Le Père Daniel Meynen
prépare le Jubilé de l'An 2000






La Personne du Père

 

Durant l'année 1999,
dans la perspective de la préparation
du Grand Jubilé de l'an 2000,
j'ai rédigé quelques feuillets consacrés
à l'étude de la Personne de Dieu le Père.




Feuillet n° 1 sur Dieu le Père
 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Nous inaugurons une nouvelle année préparatoire au Grand Jubilé de l’An 2000 !  Cette année sera assurément la plus importante pour nous préparer à cet événement unique, puisque, étant la plus rapprochée du Jubilé, elle sera davantage présente à notre mémoire lorsque nous célébrerons cet anniversaire de la naissance du Christ.

Dans le courant de l’année consacrée au Saint-Esprit, j’ai parcouru diverses épîtres de Saint Paul, commentant à la suite les passages les plus significatifs dans lesquels le grand Apôtre des Nations parle de l’Esprit de Dieu.  Je continuerai de la même manière cette année, en commençant par l’épître aux Ephésiens.

Saint Paul nous dit : "Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ.  Il nous a comblés, du haut des cieux, de toute bénédiction spirituelle dans le Christ, en nous choisissant en lui dès avant la création du monde pour être saints et irréprochables à ses yeux.  Il nous a prédestinés dans son amour, selon le bon plaisir de sa libre volonté, à être ses fils adoptifs en Jésus Christ, afin de faire resplendir la grâce merveilleuse qui nous a été donnée par lui dans le Bien-Aimé." (Ep. 1, 3-6)

Ce passage de Saint Paul est tout à fait caractéristique pour nous faire découvrir qui est notre Père, celui qui nous a envoyé son Fils, pour qu’il nous donne la vie éternelle par son sacrifice rédempteur du Calvaire.  Le Père est celui qui "nous a comblés, du haut des cieux, de toute bénédiction spirituelle dans le Christ" ; et il est celui que Saint Paul invite à bénir : "Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ."  La notion de "bénédiction", ou le fait de "bénir", sert de relation réciproque entre le Père et nous.

"Bénir" vient du latin "bene-dicere", c’est-à-dire "dire du bien", ou "bien dire."  Cela revient à dire que, en bénissant Dieu, nous lui disons du bien, nous lui disons une bonne parole.  Semblablement, lorsque le Père nous bénit, ou nous comble de sa bénédiction, nous recevons de lui une bonne parole.  Or, quelle bonne parole le Père peut bien nous dire, sinon celle qui lui est semblable, sa Parole, son Fils éternel ?  Cependant, comme c’est proprement le Christ, en tant que Dieu, qui est véritablement l’unique Parole du Père, lorsque nous recevons de Dieu le Père sa bénédiction spirituelle, nous ne recevons cette unique Parole du Père que par participation, et non en plénitude.

La bénédiction du Père est une bénédiction "spirituelle" : "Il nous a comblés, du haut des cieux, de toute bénédiction spirituelle dans le Christ."  Or, dans la Très Sainte Trinité, si toutes les personnes sont "Esprit," c’est plus particulièrement la troisième Personne, le Saint-Esprit, qui nous apparaît comme étant spirituelle.  Saint Paul semble l’insinuer lorsqu’il dit : "Qui peut savoir ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même, nul ne connaît ce qui est en Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu." (1 Cor. 2, 11)  Ainsi, la bénédiction du Père, quoique fondamentalement enracinée dans le Christ en personne, possède la caractéristique propre de l’Esprit de Dieu.

Saint Paul confirme ce que nous venons de dire : "Il nous a prédestinés dans son amour, selon le bon plaisir de sa libre volonté."  Amour, volonté, deux notions tout à fait propre à l’Esprit-Saint : il est l’Amour en personne, il procède du Père et du Fils par mode de volonté.  En ce sens, si c’est bien la Parole du Dieu qui nous est donnée en participation lorsque le Père nous bénit, c’est d’abord et avant tout le don de l’Esprit-Saint que nous recevons.  Et, dans la mesure où nous répondons à ce don de l’Esprit, le Père nous donne part à sa bonne Parole et nous bénit dans le Christ.

En effet, le don de l’Esprit n’est autre que l’amour de Dieu envers nous : "Il nous a prédestinés dans son amour."  Or, à l’amour de Dieu, nous pouvons (c’est-à-dire, nous avons la puissance et la possibilité) librement répondre à cet amour par la charité envers Dieu et envers le prochain.  Il y a donc une condition, que Dieu a déjà pré-vue dans le Christ ("Il nous a prédestinés . . ."), pour que nous puissions être bénis par le Père.  Comme notre charité envers Dieu et le prochain peut être plus ou moins fervente, il existe une proportion entre notre réponse d’amour et le fait de notre bénédiction par le Père.

Notre réponse d’amour au Père doit être une réponse continuelle, jusqu’à la fin de notre vie sur terre.  Mais l’amour de Dieu, le don de l’Esprit-Saint, nous pousse et nous stimule sans cesse à donner au Père cette réponse d’amour.  Car Dieu a connu par avance notre réponse d’amour : c’est dans cette vision qu’il nous donne son propre amour, sûr de recevoir en temps opportun la réponse qu’il attend.  Mais tout cela peut s’avérer pénible et difficile de la part de l’homme ou de la femme que Dieu veut ainsi combler.  Ne donne-t-on pas la bénédiction de Dieu en faisant un signe de croix sur celui que l’on bénit ?

Le Père nous aime dans son Fils : il nous envoie son Esprit d’amour pour nous rendre participants de sa propre vie.  Notre réponse d’amour sera sans fin, car si nous persévérons ainsi jusqu’à la fin, nous entendrons éternellement cette parole du Christ qui dit : "Venez les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous est destiné depuis la création du monde." (Mt. 25, 34)

Nous continuerons notre lecture de Saint Paul la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 2 sur Dieu le Père
 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Nous avons commencé notre étude sur Dieu le Père en commentant les premiers versets de l’épître de Saint Paul aux Ephésiens.  Voici ce que dit l’Apôtre en poursuivant : "Je ne cesse de rendre grâce pour vous lorsque je pense à vous dans mes prières.  Que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation qui vous ouvre à sa connaissance ; qu’il illumine les yeux de votre coeur, afin que vous sachiez quelle est cette espérance engendrée en nous par son appel, quels sont les trésors de gloire que contient l’héritage réservé à ses saints, et quelle est la grandeur infinie de sa puissance à l’égard de nous, les croyants." (Ep. 1, 16-19)

Dieu le Père apparaît ici comme "le Père de gloire," c’est-à-dire celui qui procure la gloire et qui la donne.  Le Christ avait lui-même affirmé, en priant son Père : "Maintenant, toi, Père, glorifie-moi auprès de toi-même en m’accordant cette gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût créé." (Jn. 17, 5)  Cette glorification du Christ par le Père s’accomplit dans l’Esprit-Saint : "Quand le Paraclet, l’Esprit de vérité, sera venu . . . Il me glorifiera, parce qu’il tirera de mon bien ce qu’il vous communiquera." (Jn. 16, 13-14)

Si la glorification du Christ s’accomplit dans l’Esprit-Saint, alors, la glorification des fidèles du Christ par le Père s’accomplit elle aussi dans l’Esprit-Saint, et donc aussi dans l’esprit de chaque croyant ; c’est pourquoi Saint Paul dit : "Que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation."  Cela suppose qu’il y a une certaine similitude entre la glorification du Christ et celle des chrétiens.  Jésus lui-même l’a confirmé en disant à son Père : "Pour moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un, comme nous sommes un." (Jn. 17, 22)

La gloire est une grande renommée tenant à des actions remarquables.  Ainsi, le Père glorifie le Christ dans l’Esprit-Saint en faisant connaître par sa grâce les mérites de son Fils mort et ressuscité pour tous les hommes appelés au salut.  Il en est de même pour les chrétiens que le Père veut glorifier dans son Esprit-Saint.  La gloire du Christ et des chrétiens est donc constituée par "des paroles de grâce" (Lc. 4, 22) répandues dans l’esprit des hommes appelés à devenir fils de Dieu dans le Christ.  La gloire du Christ et celle des chrétiens permet au Père de susciter des frères et des soeurs à son Fils unique.

Car celui ou celle qui est atteint par la gloire et la renommée du Christ ne peut pas ne pas en être fasciné et profondément touché jusqu’à la racine de son coeur.  C’est l’action du Père qui agit dans l’esprit de l’homme par l’entremise de son Esprit-Saint.  Ainsi, Simon, surnommé Pierre, confessa que Jésus était le Fils de Dieu, non d’après la renommée donnée au Christ par les hommes, mais bien par le Père en personne : "Pour vous, dit Jésus à ses disciples, qui suis-je ?"  Simon-Pierre prit la parole : «Tu es le Christ, dit-il, le Fils du Dieu vivant !»  Alors Jésus prit la parole à son tour et lui dit : «Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux.»" (Mt. 16, 16-17)

La glorification du Fils par le Père engendre de nouveaux disciples du Christ : si Simon a pu être appelé "Pierre" (Mt. 16, 18) par le Christ, c’est parce que le Père a manifesté à Simon-Pierre, en esprit, la renommée de son Fils.  Il en va de même pour la glorification des fidèles par le Père : lorsque des chrétiens se comportent de manière vertueuse et parfois héroïque, si ces actes sont connus (ce qui constitue la renommée et une certaine gloire), alors, les autres hommes et femmes peuvent en être intimement touchés, à un point tel qu’ils en deviennent souvent plus saints, et parfois même de nouveaux disciples du Christ.  La gloire du Christ et des chrétiens permet au Père, dans l’Esprit-Saint, d’engendrer de nouveaux fidèles du Crucifié de Nazareth.

Cette gloire du Père n’a rien de comparable avec la gloire du monde et de la terre : c’est la gloire du ciel, c’est la gloire de la Croix qui conduisit le Sauveur du monde jusqu’à la droite de Dieu son Père.  C’est pourquoi Saint Paul écrit : "Pour moi, Dieu me garde de trouver ma fierté autre part que dans la croix de notre Seigneur Jésus Christ, par laquelle le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde." (Ga. 6, 14)  Cette gloire du Père n’est pas une gloire qui éclate aux yeux des hommes : elle est tout intérieure, car elle est spirituelle.  Elle n’éclatera au grand jour qu’à l’instant même où le Christ paraîtra dans sa propre gloire lors de son retour à la fin des temps.

Etant essentiellement spirituelle, la gloire du Père est un facteur d’unité : tous ceux que la gloire du Christ et des chrétiens attirent ne font plus entre eux qu’une seule chose, car ils ont tous un seul coeur et une seule âme (cf. Ac. 4, 32).  La gloire du Christ unit tous les chrétiens : "Pour moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un, comme nous sommes un." (Jn. 17, 22)  Ainsi, lorsque le Père de gloire agit dans le coeur des fidèles, il réalise l’unité des tous les fidèles du Christ, qui deviennent alors des "pierres vivantes" (1 P. 2, 5) semblables à cette unique Pierre, Simon, que le Père a édifiée dans son Fils Jésus.

Nous continuerons notre lecture de Saint Paul la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 3 sur Dieu le Père
 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Voici ce que dit Saint Paul dans le troisième chapitre de son épître aux Ephésiens : "Je fléchis les genoux devant le Père, de qui tire son nom toute paternité au ciel et sur la terre, afin qu’il vous donne, à la mesure de son glorieux trésor, d’être puissamment affermis par son Esprit en vue de la croissance de l’homme intérieur ; que le Christ habite en vos coeurs par la foi, que vous soyez enracinés dans la charité, fondés sur elle." (Ep. 3, 14-17)

Dans ce passage de Saint Paul, relevons ces paroles : "Je fléchis les genoux devant le Père."  Cette action, ce fait de s’agenouiller devant Dieu, nous le faisons, nous l’avons fait à plusieurs reprises dans notre vie.  Cette attitude de respect envers Dieu le Père marque notre infériorité vis-à-vis de celui qui est le créateur de l’univers, celui dont nous tenons tout, celui en qui nous vivons depuis notre existence.  Saint Paul n’hésita pas à le proclamer devant l’aréopage d’Athènes : "C’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être." (Ac. 17, 28)

Nous sommes inférieurs au Père : devant lui, nous fléchissons le genou.  Jésus aussi, en tant qu’homme semblable à nous, s’est reconnu inférieur au Père, lorsqu’il a dit : "Le Père est plus grand que moi." (Jn. 14, 28)  Mais, bien sûr, ainsi qu’il vient d’être dit, ce n’est que comme homme que Jésus a pu se dire inférieur au Père ; en tant que Dieu, il est l’égal du Père, ainsi qu’il l’a affirmé lui-même : "Moi et le Père, nous sommes un." (Jn. 10, 30)

Que peut-il manquer à Jésus-Homme pour qu’il soit inférieur au Père ?  Ce qui lui manque, c’est la même chose qui nous manque à nous-mêmes, et ce pourquoi le Fils de Dieu s’est incarné : la connaissance de Dieu.  Car Dieu a envoyé son Fils afin que, par lui, le monde le connaisse dans l’amour.  Jésus disait en effet à son Père : "La vie éternelle consiste en ce qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ." (Jn. 17, 3)  Si Jésus-Homme est inférieur à son Père, c’est parce que la connaissance de la vie éternelle lui est donnée par son Père ; ainsi Jésus disait à ses disciples : "Je viens de vous appeler amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père." (Jn. 15, 15)

Les paroles de Jésus sont claires : ce qu’il a appris du Père, il l’a transmis à ses disciples.  Mais ce que Jésus enseigne en tant qu’homme, il le fait aussi en tant que Dieu, car il n’y a qu’une seule personne en Jésus.  Cela veut dire que ce que Jésus dit en paroles d’homme, il le dit dans l’Esprit-Saint, qui repose sur lui (cf. Lc. 4, 18).  Par le fait même, l’Esprit de Dieu parle au coeur de chacun de ses disciples lorsque Jésus les enseigne, les aidant à comprendre, en Dieu, ce que Jésus dit comme homme.

Lorsqu’un homme se laisse instruire par l’Esprit de Dieu, il est porté à l’amour de son Créateur et ainsi les trois Personnes divines viennent demeurer en lui : "Si quelqu’un m’aime, disait Jésus, il gardera ma parole et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure." (Jn. 14, 23)  C’est ce qui arriva au plus haut point à Pierre quand Jésus l’interrogea, lui et ses compagnons, afin de savoir ce qu’il pensait de lui : "Pour vous, leur dit-il, qui suis-je ?"  Simon-Pierre prit la parole : "Tu es le Christ, dit-il, le Fils du Dieu vivant !"  Alors, Jésus prit la parole à son tour et lui dit : "Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux." (Mt. 16, 15-17)

Le Père parla à Pierre, il lui révéla, par son Esprit, qui était Jésus : le Fils du Dieu vivant.  Mais Jésus, après cette confession sans pareille, établit Pierre comme fondement de son Eglise : il l’établit définitivement dans l’Eglise qu’il se voulait pour Epouse dans la cité céleste.  Cette fondation fut définitive, bien qu’elle dut encore passer par l’épreuve de la purification : Jésus n’avait pas encore accomplit la rédemption du genre humain, et Pierre allait, malheureusement, trahir son Maître au moment de son arrestation.  Quoi qu’il en soit, cette fondation était bien réelle, et nul ne pouvait désormais l’anéantir complètement.

C’est donc devant Pierre fondement de son Eglise, c’est devant un homme à qui le Père avait parlé que Jésus, la veille de sa Passion, lava les pieds de ses disciples, et donc ceux de Pierre : "Il versa de l’eau dans un bassin et se mit à laver les pieds de ses disciples, et à les essuyer avec le linge dont il était ceint." (Jn. 13, 5)  C’est comme si Jésus s’agenouilla devant ses disciples, et en particulier devant Pierre ; et sans doute le fit-il réellement.  C’est donc comme si Jésus s’agenouilla devant son Père qui est aux cieux, ce Père tant aimé, plein de miséricorde, celui qui daigna parler à Pierre pour lui révéler son Fils.

Saint Paul nous invite à nous agenouiller devant Dieu le Père ; Jésus a lavé les pieds de ses disciples et il nous invite à nous agenouiller devant nos frères, et notamment devant Pierre, ou plutôt celui qui le représente aujourd’hui pour nous, le Pape.  N’est-ce pas là une marque de profond respect pour celui à qui le Père a parlé, Pierre, le premier Pape, toujours vivant dans la mémoire de l’Eglise et agissant mystérieusement à travers chacun de ses légitimes successeurs ?  L’Eglise nous dit que la Pape enseigne, en certaines circonstances, d’une manière infaillible : cela n’a rien d’étonnant, puisque le Père a parlé à Pierre.

Nous continuerons notre lecture de saint Paul la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 4 sur Dieu le Père
 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Continuons notre lecture de Saint Paul.  Voici ce qu’il dit dans ce célèbre passage de son épître aux Ephésiens : "Il n’y a qu’un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés, par votre vocation, à une seule espérance.  Il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; il n’y a qu’un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, qui agit par tous, et qui est en tous." (Ep. 4, 4-6)

"Il n’y a qu’un seul Dieu et Père de tous," nous dit Saint Paul.  Dieu en tant que Père est facteur d’unité : Dieu le Père est unique, et cet unicité nous permet, à nous ses fils, d’être tous unis en lui et par lui.  Si, par grâce, nous sommes fils de Dieu, alors, le Père de Jésus est notre Père à tous, et notre lien filial au Père nous unit tous les uns les autres.  Mais ce lien filial, c’est l’Esprit de Dieu qui en permet l’existence, car il est l’Esprit dans lequel vivent le Père et le Fils au sein d’une unique essence divine.  C’est pourquoi, Saint Paul commence par dire : "Il n’y a qu’un seul corps et un seul Esprit."

Avant Saint Paul, Jésus lui-même nous a enseigné l’unité, disant, en priant son Père : "Pour moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un, comme nous sommes un." (Jn. 17, 22  -  Voir aussi le feuillet n° 2 sur Dieu le Père).  Cela veut dire que si nous n’avons tous qu’un seul Père, qui est Dieu, alors, tous ensemble nous ne formons plus qu’un seul Corps vivant dans une unité semblable à celle de la Très Sainte Trinité elle-même.  "Il n’y a qu’un seul corps et un seul Esprit."  S’il n’y a qu’une seule Eglise unie, ce ne peut être que sur le modèle de la Divine Trinité, c’est-à-dire l’union essentielle des Trois Personnes Divines.

"Dieu est amour," nous dit Saint Jean (1 Jn. 4, 16)  De toute éternité, Dieu le Père aime son Fils, et le Fils aime son Père, et de cet amour divin procède l’Esprit-Saint, qui est l’amour personnifié.  Mais Dieu n’a pas voulu gardé cet amour en lui : il a voulu, au contraire, que cet amour se répande en dehors de lui, dans ses créatures.  C’est précisément parce que Dieu est amour que le monde existe : la création n’est rien d’autre que la manifestation de l’amour qui est en Dieu de toute éternité.  Cependant, ce ne fut que lors de la venue du Christ parmi nous que l’amour de Dieu atteignit sa pleine manifestation, selon ces paroles du Père : "Voici mon Fils bien-aimé, sur qui je porte mon affection." (Mt. 3, 17)

L’amour qui est en Dieu, et qui est Dieu, a été répandu en nos coeurs par l’Esprit du Père : "L’amour de Dieu a été répandu en nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné." (Rm. 5, 5)  Mais, une fois en nous, cet amour de Dieu reçoit comme une nouvelle dimension : c’est comme s’il prenait corps, non pas en nous, ni à cause de nous, mais bien dans le Christ et à cause du Christ, qui est en nous.  C’est alors que le Corps du Christ prend vie et, que réellement, bien que d’une manière mystérieuse, nous réalisons tous ensemble une certaine image de la Très Sainte Trinité, et que, tous, nous n’avons plus "qu’un coeur et qu’une âme." (Ac. 4, 32)  C’est alors que se réalise ce "grand mystère," dont parle saint Paul (cf. Ep. 5, 32)

"Il n’y a qu’un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous."  Le Père, notre Père, est au-dessus de nous, car, même si tous ensemble nous formons une image de la Divine Trinité, nous n’en restons pas moins hommes et femmes, créatures finies, dépendantes du Créateur de toutes choses.  C’est d’ailleurs en se considérant comme l’un de nous que Jésus a dit : "Le Père est plus grand que moi." (Jn. 14, 28)

Si le Père est au-dessus de nous, ce n’est cependant pas pour nous maintenir dans notre bassesse et notre infériorité.  Au contraire, c’est pour attirer notre regard vers le haut, vers les choses du Ciel.  Dieu ne nous a pas créés pour ramper sur le sol et marcher à quatre pattes comme les animaux.  Mais il a voulu que nous ayons la tête tournée vers le Ciel afin que notre esprit se préoccupe de la vie éternelle.  Notre condition de fils de Dieu dans le Christ n’est pas stable, et jamais elle ne le sera : même dans l’éternité, notre amour de Dieu croîtra sans cesse.  Toujours, nous avons à garder notre tête levée vers le Ciel, car il nous faut sans cesse grandir dans l’amour de Dieu.  "Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait." (Mt. 5, 48)

Si le Père est au-dessus de nous, c’est parce qu’il est Père et que, en ce sens, il a toute autorité sur nous.  Le mot ‘autorité’ vient du latin ‘augere’, c’est-à-dire ‘faire croître, augmenter, grandir’.  Donc, celui qui a autorité est celui qui fait grandir : le Père, notre Père, est au-dessus de nous parce qu’il est celui qui nous fait grandir jusqu’à nous faire demeurer en lui, et lui en nous.  C’est pourquoi Saint Paul dit : "Il n’y a qu’un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, qui agit par tous, et qui est en tous."  Dieu le Père agit en nous et il est en nous, dans la mesure où il nous fait grandir en lui, c’est-à-dire dans la mesure où nous reconnaissons son autorité souveraine de Créateur et de Père de toutes choses, excepté le péché.

Pour conclure, retenons ces admirables paroles de Jésus : "Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure." (Jn. 14, 23)  Nous continuerons notre lecture de Saint Paul la prochaine fois, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 5 sur Dieu le Père
 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans son épître aux Philippiens, Saint Paul écrit, parlant du Christ : "Aussi, Dieu l’a-t-il souverainement exalté et lui a-t-il conféré le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, au ciel, sur terre et dans les enfers, et que toute langue professe, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Seigneur." (Ph. 2, 9-11)

Saint Paul, ici, entend nous parler du nom de "Jésus".  C’est le nom que Dieu le Père a choisi pour son Fils fait homme.  Mais, bien que choisi par Dieu, ce nom de Jésus est d’abord un nom d’homme donné à un homme, le Christ, par un homme, Joseph.  Ce dernier reçut en effet de Dieu l’ordre de donner ce nom de Jésus à celui qui naîtrait de Marie, son épouse : "L’ange du Seigneur lui apparut en songe : «Joseph, dit-il, fils de David, ne crains point d’accueillir Marie, ta femme ; l’enfant qu’elle a conçu vient de l’Esprit-Saint.  Elle va mettre au monde un fils, à qui tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.»" (Mt. 1, 20-21)

Jésus est le nom d’homme du Christ, le Fils de Dieu.  C’est le nom sous lequel il fut connu comme homme dès son plus jeune âge : "Quand après huit jours, il fallut circoncire l’enfant, on lui donna le nom de Jésus, qu’avait indiqué l’ange, avant sa conception." (Lc. 2, 21)  C’est aussi le nom qui figurait sur l’écriteau apposé au-dessus du Christ cloué en croix : "Jésus de Nazareth, roi des Juifs." (Jn. 19, 19)

Dieu le Père a donc veillé, par l’intermédiaire de Joseph, le père putatif de Jésus, à ce que son Fils ait, comme homme, un nom tout particulier qui nous fasse connaître exactement qui est son Fils et ce qu’il est venu faire parmi nous.  Dieu le Père a voulu que nous sachions, par ce nom, que cet homme, semblable aux autres hommes, est notre Sauveur, et donc qu’il n’est pas seulement un homme, mais aussi Dieu.  Car Dieu seul peut nous sauver de nos péchés.

Le nom de Jésus, quoiqu’il s’agisse d’un nom d’homme comme en portent tous les hommes et toutes les femmes sur terre, est un nom qui nous parle directement de la divinité du Fils de Dieu.  C’est d’ailleurs cet unique aspect de la divinité du Fils de Dieu que l’Ange Gabriel a voulu mettre en relief lorsqu’il s’adressa à Marie le jour de l’Incarnation : "Tu vas concevoir et enfanter un fils, à qui tu donneras le nom de Jésus.  Il sera grand : on l’appellera Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura pas de fin." (Lc. 1, 31-33)

C’est bien cette divinité que Saint Paul a voulu exprimer lorsqu’il dit : "Que toute langue professe, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Seigneur."  Si le nom de Jésus est bien une parole d’homme, un nom d’homme donné à un homme, le Christ, par un autre homme, c’est aussi et d’abord un nom de Dieu, un nom du Seigneur, un nom qui a une puissance inégalée, celle de la divinité elle-même.  Lorsque nous prononçons donc avec foi ce nom de "Jésus", nous entrons réellement, quoique mystiquement, en communion avec la Parole même de Dieu, cette Parole qui seule est le vrai et unique nom de Dieu.

Mais alors, si nous prononçons nous aussi, comme le Père, cette Parole qui est son Fils, nous participons, d’une certaine manière, à l’unique acte éternel du Père : celui par lequel et dans lequel il engendre éternellement son Fils, son Verbe, sa Parole.  Et alors la gloire éternelle du Père, gloire qui, intrinsèquement, est parfaite et à laquelle rien ne peut être ajouté ou retranché, reçoit comme une extension dans le monde au sein duquel nous vivons.  C’est alors que nous pouvons prononcer, avec Saint Paul, le nom de Jésus pour la gloire de Dieu le Père : "Que toute langue professe, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Seigneur."

La gloire du Père, c’est aussi la gloire de son Fils, et la gloire de l’Esprit-Saint.  C’est donc aussi notre gloire à nous, fils de Dieu en Jésus-Christ.  Si donc nous proclamons que Jésus est Seigneur, c’est notre propre gloire en Dieu que nous nous procurons.  Mais, inversement, si nous refusons de proclamer que Jésus est Seigneur, c’est notre propre ignominie et notre propre condamnation que nous annonçons : "Quiconque se sera déclaré pour moi devant les hommes, dit Jésus, à mon tour je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux ; mais quiconque m’aura renié devant les hommes, à mon tour je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux." (Mt. 10, 32-33)

Finalement, ce n’est pas sans importance que nous sommes appelés à proclamer le nom du Fils de Dieu : Jésus.  Au contraire, tout est là, tout notre salut éternel tient en ces quelques mots.  C’est pourquoi Saint Paul n’a pas hésité à écrire aux Romains : "Si donc tu professes par tes lèvres que Jésus est Seigneur, et si, dans ton coeur, tu crois que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé.  C’est en croyant dons son coeur qu’on obtient justice, et c’est en professant en parole qu’on parvient au salut." (Rm. 10, 9-10)

Nous continuerons notre lecture de Saint Paul la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 6 sur Dieu le Père
 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans sa première lettre aux Thessaloniciens, Saint Paul écrit : "Que Dieu lui-même, notre Père, et notre Seigneur Jésus veuillent aplanir notre route pour aller vers vous !  Quant à vous, que le Seigneur vous fasse croître et abonder dans l’amour que vous avez les uns pour les autres comme à l’égard de tous, à l’égal de l’amour que nous avons pour vous.  Qu’il affermisse vos coeurs, qu’il les rende irréprochables dans la sainteté, sous les yeux de Dieu notre Père, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus avec tous ses saints !" (1 Th. 3, 11-13)

L’Esprit-Saint a mis dans le coeur de Saint Paul cette hantise, plutôt ce désir, du face à face avec Dieu.  Parlant de la vision de Dieu, il dit, dans sa première épître aux Corinthiens : "Aujourd’hui, nous voyons comme dans un miroir, confusément ; alors, nous verrons face à face." (1 Cor. 13, 12)  Ce désir de la rencontre avec le Seigneur anticipe déjà en quelque sorte ce face à face éternel : Saint Paul, dès cette vie, sent se poser sur lui ce regard divin qui doit le conduire vers une transfiguration éternelle dans l’amour.  C’est particulièrement dans cet esprit qu’il écrit cette lettre aux Thessaloniciens, car il commence ainsi : "Devant notre Dieu et Père, nous pensons continuellement au travail de votre foi, au labeur de votre charité, à la fermeté de votre espérance en notre Seigneur Jésus Christ." (1 Th. 1, 3)

Dieu le Père nous voit sans cesse.  Cette pensée a saisi l’esprit de Saint Paul et il veille à transmettre aux autres cette intime conviction, en écrivant aux Thessaloniciens : "Qu’il affermisse vos coeurs, qu’il les rende irréprochables dans la sainteté, sous les yeux de Dieu notre Père, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus avec tous ses saints !"  Cette pensée est salutaire, elle doit nous conduire au salut éternel : car Dieu, notre Père, avec son Fils Jésus, doit nous juger à la fin de notre vie, alors que, pour chacun de nous, aura lieu l’avènement de notre Seigneur Jésus.

Le fait que Dieu notre Père nous regarde est un secours puissant pour nous empêcher de tomber dans quelque faute que ce soit : "Qu’il affermisse vos coeurs."  Si Dieu notre Père nous regarde, et si nous y pensons, alors nous sommes en communion avec lui, et l’Esprit-Saint qui nous unit à notre Père devient notre force pour affermir notre coeur et nous empêcher de tomber.  Mais il y a plus.  Tout ce qui est impur en nous, c’est-à-dire les racines du péché, ce que nos péchés passés ont comme imprimé dans notre âme, à cause du péché originel, tout cela est détruit par le regard d’amour de notre Père, dans la mesure où nous y prêtons un tant soit peu attention par notre propre regard de foi et d’espérance en la miséricorde divine.  C’est pourquoi Saint Paul écrit : "Qu’il les rende irréprochables dans la sainteté, sous les yeux de Dieu notre Père."

Le regard de Dieu notre Père sur nous n’est autre que la manifestation de Dieu lui-même : c’est Dieu qui se révèle comme celui qui veille sur tous et sur toutes choses.  C’est pourquoi Saint Paul relie directement ce regard du Père avec l’événement de la Parousie : "Sous les yeux de Dieu notre Père, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus avec tous ses saints."  Mais, pour Saint Paul, et pour toute l’Eglise avec lui, nous sommes déjà entrés dans ce que l’Apôtre appelle "la plénitude du temps" : "Lorsque vint la plénitude du temps Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme." (Ga. 4, 4)  Aussi, la manifestation de Dieu se réalise déjà dans notre vie, depuis le jour où le Verbe s’est fait chair.

Il n’y a pas de jour qui passe sans que Dieu notre Père manifeste son regard sur les hommes et les femmes qui vivent dans l’Esprit de Dieu.  C’est ce qui s’appelle la Providence divine.  Dieu notre Père veille sur nous par son regard de bienveillance.  Mais Dieu n’agit pas sans nous.  Car nous sommes ses fils, c’est-à-dire reliés à lui par un lien de filiation : si Dieu veille sur nous par son regard, nous devons être attentifs, reconnaissants, et surtout confiants en sa miséricorde.  C’est notre part à nous.  Dieu fait le reste.  C’est le côté surnaturel du dicton : "Aide-toi, et le Ciel t’aidera."

Assurément, c’est Dieu lui-même qui, le premier, nous donne la grâce pour être attentifs, reconnaissants, et confiants en lui.  C’est la toute première action de Dieu envers nous.  A ce stade, nous ne saisissons pas encore bien ce qui se passe ne nous.  Il s’est produit quelque chose, mais cette lumière de la grâce est quelque chose de tellement nouveau que nous en sommes comme aveuglés, comme Saint Paul sur le chemin de Damas (cf. Ac. 9, 8).  Ce n’est qu’ensuite, après avoir traversé cette obscurité de la foi, après avoir cheminé parfois pendant longtemps sur cette route du retour à Dieu, que nous expérimentons pour la première fois la présence de ce regard de notre Père sur nous.

Pour conclure, relisons encore une fois ces admirables paroles de Jésus : "Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure." (Jn. 14, 23)  Ce que Jésus veut dire, c’est qu’il y a deux étapes : d’abord, aimer Dieu, et ensuite garder sa parole.  Cette parole de Jésus, ce n’est autre que lui-même en personne, la Parole de Dieu.  Mais cette Parole ne nous appartient pas : il faut que nous la recevions de celui à qui elle appartient, c’est-à-dire du Père.  Or, c’est précisément ce que fait notre Père lorsqu’il nous regarde dans son Amour, qui est l’Esprit-Saint : il nous donne sa Parole, son Fils qu’il engendre dans un face à face éternel.

Nous continuerons notre lecture de Saint Paul la prochaine fois, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 7 sur Dieu le Père
 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans sa seconde lettre aux Thessaloniciens, Saint Paul encourage ainsi ses lecteurs : "Que notre Seigneur Jésus Christ lui-même, et Dieu notre Père, qui nous a aimés, et nous a donné, par sa grâce, un réconfort éternel et une bonne espérance, encourage vos coeurs et vous affermisse en toute bonne oeuvre et en toute bonne parole." (2 Th. 2, 16)

Saint Paul sert ici d’intermédiaire entre, d’une part, Jésus Christ et le Père, et d’autre part, les fidèles de l’Eglise de Dieu qui est à Thessalonique.  Car il y a un rapport clair et direct entre les extrêmes dont Saint Paul est l’intermédiaire : c’est celui de la "parole".  En effet, d’une part, Jésus est la Parole du Père incarnée, et le Père n’est tel, c’est-à-dire Père, qu’en raison de la Parole qu’il engendre et conçoit dans la Puissance de l’Esprit-Saint.  D’autre part, les fidèles sont appelés à être d’autres Christs, c’est-à-dire d’autres paroles de Dieu vivant dans le monde pour annoncer, comme le Christ, la venue du règne de Dieu "en toute bonne oeuvre et en toute bonne parole."

Les Chrétiens ne sont pas appelés à vivre dans le silence.  Même ceux qui vivent dans la solitude de la contemplation sont à l’écoute de la Parole de Dieu, qu’ils entendent dans le fond de leur coeur, ou que l’Eglise leur répète par la Sainte Ecriture et par les ordres des supérieurs.  Toujours, les Chrétiens sont à l’écoute de la Parole du Père, soit pour se la redire à eux-mêmes dans le silence de l’oraison mentale, soit pour la redire à leurs frères et soeurs en Jésus Christ.  La Parole de Dieu doit être l’objet d’une attention constante de la part de tous les Chrétiens, que cette parole vienne de Dieu même, ou de l’Eglise.

Rappelons-nous ce que le Seigneur a dit : "Ce que je vous dis dans l’obscurité, dites-le au grand jour ; ce qu’on vous dit à l’oreille, publiez-le sur les toits." (Mt. 10, 27)  Et de même, rappelons-nous ce que j’ai déjà cité au feuillet n° 5, savoir ce que Saint Paul enseigne en disant : "Si donc tu professes par tes lèvres que Jésus est Seigneur, et si, dans ton coeur, tu crois que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé.  C’est en croyant dons son coeur qu’on obtient justice, et c’est en professant en parole qu’on parvient au salut." (Rm. 10, 9-10)

La notion de "parole" est absolument essentielle à tous les Chrétiens, quels qu’ils soient.  Sans elle, ils ne sont rien.  Car sans elle, ils ne sont pas assurés de leur salut éternel.  D’ailleurs, qu’est-ce être sauvé en Jésus Christ, sinon croire en lui qui est la Parole de Dieu, c’est-à-dire ne faire qu’un avec cette Parole qui sauve, et donc être nous aussi "parole" dans l’unique Parole de Dieu, Fils du Père ?  Ainsi, ceux qui sont Chrétiens, ceux qui sont l’Eglise de Dieu, sont "parole" en Jésus Christ.

Mais, Jésus, le Fils de Dieu, quoiqu’étant une personne distincte du Père, est la Parole du Père qui est dans le Père : "Croyez moi, dit Jésus : je suis dans le Père, et le Père est en moi." (Jn. 14, 11)  Aussi, les Chrétiens, l’Eglise de Dieu est non seulement en Jésus Christ, mais elle est aussi en Dieu le Père.  C’est pourquoi, Saint Paul commence sa seconde lettre aux Thessaloniciens en disant : "Paul, Silvain et Timothée, à l’Eglise des Thessaloniciens, qui est en Dieu, notre Père, et dans le Seigneur Jésus." (2 Th. 1, 1)

Si les Chrétiens sont en Dieu le Père, cela veut dire qu’ils prient le Père, ou que le Père leur offre sans cesse ce puissant secours de la prière, cette grâce source de toutes les grâces à venir.  La prière étant le moyen privilégié pour exprimer notre espérance en la vie éternelle, cette action du Père qui offre ce secours est celle décrite par Saint Paul, lorsqu’il dit : "Dieu notre Père, qui nous a aimés, et nous a donné, par sa grâce, un réconfort éternel et une bonne espérance."  Mais les Chrétiens sont non seulement en Dieu le Père, ils sont aussi dans le monde : ils sont appelés par Dieu à annoncer son règne à toutes les nations, "en toute bonne oeuvre et en toute bonne parole."

Les Chrétiens sont "parole" de Dieu dans le Père et dans le monde.  Si le Père veille sur ses enfants par la puissance de sa grâce, c’est pour que ceux qui sont ses fils, "paroles" dans l’unique Parole éternelle, puissent annoncer avec fruit et persévérance la venue de son règne.  Mais si les Chrétiens reçoivent du Père cette grâce de la prière, ce n’est pas seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour le monde au sein duquel ils vivent et auquel ils sont envoyés comme témoins de la Parole.

Les Chrétiens ne doivent pas hésiter à s’approprier ces paroles de Jésus qui priait ainsi son Père : "Que tous soient un, comme toi, Père, tu es moi, et moi en toi ; qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croient que c’est toi m’as envoyé." (Jn. 17, 21)  Si les Chrétiens sont d’autres Christs, quoique d’une autre manière, c’est-à-dire par adoption filiale, alors, ils sont dans le Père et le Père est en eux.  Si l’Eglise a vraiment été fondée sur Pierre, et vraiment elle l’a été, alors, Jésus peut dire à toute l’Eglise, dans l’Esprit-Saint, comme il le dit à Pierre : "Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux." (Mt. 16, 17)