corporelle, alors nous allons
voir que les deux manières différentes par
lesquelles s'exprime l'action du Père et du Fils
décrite en Jean 6, 57 s'harmonisent entre elles
et s'unissent d'une manière absolument simple, et
ce, en vertu de la notion même de personne
humaine, laquelle est simplement semblable au sujet
connaissant - c'est-à-dire nous - et à
l'objet connu qui est Dieu (voir nos 32 et 33). Notre
propos sera donc de montrer ci-après que l'acte
de vie du Père et du Fils dans l'Esprit-Saint,
acte de vie considéré ad extra,
c'est-à-dire sous l'angle de vue de la
Révélation, est absolument la même
réalité qui s'accomplit lorsque le
Père envoie dans le monde son Fils porteur de
l'Esprit-Saint. Ainsi, quoique l'acte de vie de Dieu -
puisqu'il est éternel - est unique en
lui-même, qu'on le considère ad intra ou ad
extra (l'acte de Dieu ad intra, c'est l'acte de Dieu en
lui-même; l'acte de Dieu ad extra, c'est l'acte de
Dieu en dehors de lui-même); cependant, si on se
base sur la ressemblance existant entre Dieu et la
personne humaine, ressemblance qui atteint sa
plénitude dans l'hypostase du Christ, alors
l'acte de vie de Dieu est un acte de
génération, si on le considère ad intra: il est
semblable à l'acte de la femme qui conçoit
en elle un enfant dans sa relation conjugale avec
l'homme. Il s'agit donc ici de l'acte par lequel le
Père, dans l'Esprit qu'il est lui-même de
par sa nature (cf. Jn. 4, 24), engendre son Fils, le Verbe de vie (1 Jn.
1, 1); autrement dit, l'acte de vie de Dieu ad intra
consiste dans la génération de la Parole
divine, une, éternelle et indivisible, ainsi
qu'il est écrit: Tu es
mon fils, c'est moi qui t'ai engendré
aujourd'hui. (Ps. 2, 7) Mais,
selon la même comparaison avec la personne
humaine, l'acte de vie de Dieu est aussi, et tout en
même temps - puisqu'il s'agit d'un acte absolument
unique - un acte de naissance ou de mise au monde, si on
le considère ad extra: il est alors semblable à l'acte par
lequel la femme met au monde et au grand jour l'enfant
qu'elle tenait caché en elle durant le temps de
la grossesse. Ainsi, l'acte de vie de Dieu
envisagé sous cet angle de la naissance n'est
autre que l'acte, accompli dans l'Esprit-Saint, qui
consiste dans l'envoi, dans le monde, du Fils par le
Père; autrement dit, la Parole cachée dans
le secret de l'Esprit du Père est alors
dévoilée et manifestée au monde
dans ce même Esprit-Saint porté par le Fils
sur l'Ordre et sur la mission du Père, selon ce
que dit Saint Paul: Lorsque
vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé
son Fils, né d'une femme.
(Ga. 4, 4)
Ceci est d'ailleurs
confirmé par le fait que le baptême -
sacrement d'initiation à la Vie divine
participée - est appelé le sacrement de la
régénération par l'eau et dans la
parole (Catéchisme de
l'Église Catholique, n° 1213), mais aussi le
sacrement qui signifie et
réalise cette naissance de l'eau et de l'Esprit
sans laquelle nul ne peut
entrer au Royaume de Dieu. (Jn.
3, 5) (ibid. n° 1215)
Finalement, il apparaît clairement que l'acte de
vie divine décrit en Jean 6, 57, en tant qu'il
s'agit d'un acte divinement révélé
ad extra, doit être considéré comme
un acte de naissance, ou de mise au monde; et que, par
le fait même, en vertu de la comparaison
obligée entre la vie divine et la vie humaine
(voir n° 33), les deux traductions de Jean 6, 57
citées ci-dessus (voir n° 35) expriment,
chacune à sa manière, une seule et unique
réalité, savoir la Vie même de
Dieu-Trinité.
37. Le passage
scripturaire de Jean 6, 57, pour ce qui regarde la
première proposition de la phrase, est une
révélation de l'acte de la vie divine
considéré comme un acte de naissance ou de
mise au monde, c'est-à-dire comme un acte
équivalent à l'envoi du Fils par le
Père dans un commun Esprit vivifiant (Credo) -
(voir n° 36). Or ces paroles de Jean 6, 57 sont
proprement celles du Christ, ainsi que nous l'avons
déjà fait remarquer (voir n° 34). De
plus, cela suppose que, au moment où le Christ
prononce ces paroles de Jean 6, 57, il est
déjà né de la Vierge Marie, qui le
mit au monde (Lc. 2, 7). Donc, cela veut dire que l'acte
de vie divine, en tant qu'acte de naissance, ou encore
en tant qu'acte de vie révélé au
monde par le biais de la Sainte Écriture,
dépend en tout et nécessairement de l'acte
de la naissance humaine du Christ. Mais, comme d'une
part, l'acte de révélation de la vie
divine réalisé par les paroles de Jean 6,
57, en tant qu'il s'agit ici de paroles du Christ, est -
de soi - un acte divin, un acte du Verbe de Dieu
incarné; et comme d'autre part, l'acte de la
naissance humaine du Christ est un acte essentiellement
corporel, et donc exclusivement humain, accompli par
Marie, Mère du Christ; il faut affirmer,
conjointement - quoique contrairement - à ce que
nous venons de dire, que l'acte de la naissance humaine
du Christ dépend en tout et nécessairement
de l'acte de vie divine, ou acte de naissance, que
constitue la révélation accomplie par les
paroles de Jean 6, 57, puisque tout ce qui est
essentiellement humain dépend pleinement de tout
ce qui est essentiellement divin. Par conséquent,
de ce qui précède, il est aisé de
conclure - toujours en vertu du principe que Dieu est
premier, et la créature seconde - que, lorsque le
Christ, qui est Dieu, accomplit l'acte de
révélation de la vie divine,
c'est-à-dire un acte de vie divine par mode de
naissance, il accomplit aussi et tout en même
temps, l'acte humain de sa naissance au monde par Marie,
et ce, d'une manière mystique, puisque
réalisée par l'intermédiaire d'un
second médiateur uni à lui, qui est
l'unique (voir n° 23). Ainsi, le Christ,
plénitude de toute la Révélation,
porte à sa perfection la sentence du Psalmiste,
qui s'écrie: Il a dit,
et tout a été fait.
(Ps. 32, 9 - 148, 5 selon la Vulgate). Finalement,
d'après l'analyse que nous venons de faire, il
apparaît clairement que le verset 57 du chapitre
sixième de l'Evangile de Saint Jean peut
être pris comme fondement scripturaire, sûr
et absolu, de la médiation de Marie dans son
aspect corporel, puisqu'il en exprime et réalise
tout l'acte principal.
38. Nous venons de
conclure notre commentaire en signalant le fait que
l'acte principal de la médiation de Marie
réside dans le Mystère de la
Nativité du Christ considérée comme
l'acte par lequel, d'une manière une et
indissociable avec ce même acte, l'Eglise
reçoit la Révélation de tout le
Mystère trinitaire sous un mode corporel (voir
n° 37). Or, il n'est pas évident que, parmi
tous les Mystères du Christ vécus par
Marie, celui de la naissance du Seigneur selon la chair
soit le principal. Mais, si nous montrons que, dans ce
même Mystère de la Nativité, Marie,
toujours Vierge, apparaît revêtue de la
puissance même du Tout-Puissant, alors il sera
clair que le Mystère de la naissance du Christ
est l'acte principal dans lequel et par lequel s'exerce
la médiation de Marie. C'est ce que nous nous
proposons de faire ci-après.
*
* *
39. La conclusion de
notre analyse scripturaire (voir n° 37) nous oblige
à considérer le Mystère de la
Nativité en association simple et une - car
originairement divine - avec la Révélation
trinitaire accomplie par le Christ en Jean 6, 57. Comme
l'acte de la naissance du Christ selon la chair est un
acte fondamentalement humain, la conclusion que nous
venons d'énoncer peut encore s'exprimer ainsi:
à l'acte divin de la Révélation que
le Christ accomplit en Jean 6, 57, doit
nécessairement être associé, d'une
manière une et indissociable, un acte proprement
humain du même ordre que l'acte divin
précité, c'est-à-dire un acte de
révélation humaine ou naturelle. Autrement
dit, dans son union à l'acte de
Révélation divine du Christ en Jean 6, 57,
l'acte de la nativité du même Christ par
Marie doit être considéré, de soi,
comme un acte de révélation naturelle,
comme une mise au monde, et à la lumière
de toutes les nations, de la nature humaine dans toute
sa plénitude. Il s'agit alors là de
l'application en acte du principe suivant: Nouvel Adam, le Christ, dans la
révélation même du mystère du
Père et de son amour, manifeste pleinement
l'homme à lui-même.
(Concile Vatican II, Gaudium et spes, n° 22) Mais,
en vertu du fait que le Christ agit conformément
à ses propres paroles, selon la sentence du
Psalmiste: Il a dit, et tout a
été fait. (Ps. 32,
9 - 148, 5) - (voir n° 37), à l'association
simple et une entre l'acte de Révélation
divine et l'acte de révélation humaine,
correspond l'association, elle aussi simple et une,
entre paroles divines et paroles humaines, et, par le
fait même, entre Esprit divin et esprit humain
dans le contexte propre et exclusif de la
Révélation. Autrement dit, il ne peut y
avoir de Révélation
considérée comme telle que si l'on
associe, d'une manière une et indissociable, la
Sagesse de Dieu et la philosophie de l'homme. C'est
pourquoi, étant donné que le passage
scripturaire de Jean 6, 57 est fondamental quant
à la médiation de Marie, il faut poser
cette règle capitale que le concept de
Marie-Médiatrice ne peut pas ne pas être le
fruit de l'association simple et une de la
Révélation divine et de la philosophie
humaine opérant conjointement.
Marie elle-même
l'a confirmé en déclarant: Je suis la VIERGE DE LA REVELATION (Apparition du 12 avril 1947 à Rome -
cf. Mgr Fausto Rossi, La Vierge de la
Révélation, p. 18) - (voir n° 22):
Marie est Vierge, ce qui est un concept pleinement
humain, puisque c'est le Mystère de la
Nativité qui révèle et porte
à sa plénitude la virginité de
Marie ante partum, in partu, et post partum; et elle est
la Vierge de la Révélation, ce qui est un
concept pleinement divin, puisqu'elle a fait
précéder cette déclaration par une
autre phrase: Je suis Celle qui
est dans la divine Trinité. (ibid.)
40. Dans cette
association simple et une entre la
Révélation divine et la philosophie
humaine, celle-ci est première et fondamentale,
alors que la révélation divine est
seconde, c'est-à-dire dépendante de la
philosophie humaine. En effet, la philosophie humaine
étant toute relative à la naissance
humaine du Christ (voir n° 39), il va de soi que la
philosophie humaine précède la
Révélation divine, tout comme la naissance
humaine du Christ précède naturellement
son ministère public exercé en acte dans
la Révélation trinitaire de Jean 6, 57. De
plus, la philosophie humaine, parce qu'elle est toute
relative à la naissance humaine du Christ, qui
est un acte exclusivement corporel, doit être
considérée comme une science, non pas de
l'unité, mais bien de la multiplicité
quant au fait de la Révélation.
Inversement, la Révélation divine, qui a
sa source et son origine dans le Verbe du Dieu unique,
possède par elle-même le caractère
propre de l'unité: le Logos, dans son acte de
Révélation, est le facteur d'unité
par excellence. Par conséquent, pour ce qui
touche le concept de Marie-Médiatrice, il est une
donnée certaine que les arguments de la
philosophie humaine vont sans cesse diviser le concept
sans jamais arriver à le cerner dans son
unité plénière; et que, par le fait
même, ce ne peut être que par l'intervention
ultérieure de la Révélation divine
- ici le texte inspiré de Jean 6, 57 - que le
concept de Marie-Médiatrice peut aspirer à
être pleinement appréhendé dans une
unité de pensée. C'est ainsi que, pour le
cas de notre conclusion interprétative de Jean 6,
57 citée plus haut (voir n° 38), les deux
prémices de l'argumentation, savoir,
premièrement, la dépendance de l'acte de
vie divine par mode de naissance, ou vu sous l'angle de
la Révélation, vis-à-vis de l'acte
de naissance humaine du Christ; et deuxièmement,
la dépendance inverse de l'acte de naissance
humaine du Christ vis-à-vis de l'acte de vie
divine par mode de naissance; ces deux prémices
se trouvaient irrémédiablement
séparées l'une de l'autre par des concepts
philosophiques essentiellement différents. Saint
Thomas d'Aquin en témoigne lorsqu'il parle, en
ces termes, de la première prémice
fondée sur le concept propre de personne:
«Propter identitatem, quae in divinis est inter
naturam, et hypostasim, quandoque natura ponitur pro
persona, vel hypostasi, et secundum hoc dicit Augustinus
naturam divinam esse conceptam, et natam; quia scilicet
persona Filii est concepta, et nata secundum humanam
naturam.» En raison de
l'identité qui existe, dans les choses divines,
entre la nature et l'hypostase, parfois la nature est
prise pour la personne; et c'est ainsi que Saint
Augustin dit que la nature divine a été
conçue et qu'elle est née, parce que,
assurément, la personne du Fils a
été conçue et qu'elle est
née selon la nature humaine. (S. Thomas, Summa Theologica, IIIa, q. 35,
a. 1, ad 1) Pareillement, à propos de la seconde
prémice fondée sur le concept propre de nature, Saint Thomas
nous dit: «In Christo sunt duae naturae, divina
scilicet et humana: quarum unam accepit ab aeterno a
Patre, alteram accepit temporaliter a matre; et ideo
necesse est attribuere Christo duas nativitates, unam
qua aeternaliter natus est a Patre, aliam qua
temporaliter natus est a matre.» Dans le Christ, il y a deux natures, savoir,
la divine et l'humaine: l'une, il l'a reçue, de
toute éternité, de son Père, et
l'autre, il l'a reçue, dans le temps, de sa
mère; et c'est pourquoi il est nécessaire
d'attribuer au Christ deux naissances, l'une par
laquelle il est né éternellement de son
Père, l'autre par laquelle il est né
temporellement de sa mère.
(S. Thomas, Summa Theologica, IIIa, q. 35, a. 2, corp.)
Mais, ainsi que nous l'avons fait (voir n° 37), si
nous mettons chacune des deux prémices en
relation directe avec le texte de Jean 6, 57
considéré comme Révélation
divine accomplie par le Christ en personne, alors
l'union simple et une des deux prémices est
réalisée, et le concept de
Marie-Médiatrice est pleinement
appréhendé par cette association de la
Sagesse divine et de la philosophie humaine.
*
* *
41. Dans l'application
de la règle par laquelle sont associées,
d'une manière simple et une, la
Révélation divine et la philosophie
humaine, la référence première sur
laquelle il faut se baser est la philosophie humaine
(voir n° 40). Cependant, d'une part, comme la notion
propre de philosophie ou de révélation
humaine découle exclusivement de la notion de
Révélation divine à laquelle cette
même philosophie humaine est unie d'une
manière simple et une (la naissance de
l'Homme-Dieu découle en effet de la
Volonté de Dieu qui veut se révéler
- voir n° 39); et d'autre part, comme la notion de
Révélation divine est toute relative
à la vie de Dieu pleinement actualisée
dans le Verbe de vie (1 Jn. 1, 1); on doit nécessairement
conclure de ce qui précède que, dans
l'application de ladite règle, la
référence de base est et ne peut pas ne
pas être la philosophie de la vie humaine comprise
dans toute sa plénitude, et que, par le fait
même, le concept propre de
Marie-Médiatrice, qui est régi par cette
même règle, ne peut être
appréhendé pleinement que selon cette
référence de base de la philosophie de la
vie humaine, et donc, nécessairement, en dehors
de toute référence à la notion de
mort - en tant qu'elle s'oppose à la vie - et
aussi, en dehors de toute référence
à la notion de péché - en tant
qu'il est un rejet et un refus de la Vie divine. Or,
selon cette référence de base de la
philosophie de la vie humaine, si la règle
d'association simple et une entre la
Révélation divine et la philosophie de la
vie humaine s'applique aux paroles du Christ que
constitue le passage scripturaire de Jean 6, 57, cette
même règle s'applique aussi, et d'une
manière absolument parfaite, à la Personne
du Christ lui-même en tant qu'auteur premier et
originel de ces mêmes paroles de Jean 6, 57. Par
conséquent, le principe suivant peut être
posé: le Christ, Verbe de Vie incarné,
s'inscrit pleinement, en tant que personne, dans le
contexte ou référence de base de la
philosophie de la vie humaine. Autrement dit, le Verbe
de Dieu, Fils consubstantiel du Père, s'est
incarné pour révéler et pour
communiquer aux hommes, par mode de vie humaine
pleinement assumée, toute la Vie divine qui lui
est propre.
C'est pourquoi, dans
le contexte propre de la Révélation
scripturaire, le Christ est appelé pierre vivante (1 P.
2, 4): le Christ est pierre, c'est-à-dire considéré
comme une réalité matérielle, et
donc uniquement selon son corps, ce qui se rapporte de
soi à Marie-Médiatrice dans sa relation
avec la Révélation scripturaire (voir
n° 32); et le Christ est pierre
vivante, c'est-à-dire
considéré par rapport à la
référence de base de la philosophie de la
vie humaine, référence qui est celle
propre de la règle d'association entre la
Révélation divine et la philosophie de la
vie humaine elle-même, ainsi que nous venons de le
voir.
42. Dans le contexte
propre de la Révélation trinitaire de Jean
6, 57, appliquons à la Personne du Christ
lui-même la règle d'association simple et
une entre la Révélation divine et la
philosophie de la vie humaine. Comme le Christ est Dieu
et Homme, cette association atteint en lui sa
plénitude et sa perfection, et par le fait
même, la Révélation divine est
parfaite et pleine quant au Verbe
de vie (1 Jn. 1, 1), et de
même, la philosophie de la vie humaine est
parfaite et pleine quant a l'humanité du Christ.
Comme la philosophie de la vie humaine est la
référence de base pour l'application de
ladite règle d'association, il faut commencer par
considérer la parfaite connaissance philosophique
de l'esprit humain du Christ touchant le domaine
particulier de la vie humaine. Or, étant
donné que l'humanité du Christ a
été assumée par le Verbe divin en
vue de la Révélation trinitaire aux hommes
(voir n° 41), on doit tenir pour certain que, en
vertu de la communication des idiomes dans la Personne
du Christ, le Verbe divin, dès le premier instant
de son union avec l'humanité qu'il assume,
c'est-à-dire dès le moment de la
conception du Christ selon la chair, a communiqué
le caractère propre de la
révélation parfaite de soi-même en
tant qu'être vivant. Comme nul être ne peut
révéler d'une manière parfaite sa
propre vie que s'il la connaît intimement, il
s'ensuit que dès l'instant de sa conception, le
Christ-Homme avait la connaissance philosophique
parfaite concernant sa propre vie humaine en
particulier; et comme le Christ est Homme parfait
(puisqu'il est Celui qui révèle l'homme
à lui-même - voir n° 39), le
Christ-Homme avait pareillement, dès sa
conception, la connaissance philosophique parfaite
concernant le domaine de la vie humaine en
général. Mais, dans le temps même de
l'Incarnation, le Verbe divin accomplissait envers
l'humanité du Christ toute la raison d'être
de ce même acte de l'Incarnation, savoir la
communication aux hommes du Mystère trinitaire du
Dieu vivant (voir n° 41). Par conséquent,
dès l'instant de sa conception, le Christ-Homme
avait non seulement la connaissance philosophique
parfaite de la vie humaine, mais encore la parfaite
connaissance surnaturelle de la Vie divine trinitaire.
C'est ce dont témoigne Saint Jean lorsqu'il dit
que le Christ est plein de
grâce et de vérité (Jn. 1, 14). Cependant, il faut
préciser que, pour ce qui regarde toute
connaissance philosophique autre que celle de la vie
humaine, le Christ l'a acquise pendant le temps de sa
vie, puisqu'il est écrit: Jésus grandissait en taille, en
Sagesse, et en grâce devant Dieu et devant les
hommes. (Lc. 2, 52)
43. Le Christ-Homme,
dès sa conception, avait une parfaite
connaissance philosophique de la vie humaine et une
parfaite connaissance surnaturelle de la Vie trinitaire.
Or, d'une part, comme le Christ est Homme parfait, et
d'autre part, comme l'homme dans sa perfection a
été créé à la ressemblance de Dieu (Gn. 5, 1), autrement dit, comme la personne
humaine vivante est semblable au Dieu vivant dans son
Mystère trinitaire (voir n° 33), on peut dire
que, dans la Personne du Christ, le concept de vie
humaine et le concept de Vie divine trinitaire trouvent
leur parfaite ressemblance et similitude. Il s'ensuit
donc que le Christ-Homme, dès sa conception,
avait une parfaite connaissance philosophique, non
seulement de la vie humaine, mais aussi de la Vie divine
trinitaire, et conjointement, une parfaite connaissance
surnaturelle, non seulement de la Vie divine trinitaire,
mais aussi de la vie humaine en tant que telle. Par le
fait même, au moment précis de l'acte de
Révélation trinitaire de Jean 6, 57, le
Christ-Homme possédait les deux connaissances
dont nous venons de parler. Or, philosophiquement, pour
ce qui est de la Vie trinitaire, Dieu - parce qu'il est
acte pur - n'accomplit éternellement qu'un et un
seul acte de vie: la génération, ou
conception du Verbe par le Père dans
l'Esprit-Saint. Donc, au moment même où le
Christ-Homme, sous l'inspiration du Verbe,
profère humainement les paroles de Jean 6, 57 en
tant que Révélation trinitaire, il ne peut
pas ne pas penser en lui-même, dans son esprit,
que Dieu est acte pur: c'est un fait connaturel à
sa personne. Cependant, en tant que
Révélation trinitaire ad extra, les
paroles de Jean 6, 57 ne sont nullement un acte de vie
divine par mode de génération, mais bien
et nécessairement, ainsi que nous l'avons vu
ci-dessus (voir n° 36), un acte de naissance au
monde. De plus, comme le Christ dit la
Vérité, puisqu'il est plein de grâce et de
vérité (Jn. 1,
14), ce qu'il dit extérieurement en paroles
correspond à ce qu'il pense intérieurement
en esprit. Par conséquent, au moment de prononcer
les paroles de Jean 6, 57, si le Christ pense
philosophiquement que l'acte de vie de Dieu, en tant
qu'acte pur, est un acte de génération,
par contre, il pense aussi, et tout en même temps,
que l'acte de vie de Dieu est un acte de naissance, et
ce, sous l'inspiration de la Révélation
intérieure du Verbe divin.
Par le fait
même, d'une part, comme l'acte de
génération est, de soi, le premier acte de
la vie, et comme l'acte de naissance est, de soi, l'acte
postérieur ou second de la vie, par rapport
à l'acte premier de génération; et
d'autre part, comme le passage d'un acte de vie à
un autre ne peut s'accomplir sans la potentialité
ou la puissance passive correspondante; on doit affirmer
que, dans l'acte même de Révélation
trinitaire de Jean 6, 57 accompli sous l'inspiration du
Verbe divin, le Christ-Homme ne peut pas ne pas penser
dans son esprit que Dieu-Trinité est puissance
passive, ou encore, que la potentialité est le
propre de la Vie divine trinitaire dans son acte de
Révélation ad extra. Finalement, en vertu
de la règle d'association de la
Révélation divine et de la philosophie de
la vie humaine, il est clair que, dans le contexte
propre de la Révélation trinitaire de Jean
6, 57, le Christ ne peut pas ne pas penser dans son
esprit humain que Dieu-Trinité, en tant
qu'Être vivant, est tout à la fois et
indissociablement acte et puissance, acte pur en vertu
de la philosophie de la vie humaine, et puissance
passive en vertu de la Révélation du Verbe
de Vie lui-même.
*
* *
44. L'analyse du
passage scripturaire de Jean 6, 57 nous a permis de
conclure que, par rapport à l'esprit humain du
Christ, Dieu est tout à la fois et
indissociablement acte et puissance si on le
considère dans sa vie intime trinitaire. Mais,
comme la profération des paroles de Jean 6, 57
par le Christ, profération qui est essentielle au
fait de la Révélation, requiert
l'intervention et l'aide de la puissance active de
l'organe corporel de la bouche en particulier, et de la
tête en général, il faut encore
ajouter que les paroles du Christ en Jean 6, 57 sont non
seulement une Révélation divine
trinitaire, mais encore et tout en même temps une
Révélation de la Toute-Puissance divine,
telle que nous pouvons la comprendre à travers le
passage de Jean 6, 57, et qui, par conséquent,
est composée de puissance passive et de puissance
active, d'une manière une et indissociable, tout
comme le corps et l'âme de l'homme vivant: en Jean
6, 57, le Christ manifeste réellement et
pratiquement la puissance de sa
parole (Hb. 1, 3). C'est
pourquoi le Christ avait ouvert son discours à
Capharnaüm, disant, en parlant du «pain de
Dieu» (Jn. 6, 33): C'est
moi le pain de vie (Jn. 6, 35).
Il s'agit en effet d'une Révélation
trinitaire dans laquelle le Christ parle de la Vie
divine sous forme de nourriture; cela correspond
à la Vie divine ad extra sous mode d'acte de
naissance ou d'acte de vie second, lequel ne peut
être en relation avec l'acte de vie premier que
par le moyen potentiel de la nourriture
conditionnée elle-même par la puissance de
manducation de celui qui se nourrit. En
prononçant ces paroles C'est
moi le pain de vie,
c'est-à-dire en les mangeant par la puissance
active de son corps, le Christ rend manifeste et
publique, par mode de naissance au monde, la puissance
passive conçue dans son esprit humain sous
l'inspiration du Verbe de Vie éternellement
engendré par le Père.
45. Pour
clôturer ce chapitre, et pour en expliquer
définitivement le titre (ainsi que nous l'avions
annoncé - voir n° 38), disons que, Jean 6, 57
étant considéré comme le passage
scripturaire fondamental touchant la médiation de
Marie, et compte tenu de tout ce que nous venons de dire
au sujet de ce même passage, nous ne devons pas
craindre d'affirmer explicitement que
Marie-Médiatrice est, dans le Christ,
participante de la Toute-Puissance divine. Par
conséquent, il apparaît clairement que le
Mystère de la Nativité est l'acte
principal dans lequel et par lequel s'exerce la
médiation de Marie, et que, ainsi,
Marie-Médiatrice est la Vierge puissante de la
Nativité.
MARIE-MÉDIATRICE
ET LE PONTIFE ROMAIN
I
MARIE-MÉDIATRICE
: MÈRE DE L'ÉGLISE
(Marie-Médiatrice
et le Pontife Romain)
46. Si nous avons
choisi le texte de Jean 6, 57 pour étudier la
médiation de Marie dans la Sainte
Écriture, c'est parce qu'il s'agit d'une
Révélation trinitaire, objet propre de la
médiation de Marie, qui est mise en relation
directe avec l'action sacramentelle de la communion
eucharistique, qui est le moyen propre mis, par la
Divine Providence, à la disposition de Marie pour
exercer sa médiation (voir nos 29 et 30). Ceci
revient à dire que le passage scripturaire de
Jean 6, 57 est l'expression, divinement
révélée et humainement
codifiée par écrit, de l'acte par lequel
Marie-Médiatrice porte la main sur le
Christ-Eucharistie afin de s'en nourrir et de recevoir
par là la Révélation trinitaire
pleinement contenue dans le Christ, le Verbe de Vie
incarné (voir n° 26). Or, en tant qu'elle est
Médiatrice, Marie ne peut pas ne pas être
la première de toutes les personnes humaines qui
composent le Corps mystique du Christ: si Marie est
Médiatrice - et c'est ce que nous avons
déjà prouvé en analysant le texte
de Jean 6, 57 (voir n° 37) - alors tous passent
nécessairement par elle, et donc après
elle - puisqu'agissant d'une manière corporelle -
pour aller au Christ-Eucharistie et recevoir de lui la
Révélation de la vie trinitaire. Par
conséquent, en agissant ainsi en première,
ou par mode de priorité, vis-à-vis de
l'Eucharistie, Marie-Médiatrice est semblable
à la personne du Pontife Romain - le Pape -
puisque, selon la Tradition, le Vicaire du Christ est le
premier de tous les prêtres, qu'ils soient du
premier ou du second ordre (les prêtres du premier
ordre sont les évêques, et ceux du second
ordre, les autres prêtres) et que tout
prêtre agit toujours d'une manière
première, ou par mode de priorité, envers
l'Eucharistie, ainsi que Saint Thomas d'Aquin le
confirme lorsque, après avoir parlé des
autres cérémonies de la Messe, il dit que:
«Sequitur perceptio sacramenti, primo percipiente
sacerdote, et postmodum aliis dante; quia, ut Dionysus
dicit (...): "ille, qui aliis divina tradit, primo debet
ipse particeps esse."» Vient
ensuite la consommation du sacrement, le prêtre le
consommant en premier, et le donnant après aux
autres; puisque, ainsi que Saint Denis l'affirme (...):
"Celui qui transmet aux autres les choses divines doit
premièrement y participer lui-même." (S. Thomas, Summa Theologica, IIIa, q. 83,
a. 4, corp.)
(Sens plénier
de Jean 6, 57)
47. Selon le
témoignage de la Tradition,
Marie-Médiatrice et la personne du Pape agissent
d'une manière semblable lorsqu'ils communient
à l'Eucharistie et que, par là, ils
reçoivent du Christ la Révélation
du Mystère trinitaire. Mais ce que la Tradition
affirme, nous allons voir, dans ce chapitre et dans le
suivant, que la Sainte Écriture le confirme et le
porte à sa plénitude. Aussi, après
avoir analysé, dans le chapitre
précédent, le passage scripturaire de Jean
6, 57 en considérant principalement la
première proposition de la phrase, nous
étudierons maintenant ce même passage de
Jean 6, 57 dans son entièreté,
c'est-à-dire en tant que Révélation
trinitaire, dans la première proposition, et en
tant que Révélation du Mystère de
la communion eucharistique, dans la seconde proposition.
Or, ce qu'il faut tout d'abord remarquer, c'est que les
deux propositions qui forment la phrase de Jean 6, 57
sont reliées entre elles par des termes de
comparaison: Tout comme...
ainsi... (Bible de Maredsous) -
(voir n° 35). Mais, quant à la
première proposition, comme il s'agit d'une
Révélation trinitaire, la vie divine qui
est décrite ici ne peut être que la vie
divine ad extra ou par mode de naissance (voir n° 36).
Pareillement, quant à la seconde proposition,
comme il s'agit d'une action sacramentelle, la vie
divine qui y est décrite ne peut également
être que la vie divine ad
extra, encore appelée vie
divine participée. Donc, s'il y a comparaison
entre les deux propositions de Jean 6, 57, elle ne peut
absolument pas porter sur la réalité
exprimée, qui est identique pour chacune des deux
propositions, mais seulement sur le mode qui
caractérise la vie divine participée tel
qu'elle est décrite dans l'une et l'autre de ces
deux propositions. Or, il est simple de constater que,
dans la première proposition, la Vie divine est
révélée au moyen du Mystère
de la Nativité du Christ auquel la Vie divine, en
tant qu'elle est révélée en Jean 6,
57, est associée d'une mamère simple et
une (voir n° 37); et que, dans la seconde
proposition, la même Vie divine est
révélée au moyen de l'action
sacramentelle de la communion eucharistique. Par
conséquent, la comparaison dont il est question
en Jean 6, 57 ne peut porter que sur les deux actes
suivants: l'un, celui de la Nativité du Seigneur,
l'autre, celui de la communion sacramentelle.
*
* *
(Aspect corporel de la
communion eucharistique)
48. En vertu de notre
interprétation de Jean 6, 57, la Vie divine
trinitaire apparaît sous deux formes
différentes qu'il convient de comparer entre
elles: la Vie divine trinitaire sous la forme de l'acte
de la Nativité du Christ, et la Vie divine
trinitaire sous la forme de l'acte de la communion
eucharistique. Comme l'acte de la Nativité du
Christ précède, de soi, l'acte de
l'institution de l'Eucharistie comme communion, il est
clair que la Vie divine trinitaire sous la forme de
l'acte de la Nativité va servir de base et de
point de référence pour expliquer et pour
comprendre la Vie divine trinitaire sous la forme de
l'acte de la communion. Ainsi, il faut tout d'abord
remarquer ceci: l'acte du Mystère de la
Nativité du Christ est uniquement corporel. Par
conséquent, quoiqu'il s'agisse d'une
réalité sacramentelle qui est, comme toute
réalité sacramentelle, d'ordre spirituel,
l'acte de la communion eucharistique, en vertu de la
comparaison scripturaire de Jean 6, 57, possède
nécessairement et absolument un caractère
proprement corporel. Donc, lorsque le Christ dit: Celui qui me mange vivra par moi (Jean 6, 57 - Bible de Maredsous - voir
n° 35), il entend parler d'une véritable
manducation corporelle (incluant de soi une manducation
spirituelle), si bien que, tout surpris devant ce
Mystère qu'ils ne comprenaient pas, les Juifs entrèrent en discussion:
"Comment, disaient-ils entre eux, cet homme peut-il nous
donner sa chair à manger ?" (Jn. 6, 52)
(Pourquoi
l'Eucharistie est une nourriture)
49. Initialement (voir
n° 1), nous sommes partis du fait que l'Eucharistie
s'impose à nous comme nourriture: c'est un fait
indéniable, voulu par le Christ en personne. Or,
toujours en vertu de l'autorité du Seigneur
Jésus, nous sommes arrivés au fait que la
vie divine participée dans l'acte de la communion
eucharistique est un acte de vie divine par mode de
naissance, un acte d'ordre spirituel, mais aussi et
nécessairement corporel (voir n° 48). Nous
sommes donc maintenant en présence de deux actes
de vie divine: l'acte de la génération, et
l'acte de la naissance. Mais tout ceci n'a pu se
concevoir que si l'on envisage la vie divine trinitaire
comme étant tout à la fois et
indissociablement acte et puissance (voir n° 43).
Autrement dit, on ne peut concevoir la vie divine selon
les deux actes de génération et de
naissance que dans la mesure où la vie divine est
en acte de génération, et en puissance de
naissance. Car Dieu ne possède et ne
possèdera jamais qu'un et un seul acte de vie, le
premier et l'unique: l'acte de génération.
Cependant, étant donné que l'acte de vie
divine par mode de naissance est réellement
fondé sur la révélation du Seigneur
en Jean 6, 57 en particulier et dans toute la Sainte
Ecriture en général, nous devons
déterminer précisément en quoi et
comment la vie divine est en puissance de naissance.
Ainsi, il est tout
à fait clair, que, humainement parlant, pour
passer de l'acte de la génération à
l'acte de la naissance, c'est-à-dire pour passer
d'un acte de vie à un autre, il est
nécessaire qu'intervienne une puissance passive
correspondant au nouvel acte en question. Or, dans le
cas de la vie divine, cette puissance nécessaire
pour passer à un nouvel acte de vie ne peut que
coexister dans l'acte premier de la
génération divine: Dieu, comme nous venons
de le dire, ne possède et ne possèdera
jamais qu'un et un seul acte de vie. Donc, cette
puissance correspondant à l'acte de vie divine
par mode de naissance est pleinement relative à
l'acte de la génération du Verbe par le
Père. Or, comme l'acte de vie divine par mode de
naissance est exclusivement d'ordre corporel (voir
n° 48), nous devons considérer ici l'acte de
la génération du Verbe par le Père
dans un sens et une signification (c'est-à-dire
dans l'ordre du signe) tout à fait corporelle et
matérielle. Cela veut dire que nous devons
considérer le Verbe de Dieu comme une vraie
parole humainement proférée par la bouche
d'une personne, créée à l'image du
Père. Par conséquent, la première
conclusion est que la puissance ordonnée à
l'acte de vie divine par mode de naissance est
pleinement relative à la bouche de la personne
humaine. Ensuite, étant donné, d'une part,
que ce qui est en puissance est tout l'opposé de
ce qui est en acte; et d'autre part, que le propre de la
parole est de sortir de la bouche de l'homme; ainsi, la
deuxième conclusion est que la puissance
ordonnée à l'acte de vie divine par mode
de naissance ne sort pas de la bouche de l'homme, mais y
entre. Enfin, d'une part, étant donné que
l'acte de vie divine par mode de naissance ne peut pas
ne pas être semblable à l'acte de vie
divine par mode de génération (puisque
Dieu n'a qu'un et un seul acte de vie); et que, par
conséquent, la puissance ordonnée à
l'acte de vie divine par mode de naissance se confond
simplement avec la puissance qui est ordonnée
à l'acte de vie divine par mode de
génération; et d'autre part, étant
donné que la puissance qui coexiste dans l'acte
auquel cette même puissance est ordonnée
empêche perpétuellement cet acte d'exister;
la troisième conclusion est que la puissance
ordonnée à l'acte de vie divine par mode
de naissance n'est autre que la nourriture corporelle et
matérielle, qui, lorsqu'elle est mise en bouche
empêche absolument de parler, du moins d'une
manière correcte et parfaite (ce qui doit
être le cas ici, dans le cadre de la Parole de
Dieu): comme le disent les normes de politesse, on ne
parle pas la bouche pleine.
Par conséquent,
comme, dans la Vie divine trinitaire, acte et puissance
demeurent unis conjointement sans que l'acte premier
cesse d'exister (puisque Dieu n'accomplit
éternellement qu'un et un seul acte de vie), et
sans que la puissance permette l'existence de l'acte
second (ainsi que cela se produirait naturellement dans
la vie humaine), il faut conclure de ce qui
précède que, si, en Dieu ou ad intra, le
Fils est uniquement Parole, par contre, dans la Vie
divine trinitaire ad extra, le Fils est tout à la
fois Parole et nourriture. Mais, comme le Fils, d'une
part en tant que Parole, est Dieu, et donc esprit (Jn. 4, 24);
et comme le même Fils, d'autre part en tant que
nourriture, possède nécessairement un
aspect corporel (puisque la nourriture est relative au
Mystère de la Nativité); tout ceci revient
à dire, premièrement, que, dans la Vie
divine trinitaire ad extra, le Fils est la Parole
révélée par le Père sous
forme de nourriture corporelle qui, dans l'Esprit-Saint,
vivifie
(Credo); et deuxièmement, que, par le fait
même, les paroles de Dieu (Jn. 3, 34 - Concile Vatican II, Dei Verbum,
n. 4), contenues dans la Sainte Écriture, et
exprimant corporellement (puisque de manière
multiple) l'unique Parole spirituelle de Dieu, doivent
être considérées comme une vraie
nourriture d'ordre proprement corporel. Par
conséquent, en vertu de la comparaison de Jean 6,
57 entre l'acte de la Nativité et celui de la
communion, on trouve dans la notion de puissance divine
la raison pour laquelle l'Eucharistie se présente
à nous sous la forme de nourriture, incluant
celle de boisson, puisque le contexte propre de la
médiation de Marie, dont Jean 6, 57 est le
fondement scripturaire, est celui de la vie (voir n°
41), et que, ainsi, on doit considérer le Sang du
Christ, qui est une boisson (Jn. 6, 55), contenu dans son Corps, qui est
une nourriture (ibid.).
Tout ceci est
d'ailleurs confirmé, tant pour le Mystère
de la Nativité que pour celui de la communion
eucharistique, par le fait que le Christ est né
à Bethléem, localité dont le nom
signifie maison du pain: «Christus in Bethlehem nasci voluit,
duplici ratione: primo quidem, quia factus est ex semine David secundum carnem, ut dicitur Rom. 1 (...): secundo, quia, ut
Gregorius dicit (...) Bethlehem
domus panis
interpretatur. Ipse autem Christus est, qui ait Ego sum panis vivus, qui de coelo
descendi.» Le Christ a
voulu naître à Bethléem, pour deux
raisons: premièrement, parce qu'il est descendant de David selon la chair (Rm. 1, 3)...; et deuxièmement, parce
que, comme dit Saint Grégoire...:
«Bethléem s'interprète maison du pain. Le
Christ lui-même a d'ailleurs dit: Je suis le pain vivant qui est descendu du
ciel. (Jn. 6, 51)» (S. Thomas, Summa Theologica, IIIa, q. 35,
a. 7, corp.)
*
* *
(Le Christ et
l'Écrivain sacré)
50. Les paroles
scripturaires de Jean 6, 57, en tant qu'acte de vie
divine révélée, c'est-à-dire
en tant qu'acte de vie divine par mode de naissance,
doivent être considérées comme une
nourriture d'ordre corporel (voir n° 49). Ceci nous
oblige donc à envisager les paroles de Jean 6, 57
comme contenues corporellement et matériellement
dans la Sainte Écriture elle-même,
c'est-à-dire selon un mode incluant aussi, de
soi, le fait que ces mêmes paroles sont des
paroles du Christ en personne. Or, le texte de la Sainte
Écriture, d'une manière
générale, est l'oeuvre de l'Église:
ce sont des personnes humaines différentes du
Christ qui ont rédigé le texte
inspiré, et non pas le Christ lui-même, au
moins d'une manière directe et proprement dite,
c'est-à-dire en tant que texte écrit et
codifié matériellement. Mais, de plus,
étant donné que la Sainte Écriture
est le moyen uniquement corporel mis, par la Divine
Providence, à la disposition de
Marie-Médiatrice pour exercer sa médiation
(voir n° 31), l'Église, en la personne de
l'Écrivain sacré, est mise en relation
avec le Christ, par voie de médiation, lorsque ce
même Écrivain rédige son texte:
c'est par Marie-Médiatrice que l'Église
reçoit du Christ la Révélation du
Mystère trinitaire, d'une manière
exclusivement corporelle (voir nos 24 et 28). Enfin, d'une part, comme le texte
inspiré de Jean 6, 57, en particulier, et toute
Révélation trinitaire scripturaire, en
général, doivent être
considérés comme une nourriture d'ordre
corporel; et d'autre part, comme tout contact d'ordre
nutritif et vital est, de soi, un contact simple et un;
il s'ensuit que, lors de la rédaction du texte de
Jean 6, 57, l'Écrivain sacré, qui fait
partie de l'Église, est uni au
Christ-Médiateur, par Marie-Médiatrice, et
ce, d'une manière absolument simple et une. Par
le fait même, étant donné qu'entre
le Christ et l'Église il existe un contact simple
et un, non seulement selon le rapport de l'être,
mais aussi selon le rapport de la vie (par mode de
nourriture), on peut conclure, de ce qui
précède, que le Christ et l'Ecrivain
sacré, en tant que membre de l'Eglise, agissent
conjointement: lorsque l'Écrivain sacré
écrit, le Christ écrit avec lui; et de
même, lorsque le Christ parle, notamment en Jean
6, 57, l'Écrivain sacré, et
l'Église qu'il représente, parle avec lui.
(La proclamation de la
Parole édifie l'Église)
51. En vertu de ce que
nous venons de dire (voir n° 50), il faut conclure
aussi que le principe relationnel entre le Christ et
l'Écrivain sacré, tel que nous l'avons
décrit, est celui-là même qui
régit la médiation de Marie par rapport
à la Révélation trinitaire par le
moyen de la Sainte Écriture; c'est en effet sur
la base de cette médiation que toute notre
démonstration est fondée. Cependant, comme
la rédaction de la Sainte Écriture est,
aujourd'hui, entièrement accomplie et
achevée, le principe dont nous venons de parler
n'a d'intérêt pratique que dans le cas de
la prédication de la Parole de Dieu - incluant
aussi et nécessairement sa lecture - accomplie
par l'Église au moyen et par
l'intermédiaire de Marie-Médiatrice. Par
conséquent, étant donné que, si le
Christ a parlé avant la rédaction du texte
inspiré, par contre, aujourd'hui, il ne parle
plus en personne et de lui-même, ainsi
l'Église, lorsqu'elle lit et proclame les paroles
de la Sainte Écriture en général,
et celui de Jean 6, 57 en particulier, agit
conjointement au Christ qui parle et prononce les
paroles avec elle, et ce, dans une union simple avec
elle. Cela revient à dire que l'Église
agit comme le Christ et semblablement à lui,
lorsqu'elle prononce les paroles de Jean 6, 57, ou
d'autres paroles de la Sainte Ecriture. L'Église
agit donc alors en second Christ, ou plutôt en
Christ mystique, puisqu'il n'existe en
réalité qu'un seul Christ (voir n°
23). Par le fait même, en prononçant les
paroles de Jean 6, 57, l'Eglise réalise un nouvel
acte de sa vie mystique, et ainsi, elle s'édifie,
grandit, et croît. Or, comme, en prononçant
les paroles de Jean 6, 57, le Christ lui-même
réalise mystiquement l'acte de sa naissance au
monde (voir n° 37), ainsi, l'acte de sa vie mystique
que l'Église réalise en prononçant
ces mêmes paroles n'est autre que l'acte de sa
naissance mystique. Mais, comme l'Église,
lorsqu'elle lit et prononce les paroles de la Sainte
Ecriture qu'elle a elle-même
rédigée, est déjà
née, il ne peut s'agir ici que de l'acte de la
naissance mystique d'un nouveau membre du Corps mystique
du Christ. Enfin, comme le passage de Jean 6, 57 est le
fondement scripturaire de la médiation de Marie,
il est clair que l'édification de l'Église
par le biais de la parole scripturaire, ou encore l'acte
de la naissance mystique, selon un mode proprement
corporel, d'un nouveau membre du Corps mystique du
Christ, s'accomplit par Marie: Marie-Médiatrice
dans l'exercice de sa médiation par rapport
à la Sainte Écriture est le point de
référence et le lieu de passage
obligé pour l'édification de
l'Église dans le Christ. Pour confirmer tout ce
que nous venons de conclure, voici ce que dit le Concile
Vatican II au sujet de la prédication de la
Parole de Dieu: Le Christ est
toujours là auprès de son Eglise, surtout
dans les actions liturgiques (...) Il est là
présent dans sa parole, car c'est lui qui parle
tandis qu'on lit dans l'Église les Saintes
Écritures. (Sacrosanctum
Concilium, n. 7) Et de même, pour ce qui regarde
la relation entre Marie-Médiatrice et
l'édification de l'Eglise: En contemplant la sainteté
mystérieuse de la Vierge (...) l'Église,
grâce au Verbe de Dieu qu'elle reçoit dans
sa foi, devient à son tour une mère: par
la prédication en effet et par le baptême
elle engendre à une vie nouvelle et immortelle
des fils conçus du Saint-Esprit et nés de
Dieu. (Lumen gentium, n. 64) En
résumé, la Sainte Liturgie proclame
simplement, en parlant du Christ: En naissant parmi les hommes, il les appelle
à renaître.
(Préface dominicale n° 4)
(La notion de
médiateur corporel)
52.
L'édification de l'Église par le biais de
la Sainte Écriture s'accomplit par
Marie-Médiatrice: c'est un acte propre à
la médiation de Marie dans son aspect uniquement
corporel (voir n° 51). Or, selon l'aspect corporel
de sa médiation, Marie-Médiatrice trouve
son existence et son agir par le fait de l'union des
termes extrêmes dont elle est médiatrice,
savoir le Christ et l'Église (voir n° 5). En
effet, si on se place au niveau des
réalités strictement corporelles ou
matérielles, ainsi que nous devons le faire ici
en raison de l'aspect uniquement corporel de la Sainte
Écriture, l'élément
médiateur n'est autre que le point milieu
géométrique situé entre les deux
termes extrêmes de la médiation. Or, on ne
peut déterminer la position exacte du milieu
géométrique que si on connaît la
distance précise qui sépare les deux
termes extrêmes l'un de l'autre. Mais, par le fait
même que l'on connaît cette distance entre
les termes extrêmes, on établit
nécessairement un contact et une liaison
corporelle et matérielle entre ces mêmes
termes. Donc, il est clair que, dans le cas d'une
médiation d'ordre uniquement corporel ou
matériel, l'existence, et donc l'agir, de
l'élément médiateur émane
directement et exclusivement de l'union des deux termes
extrêmes de cette médiation. Par le fait
même, il faut affirmer que, selon un mode
uniquement corporel, les deux termes extrêmes de
la médiation s'unissent en vue de l'existence et
de l'agir de l'élément médiateur,
ou encore, qu'ils réalisent leur union pour cet
élément médiateur. Ainsi, quant
à la médiation de Marie par le biais de la
Sainte Ecriture, on doit nécessairement conclure
que le Christ et l'Eglise s'unissent entre eux pour
Marie-Médiatrice, lui donnant ainsi l'existence
et l'agir.
Cependant,
étant donné que le Christ n'est
présent corporellement sur terre que selon un
mode passif, c'est-à-dire par mode de nourriture
considérée comme puissance passive (voir
n° 49), soit d'une manière médiate,
dans la Sainte Ecriture, soit d'une manière
médiate et réelle, dans le sacrement de
l'Eucharistie, il est hors de doute que l'union
corporelle du Christ et de l'Église, union
nécessaire pour donner l'existence et l'agir
à Marie-Médiatrice, ne peut être que
le résultat d'une action accomplie
personnellement par l'Église: corporellement, ou
matériellement, seule une action de
l'Église permet de connaître la distance
géométrique, et par là, le milieu,
entre le Christ et l'Église. Comme l'objet de la
médiation de Marie est le Mystère de la
Sainte Trinité (voir n° 22), cette action de
l'Église vers le Christ doit
nécessairement être pleinement relative
à la Vie divine trinitaire, et donc accomplie
surnaturellement, avec la grâce de Dieu; c'est
pourquoi le Seigneur a lui-même
déclaré: Tout
homme qui écoute les leçons du Père
et s'en instruit vient à moi. (Jn. 6, 45) Enfin, on peut conclure, de tout
ce qui précède, que l'édification
de l'Église par le biais de la Sainte Ecriture,
si elle s'accomplit par Marie-Médiatrice (voir
n° 51), se réalise également pour
Marie-Médiatrice. Par conséquent, en vertu
de la comparaison entre le Mystère de la
Nativité et celui de la communion eucharistique,
on doit affirmer que l'action par laquelle
l'Église va vers le Christ-Eucharistie
présent, selon un mode de puissance passive, sous
forme de nourriture - action dans laquelle l'Eglise
porte la main, par mode de puissance active, sur le
Sacrement, afin de le mettre en bouche et de le manger -
cette action s'accomplit pour Marie-Médiatrice et
procure à l'Église, par le fait
même, son édification dans le Christ. C'est
d'ailleurs ce que nous avons affirmé dans le
sous-titre de ce livre, ainsi que nous l'avons
déjà dit plus haut (voir n° 4 ): Comment l'Église s'offre au
Père, dans le Christ, avec l'Esprit-Saint, pour
Marie-Médiatrice.
(La lecture de la
Sainte Écriture dans la foi)
53. Dans le contexte
propre de la médiation de Marie, en tant que
cette dernière est considérée comme
médiateur d'ordre corporel, c'est l'Église
qui va corporellement vers le Christ pour s'unir
à lui, d'une manière simple et une, dans
l'acte de proclamation des paroles de Jean 6, 57, afin
de donner naissance, par le fait même, à
leur médiateur commun, qui est
Marie-Médiatrice elle-même (voir n°
52). En plus de détails, cela revient à
dire que, pour pouvoir s'unir, d'une manière
simple et une, avec le Christ, l'Eglise, qui est
composée de personnes humaines vivantes
dotées d'un corps matériel et d'une
âme spirituelle, porte les yeux de son corps sur
le texte de la Sainte Ecriture renfermé dans le
livre appelé Bible ou Évangile, afin que,
par l'exercice des trois facultés mentales de la
mémoire, de l'intelligence, et de la
volonté, elle proclame, par l'organe de la
bouche, les paroles du Christ consignées en Jean
6, 57. Donc, il apparaît clairement que l'acte
d'union simple et une entre le Christ et
l'Église, qui prononcent ensemble les paroles de
Jean 6, 57 par l'intermédiaire de
Marie-Médiatrice considérée comme
médiateur d'ordre corporel, est le
résultat d'une double action de l'Église:
l'une corporelle, l'autre spirituelle. Cependant, cette
dernière n'est pas seulement d'ordre naturel,
c'est-à-dire propre à l'âme
spirituelle en tant qu'elle informe le corps organique
de l'homme, mais elle est aussi d'ordre surnaturel. En
effet, lorsque l'esprit de la personne humaine
conçoit en lui les paroles de la Sainte Ecriture
que les yeux du corps perçoivent, il ne peut pas
ne pas penser humainement que ces paroles sont des
paroles humaines, et non pas des paroles de Dieu (Jn.
3, 34), puisque, ayant été dites par le
Christ au moyen de son corps (qui est multiple et
composé), ces mêmes paroles contenues dans
la Sainte Écriture sont essentiellement
multiples, et non pas une, comme l'est, de soi, l'unique
Parole de Dieu. Il est donc nécessaire, de soi,
pour que la lecture du texte de la Sainte
Écriture soit un acte de Révélation
divine ad extra, que l'action de la foi intervienne, de
sorte que, par l'intermédiaire de cette vertu
surnaturelle, l'esprit de la personne humaine qui lit le
texte inspiré puisse penser surnaturellement que
ces paroles, consignées corporellement et
matériellement par écrit, sont
l'expression multiple de l'unique Parole spirituelle de
Dieu. Par conséquent, il faut conclure, de ce qui
précède, que dans le contexte propre de la
médiation de Marie agissant comme
médiateur d'ordre corporel, l'acte d'union simple
et une entre le Christ et l'Église qui proclament
ensemble les paroles de Jean 6, 57 ne peut pas ne pas
être le résultat d'une action, tant du
corps, que de l'esprit - considéré
naturellement et surnaturellement - de toutes et de
chacune des personnes humaines qui composent
l'Église, et qui accomplissent ainsi en
perfection cette sentence du Psalmiste: J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé. (Ps. 115, 1)
(Aspect corporel de la
vertu de foi)
54. Notons que la foi
dont il s'agit ici (voir n° 53) appartient en propre
au contexte de la médiation de Marie
considérée comme médiateur d'ordre
corporel, puisque cette même foi,
quoiqu'essentiellement spirituelle, possède
véritablement un aspect corporel. En effet,
l'acte de foi de la personne humaine en question
s'accomplit nécessairement entre l'action
corporelle par laquelle cette personne humaine porte les
yeux sur le texte de la Sainte Écriture, et
l'action - elle aussi et nécessairement
corporelle - par laquelle la même personne humaine
prononce, par l'organe corporel de la bouche, les
paroles du Christ en Jean 6, 57. Or, d'une part, comme
l'acte de vision, par le moyen des yeux, est
réalisé dans l'intention d'accomplir, par
le moyen de la bouche, l'acte d'élocution, on
doit considérer ce même acte
d'élocution comme inclus dans l'acte de vision;
et d'autre part, comme l'acte d'élocution ne peut
s'accomplir que s'il est précédé
par l'acte de vision, on doit, au contraire,
considérer ce même acte de vision comme
inclus dans l'acte d'élocution. De plus,
étant donné que l'objet de l'acte de
vision est identique - quant à la substance, qui
n'est autre que la Parole de Dieu
révélée dans le Christ - à
celui de l'acte d'élocution; et que ce même
objet est en contact simple et un, par mode de
nourriture qui donne la vie, avec la personne humaine -
considérée, par le fait même, dans
son absolue plénitude - réalisant tant
l'acte de vision que celui d'élocution; il faut
donc affirmer qu'il y a, de soi, inclusion
réciproque simple entre l'acte de vision et
l'acte d'élocution, et que, par le fait
même, l'acte de foi de la personne humaine est
compris, d'une manière absolument simple, entre
les deux actes susdits. Ainsi, il est clair que la foi
possède véritablement un aspect corporel
qui lui est communiqué en vertu de l'inclusion
réciproque - que nous venons d'évoquer -
entre les deux actes essentiellement corporels (celui de
vision et celui d'élocution), unis entre eux
d'une manière absolument simple et une.
Finalement, tout ceci nous permet de conclure que
l'édification de l'Église, qui s'accomplit
- par le moyen de la Sainte Écriture - par et
pour Marie-Médiatrice (voir n° 52), se
réalise dans et par la foi, si on
considère cette dernière dans son aspect
corporel, c'est-à-dire relativement à la
médiation de Marie envisagée comme
médiateur d'ordre corporel. Notre conclusion se
trouve parfaitement confirmée par ces paroles du
Seigneur, qui déclare: C'est
moi le pain de vie: qui vient à moi n'aura jamais
faim, et qui croit en moi n'aura jamais soif. (Jn. 6, 35) Par ces paroles, le Seigneur
exprime en effet en quoi consiste la double action -
corporelle et spirituelle - de l'Église qui va
vers Lui: il s'agit d'une action par laquelle
l'Église communie à la Vie divine du
Christ par mode de nourriture ou de boisson; de
même, en mettant en relation l'acte spirituel de
la vertu de foi (qui croit en
moi) avec l'acte corporel de la
réfection, jusqu'à satiété,
par mode de boisson, le Christ exprime toute la
vérité de l'aspect corporel de la vertu
spirituelle de foi.
*
* *
(Lien entre la Sainte
Écriture et l'Eucharistie)
55. L'acte de
proclamation des paroles de Jean 6, 57 - acte accompli
par le Christ et par l'Eglise unis entre eux d'une
manière simple et une - est le résultat
d'une double action, l'une corporelle, et l'autre
spirituelle (tant naturelle que surnaturelle), de
l'Église qui va vers le Christ par
l'intermédiaire de Marie-Médiatrice
considérée comme médiateur d'ordre
corporel (voir n° 53). Mais, nous avons vu
précédemment (voir n° 52) que l'acte
de proclamation des paroles de Jean 6, 57 est accompli
conjointement et simultanément par le Christ et
par l'Église pour Marie-Médiatrice, lui
donnant ainsi l'existence et l'agir. Par
conséquent, on doit considérer comme une
donnée certaine que l'existence et l'agir de
Marie-Médiatrice, envisagée comme
médiateur d'ordre corporel, dépendent
pleinement d'une action de l'Église qui, dans
l'acte de proclamation des paroles de Jean 6, 57, va
vers le Christ selon un mode corporel et spirituel -
naturellement et surnaturellement - et ce, d'une
manière conjointe et simultanée, en vertu
de l'aspect corporel de la vertu surnaturelle de foi
(voir n° 54). Or, naturellement parlant, l'action
corporelle de la personne humaine dépend en tout
de l'action spirituelle correspondante: c'est la
dépendance de l'action du corps vis-à-vis
de l'action de l'âme en tant que cette
dernière est le principe qui anime le corps et le
porte à l'action. Donc, dans l'acte de
proclamation des paroles de Jean 6, 57, l'action de
l'Église qui lit et mémorise dans son
esprit le texte de la Sainte Ecriture en Jean 6, 57 est
celle dont dépend l'action par laquelle
l'Église proclame, avec son corps, en union
simple et une avec le Christ, ces mêmes paroles de
Jean 6, 57. Par le fait même, il apparaît
clairement que l'existence et l'agir de
Marie-Médiatrice, exerçant sa
médiation par le biais de la Sainte
Écriture, dépend en tout et pleinement de
l'action spirituelle de l'Eglise, qui consiste à
lire et à mémoriser le texte de la Sainte
Écriture en Jean 6, 57. Mais, cette
dernière action que l'Église accomplit -
d'une manière naturelle et surnaturelle -
à l'aide de la Sainte Écriture ne peut pas
ne pas être une action faite par
l'intermédiaire de Marie-Médiatrice
considérée comme médiateur d'ordre
corporel (voir n° 31): cette action spirituelle de
l'Église - telle que nous l'avons décrite
- dépend absolument et en tout de l'agir de
Marie-Médiatrice. Il s'ensuit donc que, par le
biais de cette action spirituelle de l'Église
(action qui est, de soi, simple et une, car
spirituelle), l'existence de Marie-Médiatrice
dépend pleinement et absolument de son agir en
tant que médiateur d'ordre corporel dans l'acte
de proclamation dont il s'agit. Cela revient à
dire que, selon le même et unique rapport de
l'acte de proclamation des paroles du Christ en Jean 6,
57, l'existence et l'agir de Marie-Médiatrice se
confondent, et ce, d'une manière simple et une,
en vertu du caractère simple et un de ce
même acte de proclamation des paroles de Jean 6,
57. Or, étant donné que l'être dont
l'existence se confond simplement avec l'agir n'est
autre que l'Être par excellence,
c'est-à-dire Dieu, Marie-Médiatrice, dans
cet acte de proclamation des paroles de Jean 6, 57
accompli par l'Église dans une union simple et
une avec le Christ, doit être
déclarée - tant naturellement que
surnaturellement - créature à la ressemblance de Dieu (Gn. 5, 1).
(Lien entre la Sainte
Écriture et l'Eucharistie - Suite)
56. Comme l'acte de
proclamation des paroles de Jean 6, 57, accompli par
l'Église (dont Marie-Médiatrice fait
partie) dans une union simple et une avec le Christ, est
un acte de participation à la Vie divine
trinitaire par mode de Révélation (voir
n° 51), et donc, par le fait même, un acte de
communion de l'Église au Dieu-Trinité
essentiellement simple et un en lui-même (ibidem),
il est clair que Marie-Médiatrice doit être
considérée ici comme semblable à
Dieu-Trinité qui, dans ce même acte de
proclamation des paroles de Jean 6, 57, apparaît
dans son aspect multiple (en tant que Parole
révélée par le Père dans
l'Esprit-Saint) et dans son aspect un (en tant
qu'Être vivant par excellence). Par
conséquent, étant donné que, dans
la personne humaine envisagée naturellement et
surnaturellement, ce qui est un, c'est son âme
spirituelle sanctifiée par la grâce, et ce
qui est multiple, c'est son corps animal, organique et
matériel, Marie-Médiatrice, dans l'acte de
proclamation des paroles de Jean 6, 57 dont il s'agit
ici, ne doit être et ne peut être
déclarée semblable à
Dieu-Trinité que si on la considère et
selon son corps, et selon son âme (voir n°
33). Finalement, comme, d'une part,
Marie-Médiatrice, lorsqu'elle exerce sa
médiation par le biais de la Sainte
Écriture, ne doit être et ne peut
être envisagée que selon son corps (voir
n° 32); et comme, d'autre part,
Marie-Médiatrice, lorsqu'elle exerce sa
médiation par le biais de l'acte de la communion
eucharistique, doit nécessairement être
envisagée et selon son corps, et selon son
âme (en vertu du double caractère corporel
et spirituel de l'action sacramentelle de la communion
eucharistique - voir n° 48); on doit conclure, de
tout ce qui précède, que, dans l'acte de
proclamation des paroles du Christ en Jean 6, 57
accompli par l'Église en union simple et une avec
le même Christ, Marie-Médiatrice exerce sa
médiation par le biais de l'acte de la communion
eucharistique. Par le fait même, tout ceci
démontre l'intime connexion entre l'acte de la
proclamation de la Parole de Dieu et l'acte de la
communion sacramentelle, ou communion eucharistique,
connexion intime toujours vécue et
célébrée dans la liturgie de la
Messe, ainsi qu'en témoigne le texte suivant: Les deux parties qui constituent en quelque
sorte la messe, c'est-à-dire la liturgie de la
parole et la liturgie eucharistique, sont si
étroitement unies entre elles qu'elles font un
seul acte de culte. (Concile
Vatican II, Sacrosanctum Concilium, n. 56)
(Église-Mystère
et
Église-Sacrement)
57. Pour conclure cet
ensemble de considérations, disons que, pour ce
qui regarde l'édification de l'Église qui
s'accomplit - par et pour Marie-Médiatrice - dans
et par l'acte d'union simple entre le Christ et
l'Église prononçant tous deux les paroles
de Jean 6, 57 ou toute autre parole de la Sainte
Écriture, cette même édification de
l'Église se réalise, de soi, d'une
manière proprement sacramentelle, puisque tout
ceci - ainsi que nous venons de le voir (voir n° 56)
- ne peut s'accomplir que par le moyen de l'acte
sacramentel de la communion eucharistique, moyen
utilisé par Marie-Médiatrice
considérée, dans l'exercice de sa
médiation, comme médiateur d'ordre
corporel. Aussi, lorsqu'on parle de l'Église comme le sacrement universel
du salut (Concile Vatican II,
Lumen gentium, n. 48), l'expression sacrement doit
être prise, non seulement dans son sens spirituel
de mystère, mais aussi et nécessairement dans son
sens corporel de signe, et ce, en vertu de l'aspect corporel qui est
essentiel à l'action sacramentelle de la
communion eucharistique (voir n° 48). Autrement dit,
l'Église qui s'édifie par le moyen de la
communion eucharistique, considérée dans
son rapport avec la médiation de Marie par le
biais de la Sainte Écriture, appartient
réellement et véritablement à
l'ordre du signe qui tombe sous les sens des hommes du
monde entier au milieu desquels cette même
Église vit quotidiennement, de sorte que, par le
fait même, elle manifeste extérieurement,
d'une manière visible, le Mystère
spirituel qui est le sien propre et qu'elle contient
intérieurement, selon un mode invisible, tout
comme le corps renferme en lui l'âme de la
personne humaine. On parlera alors plus
précisément de l'Église qui est aux yeux de tous et de chacun, le sacrement
visible de cette unité salutaire (Concile Vatican II, Lumen gentium, n. 9).
(Marie-Médiatrice
Mère
de l'Église)
58. Finalement, en
partant de l'acte initial et fondamental de la
Nativité du Christ (voir n° 48), et en
aboutissant à l'acte final et complet de la
communion eucharistique (voir n° 56), nous avons
achevé le thème de notre comparaison entre
ces deux mêmes actes de la Nativité et de
la communion (voir n° 47), actes envisagés
ici dans leur aspect proprement corporel. Par le fait
même, nous avons pu montrer en détails que
Marie-Médiatrice est véritablement - dans
toute l'acception du terme - Mère
de l'Église
(Catéchisme de l'Eglise Catholique, n. 963 - S.S.
Paul VI, Discours du 21 novembre 1964), tout comme elle
est - et tout aussi véritablement - Mère
du Christ: Marie, considérée comme
médiateur d'ordre corporel, met au monde, d'une
manière mystique, tous et chacun des membres de
l'Église du Christ, et ce, selon un mode
pleinement relatif à l'acte de naissance,
c'est-à-dire selon un mode proprement corporel.
Ainsi, comme l'Église se
construit à travers la communion sacramentelle
avec le Fils de Dieu immolé pour nous (S.S. Jean-Paul II, Encyclique Ecclesia de Eucharistia, n. 21), Marie met mystérieusement -
mystiquement - au monde tous et chacun des
fidèles du Christ qui cherchent à imiter
parfaitement la Vierge-Mère tout en la
reconnaissant ainsi pour leur Médiatrice
auprès du Fils de Dieu: Le
regard extasié de Marie, contemplant le visage du
Christ qui vient de naître et le serrant dans ses
bras, n'est-il pas le modèle d'amour
inégalable qui doit inspirer chacune de nos
communions eucharistiques ?
(Ibidem, n. 55) Si Marie apparaît comme la
Mère de l'Eglise, d'une manière
particulière, dans l'acte de la Nativité
du Christ, par contre, d'une manière tout
à fait générale, par sa vie tout entière, Marie est une
femme «eucharistique»
(Ibidem, n. 53).
MARIE-MÉDIATRICE
ET LE PONTIFE ROMAIN
II
LE PAPE : ÉPOUX
DE MARIE DANS LE CHRIST
(Le ministère
papal en Marie et avec Marie)
59. Le présent
chapitre, ainsi que le précédent, a pour
objet l'étude de la relation entre
Marie-Médiatrice et le Pontife Romain (voir
n° 47). Cependant, jusqu'ici, nous n'avons fait
qu'annoncer cette étude, sans la réaliser
encore (voir n° 46). Dans le chapitre qui vient de
s'achever, Marie-Médiatrice nous est apparue
comme la Mère de l'Église (voir n°
58), et donc comme la Mère de tous et de chacun
des Pontifes Romains qui doivent tenir la place du
Christ sur terre depuis la Pentecôte
jusqu'à la fin des temps. On peut ainsi concevoir
le précédent chapitre comme une
préparation immédiate à celui que
nous ouvrons maintenant: ces deux chapitres doivent en
effet être considérés dans une
dépendance étroite l'un de l'autre. La
preuve en est que, jusqu'à présent, nous
n'avons analysé que la relation entre le Christ
et l'Église qui s'accomplit par Marie (voir
n° 51) et pour Marie (voir n° 52). Or, la
Tradition enseigne, avec Saint Louis-Marie Grignon de
Montfort, qu'il est recommandable de faire toutes nos
actions - dont la plus excellente est certes la
communion eucharistique - par
Marie, avec Marie, en Marie et pour Marie (voir n° 12). Par conséquent, il
est clair que, dans le présent chapitre, et en
relation avec le précédent, il nous reste
à considérer la relation entre le Christ
et l'Église qui s'accomplit en Marie et avec
Marie, et ce, dans le cadre de la relation
spécifique entre Marie-Médiatrice et le
Pontife Romain.
(Pourquoi Marie
devrait être prêtre)
60. La première
chose à noter ici, c'est que
Marie-Médiatrice, quoiqu'elle ne soit pas
prêtre (du premier ou du second ordre), devrait
néanmoins l'être pour pouvoir exercer sa
médiation telle que nous l'avons décrite
depuis le début de ces Préliminaires. En effet, d'après ce que nous avons
dit précédemment, tout l'exercice propre
de la médiation de Marie consiste à
permettre l'édification de l'Église dans
le Christ, et ce, dans l'acte même de proclamation
- accompli par l'Église - des paroles de Jean 6,
57 en particulier (en tant que fondement scripturaire de
la médiation de Marie), ou de toute autre
révélation trinitaire en
général (voir nos 51 et 52). Or, l'édification de
l'Église, telle que nous venons d'en parler,
quoique s'accomplissant dans un acte de proclamation de
la Parole de Dieu révélée
corporellement dans le Christ, ne peut absolument pas se
réaliser sans le moyen proprement sacramentel de
la communion eucharistique, qui est le moyen mis par la
Divine Providence à la disposition de
Marie-Médiatrice pour révéler, dans
le Christ, tout le Mystère de la Sainte
Trinité (voir nos 26 et 56). Cependant, l'usage - par voie de
médiation, c'est-à-dire non seulement pour
soi, mais aussi pour les autres - du sacrement de
l'Eucharistie envisagé comme communion doit
être regardé comme étant le propre
du prêtre, qu'il soit du premier ou du second
ordre. C'est ce dont Saint Thomas d'Aquin
témoigne, lorsqu'il dit: «Ad sacerdotem
pertinet dispensatio corporis Christi, propter tria
(...) Secundo, quia sacerdos constituitur medius inter
Deum, et populum; unde sicut ad eum pertinet dona populi
Deo offere, ita ad eum pertinet dona sanctificata
divinitus populo tradere.» C'est au prêtre que revient la
dispensation du corps du Christ, et ce, pour trois
raisons (...) Deuxièmement, parce que le
prêtre est constitué intermédiaire
entre Dieu et le peuple; de là, tout comme il lui
revient d'offrir à Dieu les dons du peuple, ainsi
il lui revient de transmettre au peuple les dons
divinement sanctifiés.
(S. Thomas, Summa Theologica, IIIa, q. 82, a. 3, corp.)
On peut donc conclure, de ce qui précède,
que Marie-Médiatrice, pour pouvoir exercer sa
médiation relativement à
l'édification de l'Église dans le Christ,
doit être personnellement prêtre, soit du
premier, soit du second ordre.
(Pourquoi Marie ne
peut pas être prêtre)
61. Relativement
à l'exercice de sa médiation, telle que
nous l'avons exposée dans cet ouvrage,
Marie-Médiatrice doit être prêtre,
soit du premier, soit du second ordre, et ce, d'une
manière proprement personnelle. Mais, parce que -
quoique tout prêtre soit médiateur (voir
n° 60, où nous citons Saint Thomas d'Aquin) -
tout médiateur n'est pas prêtre, ce n'est
pas le fait que Marie soit médiatrice qui permet
de considérer Marie comme prêtre.
Bien plus, c'est parce
que Marie est médiatrice qu'elle n'est pas
prêtre.
En effet, nous avons
clairement établi plus haut (voir la conclusion
du n° 45) que le Mystère de la
Nativité du Christ est l'acte principal dans
lequel et par lequel s'exerce la médiation de
Marie. Or, nous savons que c'est lors de la
Dernière Cène, juste avant sa Passion, que
le Seigneur institua les Apôtres premiers
prêtres de la Nouvelle Alliance: Le Seigneur, ayant aimé les siens, les
aima jusqu'à la fin. Sachant que l'heure
était venue de partir de ce monde pour retourner
à son Père, (...) Il institua
l'Eucharistie comme mémorial de sa mort et de sa
résurrection, et Il ordonna à ses
apôtres de le célébrer
jusqu'à son retour, les
établissant alors prêtres du Nouveau
Testament (Concile de Trente -
Denzinger 1740)
(Catéchisme de l'Église Catholique, n°
1337). Par conséquent, dans l'acte même de
la Nativité du Christ, et donc
nécessairement avant l'institution sacerdotale
qui eut lieu lors de la Dernière Cène,
Marie-Médiatrice ne peut absolument pas
être considérée comme prêtre,
mais bien et uniquement comme médiateur d'ordre
corporel (voir n° 52). Ceci revient à dire
que Marie, quoique médiatrice, n'est pas
prêtre parce qu'elle est femme, parce qu'elle est
la «femme» de laquelle est né
l'envoyé de Dieu: le Christ (cf. Ga. 4, 4). En
effet, S. S. Jean-Paul II a déclaré, le 22
mai 1994, solennité de la Pentecôte: Afin qu'il ne subsiste aucun doute sur une
question de grande importance qui concerne la
constitution divine elle-même de l'Église,
je déclare, en vertu de ma mission de confirmer
mes frères (cf. Lc 22,32), que l'Église
n'a en aucune manière le pouvoir de
conférer l'ordination sacerdotale à des
femmes et que cette position doit être
définitivement tenue par tous les fidèles
de l'Église. (Lettre
Apostolique Ordinatio
sacerdotalis, sur l'ordination
sacerdotale exclusivement réservée aux
hommes, 22 mai 1994)
(L'union sponsale
entre le Pape et Marie)
62. Relativement
à sa médiation, et pour pouvoir l'exercer
réellement, Marie-Médiatrice doit
être prêtre, soit du premier, soit du second
ordre (voir n° 60). Cependant, il est tout à
fait hors de doute que, parce qu'elle est femme, elle
n'est pas et ne peut pas être prêtre (voir
n° 61). Il est donc nécessaire de faire
intervenir ici une notion permettant de concilier
pleinement ces deux sentences contradictoires. Or, cette
notion n'est autre que celle de l'union sponsale, union
par laquelle et dans laquelle Marie-Médiatrice
pourrait être simplement associée et unie
avec une autre personne humaine, qui lui serait
simplement semblable et qui, étant prêtre,
soit du premier, soit du second ordre, permettrait ainsi
à Marie-Médiatrice d'être elle aussi
prêtre, quoiqu'indirectement, mais cependant d'une
manière proprement personnelle. Par
conséquent, étant donné que
Marie-Médiatrice est la première de tous
les fidèles du Christ, il apparaît
clairement que, pour pouvoir exercer sa
médiation, Marie-Médiatrice doit
être la propre épouse du Pontife Romain, le
Pape, qui est le premier de tous les prêtres (voir
n° 46). Autrement dit, c'est en vertu de son union
sponsale avec le Pontife Romain, Vicaire du Christ sur
la terre, que Marie-Médiatrice exerce son
sacerdoce personnel - par mode de médiation
considérée dans son acte principal - en
mettant au monde le Christ, le Verbe incarné.
*
* *
(Le Pape et Marie:
hier et aujourd'hui)
63. L'union sponsale
entre le Pape et Marie-Médiatrice n'est pas un
fait nouveau, une donnée étrangère
à la doctrine traditionnelle de l'Église.
Au contraire, cette union sponsale est présente -
ainsi que nous allons le voir - dans l'acte premier et
fondamental de la médiation de Marie, qui est
l'acte de la Nativité du Christ, non pas
déjà d'une manière apparente (comme
elle l'est et le devient par cette recherche
même), mais bien encore sous un mode caché
et invisible, tout spirituel.
(Caractère
sponsal de la médiation de Marie)
64. Dans l'acte de la
Nativité du Christ, Marie agit en
médiateur d'ordre corporel, puisque cet acte de
la Nativité est l'acte principal dans lequel et
par lequel Marie exerce sa médiation (voir n°
45), et que ce même acte de la Nativité est
un acte uniquement corporel. Or, le médiateur
d'ordre corporel requiert, de soi, l'être et
l'agir - ordonnés à une commune union -
des deux termes extrêmes de la médiation
pour que, par voie de médiation, le terme
médiateur puisse être et agir en tant que
tel (voir n° 52). De plus, la personne humaine, qui
n'est pas le Christ, et qui possède une
intimité absolument unique - d'ordre corporel -
avec Marie-Médiatrice est et ne peut pas ne pas
être son propre époux humain, Joseph (cf.
Lc. 2, 4-5), puisque l'époux et l'épouse ne sont plus deux, mais une seule chair (Mt. 19, 6). Enfin, remarquons bien que,
comme l'agir dépend en tout et pleinement de
l'être, les deux termes extrêmes de la
médiation de Marie, qui sont le Christ et Joseph,
sont - selon l'être - unis corporellement à
Marie avant même que Marie-Médiatrice
agisse dans l'acte de la Nativité du Christ:
l'Incarnation du Verbe et l'union sponsale de Joseph et
de Marie ont toutes deux lieu avant la naissance du
Christ, l'Incarnation en premier (puisque Dieu est
premier en tout) et l'union sponsale en second (puisque
la créature dépend du Créateur).
Par conséquent, il est bien clair que, dès
l'acte premier et principal de sa médiation, et
dans ce même acte (qui est celui de la
Nativité du Christ), Marie-Médiatrice,
considérée selon l'être et selon
l'agir, réalise sa médiation d'une
manière pleinement sponsale.
(Le mariage spirituel
de Joseph et de Marie)
65. Dans l'acte de la
Nativité du Christ, Marie-Médiatrice agit
en tant que Mère, en mettant au monde un
être humain, mais elle agit aussi en tant que
Vierge, en révélant - par mode de
naissance - l'Être divin en la personne du Verbe
de Vie: Marie est la Vierge de la
Révélation (voir n° 39). Ceci revient
à dire que, étant donné la
virginité permanente de Marie-Médiatrice,
et donc, étant donné l'inexistence absolue
d'un quelconque contact charnel entre Joseph et Marie,
l'union entre ces deux époux ne peut pas ne pas
être essentiellement spirituelle. Mais, comme le
mariage possède un aspect essentiellement
corporel (puisque les époux ne font plus qu'une chair (Gn. 2, 24)), on serait amené
à conclure, de tout ce qui précède,
que l'union sponsale entre Joseph et
Marie-Médiatrice ne serait pas véritable.
Or, il n'en est rien.
(Véracité
de l'union entre Joseph et Marie)
66. En effet, dans
l'acte de la Nativité du Christ, Marie agit comme
médiateur d'ordre corporel. Or, ceci revient
à dire que, dans cet acte de la Nativité,
Marie-Médiatrice agit à la manière
humaine. De plus, nous avons établi
précédemment que le concept même de
Marie-Médiatrice est régi, de soi, par la
règle d'association simple et une de la
Révélation divine et de la philosophie
humaine (voir nos 39 et 40). Par conséquent,
Marie-Médiatrice, dans l'acte de la
Nativité, agit tant divinement qu'humainement:
elle agit en tant que Mère de Dieu et en tant que
Mère de l'Humanité du Christ. Par le fait
même, comme il s'agit ici de la Divinité
considérée directement selon le rapport
propre de la vie, nous pouvons affirmer que, dans l'acte
de la Nativité, Dieu réalise, par Marie,
dans le Christ, son acte de vie par mode de naissance.
Mais, comme Dieu, qui est éternel, n'a qu'un et
un seul acte de vie, en réalisant son acte de vie
par mode de naissance, il réalise aussi,
conjointement, et d'une manière indissociable,
son unique acte de vie par mode de
génération, ou de conception (voir n°
36). De plus, comme cet acte de vie divine par mode de
génération doit être
considéré ici comme se réalisant -
dans le Christ - par Marie-Médiatrice, et comme,
de soi, la médiation de Marie est régie
par la règle d'association simple et une entre la
Révélation divine et la philosophie
humaine, il est tout à fait permis de dire que
l'acte de vie divine par mode de
génération, ou de conception, se
réalise, de soi, dans l'acte de l'Incarnation du
Verbe, acte dans lequel et par lequel le Christ dans son
Humanité est engendré ou conçu par
Marie-Médiatrice, dans la Puissance de
l'Esprit-Saint (cf. Lc. 1, 35) Ainsi, on peut conclure
de tout ce qui précède, que, par le biais
de l'unique acte de vie divine (considéré
soit par mode de génération, soit par mode
de naissance), l'acte de l'Incarnation du Verbe et
l'acte de la Nativité du Christ sont unis entre
eux d'une manière absolument simple et une, et
ce, relativement à la médiation de Marie
considérée comme médiateur d'ordre
corporel. Or, précisément parce que, tant
l'Incarnation que la Nativité sont toutes deux
des actions corporelles, ces deux mêmes actions ne
peuvent pas ne pas se dérouler dans le temps, et,
qui plus est, en des temps distincts pour chacune
d'elles. Finalement, il apparaît clairement que,
étant donné que l'Incarnation
précède, dans le temps, la
Nativité, s'il faut, ainsi que nous l'avons dit,
considérer ces deux actions comme unies
simplement entre elles, nous ne pouvons pas concevoir le
fait autrement qu'en disant que l'acte de la
Nativité du Christ est anticipé dans
l'acte même de l'Incarnation du Verbe. C'est
d'ailleurs ce que confirme le discours de l'Ange Gabriel
à Marie, lors de l'Incarnation du Verbe; l'acte
principal de la médiation de Marie dans son
aspect corporel y est clairement exprimé en ces
termes: L'être saint qui
naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. (Lc. 1, 35) Donc, si on considère
l'acte principal de la médiation de Marie
anticipé dans l'acte même de l'Incarnation
du Verbe, on peut dire que, en tant que médiateur
d'ordre corporel, Marie-Médiatrice réalise
mystiquement (selon l'ordre de sa médiation) une
union corporelle entre les termes extrêmes de sa
médiation, qui sont le Christ et Joseph. Par le
fait même, dès avant son union sponsale
avec Marie, Joseph était uni corporellement -
quoique mystiquement - à sa future épouse,
fait qui permet de concevoir l'union sponsale entre
Joseph et Marie comme pleinement véritable.
*
* *
(L'union sponsale de
Joseph et de Marie synthèse)
67. Nous venons de
voir que Marie-Médiatrice, dans l'acte principal
de sa médiation, qui est l'acte de la
Nativité du Christ, réalise et exerce sa
médiation d'une manière pleinement
sponsale (voir n° 64). Pareillement, nous avons vu
que l'union sponsale entre Joseph et
Marie-Médiatrice est essentiellement spirituelle
(voir n° 65) et essentiellement corporelle (voir
n° 66), et ce, relativement à l'acte de la
Nativité du Christ, acte considéré,
soit en lui-même pour ce qui regarde le
caractère spirituel de l'union sponsale entre
Joseph et Marie-Médiatrice, soit dans l'acte
propre de l'Incarnation du Verbe, et conjointement
à ce même acte, pour ce qui regarde le
caractère corporel de cette union sponsale. Par
conséquent, tout ceci revient à dire que,
si on doit envisager d'une manière sponsale
l'exercice en acte de la médiation de Marie, il
faut tenir pour certain que cette même
médiation de Marie doit être
considérée, et selon son aspect corporel
(qui lui est propre et essentiel - voir n° 24), et
selon son aspect spirituel, c'est-à-dire l'aspect
selon lequel la médiation de Marie s'identifie
simplement à la médiation du Christ
lui-même (ibid.). Et ceci nous amène
à signaler trois conséquences relatives
à la médiation de Marie
considérée dans son exercice d'une
manière sponsale.
(Première
conséquence: référence au
péché)
68.
Premièrement, si la médiation de Marie,
lorsqu'elle est envisagée uniquement selon son
aspect proprement corporel, doit nécessairement
être considérée en dehors de toute
référence à la notion de
péché (voir n° 41), par contre,
lorsqu'elle est envisagée aussi selon son aspect
proprement spirituel, alors la médiation de Marie
doit nécessairement être
considérée en pleine
référence à la notion de
péché, puisque, en ce cas, ainsi que nous
venons de le rappeler, la médiation de Marie se
confond simplement avec la médiation du Christ
(voir n° 24), laquelle s'exerce et se réalise
par mode de rédemption, c'est-à-dire au
prix du sacrifice rédempteur de la Croix offert
au Père, dans l'Esprit-Saint, en satisfaction des
péchés. Comme l'aspect corporel de la
médiation de Marie est le propre de l'acte de la
Nativité du Christ considéré dans
l'acte même de l'Incarnation du Verbe (voir n°
67), et comme l'aspect spirituel de la médiation
de Marie est le propre de l'acte de la Nativité
du Christ considéré en lui-même
(ibid.), il faut conclure, comme conséquence du
fait que la médiation de Marie s'exerce de
manière sponsale, que les deux Mystères
évoqués ci-dessus, savoir celui de
l'Incarnation et celui de la Nativité,
diffèrent entre eux relativement à la
notion de péché: l'Incarnation du Verbe
doit être envisagée en dehors de toute
référence à la notion de
péché, et la Nativité du Christ
doit être considérée, quant à
elle, en pleine référence à la
notion de péché. Ainsi le Pape Jean-Paul
II déclare, au sujet de l'Incarnation, d'abord,
et de la Nativité, ensuite: Dieu s'est fait homme pour nous communiquer,
en Jésus, sa vie divine, puis sa gloire
éternelle ! .... Pour sauver l'humanité,
notre Rédempteur est né à
Bethléem de la Très Sainte Vierge ! (Allocution du 22 décembre 1993). Ce
que la Tradition affirme, la Sainte Écriture le
confirme. En effet, lors de l'Incarnation du Verbe, la
notion de péché, dans le discours de
l'Ange Gabriel, quoiqu'implicitement contenue dans le
nom de Jésus (Lc. 1, 31) (tout comme l'acte de la
Nativité lorsqu'il est considéré
dans l'acte propre de l'Incarnation du Verbe - cf. Lc.
1, 35 - voir n° 66), la notion de
péché, disions-nous, n'est nullement
mentionnée de manière explicite. Par
contre, dans le discours de l'Ange adressé en
songe à Joseph, alors la notion de
péché est tout à fait explicite,
puisque le Christ est annoncé comme celui qui sauvera son peuple de ses
péchés (Mt. 1,
21), toutes choses qui concernent pleinement la
Nativité du Christ, Joseph se demandant, en ce
moment précis, s'il va, oui ou non, assumer la
paternité d'un enfant qui va naître et qui
n'a pas été procréé par son
concours.
(Deuxième
conséquence: nécessité du Pontife
Romain)
69.
Deuxièmement, si on considère
Marie-Médiatrice selon l'aspect corporel de sa
médiation, il existe - mystiquement,
c'est-à-dire relativement à la
médiation de Marie - une union corporelle entre
le Christ et Marie-Médiatrice, d'une part, et une
union corporelle entre Joseph et
Marie-Médiatrice, d'autre part (voir n° 66).
Or, étant donné que le concept de
Marie-Médiatrice ne peut absolument pas
être appréhendé en dehors de la
règle d'association simple et une entre la
Révélation divine et la philosophie
humaine (ainsi que nous l'avons rappelé - voir
n° 66), et étant donné que,
relativement à ladite règle, la
référence de base est, de soi, la
philosophie humaine (voir n° 40), nous devons
considérer ces deux unions corporelles, savoir
celle entre le Christ et Marie-Médiatrice, et
celle entre Joseph et Marie-Médiatrice, comme
étant ordonnées entre elles d'une
manière humaine. Ceci revient à dire que,
si - mystiquement - ces deux unions corporelles doivent
être considérées comme se
réalisant simultanément (selon le rapport
d'éternité), par contre, il faut
nécessairement envisager ces deux mêmes
unions comme s'accomplissant en des temps absolument
distincts, l'union corporelle entre le Christ et
Marie-Médiatrice, en premier lieu, et l'union
corporelle entre Joseph et Marie-Médiatrice, en
second lieu (à ce sujet, voir n° 64). Ainsi,
tout ceci nous permet de dire que, de soi, l'union
corporelle entre Joseph et Marie-Médiatrice
dépend pleinement et en tout de l'union
corporelle entre le Christ et Marie-Médiatrice.
Mais cette dernière union, s'accomplissant dans
et par l'acte de l'Incarnation du Verbe, n'est autre que
la réalisation et la manifestation
concrète et tangible de l'Ordre donné
à son Fils par le Père éternel,
dans un commun Amour: Lors de
son entrée dans le monde, le Christ dit: Tu n'as voulu ni sacrifice ni offrande, mais
tu m'as formé un corps... Alors j'ai dit: Je
viens (...), ô mon Dieu, pour faire ta
volonté. (Ps. 39, 7-9) (Hb. 10, 5-7) Par conséquent, il est
clair que l'union corporelle entre Joseph et
Marie-Médiatrice s'accomplit, d'une
manière mystique, sur l'Ordre même du
Père manifesté et réalisé
dans son Fils, le Verbe incarné par l'action de l'Esprit-Saint (Mt. 1, 18).
Or, si on
considère maintenant Marie-Médiatrice
selon l'aspect spirituel de sa médiation, il est
tout aussi clair que l'union corporelle entre Joseph et
Marie-Médiatrice ne peut absolument pas
s'accomplir et ne s'est, de fait, jamais
réalisée, et ce, en vertu de la
virginité permanente de Marie, fondement
même de l'aspect spirituel de sa médiation
(voir n° 65). Autrement dit, Joseph, en tant qu'il
est un des termes extrêmes de la médiation
de Marie et dont dépend, par le fait même,
l'être et l'agir de Marie-Médiatrice, n'a
pas le pouvoir de réaliser l'Ordre de Dieu
révélé dans et par son Fils, sous
l'action de l'Esprit-Saint. Finalement, on peut conclure
de ce qui précède, comme
conséquence du fait que la médiation de
Marie s'exerce de manière sponsale, qu'il est
absolument nécessaire qu'intervienne une personne
humaine différente de Joseph, mais agissant en
son nom et place comme époux de Marie, et
possédant un pouvoir spécial, mystique,
permettant la réalisation - sur l'Ordre de Dieu
manifesté dans le Christ - de l'union corporelle
entre Joseph et Marie-Médiatrice.
Cette personne humaine
existe, car, tout comme le Christ et Marie, Dieu l'a
choisie de toute éternité: cette personne
humaine n'est autre que Pierre, le Vicaire du Christ sur
la terre. En effet, premièrement, l'Ordre du
Père peut être accompli de deux
manières: soit d'une manière directe et
immédiate par le Fils; soit d'une manière
indirecte et médiate par ceux que le Fils
lui-même a choisis pour accomplir l'Ordre du
Père en son nom et place, c'est-à-dire les
hommes revêtus du sacrement de l'ordre. Comme la
médiation de Marie suppose des termes
extrêmes essentiellement différents l'un de
l'autre, la personne humaine qui, avec le Christ premier
terme extrême, réalise en elle-même
l'autre terme extrême n'est pas le Christ, mais
bien un des hommes choisis par le Christ et
revêtus du sacrement de l'ordre.
Deuxièmement, étant donné que,
à ce moment, le Christ n'est pas né, et
que, par conséquent, on ne peut encore parler du
sacrement de l'ordre en tant que tel, la personne
humaine qui est l'autre terme extrême de la
médiation de Marie est et ne peut pas ne pas
être revêtu du sacrement de l'ordre,
considéré non pas en
réalité, mais bien
et uniquement en
espérance,
c'est-à-dire envisagé selon la grâce
du sacrement, et non selon la réalité du
sacrement lui-même. Il est donc clair que cette
personne humaine n'est autre que celle qui est
revêtue de l'ordre papal, qui n'est pas un
sacrement, mais qui appelle et demande
nécessairement la réception du sacrement
de l'ordre dans toute sa plénitude. Tout ceci est
confirmé par le fait que, par les deux aspects -
corporel et spirituel - de la médiation de Marie,
le Pape est simplement semblable au Christ, et ce, d'une
manière pleinement corporelle: le Christ et le
Pontife Romain sont, mystiquement, une seule et unique pierre (Mt. 16, 18),
sur laquelle est bâtie l'Église, que l'on
se réfère en dehors de la notion de
péché (cf. pierre
vivante (1 P. 2, 4) - voir
n° 41, in fine), ou que l'on se réfère
pleinement à cette même notion de
péché (cf. pierre
rejetée par les maçons (...) pierre
d'achoppement (...) rocher de scandale (1 P. 2, 7)).
(Troisième
conséquence: rapport avec la fin des temps)
70.
Troisièmement, d'un côté, en vertu
de l'exercice de la médiation de Marie
envisagée dans son aspect corporel, il existe une
union corporelle, de type sponsal, entre le Pape,
agissant mystiquement en nom et place de Joseph, et
Marie-Médiatrice (voir n° 69). D'un autre
côté, en vertu de l'exercice de la
médiation de Marie considérée dans
son aspect spirituel, il existe une union spirituelle,
de type sponsal, entre Joseph et Marie-Médiatrice
(voir n° 65). Or, d'une part, l'union corporelle
entre le Pape et Marie-Médiatrice, parce qu'elle
est corporelle, est pleinement relative à l'acte
de la Nativité considéré, non pas
en lui-même, mais bien dans l'acte de
l'Incarnation du Verbe (voir n° 67); et d'autre
part, l'union spirituelle entre Joseph et
Marie-Médiatrice, parce qu'elle est spirituelle,
est pleinement relative à l'acte de la
Nativité considéré en
lui-même. Il s'ensuit donc, puisque l'acte de
l'Incarnation du Verbe précède, de soi,
l'acte de la Nativité (voir n° 66), que
l'union corporelle entre le Pape et
Marie-Médiatrice doit nécessairement
être envisagée comme première par
rapport à l'union spirituelle entre Joseph et
Marie-Médiatrice. Par conséquent, tout
ceci permet d'affirmer que, dans et par l'acte de la
Nativité du Christ, acte considéré
comme l'exercice sponsal principal de la
médiation de Marie envisagée,
conjointement et simultanément, selon son aspect
corporel et selon son aspect spirituel, l'union
spirituelle entre Joseph et Marie-Médiatrice a
pour effet de spiritualiser, ou de simplifier le
caractère proprement corporel de l'union entre le
Pape et Marie-Médiatrice. Par le fait même,
il apparaît clairement, comme conséquence
du fait que la médiation de Marie s'exerce de
manière sponsale, que l'union corporelle, d'ordre
mystique, entre le Pape - agissant sponsalement en nom
et place de Joseph - et Marie-Médiatrice est
pleinement relative à la fin des temps. En effet,
étant donné que l'époux et
l'épouse ne font plus
qu'une chair (Gn. 2, 24), si le
caractère proprement corporel de l'union sponsale
entre le Pape et Marie-Médiatrice possède
nécessairement la note de simplification ou de
spiritualisation, alors il faut penser et croire que le
corps même du Pontife Romain est, de soi,
spiritualisé ou simplifié. Ceci revient
à dire que le corps même du Pape est
inséparable de son âme spirituelle
sanctifiée par la grâce, et donc que, par
le fait même, la propre personne du Pape est
immortelle. Ainsi, on voit manifestement que c'est
proprement le Pontife Romain des derniers temps de
l'Église, le Pape qui ne doit pas mourir et qui,
lors de la seconde venue du Christ, sera vivant (cf. 1
Th. 4, 17), qui est corporellement uni - par mode de
ministère - à Marie-Médiatrice, son
épouse, toujours vivante en Dieu, la
créature par excellence, celle dont le corps est
pour toujours spiritualisé par la divinité
(voir nos
32 et 33), qui habite en son âme pleine de grâce
(Lc. 1, 28).
(Le Pape et Marie dans
la plénitude des temps)
71. Finalement, d'une
part, si l'union corporelle, d'ordre mystique, entre le
Pontife Romain et Marie-Médiatrice est
première par rapport à l'union spirituelle
entre Joseph et Marie-Médiatrice (voir n°
70); et d'autre part, si l'union sponsale entre Joseph
et Marie-Médiatrice est pleinement relative
à l'acte de la Nativité du Christ, acte
qui est le commencement de l'histoire du Salut (en tant
que cet acte doit être considéré non
seulement en lui-même, mais aussi dans l'acte de
l'Incarnation du Verbe - voir n° 66), et si l'union
sponsale entre le Pape et Marie-Médiatrice est
pleinement relative à l'acte de la seconde venue
du Christ, acte qui est la fin et l'achèvement de
l'histoire du Salut; alors on peut dire que l'union
sponsale entre le Pape et Marie-Médiatrice est
présente à l'absolue totalité de
l'histoire et de la vie de l'Église depuis la
Nativité du Christ jusqu'à sa Parousie, et
donc qu'elle est une donnée tout à fait
traditionnelle à la doctrine de l'Église.
Ceci est d'ailleurs confirmé par le fait que, par
le biais de l'union sponsale entre le Pontife Romain et
Marie-Médiatrice, la fin des temps est
déja anticipée depuis la naissance du
Seigneur, selon ce que dit Saint Paul: Lorsque vint la plénitude du temps
Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme. (Ga. 4, 4) Ainsi, présente à
toute l'histoire du Salut, l'union sponsale entre le
Pape et Marie-Médiatrice demeure cachée et
invisible, car spirituelle, depuis l'acte premier et
fondamental de la médiation de Marie, qui est
l'acte de la Nativité du Christ, n'apparaissant
au grand jour et à la lumière du monde
qu'a la fin des temps, c'est-à-dire maintenant,
puisque, par le présent écrit, cette union
sponsale entre le Pontife Romain et
Marie-Médiatrice reçoit un certain
caractère matériel, ou corporel, et donc,
par le fait même, visible et manifeste.
*
* *
(Le Pape et la
Nativité du Christ)
72. Dans l'acte de la
Nativité du Christ, acte qui doit être
considéré tant en lui-même que dans
l'acte de l'Incarnation du Verbe,
Marie-Médiatrice exerce corporellement et
spirituellement sa médiation dans la mesure
où elle est unie sponsalement - selon un mode
mystique - au Pontife Romain, d'une manière
générale, et au dernier Pape, d'une
manière particulière, agissant en nom et
place de Joseph, époux humain de Marie: c'est ce
que nous venons d'établir ci-dessus. Or, si,
premièrement, nous envisageons l'exercice de la
médiation de Marie dans son aspect proprement
corporel, et ce, relativement à l'acte de la
Nativité du Christ, il existe alors une union
sponsale corporelle, d'ordre mystique, entre le Pape et
Marie-Médiatrice (voir n° 69). Par le fait
même, on peut aller jusqu'à affirmer que
l'acte de la Nativité du Christ est l'acte propre
du ministère papal considéré dans
sa relation à l'exercice de la médiation
de Marie dans son aspect proprement corporel. Cependant,
il est tout à fait clair que, corporellement,
c'est-à-dire d'une manière corporelle
entendue tant mystiquement et surnaturellement que
ordinairement et naturellement (et ce, en vertu de la
règle d'association simple et une entre la
Révélation divine et la philosophie
humaine, dont il faut nécessairement tenir compte
- voir nos 39 et 40), la personne du Pape, qui est
homme, ne peut absolument pas réaliser l'acte de
la Nativité du Christ considéré
comme tel, c'est-à-dire envisagé selon son
mode historique et dans sa relation personnelle à
Marie, qui est femme. Par conséquent, si la
personne du Pape est véritablement époux
de Marie, et ce, d'une manière essentiellement
corporelle (ainsi que nous l'envisageons ici), alors il
doit nécessairement exister un autre mode et une
autre relation personnelle par lesquels et selon
lesquels le Pontife Romain, en tant qu'époux de
Marie, réalise réellement et
corporellement - quoique mystiquement - l'acte de la
Nativité du Christ.
(Le ministère
eucharistique du Pape)
73. Relativement
à la médiation de Marie
considérée dans son aspect corporel, le
Pontife Romain - dans son union mystique avec
Marie-Médiatrice - ne peut accomplir l'acte de la
Nativité du Christ que sous un autre mode et
selon une autre relation personnelle que ceux qui sont
propres à ce même acte de la
Nativité du Christ (voir n° 72). Or, toujours
relativement à la médiation de Marie
considérée dans son aspect corporel, et
plus précisément, relativement à
l'exercice de la médiation de Marie par le biais
de la Sainte Écriture, nous avons vu qu'il existe
une comparaison - en vertu du passage scripturaire de
Jean 6, 57 - entre l'acte de la Nativité du
Christ et celui de la communion eucharistique (voir
n° 47). Par conséquent, étant
donné que les paroles du Christ en Jean 6, 57
constituent le fondement scripturaire de la
médiation de Marie en tant que telle; et
étant donné aussi que, dans le contexte
propre de la même médiation de Marie,
c'est-à-dire dans le cadre de l'union à
Dieu - dans le Christ - par Marie-Médiatrice,
quoique tout ce qui est mystique n'est pas sacramentel,
par contre, tout ce qui est sacramentel est mystique; il
est tout à fait permis de penser et de croire que
l'acte de la communion eucharistique n'est autre que la
réalisation sacramentelle, et par là
même mystique, de l'acte de la Nativité du
Christ. C'est ce que le Pape Jean-Paul II insinue
lorsqu'il parle de la communion eucharistique dans sa
relation avec l'Incarnation, qui atteint sa
plénitude - dans le temps - lors de la
Nativité du Seigneur: Tandis
que l'Eucharistie renvoie à la Passion et
à la Résurrection, elle se situe
simultanément en continuité de
l'Incarnation. À l'Annonciation, Marie a
conçu le Fils de Dieu dans la
vérité même physique du corps et du
sang, anticipant en elle ce qui dans une certaine mesure
se réalise sacramentellement en tout croyant qui
reçoit, sous les espèces du pain et du
vin, le Corps et le Sang du Seigneur. (S.S. Jean-Paul II, Encyclique Ecclesia de Eucharistia, n. 55)
De tout ce qui
précède, on peut finalement conclure que,
si l'acte de la Nativité du Christ est l'acte
propre du ministère papal dans sa relation
à l'exercice de la médiation de Marie dans
son aspect proprement corporel, ce ne peut être
que sous la forme sacramentelle de l'acte de la
communion eucharistique; et aussi que, en tant
qu'époux de Marie dans le Christ, le Pape exerce
son ministère, mystiquement (quoiqu'aussi
sacramentellement), par le biais de l'acte de la
communion eucharistique; et que, conjointement et
simultanément, en tant qu'épouse du
Pontife Romain agissant en nom et place de Joseph, son
époux humain, Marie-Médiatrice exerce sa
médiation, sacramentellement (quoiqu'aussi
mystiquement), par le biais de l'acte de la
Nativité du Christ considéré, non
pas directement en lui-même, mais bien dans
l'action sacramentelle de la communion eucharistique.
(Le ministère
du Pape et celui de Marie: synthèse)
74. Ayant
envisagé la médiation de Marie dans son
aspect proprement corporel, il nous faut -
deuxièmement et finalement - considérer la
médiation de Marie dans son aspect proprement
spirituel, et ce, par rapport à la relation
d'union sponsale entre le Pape et
Marie-Médiatrice dans l'acte de la
Nativité du Christ. Or, spirituellement,
relativement à l'exercice de la médiation
de Marie tel que nous venons de le décrire, il
existe une union sponsale spirituelle, et donc, simple
et une entre le Pontife Romain et
Marie-Médiatrice: ces deux personnes distinctes ne sont plus deux, mais une seule chair (Mt. 19, 6). Donc, on peut dire que, en tant
qu'époux et épouse qui ne font plus qu'un,
la personne du Pape et la personne de
Marie-Médiatrice agissent chacun, mystiquement
(c'est-à-dire dans l'ordre de la médiation
de Marie), non seulement en leur nom propre et
respectif, mais aussi au nom de l'autre. Etant
donné que la personne est, de soi, tout à
fait incommunicable, il est manifeste que tout ceci
suppose et inclut nécessairement le fait que le
Pape est en Marie, et que, réciproquement, Marie
est dans le Pape, et encore, par le fait même, que
le Pape est avec Marie, et que Marie est avec le Pape.
Enfin, comme le nom de
Marie-Médiatrice (c'est-à-dire ce qui
exprime toute la réalité de sa personne)
est proprement celui de pleine
de grâce (Lc. 1, 28); et
comme ce même nom de Marie-Médiatrice est
pleinement spirituel (puisqu'il s'agit de la
grâce), et donc tout à fait relatif
à l'aspect spirituel de sa médiation; nous
pouvons conclure tout ce chapitre en disant que,
relativement à l'aspect spirituel (qui suppose,
de soi, l'aspect corporel) de la médiation de
Marie dans l'acte de la Nativité du Christ, d'une
part, que le Pontife Romain exerce mystiquement son
ministère de Vicaire du Christ par le biais de la
communion eucharistique, et ce, en vertu de la
plénitude de grâce qui est propre à
Marie-Médiatrice (voir n° 27), mais qui est
aussi et indissociablement propre au Pape par le moyen
de l'union sponsale - d'ordre mystique - qui l'unit
à la personne même de Marie; et d'autre
part, que Marie-Médiatrice exerce
sacramentellement sa médiation - dans le Christ -
par le biais de l'acte de la Nativité du Christ
considéré dans sa réalisation
sacramentelle, qui est l'acte de la communion
eucharistique, et ce, en vertu du caractère
épiscopal qui est propre au Pape, mais qui est
aussi et indissociablement propre à
Marie-Médiatrice, pour la même raison que
celle évoquée ci-dessus.
En
résumé, voilà expliquée et
mise en lumière toute la relation d'union
sponsale entre le Pape et Marie-Médiatrice, dans
le Christ, et par là même (ainsi que nous
l'avions annoncé - voir n° 59), toute la
relation d'union mystique entre le Christ et le Pontife
Romain qui s'accomplit, par le biais de la communion
eucharistique, en Marie et avec Marie.
LE SALUT ÉTERNEL
:
PAR MARIE, AVEC MARIE,
EN MARIE, ET POUR MARIE
75. Le Pontife Romain
communie ministériellement au Christ-Eucharistie
par Marie, pour Marie, en Marie, et avec Marie (voir nos 59 et 74). Or,
ministériellement, le Pape - Époux de
Marie - agit d'une manière essentiellement
première (voir nos 46 et 62). De plus, le Pape qui exerce son
ministère d'une manière
spécialement première, car
particulière, c'est proprement le dernier Pape,
celui de la fin des temps. Enfin, comme le dernier Pape
possède, de soi, l'immortalité naturelle,
et même surnaturelle (puisque l'exercice de la
médiation de Marie est régi par la
règle d'association simple et une entre la
Révélation divine et la philosophie de la
vie humaine, celle-ci étant la
référence de base de ladite règle)
(voir nos
39 à 41), il apparaît clairement que,
relativement à la médiation de Marie, tout
fidèle, dont le modèle - en tant que
premier - est le Pape, réalise sacramentellement
son salut éternel dans son union au
Christ-Eucharistie. Cette thèse se fonde sur les
trois thèses principales de la médiation
de Marie, thèses que nous allons rappeler et
argumenter davantage à l'aide de
témoignages de la Tradition: c'est tout l'objet
de notre dernier chapitre.
76. La première
des thèses que nous voulons argumenter par le
témoignage de la Tradition est celle selon
laquelle Marie ne peut être vraiment
médiatrice que d'une manière mystique ou
mystérieuse, c'est-à-dire d'une
manière pleinement relative à la notion de
mystère (voir n° 23). Ce qui revient à
dire que la première thèse est celle selon
laquelle la médiation de Marie est
considérée dans l'ordre propre du
mystère, et donc, par le fait même, dans
l'ordre propre de la divinité. Or, cette
dernière - la divinité - est
essentiellement et de par sa nature tout à fait
immense ou incommensurable. Ainsi, lorsque nous
affirmons que la médiation de Marie est de
l'ordre du mystère, nous voulons dire que cette
même médiation de Marie, dans et par son
union à la médiation du Christ
lui-même, ne modifie en rien, soit en plus, soit
en moins, d'une manière substantielle
(c'est-à-dire selon le mode propre de la
divinité qui est, de soi, non-contingente), cette
même médiation du Christ lui-même.
Donc, par le fait même, considérer la
médiation de Marie dans l'ordre du mystère
ne peut être autre que considérer cette
même médiation de Marie comme étant
accidentelle, non pas en elle-même, mais bien par
rapport à la médiation du Christ
lui-même, qui est alors envisagée comme
substantielle.
77. Telle que nous
venons de l'énoncer, cette première
thèse est particulièrement bien
argumentée dans le raisonnement suivant:
«Ratione
mediationis Christi: Difficultas: Solus Christus est
unicus Mediator proprie dictus inter Deum et Homines (1.
Tm. 2, 5). Omnes proinde gratias meruit universo generi
humano, unica sua mediatione perfectiva. Atqui si Beatae
Virgini conceditur verum meritum, mediatio proprie dicta
erga illas gratias, iniuriam videtur inferri mediationi
Christi. Mediatio Christi aliquo supplemento indigeret,
quod Maria ipsi tribueret.
«Solutio: (...)
Quoad valorem Mariae consortii: (...) Dici potest vel
Mariam ad opus Christi substantialiter perfectum,
accidentaliter perfectionem adiecisse, «ad
harmoniam et pulchritudinem Redemptionis» vel ad
eius «melius esse»; vel Beatam Virginem cum
Christo, debita servata subordinatione, unum principium
nostrae Redemptionis obiectivae constituisse; non eo in
sensu quod actio meritoria Christi et Mariae non amplius
ab invicem realiter distinguerentur, sed ambo non
constituebant nisi una causa Redemptionis obiectivae,
sicut in ordine naturali quando agens principale
instrumento utitur, hoc ultimum non operatur nisi in
virtute causae principalis, simulque cum illa totum et
eumdem effectum producit.
«Legitime ergo
infertur Christi mediationem, cum nec compleatur nec
minuatur a Mariae cooperatione, nullam iniuriam pati.
Augetur potius eius efficacitas ac proinde gloria cum
sola Christi virtute Beata Virgo tam intime ad
Redemptionem obiectivam cooperari potuerit.»
En raison de la
médiation du Christ, il existe une
difficulté: le Christ est le seul et unique
Médiateur proprement dit entre Dieu et les hommes
(1 Tm. 2, 5). Par conséquent, il a
mérité toutes les grâces pour le
genre humain entier, et ce, par l'opération de
son unique médiation. Or, si à la
Bienheureuse Vierge on concédait un vrai
mérite, alors une médiation proprement
dite à l'égard de ces grâces
semblerait porter injure à la médiation du
Christ. La médiation du Christ aurait besoin d'un
quelconque supplément, qui serait attribué
à Marie elle-même.
[Voici une solution
à cette difficulté]: quant à la
valeur de la participation de Marie. On peut dire, soit
que Marie, à l'oeuvre substantiellement parfaite
du Christ, ajoute accidentellement une perfection
«en vue de l'harmonie et de la beauté de la
Rédemption», ou «en vue d'un mieux
être de celle-ci»; soit que, la
subordination due étant conservée, la
Bienheureuse Vierge constitue avec le Christ un seul
principe de notre Rédemption objective; non pas
en ce sens que l'action méritoire du Christ et
celle de Marie ne se distingueraient plus
réellement l'une de l'autre, mais que les deux ne
constitueraient qu'une seule cause de la
Rédemption objective, tout comme dans l'ordre
naturel, lorsque l'agent principal se sert d'un
instrument, ce dernier n'agit qu'en vertu de la cause
principale, et ensemble avec elle, il produit un total
et même effet.
Donc, on peut
légitimement conclure que la médiation du
Christ, puisqu'elle n'est ni complétée, ni
diminuée par la coopération de Marie, ne
souffre aucune injure. Son efficacité est
plutôt augmentée, et par conséquent
aussi sa gloire, puisque par la seule puissance du
Christ la Bienheureuse Vierge a pu coopérer si
intimement à la Rédemption objective. (I. (J.) Keuppens, Mariologiae
Compendium: Deipara, Mediatrix, Florilegium Mariale, Anvers, 1938, pp. 123 et 124)
*
* *
78. La deuxième
thèse est celle selon laquelle seul l'aspect
corporel de la médiation de Marie permet de
considérer Marie comme Médiatrice - d'une
manière mystique - avec et dans l'union au
Christ-Médiateur (voir n° 24). Or, ceci
revient à dire que Marie-Médiatrice ne
peut exercer sa médiation que par
l'intermédiaire de son propre corps organique et
matériel, et donc, par le fait même, que la
médiation de Marie s'accomplit
nécessairement par le moyen de son corps
personnel considéré comme cause
instrumentale physique. Ainsi, la deuxième
thèse est celle selon laquelle il faut
considérer comme nécessaire, et donc aussi
comme possible, la causalité instrumentale
physique du corps personnel, et par le fait même,
de toute l'humanité propre de
Marie-Médiatrice, et ce, relativement à
l'exercice de la médiation de Marie
envisagée dans son union à la
médiation du Christ lui-même.
79. Au sujet de cette
deuxième thèse, le R.P. Réginald
Garrigou-Lagrange, O.P., expose ainsi l'état de
la question: La Sainte
Vierge... nous transmet-elle les grâces que nous
recevons à la manière dont le fait
l'humanité de Jésus, qui est selon Saint
Thomas et beaucoup de théologiens "cause
instrumentale physique de ces grâces"...? La
causalité morale de Marie par la satisfaction, le
mérite passé, et par l'intercession
toujours actuelle, est communément admise. Mais
plusieurs théologiens s'en tiennent là et
refusent d'admettre que Marie transmette les
grâces par une causalité physique
instrumentale, analogue dans l'ordre spirituel à
ce qu'est dans l'ordre sensible l'action de la harpe
qui, touchée par l'artiste, produit des sons
harmonieux. D'autres théologiens lui attribuent
aussi cette seconde influence d'une façon
subordonnée à l'humanité du Christ,
en insistant sur ceci que, d'après la Tradition,
Marie est vraiment dans le corps mystique comme le cou,
qui, en réunissant la tête aux membres,
leur transmet l'influx vital... Cette influence de Marie
sur nos âmes reste sans doute mystérieuse,
mais il semble bien qu'elle n'est pas seulement morale,
qu'elle intervient dans la production même de la
grâce, à titre d'instrument conscient et
libre, comme lorsque le thaumaturge guérit par
son contact et sa bénédiction.
Déjà, dans l'ordre naturel, le sourire, le
regard, l'inflexion de la voix, le ton transmettent
quelque chose de la vie de l'âme... L'influence
très certaine du Christ, tête du Corps
mystique, reste aussi fort mystérieuse. Celle que
paraît exercer Marie en dehors de son intercession
n'est pas moins secrète, bien sûr, mais
elle est sérieusement probable, pensons-nous,
sans qu'on puisse rien affirmer de plus. Ainsi,
lorsqu'il s'agit des dernières ondulations du son
ou de la lumière dans l'air, il est difficile de
dire avec certitude où elles existent encore et
où elles finissent vraiment. (La Mère du
Sauveur et notre vie intérieure, Paris, 1948, pp. 240 à 247)
80. Voici des
considérations plus détaillées
relatives à notre deuxième thèse.
Il s'agit d'un développement de la pensée
de Saint Louis-Marie Grignon de Montfort, appuyée
sur l'opinion personnelle du Père Edouard Hugon,
O.P.:
«Praevie admissa
Mediatione per modum intercessionis, conceditur insuper
concursus physicus Deiparae ad producendam gratiam per
modum causae instrumentalis perfectivae... Actio Dei,
causae principalis, tota transit per actionem Mariae,
causae instrumentalis, elevat et roborat hanc actionem,
de se aptam solummodo ad impetrandam gratiam, ut, mota a
principali agente, ipsam et totam gratiae substantiam
attingat, eamque modificet, conferendo ei optatam formam
et quoad subjectum cui conferatur, et quoad quantitatem
auxilii praestandi, et quoad modum secundum quem magis
proficiet, et quoad tempus quo melius a nobis
accipietur. Et (...) sicut in sacramento Eucharistiae
effectum suum producit per modum nutritionis, sic eadem
gratia, transeundo per Mariam, materna forma induitur,
quae eam aptissimam reddit ad movendum cor nostrum (...)
Sic melius intelligitur quomodo, in Traditione
ecclesiastica Maria vocetur sive collum Ecclesiae, per
quod scilicet totus capitis influxus ad membra corporis
transit, sive aquaeductus per quem ex fonte derivantur aquae. Sic
intelliguntur etiam facta illa initialia (...) in quibus
Maria instrumenti physici munus visibiliter exercet,
praesertim in Visitatione: Ut
audivit salutationem Mariae Elisabeth exsultavit infans
in utero ejus, et repleta est Spiritu Sancto Elisabeth. (Lc. 1, 41)»
La Médiation
par mode d'intercession ayant été
préalablement admise, il faut en plus
concéder le concours physique de la Mère
de Dieu pour produire la grâce par mode de cause
instrumentale opérante... L'action de Dieu, qui
est cause principale, passe tout entière par
l'action de Marie, qui est cause instrumentale,
élève et fortifie cette action, seulement
apte, de soi, à demander la grâce, de sorte
que, mue par l'agent principal, l'action de Marie entre
en contact avec toute la substance de la grâce, et
lui donne un certain mode, en lui conférant une
forme choisie quant au sujet auquel elle est
donnée, quant à la quantité de
secours qu'elle procure, quant au mode selon lequel elle
donnera davantage de profit, et quant au temps auquel
elle sera mieux reçue par nous. Et tout comme
dans le sacrement de l'Eucharistie la grâce
produit son effet par mode de nourriture, ainsi cette
même grâce, en passant par Marie, est
revêtue d'une forme maternelle, qui la rend plus
apte à mouvoir notre coeur... Ainsi, on comprend
mieux comment, dans la Tradition de l'Église,
Marie est appelée soit le
cou de l'Eglise,
c'est-à-dire ce par quoi tout l'influx de la
tête passe aux membres du corps; soit l'aqueduc par lequel
les eaux venant de la fontaine sont canalisées.
Ainsi, on comprend mieux ces faits initiaux... dans
lesquels Marie exerce visiblement la fonction
d'instrument physique, surtout dans la Visitation: Dès qu'Élisabeth entendit la
salutation de Marie, son petit enfant se mit à
remuer en son sein, et elle fut elle-même remplie
de l'Esprit-Saint. (Lc. 1, 41) (Armand Plessis, Manuale
Mariologiae Dogmaticae,
Pontchâteau, 1942, pp. 268 à 270)
81. Concernant notre
deuxième thèse, voici enfin le
témoignage d'un théologien tout
épris du Mystère de Marie dans sa
médiation entre le Christ-Tête et le
Christ-Corps: Jésus ne
sera par son humanité que l'organe et
l'instrument de la vie de la grâce, instrument
sublime, souverainement vivant et agissant, instrument
conjoint au Verbe de Dieu (...) A plus forte raison,
celle que nous nommons la Mère de la divine
grâce n'est nullement l'auteur de cette vie. La
nuance serait plus exacte si nous disions que Marie est
Mère en la divine grâce. Dieu veut bien se
faire aider par elle. Elle-même étant si
débordante de vie divine, son rôle est de servir la grâce dans les âmes (Père de Condren). Instrument
sublime, elle aussi, entre les mains de Dieu, et
merveilleusement vivant ! (...) Ainsi toute la
grâce de Jésus-Christ passe par Marie et
vient par elle de lui à nous. Pour décrire
cette grande vérité il y a
traditionnellement dans l'Église un mot qui fait
image. Puisque nous ne formons tous qu'un seul corps
mystique, on dit que la très sainte Vierge en est
le cou comme Notre Seigneur en est la tête. Toute
la vie et le mouvement viennent de la tête mais ne
se communiquent aux membres qu'en passant par le cou
(...) Le Christ Jésus est la tête,
d'où procède toute la vie qui est dans les
membres, mais une tête pensante et aimante, et si
vaste spirituellement qu'elle est présente
à tout le corps, ou mieux, le contient en elle
tout entier. De même ici, Marie est bien, si l'on
veut, le mystique organe par lequel doit passer toute la
vie qui s'écoule du chef dans les membres, mais
cet organe est lui-même animé d'une vie si
puissante qu'il enveloppe en quelque sorte à la
fois la tête et les membres. (R. Bernard, O.P., Le
Mystère de Marie, Paris,
1933, pp. 53 à 56)
*
* *
82. La
troisième thèse, et la plus importante,
est celle selon laquelle, en communiant à
l'Eucharistie, Marie réalise sacramentellement,
d'une manière absolument pleine, aussi bien
qualitativement que quantitativement, l'office de sa
médiation, qui est de révéler
à l'Église, dans le Christ, tout le
Mystère du Dieu un et trine (voir n° 28).
D'une manière particulière, en tant que
Marie-Médiatrice est la première des
fidèles et leur modèle, la
troisième thèse se réduit à
ceci: dans la communion eucharistique, Marie, par son
action humaine, permet au Dieu un et trine de se
révéler sacramentellement à elle
(voir n° 26). Or, nous avons montré que cette
action de Marie-Médiatrice relativement à
la communion eucharistique suppose nécessairement
deux faits principaux: le premier consiste en ce que le
Pontife Romain est époux de Marie dans le Christ,
et son ministre dans l'acte de la communion
eucharistique (voir nos 60 à 62); et le second,
conséquence du premier, consiste en ce que l'acte
de la communion eucharistique n'est autre que la
réalisation sacramentelle, et par là
même mystique, de l'acte de la Nativité du
Christ (voir n° 73). De plus, les deux faits
principaux que nous venons de mentionner supposent,
chacun d'eux, un fait fondamental sur lequel ils sont
établis, savoir: quant au premier, le fait que le
Mystère de la naissance du Christ est l'acte
principal dans lequel et par lequel s'exerce la
médiation de Marie (voir nos 38 et 61); et quant au second, le fait que,
en vertu du passage scripturaire de Jean 6, 57, il
existe une comparaison entre l'acte de la
Nativité du Christ et celui de la communion
eucharistique (voir nos 47 et 73). Ainsi, pour établir notre
troisième thèse à l'aide des
témoignages de la Tradition, il nous suffit de
montrer la croyance ancienne et sans cesse transmise
concernant les deux faits fondamentaux
énoncés ci-dessus.
83. Quant au premier
fait, qui est celui selon lequel le Mystère de la
naissance du Christ est l'acte principal dans lequel et
par lequel s'exerce la médiation de Marie, voici
la pensée de Saint Thomas d'Aquin
rapportée et explicitée par un
théologien moderne, que nous avons
déjà cité ci-dessus (voir n°
81): Ainsi parle Saint
Thomas... Et pour bien définir cette grâce
de Jésus en Marie il précise: Le Christ en tant qu'homme possède
toute la plénitude de grâce qu'il lui faut
pour être le Fils de Dieu et, à ce titre,
l'auteur même de la grâce... Mais la
bienheureuse Vierge Marie obtient de son
côté toute la plénitude de
grâce qu'il lui faut pour être celle de qui
le Christ reçoit sa nature humaine et qui est,
à ce titre, la personne la plus proche de
l'auteur de la grâce: c'est dire qu'il y a dans
Marie assez de grâce divine pour qu'elle puisse
capter et concevoir en elle celui qui est la source
même de la grâce, et pour qu'elle puisse, en
le mettant au monde, faire en quelque sorte
dériver sur tous la grâce qui est en lui. (S. Thomas, Summa Theologica, IIIa, q. 27,
a. 5, ad 1) (R. Bernard, O.P., Le Mystère de Marie, p. 54-55)
84. Concernant encore
le premier fait énoncé plus haut, le
témoignage du R.P. Frédéric-William
Faber - qui écrit vers 1860 - est
particulièrement éloquent, surtout pour ce
qui regarde l'exercice de la co-rédemption
accomplie par Marie, par mode de médiation, dans
l'acte de la Nativité du Seigneur (voir nos 62 et 68): Jamais Marie ne fut unie aussi intimement
à Dieu qu'à l'instant de la naissance de
notre Sauveur (...) Au moment de la Nativité,
elle était unie à Dieu plus
étroitement que jamais elle ne l'avait
été (...) Son extase à l'heure de
minuit était en quelque sorte une chaîne
nouvelle, destinée à la fortifier.
Lorsqu'elle vit l'Enfant né (...), ne fut-elle
pas plongée en Dieu comme jamais créature
ne l'avait été avant elle ? (...) Elle
embrassait pour ainsi dire Notre-Seigneur tout entier
dans l'extase de son adoration.
(Bethléem, Tome 1, édition de 1911, p. 212-213)
Et, en mettant davantage l'accent sur l'aspect spirituel
de la médiation de Marie dans l'acte de la
Nativité, le témoignage se poursuit ainsi:
Réfléchissons sur
tout ce qui était renfermé dans cet acte
d'adoration (...) Marie n'est pas seulement la
créature souveraine, elle est la créature
chargée de représenter les autres. Ainsi
son adoration a été offerte au nom de
toutes les créatures. C'était la
reconnaissance par la création de son
Créateur incarné (...) Cet acte
d'adoration est encore vivant dans l'Église
à l'heure qu'il est; il se répète
journellement dans les âmes pieuses qu'il inspire
(...); il couronne l'Église d'une
supériorité paisible sur tous les autres
hommages collectifs de l'amour racheté envers la
sainte humanité du Rédempteur (...) Dans
cet acte d'adoration, notre Mère bénie
nous a aussi reconnus pour ses enfants. Elle avait la
conscience de la place qu'elle occupait dans la
création de Dieu. Elle commençait
déjà à remplir cet office, dont
elle a reçu publiquement les insignes sur le
Calvaire. Elle s'est offerte à l'Enfant
nouveau-né pour nous. Elle consentait à
être notre Mère (...) Elle était
préparée à représenter la
grande famille humaine dans toutes les tendres fonctions
qu'elle exerçait à son égard. Elle
nous a offerts aussi à Jésus. Elle nous a
offerts à son amour. Elle mêlait notre nom
dans ses prières. (ibid.,
p. 221 à 223)
85. Enfin, toujours en
rapport avec le premier fait, il nous faut citer un
document plein de richesse et de majesté à
l'égard de la Reine du Ciel dans l'acte le plus
solennel de sa dignité et de son
ministère. Il s'agit d'une
révélation privée relatée
par écrit par son auteur: la
Vénérable Marie de Jésus
d'Agréda (1602-1665), franciscaine conceptioniste
déchaussée. Mais avant de citer ce
précieux témoignage, voici quelques notes
concernant l'auteur en question: Les écrits de Marie, en particulier la
"Mistica Ciudad" (dans laquelle bien des enseignements
et des données portent sa marque personnelle),
son action, ses relations avec des personnes de toutes
classes sociales, sa manière de
pénétrer les problèmes individuels,
sociaux et même politiques, révèlent
une intelligence exceptionnelle que règlent une
juste compréhension des choses, un grand bon sens
et la sagesse. Outre ces dons naturels, il faut faire
entrer en compte les faveurs et les communications
mystiques avec leurs lumières de connaissance
infuse et leur énergie efficace au niveau de
l'agir. (Dictionnaire de
Spiritualité, Tome X, Col. 509, Article Marie de Jésus d'Agréda)
86. Voilà donc ce que la Vénérable Marie de Jésus d'Agréda a pu contempler dans l'Esprit de Dieu, spécialement attentive à décrire l'aspect proprement corporel de la naissance du Seigneur dans sa communication au corps même de la Mère de Dieu: La Reine des créatures étant dans la crèche, fut excitée par une forte vocation du Très-Haut et par une douce et efficace transformation, qui la transporta au-dessus de tout ce qui est créé, et elle ressentit de nouveaux effets du pouvoir divin; car cette extase fut une des plus rares et des plus admirables de sa très sainte vie. (La Cité mystique de Dieu, Livre IV, Chapitre X, n° 474, fac-similé de l'édition de 1857, chez Poussielgue-Rusant, p. 310) La très pure Marie jouit plus d'une heure de cette vision béatifique, dont il plut à Dieu de la gratifier immédiatement avant sa divine délivrance. Et au moment où elle en sortait et reprenait ses sens, elle reconnut et vit que le corps de l'Enfant-Dieu se remuait dans son sein virginal, se dégageant et prenant pour ainsi dire congé de ce lieu naturel où il avait demeuré neuf mois, et qu'il se préparait à sortir de ce sacré tabernacle. Ce mouvement de l'enfant, non seulement ne causa point de douleur à la Vierge-Mère, comme il arrive aux autres filles d'Adam et d'Ève lorsqu'elles enfantent (cf. Gn. 3, 16); mais au contraire, il la renouvela toute dans les transports d'une joie ineffable, de sorte que son âme et son très chaste corps éprouvèrent des effets si divins et si sublimes, qu'ils surpassent tout ce que l'entendement créé peut concevoir. Son corps, resplendissant d'une beauté céleste, se spiritualisa au point qu'elle ne paraissait plus une créature humaine et terrestre. Son visage jetait des rayons de lumière comme un soleil brillant de tout son éclat. Une majesté admirable était répandue sur toute sa physionomie, et son coeur était enflammé d'un fervent amour de Dieu. Elle se tenait à genoux dans la crèche, les yeux élevés au ciel, les mains jointes contre la poitrine, l'esprit perdu dans la divinité qui la transformait. C'est dans cet état, en sortant de ce divin ravissement, que notre très auguste Princesse donna au monde le Fils unique du Père et le sien (cf. Lc. 2, 7), notre Sauveur, JÉSUS, Dieu et homme véritable... (ibid., n° 476, pp. 312-313) 87. Quant au second
fait, qui est celui selon lequel il existe, en vertu du
passage scripturaire de Jean 6, 57, une comparaison
entre l'acte de la Nativité du Christ et celui de
la communion eucharistique (voir n° 82), laissons
encore parler la Vénérable Marie de
Jésus d'Agréda: nous ferons ainsi, en
quelque sorte, le lien entre les deux faits fondamentaux
que nous voulons établir à l'aide de
documents anciens. Voici donc ce qu'elle a
contemplé touchant ladite comparaison: Comme (saint Michel et saint Gabriel)
assistaient au mystère sous une forme humaine et
corporelle, à l'instant où le Verbe
incarné, traversant par sa propre vertu le
très chaste sein de Marie, vint au monde, ils le
reçurent entre leurs mains, à une distance
convenable, et avec une vénération sans
égale; et en la manière que le
prêtre expose la sacrée hostie aux
adorations du peuple, ainsi ces deux ministres
célestes présentèrent aux yeux de
la divine Mère son Fils glorieux et
resplendissant. Tout cela se passa en fort peu de temps.
Et au moment où les saints anges
présentèrent l'Enfant-Dieu à sa
Mère, le Fils et la Mère se
regardèrent réciproquement, et dans ce
regard elle blessa le coeur du très doux Enfant,
et fut en même temps ravie et transformée
en lui (cf. Cant. 7, 10; 4, 9). Et se trouvant entre les
mains des deux princes célestes, le Roi de
l'univers dit à sa bienheureuse Mère:
«Ma Mère, devenez semblable à moi;
car je veux, en échange de l'être humain
que vous m'avez donné, vous en donner dès
aujourd'hui, par des grâces plus sublimes, un
autre tout nouveau, qui fasse, par une parfaite
imitation, ressembler une simple créature
à moi qui suis Dieu et homme.» (La Cité
mystique de Dieu, Livre IV,
Chapitre X, n° 481, p. 319) Et après avoir
décrit sa vision du Mystère de la
Nativité, la Vénérable Marie de
Jésus d'Agréda relate une Instruction que je reçus de la
sacrée Vierge...: «Je veux que vous
excelliez en cette humble révérence et en
cette sainte crainte, et que vous sachiez que quand Dieu
entre dans votre bouche sous les espèces
sacramentelles, il vous dit aussi ce qu'il me disait:
"Devenez semblable à moi", comme vous l'avez
entendu et écrit.»
(ibid., n° 488, p. 328)
88. Concernant aussi
le second fait, nous voulons citer d'une manière
toute spéciale ces paroles du
Vénérable Père Louis du Pont (voir
n° 16) [car c'est au jour de sa fête, le 17
février 1990, que j'ai compris, dans la
lumière de l'Esprit-Saint, toute l'importance
théologique du passage scripturaire de Jean 6,
57, fondement même de la comparaison relative au
second fait]. Voici ces paroles: On considérera les grandes largesses
que le Sauveur fit en naissant à sa bienheureuse
Mère (...) Le Sauveur, ayant demeuré neuf
mois dans les flancs de la Sainte Vierge et s'y
étant bien trouvé, crut qu'il était
de sa reconnaissance et de sa libéralité
de l'enrichir de beaucoup de grâces
extraordinaires. Il lui fit surtout clairement
connaître le mystère de sa Nativité;
et au lieu des grandes douleurs que souffrent les femmes
qui sont en travail, il la remplit d'allégresse,
car il n'était pas juste que celle qui avait
conçu sans aucun plaisir sensuel enfantât
avec douleur. Ce qu'il y a de plus surprenant en ceci,
c'est que tout en s'assujettissant lui-même
à toutes les peines de cette vie, il voulut, au
contraire, délivrer sa Mère de celle qui
est commune à toutes les femmes qui ont des
enfants. Il use envers nous d'une pareille
libéralité à la sainte communion.
Car dès qu'il entre en nous, il nous
confère la grâce qui est propre du
Sacrement; et si nous l'avons reçu comme il faut,
il nous communique encore, avant de nous quitter,
plusieurs autres dons, et particulièrement ceux
de la contemplation, de la dévotion et d'une joie
sainte, qui est la plus juste récompense de la
ferveur avec laquelle nous venons de le recevoir. (Vén. P. Louis du Pont, Méditations,
IIe Partie, XVIIe Méditation, pp. 527-528)
89. Enfin, toujours
quant au second fait, et pour clôturer la
série de documents relatifs à la
troisième thèse, voici un autre
témoignage du Père
Frédéric-William Faber, profond et
spirituel, comme à l'ordinaire: Le temps se meut, mais
l'éternité se tient immobile; et ainsi, au
milieu du changement perpétuel, la foi, qui est
le représentant de l'éternité sur
la terre, reste, et demeure en repos; et c'est dans son
immobilité que nous trouvons la
tranquillité et le calme. Le Bethléem de
cette nuit, de ces quarante jours, n'a jamais
passé. Il est vivant, et il vit d'une vie
réelle; non pas ce village chrétien
perché sur le sommet de ces rochers arides (...),
mais l'antique Bethléem, le Bethléem de ce
moment solennel où le Dieu incarné
reposait sur le sol entouré d'animaux dans la
Grotte. Il est vivant non seulement dans le souvenir de
la foi, mais surtout dans les réalités
actuelles de la foi. Il vit d'une vie réelle,
continue, non interrompue, non seulement dans
l'histoire, les arts, la poésie, ou même
dans le culte fécond des fidèles et dans
leurs coeurs de chair, mais encore dans la
réalité adorable du très saint
Sacrement. Autour du tabernacle, qui est notre
perpétuel Bethléem, se continue le
même monde si beau de la dévotion qui
entourait l'Enfant nouveau-né, dévotion
réelle, qui émane de coeurs réels
et dont Dieu reconnaît la réalité en
daignant en accepter l'hommage.
(Bethléem, édition de 1911, Tome 1, pp. 226-227)
*
* *
90. Résumant les trois thèses que nous venons d'argumenter par des témoignages de la Tradition, qui rendent stables et absolument fermes les fondements jetés dans ces Préliminaires, nous pouvons affirmer sans crainte que, mystiquement, Marie-Médiatrice exerce sa médiation par le biais de l'acte proprement sacramentel de la communion eucharistique, et ce, d'une manière pleinement corporelle, quoiqu'aussi, et tout en même temps, spirituelle. Et tout ceci nous autorise à penser et à croire - comme thèse finale - que, sans aucun doute, l'Eucharistie envisagée comme communion est le seul sacrement - car seul il possède un aspect corporel - qui permet à la personne humaine d'obtenir, de la miséricorde de Dieu, la réalité anticipée du Salut éternel, par Marie-Médiatrice. 91. Notons tout
d'abord que cette thèse finale que nous proposons
au lecteur n'est pas autre chose que le fondement
théologique de la promesse faite par le
Sacré-Coeur de Jésus à Sainte
Marguerite-Marie Alacoque, qui l'a relatée ainsi
par écrit en 1688: Je te
promets, dans l'excessive miséricorde de mon
Coeur, que son amour tout-puissant accordera à
tous ceux qui communieront neuf premiers vendredis du
mois de suite, la grâce de la pénitence
finale, ne mourant point dans ma disgrâce et sans
recevoir leurs sacrements, mon divin Coeur se rendant
leur asile assuré au dernier moment. (cf. Jean Ladame, La
Sainte de Paray: Marguerite-Marie, p. 273) Et remarquons bien que cette
promesse a reçu un tel écho dans
l'Église qu'elle figure, sous sa forme latine,
dans le décret même de la canonisation de
Sainte Marguerite-Marie Alacoque: Tibi polliceor, in profusa mei Cordis
misericordia, si qui per novem continentes menses,
singulis sextis feriis quoquo mense primis
occurrentibus, sacratissimam mensam adeant, omnipotentem
Cordis mei amorem poenitentiae finalis beneficium eis
concessurum: in offensa apud me haud ipsi morientur
neque sanctis non exceptis sacramentis; ac, in postremis
illis momentis, tutum eis asylum Cor meum praebebit. (Acta Benedicti PP. XV, Vol. XII, p. 503)
92. Voilà
ensuite le raisonnement. Dans la mesure où, par
le biais de l'acte sacramentel de la communion
eucharistique, Marie-Médiatrice exerce sa
médiation tant corporellement que
spirituellement, ce même acte de la communion
eucharistique possède, et un aspect proprement
corporel (voir n° 48), et un aspect proprement
spirituel (comme tous les autres sacrements). Or, nous
avons établi dans le courant de notre
étude (voir n° 41), que c'est proprement en
référence à la règle
d'association simple et une entre la
Révélation divine et la philosophie de la
vie humaine que le concept de Marie-Médiatrice
est pleinement appréhendé. De plus, dans
ladite règle d'association, nous avons
également établi que la
référence de base ne peut pas ne pas
être la philosophie de la vie humaine. Par
conséquent, il est clair que, relativement
à la médiation de Marie, l'acte de la
communion eucharistique doit être
considéré en référence
propre à la philosophie de la vie humaine. Cela
revient à dire que l'aspect spirituel de l'acte
de la communion eucharistique doit être ici
considéré comme nécessairement
inclus dans l'aspect corporel de ce même acte.
Mais, étant donné que cet acte de la
communion eucharistique - parce qu'il est un acte
nutritif et vital - est essentiellement simple et un, il
faut nécessairement envisager les deux termes
extrêmes de la médiation de Marie, qui
réalisent l'acte de la communion eucharistique,
et qui sont le Christ-Eucharistie et l'Église,
exactement et absolument sous le même rapport que
celui qui est relatif à l'acte de la communion
eucharistique lui-même. Ainsi, en
référence à la philosophie de la
vie humaine, on doit affirmer que, quant au
Christ-Eucharistie qui, humainement, existe sous le
signe du pain et sous le signe du vin, on doit
considérer, de soi, le Sang du Christ,
présent sacramentellement sous les apparences du
vin, comme inclus dans le Corps du Christ,
présent sacramentellement sous les apparences du
pain; et que, pareillement, quant à la personne
humaine qui communie, on doit l'envisager, de soi, comme
composée d'un corps et d'une âme, cette
dernière étant présente, et comme
incluse, en toutes et en chacune des parties du corps,
puisque, dans le cas d'un acte de nutrition (et c'est ce
dont il s'agit ici), l'âme est vivifiée par
le moyen du corps, et comme à travers celui qui
l'inclut en lui.
93. En vertu de ce que
nous venons d'énoncer, c'est-à-dire en
vertu de l'inclusion, d'une part, du Sang du Christ dans
le Corps du Christ, et d'autre part, de l'âme dans
le corps de la personne humaine qui communie, il est
permis de penser et de croire sans aucun doute que
l'Eucharistie sous l'espèce du vin est
directement relative à l'âme de la personne
humaine qui communie, et que l'Eucharistie sous
l'espèce du pain est directement relative au
corps de cette même personne humaine. C'est
pourquoi, le Seigneur lui-même a pu parler de
l'acte de la communion eucharistique, accompli
relativement à la médiation de Marie, en
mettant explicitement en relation, d'une part, son Corps
- sous forme de nourriture - avec le corps humain de
celui qui communie, afin de lui permettre de participer,
par mode de satiété, à la
perpétuité propre de sa vie divine; et
d'autre part, son Sang - sous forme de boisson - avec
l'âme humaine spirituelle du communiant, afin de
lui communiquer, par le moyen d'une foi permettant un
plein rassasiement, la même
perpétuité de sa vie divine, disant: C'est moi le pain de vie: qui vient à
moi n'aura jamais faim, et qui croit en moi n'aura
jamais soif. (Jn. 6, 35)
94. Si le Sang du
Christ doit être considéré comme
inclus dans le Corps du Christ, tout le Sacrement de
l'Eucharistie peut être réduit,
mystiquement (c'est-à-dire relativement à
la médiation de Marie), à la seule
espèce du pain (incluant en elle l'espèce
du vin). Aussi la communion eucharistique devient,
mystiquement, l'union du Corps du Christ et du corps
humain de la personne qui communie. Or, le Seigneur a
expressément affirmé: Celui qui mange ma chair et boit mon sang a
la vie éternelle. (Jn. 6,
54) Par conséquent, il est tout à fait
permis de dire que, mystiquement, la communion
eucharistique, en tant qu'union du Corps du Christ et du
corps humain de celui qui communie, est un acte
corporellement éternel, et donc que, par le fait
même, la personne humaine qui communie au
Christ-Eucharistie, quoique pouvant naturellement
mourir, ne peut pas mourir mystiquement, ou encore,
surnaturellement: Le pain du
ciel est tel que si l'on en mange, on ne meurt point. (Jn. 6, 50) Autrement dit, relativement
à la médiation de Marie, la communion
eucharistique procure sacramentellement, par
anticipation, le Salut éternel à la
personne humaine qui s'unit au Christ-Eucharistie: la
communion eucharistique est le remède propre
contre la seconde mort (Ap. 2, 11; 21, 8).
95. Ainsi, nous le
voyons: la Tradition et la Sainte Écriture sont
d'accords pour affirmer que, par la Sainte Eucharistie
reçue en communion, le corps, ainsi que
l'âme qu'il contient, obtiennent de Dieu
tout-puissant et miséricordieux, la participation
anticipée à la vie éternelle, par
Marie-Médiatrice. Cela, nous venons de le montrer
brièvement; mais, nous l'exposerons davantage
dans la suite de ce livre. Pour l'heure, et pour achever
notre dernier chapitre, retenons les paroles que Marie
adressa le 12 avril 1947 à Bruno Cornacchiola
(voir n° 22): La promesse
de Dieu est, et reste immuable: les neuf vendredis du
Sacré-Coeur que tu as observés... t'ont
sauvé!
96. La
réalité objective - en tant que
donnée de la foi chrétienne authentique -
de la médiation de Marie n'est pas textuellement
contenue dans la Sainte Écriture et
révélée par elle en des termes
appropriés et parfaitement adéquats. Nous
ne trouvons en effet aucun texte de la Bible qui nous
révèle par lui-même que Marie est
médiatrice, au même titre et dans la
même proportion que celui de Saint Paul où
il est dit clairement que le Christ est médiateur entre Dieu et les hommes (1 Tm. 2, 5). Aussi, ce n'est que par le
biais et à partir de la Tradition vivante de
l'Église, qui affirme sans conteste le fait
pratique et toujours existant de la médiation de
Marie, que nous pouvons déduire et, par là
même, déclarer que la Sainte Ecriture,
prise dans sa plénitude absolue de
Révélation divine codifiée par
écrit, ou de Parole de Dieu manifestée et
communiquée aux hommes d'une manière
strictement corporelle ou matérielle, signifie
(dans le plein sens du mot signe), par mode de confirmation, l'existence et le
fait vécu de la médiation de Marie.
97. Ce que nous venons
de dire peut être regardé comme la
conclusion générale de nos Préliminaires.
Et pareillement ceci, en un mot: la Bible, tout en
contenant la Révélation de
Dieu-Trinité dans le Christ total,
c'est-à-dire Tête et Corps, est la
manifestation permanente - par mode de signe - de
Marie-Médiatrice dans l'exercice de sa
médiation. Pour confirmation, nous pouvons
encore, et une fois de plus, relater l'apparition de
Marie à Bruno Cornacchiola, à Rome, le 12
avril 1947: Se
présentant à son fils prodigue, Bruno
Cornacchiola, la Sainte Vierge ajoute: «Je suis la Vierge de la
Révélation.»
On a demandé à Bruno Cornacchiola
pourquoi, selon lui, Elle a voulu se définir
ainsi. Quelle fut sa réponse ? Je la cite:
«Etant protestant, je
cherchais à la combattre en suivant
l'interprétation de la Bible à mon
gré. Elle, au contraire, s'est
présentée avec la Bible à la main,
comme pour me dire: tu as beau jeu d'écrire
contre moi, Je suis pourtant Celle qui émerge de
l'Écriture Sainte validement
interprétée par l'Eglise,
c'est-à-dire l'Immaculée, toujours Vierge,
Mère de Dieu, montée au Ciel.» (Mgr
Fausto Rossi, La Vierge de la
Révélation, p.
40).
98. Si, dans la Sainte
Écriture, Marie-Médiatrice - conjointement
et simultanément à la Sainte
Trinité - est révélée
à l'Église dans le Christ, alors la Sainte
Écriture sert de moyen de communication, et est
donc un instrument de médiation pour Marie entre
Dieu-Trinité, dans le Christ, et l'Église.
Par le fait même, Marie-Médiatrice - selon
la confirmation de la Sainte Écriture - exerce sa
médiation, d'une manière proprement
corporelle, par le biais de la même Sainte
Écriture. Or, lorsque Marie-Médiatrice
exerce sa médiation par le biais de la Sainte
Ecriture, elle l'exerce aussi, d'une manière
parallèle, par le biais de l'acte proprement
sacramentel de la communion eucharistique. Mais, comme
d'une part, la Sainte Écriture, en vertu de sa
codification matérielle, possède
essentiellement un caractère stable et permanent;
et comme d'autre part, l'acte sacramentel de la
communion eucharistique - parce qu'il s'accomplit par
mode de nourriture temporelle et périssable -
possède essentiellement un caractère
transitoire et changeant; il est clair que
Marie-Médiatrice exerce sa médiation d'une
manière finale par le biais de la Sainte
Écriture, et d'une manière médiate
par le biais de l'acte de la communion eucharistique.
Donc, nous ne devons pas craindre d'affirmer nettement
que, relativement à la médiation de Marie
exercée par le biais de la Sainte
Écriture, et ce, d'une manière proprement
corporelle, l'acte sacramentel de la communion
eucharistique - en tant qu'acte propre de
Marie-Médiatrice - possède, de soi, un
aspect réellement, quoique mystiquement,
corporel. C'est d'ailleurs ce que la Tradition vivante
de l'Église affirme aussi, premièrement et
fondamentalement. Nous allons le montrer
ci-après, en présentant au lecteur quatre
textes patristiques relatifs à cette
donnée théologique. Il s'agit de deux
textes de Saint Augustin, d'un texte de Saint Jean
Chrysostome, et d'une citation de l'Ambrosiaster faite
par Saint Thomas d'Aquin dans sa Somme
théologique.
*
* *
99. Le premier texte
de Saint Augustin est le suivant: Soyez ce que vous voyez, et recevez ce que
vous êtes. (Sermon 272,
pour le jour de la Pentecôte - PL 38, 1247) Dans
tout le sermon dont il s'agit ici, Saint Augustin
s'adresse aux nouveaux baptisés pour leur parler
de l'Eucharistie. Et c'est après avoir
cité ce passage de Saint Paul: Vous êtes le corps du Christ (1 Co. 12, 27), que l'orateur prononce la
formule lapidaire citée ci-dessus. Donc,
manifestement, d'après le contexte, le
démonstratif ce désigne l'Eucharistie, le Corps du
Christ, puisque Saint Augustin dit: Recevez ce que vous êtes, décrivant ainsi la communion
spirituelle - et donc simple et une - entre le Christ et
l'Église, mystiquement identiques. Par le fait
même, il est permis de dire que, par ces paroles:
Soyez ce que vous voyez, Saint Augustin donne au sacrement de
l'Eucharistie reçu en communion un aspect
proprement corporel, relatif à la
visibilité qu'il possède essentiellement
en tant que signe, et donc intrinsèquement
associé à la notion de nourriture sensible
et délectable, selon ces paroles: Goûtez et voyez comme est bon le
Seigneur. (Ps .33, 9 - Refrain
chanté à la communion dès le IVe
siècle)
100. Voici l'autre
texte de Saint Augustin: Si
l'on entend bien dans ce sens les paroles du Sauveur: Comme mon Père, qui est vivant, m'a
envoyé, et que je vis à cause de mon
Père, ainsi celui qui me mange vivra à
cause de moi; il a voulu dire
ceci: L'anéantissement où m'a
réduit ma mission a eu pour résultat de me
faire vivre à cause de mon Père,
c'est-à-dire, de me faire rapporter à lui,
comme étant plus grand que moi, toute ma vie;
ainsi, chacun de ceux qui me mangeront vivra à
cause de moi, par l'effet de cette participation
à ma personne.
(Traité 26 sur Saint Jean, n° 19 - Traduction
française réalisée sous la
direction de M. Raulx, Bar-le-Duc, Louis Guérin
éditeur, 1872 - PL 35, 1615). Cette
interprétation du passage scripturaire bien connu
de Jean 6, 57 est tout à fait correcte; Saint
Augustin nous en avertit juste avant de nous la livrer:
Cette interprétation est
juste; on peut la soutenir, tout en continuant à
reconnaître que le Fils est, par nature,
égal au Père.
Assurément, ce texte de Saint Augustin argumente
parfaitement notre propos: la mission du Verbe
n'étant rien d'autre que d'accomplir l'Ordre du
Père dans l'Incarnation
et la Rédemption qui constituent un seul mystère d'amour (S.S. Jean-Paul II, Allocution du 10
novembre 1993), il est clair que le passage scripturaire
de Jean 6, 57 - selon l'interprétation de Saint
Augustin - établit une comparaison entre, d'une
part, la relation existant entre le Père et le
Fils, relation qui est personnifiée dans l'Esprit que le Père donne
éternellement à son Fils, et qui repose
sur Jésus, Verbe incarné, depuis sa
conception et son baptême jusqu'à sa
résurrection... (Les
Évêques de France, Catéchisme
pour adultes, n° 234), et
relation qui, par le fait même, en vertu du
mystère de l'Incarnation, possède une
dimension proprement corporelle; et d'autre part, la
relation existant entre le Christ-Eucharistie et
l'Église dans l'acte de la communion
sacramentelle, relation qui, en vertu de la comparaison
que nous établissons, possède elle aussi
une dimension proprement corporelle, et relation qui,
à cause du mode sacramentel qui la
caractérise (relativement à la notion de
signe), possède par le fait même, de soi,
un aspect réellement - quoique mystiquement -
corporel.
101. Commentant un
passage de Saint Paul (1 Co. 10, 16), Saint Jean
Chrysostome déclare:
Pourquoi ajouter: Le pain que
nous rompons ? Ce qui a lieu
réellement dans l'Eucharistie, tandis que sur la
croix, le contraire se produisit, selon ces paroles: On ne rompra point ses os. (Nb. 9, 12) Ce que le Christ n'a pas
souffert sur la croix, il le souffre à l'autel
à cause de vous; il se laisse diviser, afin de se
donner à tous.
(Homélie 24, n° 2, sur les deux
épîtres aux Corinthiens - PG 61, 200 -
Traduction française de l'abbé J.
Bareille, Paris, Louis Vivès éditeur,
1872) Dans ce beau texte, très riche, Saint Jean
Chrysostome explique théologiquement le rite
liturgique de la fraction du pain. Or, il dit
expressément: Ce que le
Christ n'a pas souffert sur la croix, il le souffre
à l'autel... Ce qui
revient à affirmer qu'il existe une comparaison,
voire une similitude parfaite - puisque relative
à la personne du Christ, qui est parfait en tout
- entre l'action du brisement des os du Christ sur la
Croix et l'action liturgique de la fraction du pain. Par
conséquent, nous pouvons considérer - en
vertu de ladite comparaison - et même, nous devons
considérer - si l'on admet qu'il y a similitude
parfaite - l'action de la fraction du pain dans sa
réalisation première et originelle, qui
est l'action du brisement des os du Christ. Ainsi
conçue, l'action de la fraction du pain devient
un acte de participation de l'Église à la
Passion du Christ, par la médiation de Marie,
puisque, d'une part, il s'agit ici du corps historique
du Christ considéré dans sa Passion, et
avant sa Résurrection; et que, d'autre part, lors
du brisement des os - s'il avait eu lieu - le Christ
n'aurait pas pu souffrir, étant
déjà mort (cf. Jn. 19, 33). Et comme le
Christ n'aurait pu subir le brisement des os que d'une
manière corporelle, et non spirituelle (pour la
même raison qu'il était déjà
mort), il est clair que cet acte de participation de
l'Église à la Passion du Christ,
réalisé sacramentellement dans l'action
liturgique de la fraction du pain, ne peut pas ne pas
être essentiellement corporel. Par le fait
même, l'action sacramentelle de la communion
eucharistique - qui est anticipée dans l'action
de la fraction du pain - possède, de soi, un
aspect proprement corporel: c'est le témoignage
de Saint Jean Chrysostome.
102. Le
quatrième texte, attribué parfois à
Saint Ambroise, mais qui est plutôt de la main de
l'Ambrosiaster, est cité partiellement par Saint
Thomas d'Aquin dans le passage suivant: «Panis, et
vinum sunt materia conveniens (Eucharistiae) sacramenti.
Et hoc rationabiliter (...) Tertio quantum ad effectum
consideratum in unoquoque sumentium; quia, ut Ambrosius
dicit super epistolam primam ad Corinthios (...), hoc sacramentum valet ad tuitionem animae, et
corporis, et ideo corpus Christi sub specie panis pro
salute corporis, sanguis vero sub specie vini pro salute
animae offertur; sicut dicitur
Levitico 17, 11 quod anima
carnis in sanguine est» Il convient que le pain et le vin soient la
matière du sacrement de l'Eucharistie. Et ceci
est conforme à la raison (...)
Troisièmement, par rapport à l'effet
considéré en chacun de ceux qui
communient; car, comme le dit Saint Ambroise à
propos de la première épître aux
Corinthiens, ce sacrement sert
à la protection de l'âme et du corps; c'est
pourquoi le Corps du Christ est offert sous
l'espèce du pain pour le salut du corps, et le
Sang sous l'espèce du vin pour le salut de
l'âme; puisqu'il est dit
dans le Lévitique (17, 11): L'âme de la chair est dans le sang. (S.
Thomas, Summa Theologica, IIIa, q. 74, a.1, corp.)
Voici le texte complet
de l'Ambrosiaster: «Caro Salvatoris pro salute
corporis, sanguis vero pro anima nostra effusus est,
sicut prius praefiguratum fuerat a Moyse; sic enim ait:
"Caro pro corpore vestro offertur, sanguis vero pro
anima." (? Leviticus 17, 11)» La chair du Sauveur (a été
livrée) pour le salut du corps, mais son sang a
été répandu pour notre âme,
ainsi que cela avait été annoncé
auparavant par Moïse; il a dit en effet: "La chair
est offerte pour votre corps, mais le sang pour
l'âme." (? Lévitique 17, 11) (In epistolam beati Pauli ad Corinthios
primam [Sur la première épître de
Saint Paul aux Corinthiens], c. XI - PL 17, 243). Ce
témoignage parle de lui-même: on ne peut
dire que le Corps du Christ est offert sous
l'espèce du pain pour le salut du corps, et est
donc, par le fait même, pleinement relatif au
corps de la personne humaine pour qui il est
réalisé, que si l'on suppose, et si l'on
admet au préalable, que l'acte sacramentel de la
communion eucharistique possède essentiellement
un aspect proprement corporel (voir notre thèse
finale, nos 92 à 94).
*
* *
103. Relativement
à la médiation de Marie exercée par
le biais de la Sainte Écriture,
c'est-à-dire en vertu de l'autorité et du
témoignage de la Parole de Dieu consignée
par écrit (autorité et témoignage
donnant confirmation - par mode de signe - à
l'accord de pensée des trois Pères de
l'Église que nous venons de citer), on doit
admettre sans conteste possible que l'acte sacramentel
de la communion eucharistique possède, de soi, un
aspect proprement corporel. Comme
Marie-Médiatrice n'exerce sa médiation par
le biais de l'acte de la communion eucharistique qu'en
vertu de son union sponsale avec le Pontife Romain en
général, et avec le dernier Pape en
particulier, l'aspect proprement corporel de l'acte de
la communion eucharistique est directement relatif
à la personne du Pape dans son union au
Christ-Eucharistie. Mais étant donné que,
quant au dernier Pape, son corps est spiritualisé
et simplifié, la notion d'aspect corporel de
l'acte de la communion eucharistique - pour qu'elle ne
soit pas vidée de tout son sens - demande
nécessairement de penser et de croire que les
espèces sacramentelles, d'ordre corporel, soient
partie essentielle du sacrement de l'Eucharistie
envisagé, non pas en lui-même, mais bien
comme communion, c'est-à-dire dès
l'instant même de la consécration, et
seulement à partir de cet instant. Finalement, si
on envisage la Sainte Eucharistie - comme communion -
dans le contexte, d'ordre mystique, de la
médiation de Marie (et tel a été
notre objectif durant ces Préliminaires, et tel doit-il rester dans la suite de ce
livre, et partant, dans toute notre vie), alors les
espèces sacramentelles elles-mêmes, d'ordre
corporel, sont partie essentielle du sacrement de
l'Eucharistie: c'est notre conclusion
particulière et ultime.
104. En d'autres mots,
et pour conclure, disons que les espèces
eucharistiques sont pleinement relatives à la
participation de l'Église - par Marie
médiatrice et co-rédemptrice - à
l'Oeuvre du Christ-Rédempteur. C'est ce qu'un
célèbre miracle eucharistique a
parfaitement révélé: celui qui eut
lieu dans la ville de Lanciano, en Italie, au VIIIe
siècle. Après la consécration du
pain et du vin au Corps et au Sang du Christ, le
célébrant vit l'hostie se changer en Chair
et le vin se changer en Sang. Or, en 1970, sur la
demande de l'autorité ecclésiastique, les
saintes espèces - qui n'étaient plus
espèces, mais bien réalité visible
- furent analysées scientifiquement en
laboratoire, et il a été reconnu pour
certain que la Chair eucharistique du Seigneur
était, dans le cas présent, un morceau de
muscle cardiaque, un tissu
musculaire strié du myocarde (Bruno Sammaciccia, Le
miracle de Lanciano, p. 40). De
plus, nous savons bien que le Coeur du Christ -
quoiqu'il soit une des parties du corps du Christ qui
ait subi la Passion, puisque le Seigneur est
ressuscité avec une plaie à son côté
(Jn. 20, 25) - n'a été transpercé
d'un coup de lance qu'après la mort du Sauveur: Ils s'approchèrent de Jésus. Le
voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas
les jambes, mais de sa lance, un des soldats lui
perça le côté. (Jn. 19, 33-34) Ainsi, le miracle de
Lanciano illustre merveilleusement le mystère de
la co-rédemption de Marie - par voie de
médiation - dans l'acte de la communion
eucharistique, fait qui est pleinement décrit
dans le titre de notre livre:
L'Eucharistie: l'Église dans le Coeur du Christ.
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