Le Père Daniel Meynen
prépare le Jubilé de l'An 2000






La Personne de l'Esprit-Saint

 

Durant l'année 1998, toutes les deux semaines,
dans la perspective de la préparation
du Grand Jubilé de l'an 2000,
j'ai rédigé une page consacrée
à l'étude de la Personne de l'Esprit-Saint.




Feuillet n° 1 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

6 décembre 1997

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Mon propos est de vous aider à mieux connaître le Saint-Esprit, cette Personne divine qui est proposée à notre vénération particulière durant cette année préparatoire au grand Jubilé de l’An 2000.

Je dis : "mieux connaître" ; pourquoi ne dis-je pas : "mieux aimer", puisque c’est sur l’amour qu’au soir de notre vie nous serons jugés (cf. Sainte Thérèse de Lisieux) ?  Oui, je dis "mieux connaître", car l’Esprit-Saint est la Personne divine qui permet d’entrer dans l’Amour qui est Dieu, grâce à la Révélation que Dieu accomplit de lui-même dans le Christ, le Fils de Dieu fait Homme.  Or qui dit "révélation" dit "connaissance".  Donc, dans le Christ, par l’Esprit, nous sommes appelés par Dieu à la connaissance de l’Amour qui est Dieu.  Fils de Dieu par adoption, nous sommes appelés à connaître Dieu pour l’aimer comme il doit être aimé ; et en l’aimant d’un amour de perfection, nous serons attirés par une connaissance toujours plus intime et plus profonde de l’Esprit qui est vie éternelle.  Voilà en un mot le but de cette série de réflections sur la Personne de l’Esprit-Saint.
 

Dans son épître aux Romains, Saint Paul nous dit : "Paul, serviteur de Jésus Christ, apôtre par appel divin, mis à part pour l’annonce de l’Evangile de Dieu ;  -  cet Evangile, Dieu l’avait jadis promis par ses prophètes dans les saintes Ecritures, touchant son Fils, descendant de David selon la chair, établi Fils de Dieu avec puissance, selon l’Esprit de sainteté, en suite de sa résurrection d’entre les morts, Jésus Christ notre Seigneur . . ." (Rm. 1, 1-4)

Relevons trois mots importants à propos de l’Esprit-Saint : puissance, sainteté, résurrection.  Ce sont là trois caractéristiques de l’Esprit de Dieu : il donne la puissance, il sanctifie, il donne la vie éternelle.

La puissance est assurément la première de toute les caractéristiques de l’Esprit-Saint. Il est la Puissance de Dieu qui vient en aide à notre humanité.  L’Ange Gabriel n’a-t-il pas dit à Marie, lors de l’Annonciation : "L’Esprit-Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre" (Luc 1, 35) ?  La Puissance de Dieu ne nous est donnée que si nous sommes faibles, que si nous reconnaissons notre néant, notre petitesse devant celui qui est le Tout-Puissant.  C’est dans la participation à la Croix du Christ que la Puissance de Dieu nous est donnée.  Car c’est au prix du départ du Christ sur la Croix du Calvaire que l’Esprit-Saint a été envoyé pour la première fois aux Apôtres : "Si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra point à vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai." (Jean 16, 7)  C’est alors seulement, quand nous nous abaissons avec le Christ, que la Puissance de la Croix viendra à nous.  C’est ce dont parle Saint Paul, lorsqu’il dit : "Le langage que parle la croix est une folie pour ceux qui vont à leur perte, tandis que pour ceux qui sont sauvés, pour nous, c’est une puissance de Dieu." (1 Cor. 1, 18)  Si nous nous abaissons avec le Christ sur son chemin de Croix, alors nous serons exaltés avec lui, et la Puissance de Dieu nous sera donnée.  La Puissance de Dieu, qui est l’Esprit-Saint, est le fruit de notre humilité : "A ce moment-là, Jésus tressaillit de joie dans l’Esprit-Saint, et il dit : « Je te bénis, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que, tout en cachant ces choses aux sages et aux intelligents, tu les as découvertes aux tout petits. »" (Luc 10, 21)

Comment pouvons-nous participer pleinement à la Passion du Seigneur sinon par la communion eucharistique ?  C’est donc par cette action sacramentelle que la Toute-Puissance de Dieu nous est communiquée, pour autant que nous recevions le Seigneur dans cet esprit de participation à son Oeuvre rédemptrice.  Quand le prêtre prend l’hostie et la touche de ses mains, n’est-ce pas un signe que la Toute-Puissance de Dieu lui est donnée ?  Car qui peut porter la main sur le Tout-Puissant, sinon celui qui est tout-puissant dans le Tout-Puissant ?  Mais que dire d’un pécheur ou d’un sacrilège qui porterait lui aussi la main sur l’Eucharistie ?  Un pécheur ou un sacrilège pourrait-il être tout-puissant ?  Non, assurément.  Car la toute-puissance est le fruit du salut de Dieu.  Mais il reste néanmoins que ce pécheur ou ce sacrilège prend sa part à la Passion du Christ, non pas en tant que victime consciente et volontaire, mais bien en tant que bourreau et tortionnaire.  Saint Paul nous le dit très clairement : "Quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement devra répondre du corps et du sang du Seigneur.  Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe." (1 Cor. 11, 27-28)  Ainsi, nous voyons que la toute-puissance de Dieu, c’est-à-dire son Esprit-Saint, ne nous est donnée que si nous sommes saints dans le Christ, le Saint des Saints.  L’Esprit de Dieu est d’abord et avant tout un Esprit de sainteté : nous en parlerons la fois prochaine.
 



Feuillet n° 2 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

20 décembre 1997

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans son épître aux Romains, Saint Paul nous dit : "Paul, serviteur de Jésus Christ, apôtre par appel divin, mis à part pour l’annonce de l’Evangile de Dieu ;  -  cet Evangile, Dieu l’avait jadis promis par ses prophètes dans les saintes Ecritures, touchant son Fils, descendant de David selon la chair, établi Fils de Dieu avec puissance, selon l’Esprit de sainteté, en suite de sa résurrection d’entre les morts, Jésus Christ notre Seigneur . . ." (Rm. 1, 1-4)

Nous avons déjà relevé trois mots importants à propos de l’Esprit-Saint : puissance, sainteté, résurrection.  Et nous avons précédemment parlé de la puissance de l’Esprit-Saint.  Disons donc aujourd’hui quelques mots sur la sainteté de l’Esprit de Dieu.

Tout d’abord, nous trouvons la notion de sainteté dans l’appellation même de cette Personne divine : nous lui donnons en effet le nom d’Esprit-Saint.  On peut se demander pourquoi le Père et le Fils ne sont pas appelés Père-Saint et Fils-Saint ?  Assurément, on peut les appeler ainsi, puisque toute la Divine Trinité est Sainte : notre Dieu est un Dieu trois fois "Saint" ( cf. Isaïe 6, 3, par exemple )  De même, Jésus appelle son Père : "Père Saint" (Jean 17, 11).  Et le Christ est appelé : "le Saint de Dieu" (Marc 1, 24).  Mais il ne reste pas moins que l’usage s’est répandu dans l’Eglise d’appeler la troisième Personne de la Divine Trinité : Esprit-Saint.  C’est donc à cette Personne que nous devons attribuer la sainteté de Dieu, non pas en vertu d’une décision purement humaine, mais bien parce que l’Eglise est sans cesse guidée et assistée par ce même Esprit dont nous voulons parler ici.

La sainteté consiste dans la perfection vecue sans cesse et toujours.  C’est ce que Jésus veut affirmer lorsqu’il dit : "Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait." (Mt. 5, 48)  Or Dieu seul est parfait : en tant qu’être éternel qui existe par lui-même, sans dépendre d’aucun être que lui-même, Dieu est le seul être qui soit véritablement parfait.  La sainteté de Dieu est donc son attribut fondamental, car fondé directement sur son existence éternelle et indépendante de tout autre être que lui.  Cela permet de dire alors que, si la troisième Personne de la Divine Trinité s’appelle Esprit-Saint, cette même Personne se trouve placée comme au coeur et au fondement même de toute la Divine Trinité.

Nous disons communément que le Père est le Principe de toute la Divine Trinité, qu’il est le Principe sans Principe, c’est-à-dire qu’il est la Personne divine de laquelle le Fils est engendré et de laquelle l’Esprit-Saint procède.  Mais l’unique moteur de la génération du Fils par le Père, c’est proprement l’Amour, cet Amour mutuel du Père et du Fils qui se personnalise précisément dans l’Esprit-Saint.  Ainsi, lorsque le Père engendre son Fils, il le fait toujours dans l’Amour, c’est-à-dire dans l’Esprit qui unit le Père et le Fils.  Autrement dit, même si, en vérité, le Père est le Principe de toute la Divine Trinité, l’Esprit-Saint, en tant que moteur de la génération du Fils par le Père, peut à juste titre être considéré comme le coeur et le fondement de toute la Divine Trinité.  L’Esprit de Dieu est donc la Personne divine qui est Sainte par excellence, quoique cette excellence provienne elle-même du Père et du Fils, principe de la procession éternelle de l’Esprit-Saint.

Parler de la sainteté de l’Esprit de Dieu nous plonge dans cette éternité de la divinité.  Cela nous dépasse : notre esprit est limité et nous ne pouvons pas comprendre cela d’une manière naturelle.  Mais l’intervention et l’aide de la grâce de Dieu peut nous aider à entrevoir quelque peu ce Mystère.  C’est pourquoi la grâce est d’abord un don de connaissance, non pas une connaissance qui serait, de soi, intellectuelle, mais bien une connaissance d’amour.  La grâce nous permet de connaître l’Amour du Dieu trois fois Saint.  "Nous, nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru.  Dieu est amour, et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui." (1 Jean 4, 16)  "Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi, je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que c’est toi qui m’a envoyé.  Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé demeure en eux, et que je demeure moi-même en eux." (Jean 17, 25-26).

Cette connaissance d’amour est une connaissance toute gratuite.  Si nous voulons la recevoir, demandons-la : Dieu n’a pas d’autre désir que nous voir devenir des Saints par son Esprit.  Connaître la sainteté de Dieu, c’est en vivre tous les jours de notre vie, c’est être fidèle, jour après jour, à l’Esprit de Dieu qui guide son Eglise.  Pour vivre toujours et sans cesse de la sainteté de Dieu, il n’y a pas de meilleur moyen que la communion eucharistique.  Là se trouve toute la vie du Dieu trois fois Saint : "Tout comme le Père, qui m’a envoyé, est vivant, et comme je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi." (Jean 6, 57)  Qui dit Eucharistie, dit Résurrection : "Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour." (Jean 6, 54)  L’Esprit de Dieu et la Résurrection : ce sera le sujet de notre prochaine discussion, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 3 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

3 janvier 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans son épître aux Romains, Saint Paul nous dit : "Paul, serviteur de Jésus Christ, apôtre par appel divin, mis à part pour l’annonce de l’Evangile de Dieu ;  -  cet Evangile, Dieu l’avait jadis promis par ses prophètes dans les saintes Ecritures, touchant son Fils, descendant de David selon la chair, établi Fils de Dieu avec puissance, selon l’Esprit de sainteté, en suite de sa résurrection d’entre les morts, Jésus Christ notre Seigneur . . ." (Rm. 1, 1-4)

Nous avons déjà relevé trois mots importants à propos de l’Esprit-Saint : puissance, sainteté, résurrection.  Et nous avons précédemment parlé de la puissance et de la sainteté de l’Esprit-Saint.  Disons donc aujourd’hui quelques mots sur la relation de l’Esprit de Dieu avec la résurrection du Christ.

Saint Paul parle clairement de cette relation entre l’Esprit-Saint et la résurrection du Christ : "Si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous." (Rom. 8, 11)  Et ailleurs : "Ensevelis avec le Christ par le baptême, avec lui vous êtes ressuscités par votre foi en la puissance de Dieu qui l’a ressuscité des morts." (Col. 2, 12)  L’Esprit de Dieu est à l’oeuvre dans la résurrection des âmes comme dans la résurrection des corps : il est vraiment celui qui est Seigneur et qui donne la vie (Credo).

L’action de l’Esprit-Saint dans la résurrection des âmes est-elle semblable à son action dans la résurrection des corps ?  A priori, non ; puisque l’âme est immortelle, alors que le corps peut mourir.  Cependant ces deux actions de l’Esprit de Dieu  - par rapport à l’âme et par rapport au corps -  sont semblables entre elles si on les considère en elle-même, mais sont différentes si on les considère par rapport à leur objet, qui est l’âme ou le corps.  Donc, la résurrection des âmes et la résurrection des corps sont différentes entre elles par rapport à nous, mais elles sont semblables par rapport à Dieu, c’est-à-dire par rapport à la vie éternelle que donne l’Esprit de Dieu.

En d’autre termes, nous voyons bien que la résurrection des âmes est une action de l’Esprit-Saint qui opère au dedans de nous.  En effet, cette résurrection de l’âme se réalise par la réception des sacrements, et premièrement par la réception du baptême.  Or les sacrements ne peuvent s’appliquer qu’aux personnes vivantes, c’est-à-dire à celles dont l’âme est unie au corps.  Ainsi, l’action de l’Esprit de Dieu sur les âmes s’accomplit uniquement en nous.  Par contre, nous voyons que la résurrection des corps est une action de l’Esprit-Saint qui opère en nous et hors de nous.  En effet, la résurrection du corps consiste dans la réunion de l’âme et du corps de la personne qui ressuscite.  Il faut donc que l’Esprit de Dieu agisse en nous, c’est-à-dire en notre âme, et hors de nous en redonnant à notre âme, par la re-création glorieuse de notre corps, cette dimension corporelle qu’elle possède alors pour l’éternité, mais qu’elle peut déjà acquérir, dans la vie présente, par une vie spirituelle authentiquement vécue dans le Corps du Christ qui est l’Eglise.

Certes, cette vision de la résurrection des âmes et des corps peut dépasser notre intelligence.  Mais l’Esprit-Saint n’est-il pas là pour nous apprendre toutes choses : "L’Esprit de vérité vous mènera vers la vérité tout entière." (Jean 16, 13)  Si donc dès cette vie, nous sommes ressuscités dans notre âme par l’Esprit de Dieu, comment pourrait-il se faire que nous mourrions ?  Car l’âme est le principe qui anime le corps.  Mais, par le fait même, la résurrection de l’âme doit nécessairement entraîner la résurrection du corps.  Par conséquent, si l’Esprit de Dieu a ressuscité notre âme, c’est aussi lui qui ressuscitera notre corps.  La résurrection de l’âme est première : elle a toujours lieu avant la résurrection du corps.  Il y a une résurrection avant la mort, et une résurrection après la mort.  La résurrection de l’âme est donc la condition de la résurrection du corps, car le temps est absolument irréversible !

La résurrection de l’âme s’accomplit par les sacrements.  Saint Paul mentionne explicitement le baptême : "Ensevelis avec le Christ par le baptême, avec lui vous êtes ressuscités par votre foi en la puissance de Dieu qui l’a ressuscité des morts." (Col. 2, 12)  Mais le baptême ne suffit pas : si nous pouvons recevoir la Sainte Eucharistie, le Corps du Christ est nécessaire pour procurer à notre âme la gloire de la résurrection dans l’Esprit.  En effet, l’Eucharistie est le gage de la résurrection du corps : "Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour." (Jean 6, 54)  Or, la résurrection de l’âme étant la condition de la résurrection du corps, nul ne peut être assuré de la résurrection de son corps s’il n’a aussi et d’abord l’assurance de la résurrection de son âme.  Donc, il est clair que l’Eucharistie, le Corps du Christ, est nécessaire pour que notre âme reçoive de l’Esprit-Saint la gloire de la résurrection.

L’Esprit de Dieu est Seigneur et il donne la vie !  L’Eucharistie nous donne la vie éternelle !  Il existe donc une relation entre l’Esprit-Saint et l’Eucharistie.  Quelle est-elle ?  En quoi consiste-t-elle ?  Le Saint-Esprit peut-il être donné sans l’Eucharistie ?  Ou l’Eucharistie sans l’Esprit-Saint ?  Comment l’Esprit-Saint opère-t-il là où l’Eucharistie ne peut être donnée, par exemple, en dehors de l’Eglise ?  C’est ce que nous verrons la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 4 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

17 janvier 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans son épître aux Romains, Saint Paul écrit : "Etant justifiés par la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ.  A lui, nous devons d’avoir accès à cette grâce où nous demeurons fermes, et nous mettons notre fierté en l’espérance de la gloire de Dieu.  Bien plus, nous mettons notre fierté jusque dans nos afflictions, car nous savons que l’affliction produit la patience, la patience mène à la fidélité, et la fidélité conduit à l’espérance.  Or, l’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné." (Rm. 5, 1-5)

Relevons cette dernière phrase : "L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné."  Ce texte de Saint Paul met en évidence l’existence d’une différence entre "l’amour de Dieu" et "l’Esprit-Saint qui nous a été donné".  L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs "par" l’Esprit-Saint qui nous a été donné.  Ce qui veut dire que l’Esprit-Saint, en tant que don de Dieu, vient lui-même agir en nous pour répandre l’amour de Dieu dans nos coeurs.  Cet amour de Dieu ainsi répandu en nos coeurs devient pour nous un amour puissant, un amour sanctifiant, un amour ressuscitant, puisque l’Esprit de Dieu, ainsi que nous l’avons vu précédemment, est puissance de Dieu, sainteté de Dieu, résurrection de Dieu.

L’amour de Dieu répandu en nos coeurs par l’Esprit-Saint est l’amour qui sauve tout l’homme pour la vie éternelle en Dieu ; celui qui a reçu cet amour espère sans inquiétude que Dieu lui accordera le salut pour la vie éternelle : "L’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné."  Celui qui a reçu cet amour de Dieu par l’Esprit-Saint est sans inquiétude, il est dans la paix : "Etant justifiés par la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ."  L’Esprit-Saint qui est en nous agit alors de telle sorte que nous sommes en paix avec Dieu et avec nous-mêmes, espérant fermement que le salut de Dieu nous sera accordé pour l’éternité.

Mais, nous l’avons remarqué, il y a une condition qui est avancée par Saint Paul, et dont il parle longuement dans son épître aux Romains, c’est la justification par la foi : "Etant justifiés par la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ."  En effet, comment l’Esprit-Saint, celui qui répand en nous l’amour de Dieu et nous donne sa paix, pourrait-il venir agir en nous si nous ne lui permettons pas, par la foi, de disposer de nous selon sa volonté ?  Car, la foi, c’est précisément cela : nous mettre volontairement dans la disponibilité par rapport à l’agir divin en nous.  Par la foi, "l’homme s’abandonne tout entier et librement à Dieu, dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle." (Concile Vatican II, Constitution Dei Verbum, n° 5)

Accueillant l’Esprit de Dieu, Marie dit à l’Ange Gabriel : "Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole." (Luc 1, 38)  Dès cet instant, Marie fut sauvée, donnant à Dieu toute sa personne par cet acte de foi parfait.  Dès cet instant, Marie devint Epouse de l’Esprit-Saint, Médiatrice de toutes grâces, Co-opératrice à l’Oeuvre de Salut dans le Christ Jésus.  Car, ferme dans l’espérance par l’amour de Dieu répandu dans son coeur, elle commença d’oeuvrer pour le salut de tous.  C’est pourquoi elle se rendit aussitôt porter à Elisabeth et à Jean-Baptiste la Bonne Nouvelle qu’elle venait de recevoir (cf. Luc 1, 39)  Marie nous donne ainsi l’exemple à suivre : si l’amour de Dieu a été répandu en nos coeurs, c’est pour que nous allions partout porter la Bonne Nouvelle qui est en nous !

Par la foi, l’Esprit de Dieu vient en nos coeurs pour y répandre l’amour de Dieu !  Or, chaque dimanche, chaque jour, nous célébrons le Mystère de la foi : l’Eucharistie.  Au cours de chaque célébration eucharistique, nous sommes invités à proclamer notre foi à Jésus Sauveur, nous pouvons redire à Dieu que nous sommes tout disposés à l’accueillir en nous.  Et de fait, nous le recevons par le sacrement de l’Eucharistie, dans la mesure de notre foi.  Nous avons donc dans ce sacrement du Corps et du Sang du Christ le meilleur moyen de salut que Dieu nous a laissé dans sa miséricorde.  Mais que dire de ceux qui ne peuvent pas recevoir l’Eucharistie ?

Nous pouvons déjà esquisser notre réponse en disant que l’Eucharistie n’est pas le seul moyen, en tant que sacrement, qui nous permette de proclamer notre foi à Dieu pour qu’il agisse en nous.  L’Eucharistie est le meilleur moyen pour cela, mais pas l’unique.  En tant que moyen, en effet, l’Eucharistie s’associe à toute la création et à toute oeuvre humaine accomplie avec une intention droite et pure.  Le signe du pain et le signe du vin expriment en effet ce lien universel de l’Eucharistie.  C’est en ce sens que le salut peut atteindre ceux que l’Eucharistie, Corps et Sang du Christ, n’atteint pas.  C’est en ce sens que l’Esprit-Saint peut répandre l’amour de Dieu dans le coeur de tous ceux que Dieu appelle à lui.

Nous développerons ce dernier point la prochaine fois, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 5 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

7 février 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Continuons la lecture de l’épître de Saint Paul aux Romains.  Il nous dit : "L’Esprit atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu." (Rm. 8, 16)

Cette parole de Saint Paul illustre ce que nous pouvons appeler la communion dans l’esprit, ou la communion spirituelle.  Cet acte de communion consiste en une union entre Dieu, qui est esprit (cf. Jn. 4, 24), c’est-à-dire d’une nature d’ordre spirituel, et l’esprit de l’homme, ou de la femme en qui le Seigneur demeure.

Cette communion se réalise d’ordinaire par la seule grâce, ce moyen divin donné à l’homme pour lui permettre d’aller vers Dieu librement.  Mais, étant donné que l’âme spirituelle de l’homme est unie, d’une manière simple et une, avec son corps, et ce, par le principe même de la vie, au moyen ordinaire de la grâce, vient s’adjoindre un moyen, non pas extraordinaire, mais un moyen qui vient compléter le moyen ordinaire de la grâce.  Ce moyen n’est autre que celui du corps et de tout ce qui constitue le monde corporel avec lequel le corps est en contact par le moyen des cinq sens corporels.

La communion dans l’esprit peut donc s’accomplir par la grâce ou par le corps, ou bien par la grâce et par le corps.  La communion dans l’esprit se divise donc en trois catégories : la communion spirituelle (par la grâce), la communion corporelle (par le corps), et la communion spirituelle et corporelle (par la grâce et par le corps).

Comme nous sommes corps et âme, la communion dans l’esprit la plus commune est sans aucun doute celle qui est à la fois spirituelle et corporelle.  Cette communion dans l’esprit est celle qui s’accomplit lors de la communion eucharistique, car alors, l’Esprit de Dieu, qui repose sur le Christ, entre en communion avec nous par la grâce et par le corps : pour communier à l’Eucharistie, il faut avoir la grâce sanctifiante, et il faut porter la main sur le Corps du Christ et s’en nourrir corporellement.  C’est de cette communion dont parle Saint Paul, lorsqu’il dit : "Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ?  Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, nous ne formons, à plusieurs, qu’un seul corps, car nous avons tous part au même pain." (1 Cor. 10, 16-17)

La communion dans l’esprit par la grâce est le propre de ceux qui croient au Christ sans encore avoir reçu le baptême ; c’est donc le propre des catéchumènes.  En effet, seul le Christ peut apporter l’Esprit-Saint aux hommes ; et seule la foi, qui est uniquement spirituelle, permet à l’homme d’entrer en communion avec l’Esprit de Dieu, et de recevoir, par anticipation, le Don de Dieu.

La communion dans l’esprit par le corps (appellation qui peut sembler antinomique !) se rapporte à toutes les autres circonstances.  Elle concerne donc tous ceux que Dieu appelle à sa communion sans que la connaissance du Christ Sauveur soit directement nécessaire.

Cette communion dans l’esprit par le corps ne peut se réaliser que si le corps est dominé par l’esprit, c’est-à-dire si le corps est comme spiritualisé et rendu en quelque sorte semblable à un élément de l’ordre spirituel.  Car l’esprit est la partie supérieure de l’âme, c’est-à-dire la partie supérieure du principe qui anime le corps.  Ainsi comprise, l’appellation "communion dans l’esprit par le corps" n’est plus antinomique, mais bien, fondée en elle-même.

Il est clair que, si le corps est le moyen pour entrer en communion avec l’Esprit de Dieu, le corps, ne faisant plus qu’un avec Dieu, devient partie essentielle de l’image de Dieu dans l’homme : Dieu et l’homme ne faisant qu’un, Dieu et l’homme sont semblables, et donc l’homme est l’image de Dieu, non seulement par son âme, mais aussi par son corps.  C’est qu’insinue Saint Paul, en disant : "Lors donc que les païens, qui n’ont point la loi, en accomplissent naturellement les préceptes, ces gens, qui n’ont pas la loi, sont à eux-mêmes leur propre loi.  Ils manifestent que la réalité de la loi est gravée dans leur coeur." (Rm. 2, 14-15)

Saint Paul exprime en effet par là que les païens - ceux qui ne connaissent pas le Christ - manifestent par leurs actes (ce qui suppose l’action du corps et de l’âme) leur relation de dépendance (la loi) et, par là même, leur union par rapport au Créateur.  Les païens regardent leurs semblables et ils y voient la loi de Dieu, tout comme elle est en eux-mêmes.  Ils voient agir en face d’eux des hommes et des femmes unis au Créateur par leur respect et par leur accomplissement de la loi de Dieu, et par là même ils voient l’image de Dieu qui est en tout homme et en toute femme, corps et âme compris.

Tout cela se passe ainsi depuis la faute originelle, depuis que l’homme a perdu la grâce de Dieu qui l’instruisait intérieurement.  Adam fut le premier homme à vivre ainsi l’union à Dieu, se rappelant l’image de Dieu qu’il avait connu en perfection, et montrant ainsi à ses descendants l’exemple à suivre.  Avant le déluge, ce mode d’union à Dieu atteint quelquefois la perfection, comme dans le cas d’Hénoc, dont il est écrit : "Hénoc marcha avec Dieu, puis il disparut, car Dieu l’avait enlevé." (Gn. 5, 24)

Nous voyons ainsi que, par la miséricorde de Dieu, la vie d’union à Dieu est possible sans une relation directe au Christ (une relation indirecte, par le moyen de la création tout entière, est en effet absolument nécessaire), quoique cette union à Dieu en dehors de l’Eglise reste pour tous un mystère que Dieu seul connaît parfaitement !

Nous continuerons notre lecture de Saint Paul la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 6 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

21 février 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

La fois précédente nous avions commenté ce passage de Saint Paul : "L’Esprit atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu." (Rm. 8, 16)  Mais juste avant d’écrire ces mots, Saint Paul déclarait : "Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont enfants de Dieu." (Rm. 8, 14)  Que faut-il entendre par là ?  L’Esprit de Dieu nous conduirait-il comme une maman qui conduit ses enfants en les tenant par la main ?  C’est un peu cela, car n’oublions pas que l’Esprit-Saint a pour Epouse la Très Sainte Vierge Marie, et que celle-ci est la Mère de l’Eglise.

"Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont enfants de Dieu."  Peut-on comprendre pleinement cette parole de l’Apôtre sans faire référence à la médiation de Marie ?  Certainement pas.  En effet, d’une part, si nous sommes conduits par l’Esprit de Dieu, le Seigneur manifeste par là sa toute-puissance envers nous.  D’autre part, l’Esprit de Dieu étant tout Amour, il ne peut nous conduire que dans l’amour, et donc d’une manière tout à fait libre quant à nous : c’est dans la liberté de l’amour que l’Esprit-Saint conduit les enfants de Dieu.  Nous sommes donc directement placés dans le contexte de l’union de la grâce de Dieu et du libre-arbitre de l’homme.  Et donc il convient de faire référence à la médiation de Marie, si nous voulons considérer Marie comme médiatrice universelle de toutes les grâces, ainsi que l’Eglise le croit communément.

Saint Paul nous parle abondemment de l’Esprit-Saint.  N’ayant pas connu le Christ vivant sur terre, Saint Paul, comme nous, n’a eu d’autre expérience de la communication divine que par l’Esprit de Dieu en personne.  Et son expérience fut exceptionnelle, puisqu’il fut ravit "jusqu’au troisième ciel", "jusqu’au paradis" (2 Cor. 12, 2-4).  A côté de cela, Saint Paul nous parle très peu de la Très Sainte Vierge Marie ; il dira simplement que Jésus est "né d’une femme" (Ga. 4, 4).  Mais comme, dans une union sponsale, l’époux et l’épouse ne font qu’un, on peut néanmoins comprendre d’une certaine manière les agissements de l’épouse en considérant uniquement les actes de l’époux.  Et ceci vaut d’une manière toute particulière pour l’union de l’Esprit-Saint et de Marie, puisque celle-ci ne veut faire autre chose que la volonté de Dieu, toujours et en tout, volonté qui n’est autre que celle de l’Esprit-Saint, qui procède du Père et du Fils par mode de volonté.

"Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont enfants de Dieu."  Si nous comprenons ceci à la lumière de ce que nous avons dit la fois passée, l’harmonie entre la grâce de Dieu et le libre-arbitre de l’homme devient tout à fait manifeste.  En effet, si la communion dans l’esprit, entre l’Esprit de Dieu et l’esprit de l’homme, se réalise par l’esprit et par le corps, Dieu, par son Esprit, est tout-puissant par l’action de sa grâce sur l’esprit de l’homme, pendant que l’homme reste souverainement libre, dans sa dignité de créature de Dieu, par son mouvement corporel dans l’univers.

Ce que nous venons de dire vaut pour celui qui communie à Dieu par l’esprit et par le corps, ainsi que pour celui qui communie uniquement par l’esprit, le catéchumène, ce dernier état n’étant qu’une étape temporaire vers la communion au Christ par le baptême, la confirmation, et l’Eucharistie.

Pour ce qui regarde celui qui communie à Dieu uniquement par le corps, l’action de l’Esprit-Saint peut s’accomplir de manière ordinaire, mais aussi de manière extraordinaire.  Un premier exemple, très frappant, est celui des Mages appelés par Dieu pour venir adorer son Fils Jésus à Bethléem.  Dieu n’a pas hésité à se servir d’une étoile pour manifester à des païens sa toute-puissance : "Après la naissance de Jésus à Bethléem de Judée, sous le règne d’Hérode, des mages venus d’Orient se présentèrent à Jérusalem.  «Où est le roi des Juifs, qui vient de naître ?  demandaient-ils.  Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus lui rendre hommage.»" (Mt. 2, 1-2)

Peut-être plus spectaculaire fut le miracle de la conversion de Saint Paul.  Ecoutons son récit : "Je faisais route et j’approchais de Damas.  Il était environ midi, quand, subitement, une puissante lumière, venant du ciel, resplendit autour de moi.  Je tombai à terre, et j’entendis une voix qui me disait : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? - Je répondis : Qui es-tu Seigneur ? - La voix me dit : Je suis Jésus de Nazareth, que tu persécutes. - Mes compagnons virent bien la lumière, mais ils n’entendirent pas la voix de celui qui me parlait.  Alors je dis : Que dois-je faire Seigneur ? - Et le Seigneur répondit : Lève-toi.  Va à Damas, et là te sera dit tout ce que tu as à faire. - Et comme l’éclat de cette lumière m’avait aveuglé, mes compagnons me prirent par la main, et j’arrivai à Damas." (Actes des Apôtres 22, 6-11)

Voilà donc mis un peu en lumière l’action de l’Esprit-Saint et celle de Marie-Médiatrice dans l’économie de la grâce.  En résumé, tout se passe un peu comme si Marie nous tenait par la main pour suivre l’Esprit de Dieu, tout comme les compagnons de Saul le prirent par la main pour le conduire à Damas, là où il fut baptisé dans l’eau et dans l’Esprit.

Nous continuerons à lire le Grand Apôtre de Nations la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 7 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

7 mars 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Continuons la lecture de l’Epître de Saint Paul aux Romains.  Voici ce que l’Apôtre écrit : «Nous savons que, jusqu’à ce jour encore, la création tout entière gémit dans les douleurs d’un enfantement.  Il n’y a pas qu’elle.  Nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous gémissons en nous-mêmes, attendant la rédemption de notre corps.  C’est en espérance que nous sommes sauvés.» (Rm. 8, 22-24)

Ce texte comporte trois temps : un temps passé, un temps présent, et un temps futur.  Il ne s’agit pas de temps conjugués, mais bien de moments décrits par Saint Paul : un moment passé, un moment présent, et un moment futur.  Le moment passé se rapporte à la création : "Jusqu’à ce jour encore, la création tout entière gémit dans les douleurs d’un enfantement."  Le moment présent se rapporte à l’Esprit de Dieu en nous : "Nous . . . qui avons les prémices de l’Esprit."  Le moment futur se rapporte à la résurrection des corps à la fin des temps : "Nous gémissons en nous-mêmes, attendant la rédemption de notre corps."

Le moment présent, le moment de l’Esprit de Dieu, est fugitif, insaisissable.  Le moment présent bascule aussitôt dans le passé, pour faire place au moment futur.  Le moment de l’Esprit est donc sans cesse en tension entre le moment passé et le moment futur.  C’est de ces deux moments-là - le passé et le futur - que dépend le moment de l’Esprit : le moment de l’Esprit devient sans cesse un moment passé qui appelle à lui un moment futur.  Fidèle à l’Esprit de Dieu, Saint Paul dit en effet : "Je ne fais qu’une chose : oubliant le chemin que j’ai derrière moi et me précipitant en avant, je cours droit au but, pour remporter le prix de la vocation d’en haut, de l’appel de Dieu dans le Christ Jésus." (Phil. 3, 13-14)

Le moment passé est un moment de la mémoire : c’est la mémoire qui permet à l’esprit humain de rejoindre en quelque sorte le passé.  Ce moment passé est celui vers lequel le moment présent bascule, là où le moment de l’Esprit semble se perdre pour se retrouver plus pleinement lui-même : "L’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous remettra en mémoire tout ce que je vous ai dit." (Jn. 14, 26)

Le moment présent par excellence, celui où l’Esprit agit en plénitude, est sans nul doute celui de l’Eucharistie, lorsque le sacrifice du Christ est actualisé - rendu "présent" - par la puissance de l’Esprit de Dieu, pour nous, qui vivons maintenant.  Nous communions ainsi au sacrifice du Christ dans l’Esprit de Dieu : nous qui vivons maintenant dans l’Esprit, nous nous souvenons du sacrifice du Christ.  Le prêtre, portant en lui le sceau de l’Esprit par le sacrement de l’ordre, agit au nom de toute l’Eglise pour accomplir l’ordre du Christ : "Faites ceci en mémoire de moi."

Le moment futur est celui qui vient prendre la place du moment présent : sans cesse, le moment présent bascule dans le passé pour laisser la place au moment futur.  Le Christ a appelé l’Esprit, le Paraclet.  Mais il y a deux "Paraclet".  Il n’y a pas deux Esprit-Saint, mais il y a bien deux "Paraclet".  Jésus dit en effet : "Je prierai le Père, et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il demeure éternellement avec vous.  C’est l’Esprit de vérité . . ." (Jn. 14, 16-17)  Jésus est lui-même le premier Paraclet : il est celui que le Père a envoyé sur terre pour nous donner sa vie par le Sang de sa Croix.  Et il est aussi le dernier Paraclet, étant l’Alpha et l’Oméga de toute la création (cf. Ap. 21, 6)  Par conséquent, si le moment futur vient prendre la place du moment présent, c’est pour signifier et réaliser le fait que le Christ, le dernier Paraclet, vient prendre la place de l’Esprit-Saint, cet "autre Paraclet".  Appelant le Christ Jésus revenant à la fin des temps, "l’Esprit et la Fiancée disent : «Viens !»" (Ap. 22, 17)

Toute la pensée de Saint Paul est tournée vers l’avenir, vers le moment futur : "Me précipitant en avant, je cours droit au but . . ."  Et dans son Epître aux Romains, il insiste sur cet appel de la venue du Seigneur qui doit restaurer toutes choses en lui : "Nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous gémissons en nous-mêmes, attendant la rédemption de notre corps."  L’Esprit est celui qui nous pousse en avant, laissant lui-même la place au Christ, et nous invitant à faire de même.  L’Esprit est celui qui poussait Saint Jean-Baptiste à déclarer, en parlant du Christ : "A lui de grandir, à moi de m’effacer." (Jn. 3, 30)

Nous continuerons plus tard notre lecture des lettres de Saint Paul, s’il plaît à Dieu.
 



Feuillet n° 8 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

21 mars 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Nous avons commenté ces paroles de Saint Paul : "Nous, qui avons les prémices de l’Esprit, nous gémissons en nous-mêmes, attendant la rédemption de notre corps . . ." (Rm. 8, 23)  Dans le même contexte, et à la suite de ce propos, l’Apôtre écrit : "De son côté, l’Esprit vient en aide à notre faiblesse ; nous ne savons pas ce que nous devons demander, ni prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous, par des soupirs ineffables.  Et Celui qui scrute les coeurs connaît quelle est l’aspiration de l’Esprit : il sait qu’il intercède selon Dieu en faveur des saints." (Rm. 8, 26-27)

Ces paroles de Saint Paul concernent ceux qui sont sauvés dans le Christ, ceux à qui Dieu a donné les prémices de l’Esprit, c’est-à-dire la vie éternelle déjà commencée sur la terre, avant sa pleine manifestation lors de la seconde venue du Christ et la résurrection finale.  Ce que dit Saint Paul dans les lignes qui suivent le montre clairement : "J’ai la ferme conviction que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les principautés, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les sommets ni les abîmes, ni quoi que ce soit dans la création, ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu nous témoigne dans le Christ Jésus, notre Seigneur." (Rm. 8, 38-39)  Saint Pierre, de son côté, ne craint pas d’affirmer : "J’ai été témoin des souffrances du Christ, et j’aurai ma part avec eux (les anciens) de la gloire qui doit être manifestée." (1 P. 5, 1)

Le langage des deux Apôtres est clair : le chrétien a une certaine assurance de son salut éternel !  Cela veut dire que, ayant reçu les prémices de l’Esprit, le chrétien espère d’une manière tellement ferme le salut de Dieu qu’il est sauvé dès cette vie.  Saint Paul dira simplement : "C’est en espérance que nous sommes sauvés." (Rm. 8, 24)  D’un côté, l’Esprit est là en nous, et de l’autre nous espérons fermement que Dieu nous sauvera en son Fils pour l’éternité.  Il y a une action de Dieu, qui est Esprit, et il y a une action spirituelle de l’homme qui espère en Dieu.  Ces deux actions finissent par ne faire qu’une seule chose, car ce qui est spirituel - l’action de Dieu et l’action de l’homme - est essentiellement simple et un.  L’action de Dieu et l’action de l’homme sont donc ici semblables entre elles, puisqu’elles ne font qu’un entre elles.

Quand l’homme espère quelque chose, il souhaite que ce quelque chose se réalise : il exprime au fond de son coeur un désir portant sur la réalisation de ceci ou de cela.  Quand l’homme espère le salut éternel, il désire que ce salut se réalise et que, éternellement, son âme soit dans la béatitude éternelle du paradis.  Ce genre de désir ou de souhait se formule intérieurement par la prière, qui peut devenir extérieure par le moyen de la parole, des gestes, ou des attitudes du corps.  Ainsi, c’est par la prière que nous obtenons le salut de Dieu : qui prie se sauve !

Semblablement, l’Esprit formule un désir qui vient en quelque sorte diviniser le désir ou la prière de l’homme.  Ces désirs de l’Esprit, Saint Paul les appelle "des soupirs ineffables." (Rm. 8, 26)  Ces désirs de l’Esprit apportent aux prières de l’homme toute la plénitude qu’elles ne peuvent avoir, car l’homme ne sait pas ce qu’il demande.  Quand il s’agit de la béatitude éternelle, l’esprit de l’homme n’arrive pas à comprendre parfaitement ce à quoi il aspire de toutes ses forces : "De son côté, l’Esprit vient en aide à notre faiblesse ; nous ne savons pas ce que nous devons demander, ni prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous, par des soupirs ineffables."  Rappelons-nous cet épisode de la Transfiguration du Seigneur, alors que Pierre voulait rester pour toujours sur la montagne avec Jésus, comme si c’était déjà le ciel (et, de fait, c’était un avant-goût de la béatitude céleste), disant : "Maître, il est heureux que nous soyons ici : nous pourrions dresser trois abris, un pour toi, un pour Moïse et un pour Elie." (Luc 9, 33)  Et Saint Luc d’ajouter : "Il ne savait ce qu’il disait." (Luc 9, 33)

Une fois que l’homme a formulé ce désir de la vie éternelle, s’il a conçu ce désir avec une intention droite et pure, en n’ayant d’autre intention que la gloire de Dieu et le salut de son âme, alors, l’homme reçoit de Dieu le don de l’Esprit, ces "prémices" dont parle Saint Paul.  L’homme prie et l’Esprit vient !  Alors, la prière de l’homme n’est plus une simple prière : elle est une prière perdue dans l’immensité de l’aspiration de l’Esprit de Dieu.  "Celui qui scrute les coeurs connaît quelle est l’aspiration de l’Esprit : il sait qu’il intercède selon Dieu en faveur des saints." (Rm. 8, 27)

Mais, nous le savons, l’action de l’homme n’est jamais première : ce n’est pas l’homme qui a l’initiative de son salut.  C’est Dieu qui, le premier, donne sa grâce à l’homme afin que celui-ci, répondant à l’appel de la grâce, prie Dieu de le sauver pour l’éternité.  Ainsi Saint Paul écrivait aux Ephésiens : "C’est par grâce que vous êtes sauvés ! . . . C’est bien gratuitement que vous êtes sauvés moyennant la foi : et cela ne vient pas de vous, c’est un don de Dieu." (Eph. 2, 5 & 8)  Aussi, nous pouvons résumer l’action salvifique de Dieu par ces mots : la grâce de la prière est offerte à l’homme ; s’il répond à la grâce de Dieu, l’homme prie le Seigneur de le sauver ; si la prière de l’homme est digne d’être exaucée, Dieu envoie son Esprit qui vient dans l’homme pour affermir sa prière accomplie avec la grâce divine.

Saint Paul décrit tout cela par une énumération synthétique : "Ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés." (Rm. 8, 30)

Nous continuerons notre discours la prochaine fois, s’il plaît à Dieu.
 



Feuillet n° 9 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

4 avril 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans sa première épître aux Corinthiens, Saint Paul écrit : "Il est dit dans l’Ecriture : "Choses que l’oeil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et dont l’idée n’est point venue au coeur de l’homme" (Is. 64, 4), tels sont les biens que Dieu a préparés pour ceux qui l’aiment.  A nous, en effet, Dieu les a révélés par son Esprit, car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu.  Qui peut savoir ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ?  De même, nul ne connaît ce qui est en Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu." (1 Cor. 2, 9-11)

Saint Paul nous transmet ici le principe même de toute l’économie de la Révélation faite par Dieu à l’homme.  Il décrit brièvement les différents termes de cette action divine envers l’homme : il parle du terme d’origine, qui est Dieu lui-même, du terme de destination, qui est l’homme, du terme intermédiaire, qui est l’Esprit de Dieu, et du terme objectif, qui sont les biens que l’homme reçoit de Dieu par l’intermédiaire de l’Esprit.  Ainsi, il y a toujours quatre termes dans l’économie du salut : Dieu, l’Esprit, l’homme, et les biens divins.  Il y a trois termes subjectifs et actifs : Dieu, l’Esprit, et l’homme ; et un terme objectif et passif : les biens divins.

Mais Saint Paul insiste dans son discours sur la Personne de l’Esprit-Saint, le terme intermédiaire.  Notons déjà ici que, en tant que terme intermédiaire, l’Esprit apparaît d’emblée comme l’Epoux de Marie-Médiatrice, la personne humaine que Dieu a associée à son oeuvre de salut comme médiatrice dans l’unique Médiateur, le Christ.  Pour Saint Paul, c’est bien l’Esprit qui "sonde tout, même les profondeurs de Dieu", et qui transmet les biens divins à l’homme par mode révélation : "Tels sont les biens que Dieu a préparés pour ceux qui l’aiment.  A nous, en effet, Dieu les a révélés par son Esprit."

Pour nous faire comprendre un peu cette action de l’Esprit qui "sonde tout, même les profondeurs de Dieu", Saint Paul utilise la comparaison avec l’action de l’homme qui, par son propre esprit, fait un complet retour sur lui-même pour tâcher de se connaître : "Qui peut savoir ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ?  De même, nul ne connaît ce qui est en Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu."  En s’intériorisant, l’homme tend à se connaître lui-même ; de même, l’Esprit de Dieu connaît parfaitement la divinité elle-même ; il "sonde tout, même les profondeurs de Dieu."

Mais la connaissance de la divinité que l’Esprit de Dieu possède est une connaissance qui donne la vie.  Cette connaissance de l’Esprit de Dieu n’est pas une connaissance simplement intellectuelle : elle est fondamentalement une connaissance de volonté et d’amour.  L’Esprit-Saint, en effet, procède du Père et du Fils par mode de volonté, dans un mutuel amour de l’un et de l’autre.  C’est pourquoi, le Seigneur Jésus dira, s’adressant à son Père : "La vie éternelle consiste en ce qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ." (Jn. 17, 3)  Ce que Saint Jean dira en d’autres termes dans son épître : "Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, parce que l’amour vient de Dieu, et que quiconque aime est né de Dieu, et connaît Dieu." (1 Jn. 4, 7)

Comme l’homme possède diverses facultés de connaissance, ces dons naturels doivent donc d’abord être ordonnés à le conduire vers la vie éternelle à laquelle Dieu l’appelle.  Mais, comme pour tout don naturel, l’homme risque toujours de mal utiliser celui de la connaissance.  C’est d’ailleurs ce qui arriva lors de la faute originelle, l’homme s’étant alors servi de ce don de la connaissance contre la volonté expresse de Dieu qui lui avait interdit de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (cf. Gn. 3, 3-5).  Le premier homme et la première femme utilisèrent désordonnément le don de la connaissance que Dieu leur avait donné pour obtenir le don de la vie éternelle : "Le Seigneur Dieu dit : "Voici l’homme devenu comme l’un de nous, pour la connaissance du bien et du mal.  Maintenant prenons garde qu’il n’étende la main et ne prenne aussi du fruit de l’arbre de la vie, qu’il n’en mange et ne vive éternellement." (Gn. 3, 22)

Remarquons bien que la notion d’intermédiaire et de milieu est essentielle ici.  La connaissance est un moyen, et non une fin en soi.  Elle est un moyen, un intermédiaire, en vue de la fin qui est Dieu seul.  La connaissance doit donc se situer dans un juste milieu si elle veut être un moyen et un intermédiaire en vue de la fin à laquelle elle est ordonnée.  Ce n’est donc pas sans raison que l’auteur du livre de la Genèse fait remarquer que l’arbre de la connaissance de bien et du mal était situé au milieu du jardin : "Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin.  Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez point, de peur de mourir." (Gn. 3, 2-3)

La connaissance n’est pas une fin en soi.  L’Esprit-Saint nous apporte la connaissance de Dieu pour la vie éternelle qu’il est lui-même.  La connaissance de Dieu doit nous conduire à sa vie et à son amour éternel.  Ainsi, l’arbre de la connaissance du bien et du mal ne se trouvait pas au milieu principal du Jardin d’Eden, mais il était placé à côté de l’arbre de vie qui, lui, occupait le centre dominant de ce lieu de délices : "Le Seigneur Dieu fit surgir du sol . . . l’arbre de vie au milieu du jardin, avec l’arbre de la connaissance du bien et du mal." (Gn. 2, 9)  Et maintenant, dans la Jérusalem céleste restaurée et renouvelée, "au milieu de la place, de part et d’autre du fleuve, se trouve un arbre de Vie qui fructifie douze fois, pour donner chaque mois son fruit . . ." (Ap. 22, 2)

Nous continuerons notre lecture de Saint Paul la prochaine fois, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 10 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

18 avril 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans sa première épître aux Corinthiens, Saint Paul développe le texte que nous avons commenté la fois passée ; il dit : "Quant à nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, ce qui nous fait connaître les grâces que Dieu nous a faites.  Et nous en parlons dans un langage que ne nous a point enseigné la sagesse humaine, mais bien l’Esprit, qui nous donne d’examiner les réalités spirituelles en termes spirituels.  Mais l’homme naturel n’accepte pas les choses de l’Esprit de Dieu : elles sont folies pour lui.  Il ne peut les comprendre, car c’est par l’Esprit qu’on en juge.  L’homme spirituel, au contraire, juge de tout, et n’est lui-même jugé par personne.  ‘Et qui a connu la pensée du Seigneur, pour lui en remontrer ?’ (Is. 40, 13)  Or, nous, nous avons la pensée du Christ." (1 Co. 2, 12-16)

Relevons cette dernière affirmation : "Nous, nous avons la pensée du Christ."  Quelle peut bien être cette pensée du Christ, sinon une pensée divine, une pensée qui a Dieu pour objet, une pensée par laquelle le Christ conçoit dans son esprit humain tout ce que Dieu est en lui-même.  En effet, lorsque le Christ pense, il conçoit et engendre en son esprit une pensée.  Comme le Christ est homme parfait, semblable à Dieu qui a créé l’homme à son image et à sa ressemblance (cf. Gn. 1, 26), il devient semblable à son Père lorsqu’il produit en lui une pensée : le Christ qui conçoit en son esprit une pensée devient semblable à son Père.  Aussi, le Christ-Homme, même s’il pense à une autre réalité que celle de son Père, ne peut pas ne pas penser aussi et tout en même temps à celui qui l’engendre de toute éternité en tant que Dieu.  Lorsque le Christ pense en son esprit humain, il entre aussitôt en relation avec son Père par le fait qu’il lui ressemble parfaitement, quoiqu’à la manière d’une créature.  Lorsque le Christ pense à son Père, il devient l’Image humaine de son Père, et donc, la pensée du Christ-Homme devient divine, tout en restant humaine, propre au Christ-Homme.

Si la pensée du Christ est divine, alors cette pensée n’est pas un fruit de la foi du Christ.  Par conséquent, nous qui avons la pensée du Christ, nous avons une pensée qui ne vient pas de la foi, même si la foi est nécessaire pour que cette pensée nous soit transmise par le Christ en personne.  Nous devons d’abord croire au Christ Fils de Dieu et vrai Homme, avant que celui-ci, le Christ, qui a originairement en lui sa propre pensée, puisse nous transmettre cette même pensée divine.  Mais, encore une fois, cette pensée du Christ que nous avons n’est pas un fruit de la foi : c’est une pensée divine.

Tout ceci nous permet alors de comprendre un peu ce que Saint Paul veut dire dans le texte cité plus haut.

Tout d’abord ce passage : "L’homme spirituel, au contraire, juge de tout, et n’est lui-même jugé par personne."  L’homme spirituel est celui qui a reçu la pensée du Christ.  Comme la pensée du Christ est divine, l’homme spirituel juge de tout, comme Dieu lui-même juge de tout.  L’homme spirituel reçoit de Dieu lui-même toute la lumière dont il a besoin pour vivre sa foi avec prudence et avec mesure, pour juger sainement et saintement les situations dans lesquelles il se trouve tout au long de sa vie, au fil des jours, pour autant qu’il demeure dans l’obéissance à la loi de Dieu et dans l’humilité qui convient aux fils de Dieu.

"Quant à nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, ce qui nous fait connaître les grâces que Dieu nous a faites.  Et nous en parlons dans un langage que ne nous a point enseigné la sagesse humaine, mais bien l’Esprit, qui nous donne d’examiner les réalités spirituelles en termes spirituels."  Par ces mots, Saint Paul nous apprend quel est celui qui nous permet de mettre en activité la pensée du Christ que nous avons reçu : c’est l’Esprit-Saint !  La pensée du Christ est un bien qui est, en lui-même, passif, tout comme l’Eucharistie, en tant que sacrement sous forme de nourriture, est un bien passif.  Il est donc nécessaire que l’Esprit-Saint, celui qui procède du Père et du Fils au sein de la Divine Trinité, agisse en nous pour nous permettre de recevoir l’aide de ce don divin.

"Mais l’homme naturel n’accepte pas les choses de l’Esprit de Dieu : elles sont folies pour lui.  Il ne peut les comprendre, car c’est par l’Esprit qu’on en juge."  L’homme naturel est celui qui n’a pas reçu la pensée du Christ, car, soit il ne croit pas au Christ, soit il n’a pas continué de croire jusqu’à ce qu’il reçoive la pensée du Christ.  La foi est une épreuve : il faut passer par cette épreuve et ne pas défaillir jusqu’à la fin de notre vie.  Lorsque Dieu juge que notre foi est devenue assez solide et forte, alors il nous fait le don de la pensée de son Fils que l’Esprit-Saint vient entretenir en nous.  Il faut passer par cette épreuve, tout comme Jésus est passé par l’épreuve de la Croix avant de pouvoir envoyer l’Esprit-Saint au monde dans une commune action avec le Père : "Je prierai le Père, et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il demeure éternellement avec vous.  C’est l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas.  Mais vous, vous le connaissez parce qu’il demeure avec vous, et est en vous." (Jn. 14, 16-17)

"Elles sont folies pour lui"  Oui !  Les choses de l’Esprit de Dieu, la pensée du Christ, ce sont de folies pour le monde !  Car tout cela se vit dans la Croix du Christ, qui est "folie pour les païens." (1 Cor. 1, 23)

Nous poursuivrons notre lecture de Saint Paul la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 11 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

2 mai 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans sa première épître aux Corinthiens, Saint Paul écrit : "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu réside en vous ?  Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, il sera détruit lui-même par Dieu.  Car le temple de Dieu est sacré, ce temple que vous êtes tous." (1 Co. 3, 16-17)

Saint Paul parle ici de l’Esprit-Saint comme le Dieu qui réside dans un temple, le temple de Dieu que nous sommes : "Le temple de Dieu est sacré, ce temple que vous êtes."  Dans un premier aspect, ce temple est fondamentalement spirituel : par rapport à nous, et par rapport à l’hôte divin de ce temple.  Par rapport à nous, car nous sommes des hommes, des femmes, et non pas des temples à proprement parler : par rapport à nous, cette notion de temple ne peut être que spirituelle.  Par rapport à l’hôte de ce temple, c’est-à-dire par rapport à l’Esprit-Saint, car "Dieu est esprit" (Jn. 4, 24) : par rapport à l’hôte de ce temple, cette notion de temple ne peut être, pareillement, que spirituelle.

Si la notion de temple de Dieu, ou temple de l’Esprit-Saint, que nous sommes, est spirituelle, il faut que nous soyons spirituels pour la comprendre, et, par le fait même, pour en vivre dans notre esprit, et dans l’Esprit de Dieu : en comprenant spirituellement ce qu’est le temple de Dieu, nous y adhérons par la foi et nous en vivons par la charité dans l’Esprit-Saint.  Comme nous sommes corps et âme, matériels et spirituels, pour comprendre et vivre en temple de Dieu, il faut que, en nous, le spirituel domine le matériel, que l’âme domine le corps.  Mais, si, en nous, le matériel domine le spirituel, si le corps domine l’âme, alors la notion de temple de Dieu sera pour nous comme inexistante.  Si nous n’avons jamais eu en nous cette connaissance du temple de Dieu, alors, si notre corps domine notre âme, nous sommes dans une simple attente, souvent inconsciente, de cette connaissance du temple de Dieu.  Mais, si nous avons déjà eu cette connaissance en nous, alors, si notre corps venait à re-dominer notre âme, nous serions responsables de la perte de cette connaissance ; il s’agit alors de ce que Saint Paul appelle la destruction du temple de Dieu : "Si quelqu’un détruit le temple de Dieu . . ."  C’est à proprement parler la faute de celui qui blasphème contre l’Esprit-Saint, la faute de celui pour qui "il n’y a pas de pardon" (Lc. 12, 10) : "Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, il sera détruit lui-même par Dieu." (1 Co. 3, 17)

Dans un second aspect, le temple de Dieu apparaît comme corporel ; en effet, Saint Jean a clairement déclaré, à la suite de Jésus lui-même : "Les Juifs intervinrent : «Pour agir de la sorte, dirent-ils, quel signe nous donnes-tu ?»  Jésus répondit : «Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai.»  Les Juifs repartirent : «On a mis quarante-six ans à bâtir ce temple, et toi, en trois jours, tu le relèveras ? . . .»  Mais il parlait du temple de son corps." (Jn. 2, 18-21)  Comme l’aspect spirituel du temple de Dieu est fondamental, il est clair que son aspect corporel ne peut être pris dans son sens strict et propre ; encore une fois, comme nous sommes vraiment des hommes et des femmes, nous ne pouvons pas être de vrais temples au sens matériel et corporel du mot.  Donc, puisque le Christ a réellement parlé du temple  de son corps, nous sommes nous aussi, à sa suite, des temples corporels de l’Esprit-Saint, des temples qui ne sont pas corporels d’une manière naturelle, conformément aux réalités qui tombent sous les sens, mais des temples qui sont surnaturellement, ou mystiquement, corporels.

Ce deuxième aspect du temple de l’Esprit-Saint permet de mieux comprendre comment pourrait s’opérer la destruction du temple que nous sommes.  En effet, en vertu de cet aspect corporel, il est clair que le temple de Dieu ne se limite pas à notre seule personne : s’il n’y avait que l’aspect spirituel du temple de Dieu, alors cette notion ne pourrait concerner que notre propre personne, et il y aurait autant de temples de l’Esprit-Saint qu’il y a de véritables fidèles dans l’Eglise de Dieu ; mais l’aspect corporel du temple de Dieu fait que cette réalité, qui est propre à chaque personne d’une manière spirituelle, est en quelque sorte partagée et communiquée à tout l’univers extérieur à la personne humaine qui est temple de l’Esprit.  Par conséquent, toute influence extérieure peut devenir néfaste à l’existence du temple de Dieu que nous sommes.  Et, en fait, Jésus lui-même fut mis à mort par des personnes extérieures à lui, et son corps, temple de Dieu par excellence, fut séparé de son âme, source et fondement du temple de Dieu en lui.

S’il y a, hors de nous, des influences néfastes, il y a aussi, hors de nous, des influences bonnes et positives, et combien plus puissantes : celles de Jésus et de Marie, tous deux en corps et en âmes dans le Ciel, toujours vivant, intercédant ou priant pour nous . . .  "Le temple du Saint-Esprit" (1 Co. 6, 19) que nous sommes ne sera jamais détruit si nous restons fidèles à Dieu dans l’espérance de la béatitude éternelle.  Cette assurance nous est donnée par l’Eucharistie, le Mystère qui éprouve notre foi et qui, en l’éprouvant, la renforce et la rend puissante contre la mort elle-même : "Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour." (Jn. 6, 54)  L’Eucharistie vient nous apporter la connaissance parfaite, quoique mystérieuse, du temple de Dieu que nous sommes : celui qui communie au Corps du Christ dans un esprit de fils de Dieu reçoit le gage de sa résurrection éternelle !

La prochaine fois, s’il plaît à Dieu, nous poursuivrons notre commentaire de Saint Paul.
 



Feuillet n° 12 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

16 mai 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Après diverses recommandations sur la moralité, Saint Paul poursuit sa première lettre aux Corinthiens en parlant des charismes de l’Esprit : "En ce qui concerne les dons spirituels, je ne veux pas, frères, que vous soyez dans l’ignorance.  Vous savez que, lorsque vous étiez encore païens, vous vous laissiez entraîner au gré de vos tendances, vers les idoles muettes.  Voilà pourquoi je vous déclare : personne, s’il parle sous l’action de l’Esprit de Dieu, ne peut dire «Jésus soit maudit» ; et personne ne peut dire «Jésus est Seigneur» que sous l’action de l’Esprit-Saint." (1 Co. 12, 1-3)

Lorsqu’un chrétien déclare : "Jésus est Seigneur", tout le monde peut l’entendre, aussi bien les autres chrétiens que les gens qui ne sont pas disciples du Christ.  Mais si d’autres chrétiens l’entendent, c’est comme si ces paroles de foi s’adressaient au Christ en personne.  En effet, les chrétiens sont "le Corps du Christ" (1 Co. 12, 27) : avec le Christ et en lui, ils ne forment tous "qu’un seul corps" (1 Co. 10, 17).  Ainsi, lorsqu’un chrétien dit : "Jésus est Seigneur", ce que Saint Pierre accomplit une première fois à Césarée de Philippe se réalise à nouveau dans l’Eglise d’aujourd’hui ; Saint Pierre avait dit en effet, s’adressant au Christ présent en face de lui : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !" (Mt. 16, 16)  Ce qui signifie que Jésus, cet homme qu’on appelle Christ, est le Seigneur.

Saint Paul déclare que, si quelqu’un dit "Jésus est le Seigneur", il le fait sous l’action de l’Esprit-Saint.  D’un autre côté, et bien avant Saint Paul, Jésus déclara à Simon-Pierre : "Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux." (Mt. 16, 17)  Il apparaît donc clairement que, si c’est l’Esprit-Saint qui permet aux chrétiens de dire "Jésus est Seigneur", c’est à proprement parler l’Esprit du Père qui agit en eux pour les pousser à proclamer ainsi leur foi.  Mais comme les paroles d’une personne révèlent ce que cette même personne a conçu dans son esprit, on voit que c’est le Fils même du Père - qui est exprimé dans les mots "Jésus est Seigneur" - qui permet la révélation et la connaissance de l’Esprit du Père.  Ainsi, tel qu’il nous est révélé et connu, l’Esprit procède du Père par le Fils.

Lorsqu’un chrétien dit "Jésus est Seigneur", tout comme Saint Pierre dit à Jésus : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant", l’Esprit-Saint agit en lui et permet ainsi au Christ lui-même d’être connu et révélé au monde entier.  L’Esprit-Saint, qui est l’Esprit du Père, est celui qui révèle le Fils ; c’est par l’Esprit et en lui que le Père révèle au monde son propre Fils : "Quand sera venu le Paraclet . . ., l’Esprit de vérité qui vient du Père, il me rendra témoignage ; et vous témoignerez vous aussi, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement." (Jn. 15, 26-27)  L’Esprit-Saint est donc la personne de la Très Sainte Trinité qui est l’Esprit du Père et qui conduit au Fils : il est en quelque sorte l’intermédiaire entre le Père et le Fils, quoique ne faisant qu’un avec le Père et le Fils.

Ce que nous venons de dire permet de comprendre un peu mieux le fait que l’Esprit-Saint procède du Père et du Fils.  Si l’Esprit-Saint est, d’une certaine manière, intermédiaire entre le Père et le Fils, alors, si l’Esprit-Saint procède du Père, il procède aussi du Fils par mode de médiation, c’est-à-dire parce qu’il se trouve être dans un juste milieu entre le Père et le Fils et que, ainsi compris, ce qui convient à l’Esprit-Saint par rapport au Père convient aussi à l’Esprit-Saint par rapport au Fils.  Donc, si l’Esprit-Saint procède du Père, alors il procède aussi du Fils.  Si l’Esprit-Saint est l’Esprit du Père, il est aussi l’Esprit du Fils : ". . . l’Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom (Jn. 14, 26) . . .  quand sera venu le Paraclet que je vous enverrai (Jn. 15, 26) . . .  quand le Paraclet, l’Esprit de vérité, sera venu . . . il me glorifiera, parce qu’il tirera de mon bien ce qu’il vous communiquera.  Tout ce que possède le Père est à moi.  C’est pourquoi j’ai dit qu’il prendra de mon bien ce qu’il vous communiquera." (Jn. 16, 13-15)

L’Esprit-Saint nous permet de proclamer notre foi au Fils de Dieu.  Il est en nous si nous aimons Dieu d’une foi et d’une charité sincère, espérant l’éternité bienheureuse de tout notre coeur.  "Actuellement, trois choses demeurent, dit Saint Paul : la foi, l’espérance, la charité : mais la plus grande des trois, c’est la charité." (1 Co. 13, 13)  L’Esprit-Saint n’agira en nous que si nous aimons Dieu de tout notre coeur : notre foi ne sera agissante sous l’Esprit de Dieu que si notre charité vient lui donner toute sa puissance, celle même de l’Esprit-Saint.  Alors, si nous aimons Dieu sincèrement, nous pourrons dire avec une conviction intime et profonde : "Jésus est Seigneur".  Et il nous sera impossible de dire : "Jésus soit maudit".

Si nous avons en nous l’Esprit du Père, alors le Christ sera encore envoyé dans le monde par la proclamation de notre foi : "Jésus est Seigneur".  La parole humaine que nous prononcerons sera le germe d’une nouvelle naissance dans l’Eglise : celle du Corps du Christ.  La Pentecôte se perpétue tout au long de la vie de l’Eglise : sans cesse le Paraclet est envoyé dans le monde lorsque nous proclamons notre foi en disant : "Jésus est Seigneur".  Car le Christ est lui-même le premier Paraclet, et l’Esprit-Saint est cet "autre Paraclet" (Jn. 14, 16)

Nous continuerons notre lecture de Saint Paul la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 13 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

6 juin 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Poursuivons la lecture de Saint Paul.  Dans sa première épître aux Corinthiens, il affirme : "S’il y a diversité de dons, il n’y a qu’un même Esprit ; s’il y a diversité de ministères, il n’y a qu’un même Seigneur ; s’il y a diversité d’opérations, il n’y a qu’un même Dieu qui opère tout en tous.  La manifestation de l’Esprit est donnée à chacun en vue de l’utilité commune." (1 Co. 12, 4-7)

Saint Paul nous parle ici des dons de l’Esprit-Saint, et il les énumère par la suite, disant : "A l’un, l’Esprit donne une parole de sagesse ; à l’autre est donnée une parole de science, selon le même Esprit ; à un autre la foi, par le même Esprit ; à un autre le don de guérir, par ce seul et même Esprit ; à un autre la puissance de faire des miracles ; à un autre la prophétie ; à un autre le discernement des esprits ; à un autre le don de la diversité des langues ; à un autre enfin, l’interprétation des langues.  Tout cela est l’oeuvre d’un seul et même Esprit qui distribue ses dons à chacun en particulier, comme il lui plaît." (1 Co. 12, 8-11)

Saint Paul insiste sur le fait que, "s’il y a diversité de dons, il n’y a qu’un même Esprit," et que "la manifestation de l’Esprit est donnée à chacun en vue de l’utilité commune."  Cela veut dire que si quelqu’un a reçu un don de l’Esprit-Saint, ce don est d’abord et avant tout destiné à servir l’Eglise, le Corps mystique du Christ.  Par le fait même, si quelqu’un a reçu un don de l’Esprit, il ne peut en bénéficier lui-même que dans le mesure où il fait partie du Corps du Christ et qu’il est uni à Dieu et à tous et à chacun des membres du Corps mystique du Christ par la charité.

La raison en est que le don venant de l’Esprit est, de soi, un bien destiné à être donné, et que ce même don ne devient un bien propre à celui qui l’a reçu que par le fait qu’il est donné aux autres membres du Corps mystique du Christ.  Car l’Esprit-Saint est lui-même la Personne-Don par excellence, réalisant en sa personne l’expression divine du don de soi (cf. S. S. Jean-Paul II - Encyclique "Dominum et vivificantem", sur l'Esprit-Saint dans la vie de l'Eglise et du monde - première partie, n° 11).  Aussi, lorsque l’Esprit-Saint donne à une personne une faveur spirituelle, cette même faveur ne peut pas ne pas posséder cette caractéristique propre du don de soi, puisque ce qui vient d’une personne en possède nécessairement la caractéristique personnelle.

Le don de l’Esprit est destiné à l’utilité de tous.  En ce sens, il est proche du ministère, c’est-à-dire proche de la mission spirituelle confiée par l’Eglise à telle ou telle personne d’une manière sacramentelle (par le sacrement de l’Ordre), ou d’une manière non-sacramentelle (par les ministères, ou par les missions de tous genres).  Car le ministère est toujours confié pour le bien commun du Corps mystique du Christ tout entier.  C’est pourquoi Saint Paul, après avoir dit : "s’il y a diversité de dons, il n’y a qu’un même Esprit," ajoute : "s’il y a diversité de ministères, il n’y a qu’un même Seigneur."

La différence entre le don et le ministère réside dans le fait que la faveur spirituelle de l’Esprit-Saint est donnée intérieurement quand il s’agit d’un don, et extérieurement quand il s’agit d’un ministère.  Cependant, comme la personne humaine est corps et âme, il faudrait plutôt dire que le don est davantage reçu intérieurement qu’extérieurement, et que le ministère est davantage reçu extérieurement qu’intérieurement.

Mais, pour la même raison que la personne humaine est corps et âme, il faut encore ajouter que le don doit toujours tendre à devenir davantage extérieur, et que le ministère doit toujours tendre à devenir davantage intérieur, afin que la meilleure harmonie puisse exister entre les caractères extérieur et intérieur du don et du ministère, tout comme elle existe, de soi, entre le corps et l’âme de la personne humaine.  Tout cela revient à dire que le don doit toujours tendre à ressembler au ministère, et que le ministère doit toujours tendre à ressembler au don.  Ou encore, que le don doit tendre vers son intégration dans l’Eglise ministérielle dont la personne qui a reçu ce don dépend, et que le ministère doit tendre vers son intégration dans la vie spirituelle de la personne qui l’a reçu par l’Eglise.

Si l’Eglise a reçu du Seigneur Jésus la charge ministérielle de propager la Bonne Nouvelle du Salut, l’Esprit-Saint est toujours à l’oeuvre, tout au long de la vie de l’Eglise, pour dispenser ses dons à qui il lui plaît, pour l’utilité de tous : "Tout cela est l’oeuvre d’un seul et même Esprit qui distribue ses dons à chacun en particulier, comme il lui plaît."  Ce que le Christ a commencé lui-même, l’Esprit le poursuit et l’achève : les dons de l’Esprit sont le complément et l’achèvement de l’action ministérielle de l’Eglise.

Nous continuerons notre lecture de Saint Paul la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 14 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

20 juin 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Après avoir parlé de la diversité des charismes de l’Esprit donnés pour l’utilité de tous, Saint Paul, dans sa première épître aux Corinthiens, insiste sur la notion de corps, et plus précisément sur celle de Corps du Christ, allant jusqu’à dire : "Vous êtes le corps du Christ." (1 Co. 12, 27)  Mais il argumente clairement cette idée en ces termes, parlant surtout de l’action de l’Esprit-Saint en vue de l’unité du Corps mystique du Christ : "De même que le corps est un, tout en ayant plusieurs membres, et de même que tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ.  Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit, pour ne former qu’un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres ; et c’est d’un même Esprit que nous avons tous été abreuvés." (1 Co. 12, 12-13)

"Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit."  L’allusion à la parole du Seigneur est claire : "A moins de naître de l’eau et de l’Esprit, nul ne peut entrer dans le royaume de Dieu." (Jn. 3, 5)  Même l’allusion à l’eau se retrouve dans la suite du discours de Saint Paul, lorsqu’il dit : "C’est d’un même Esprit que nous avons tous été abreuvés."  Cependant, c’est plus précisément de l’Eucharistie, qui est Corps et Sang du Christ, que parle Saint Paul : le Sang du Christ est ce breuvage spirituel qui enivre des dons de l’Esprit-Saint.  Rappelons-nous le jour de la première Pentecôte, alors que les Apôtres avaient commencé à parler en langues diverses, certaines gens les prenaient pour des hommes ivres, et disaient, pour les railler : "Ils sont pleins de vin doux." (Ac. 2, 13)

Le baptême dans l’Esprit, le sacrement de l’initiation chrétienne, qui inclut en lui, sous forme de désir, la réception de l’Eucharistie, nous recrée dans le Christ mort et ressuscité.  L’Esprit-Saint vient nous transformer en de nouvelles créatures : il s’agit ici de la nouvelle création dans le Christ.  Or la nouvelle création ne se réalise pas sans relation avec la première création : au contraire, la nouvelle création vient restaurer la première création, en lui donnant une splendeur accrue.  Certes, par le baptême et l’Eucharistie, tout l’homme n’est pas encore entièrement restauré en une nouvelle créature : l’homme ne reçoit ici-bas qu’un commencement de cette nouvelle création, attendant avec une ferme espérance la Résurrection finale qui lui donnera une complète et éternelle restauration dans le Christ glorieux et triomphant.  Si l’homme reçoit déjà un commencement de restauration, c’est parce qu’il a reçu la semence de la Parole de Dieu, semence qui doit encore germer et éclore, ainsi que nous l’enseigne Saint Pierre : "Vous avez été régénérés non d’une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, la parole vivante et éternelle de Dieu." (1 P. 1, 23)

"Au commencement . . .  Dieu créa l’homme à son image ; à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa." (Gn. 1, 27)  En tant qu’image de Dieu, l’homme possède en lui une unité fondamentale, celle-là même de Dieu : si Dieu est un en lui-même, alors, l’homme créé à son image possède lui aussi, par participation, une unité qui lui est propre.  Il est clair, d’après le texte de la Genèse, que si l’homme a été créé à l’image de Dieu, ce fut selon un rapport fondamentalement spirituel : l’image de Dieu qui est dans l’homme se trouve d’abord et avant tout dans son âme spirituelle.  En d’autres termes, puisque Dieu est esprit (cf. Jn. 4, 24), l’image de Dieu dans l’homme se rapporte en premier lieu à l’aspect spirituel de l’homme, qui est son âme.

Mais dans la nouvelle création dans l’Esprit de Dieu, l’aspect matériel de l’homme, c’est-à-dire son corps, reçoit, dans le Christ, une égale importance quant à la ressemblance de l’homme avec la divinité.  L’Esprit de Dieu qui ressuscite l’homme par le baptême et par l’Eucharistie apporte à l’image de Dieu qui est dans l’homme une dimension nouvelle : celle du corps de l’homme recréé dans le Christ mort et ressuscité.  Si la création de l’homme était parfaite, et elle l’était réellement, la re-création de l’homme dans le Christ est plus parfaite encore.  Quand Dieu a créé l’homme, il savait que l’homme allait pécher ; mais il savait aussi que l’homme re-créé serait plus parfait encore, et c’est pourquoi il n’hésita pas de créer.  Une ancienne prière liturgique disait d’ailleurs que "Dieu, d’une manière admirable, a créé la nature humaine dans sa noblesse, et l’a restaurée d’une manière plus admirable encore."

Ce que nous venons de dire ne fait que commenter ces paroles de Saint Paul citée ci-dessus : "De même que le corps est un, tout en ayant plusieurs membres . . ."  C’est cela l’action de l’Esprit de Dieu par le Baptême et par l’Eucharistie : donner au corps de l’homme son unité, non pas naturelle (car celle-ci vient de l’âme), mais bien son unité surnaturelle et mystique, celle selon laquelle il est alors possible de parler du Corps mystique du Christ.  Saint Paul conclut en effet sa phrase en disant : ". . . ainsi en est-il du Christ."

Nous continuerons ce sujet la fois prochaine, s’il plaît à Dieu !
 



Feuillet n° 15 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

4 juillet 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Rappelons-nous d’abord ce que nous avons dit la dernière fois, savoir premièrement, qu’après avoir parlé de la diversité des charismes de l’Esprit donnés pour l’utilité de tous, Saint Paul, dans sa première épître aux Corinthiens, insiste sur la notion de corps, et plus précisément sur celle de Corps du Christ, allant jusqu’à dire : "Vous êtes le corps du Christ." (1 Co. 12, 27) ; et deuxièmement, qu’il argumente clairement cette idée en ces termes, parlant surtout de l’action de l’Esprit-Saint en vue de l’unité du Corps mystique du Christ : "De même que le corps est un, tout en ayant plusieurs membres, et de même que tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ.  Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit, pour ne former qu’un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres ; et c’est d’un même Esprit que nous avons tous été abreuvés." (1 Co. 12, 12-13)

Retenons ces paroles de l’Apôtre : "Tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps."  Parlant du corps naturel de l’homme, cette phrase de Saint Paul est facile à comprendre : le corps de l’homme est composé de multiple membres qui sont tous unifiés par l’âme, principe de vie naturelle de la personne humaine.  Mais l’âme, si elle est elle-même vivifiée par l’Esprit de Dieu, possède non seulement la vie naturelle, mais aussi la vie surnaturelle, qui est participation à la vie même de Dieu, et qui est tout à la fois principe de la résurrection du corps que l’âme anime.

Surnaturellement parlant, les paroles de Saint Paul citées plus haut conduisent à dire que "tous les membres du Corps mystique du Christ, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul Corps mystique."  Or, il est clair que chacun des membres du Corps mystique du Christ est une personne humaine à part entière.  Ce qui nous oblige à considérer chaque membre du Corps mystique comme indépendant et libre par rapport à tous et à chacun des autres membres.  Voyons donc comment l’unité de toutes ces ‘indépendances’ se réalisent surnaturellement dans l’Eglise.

Dans son épître aux Colossiens, Saint Paul nous dit, à propos du Christ : "Il est la tête du corps, de l’Eglise." (Col. 1, 18)  Or, il est clair que cette appellation de ‘tête’ donnée au Christ doit être prise dans ses deux sens, réel et figuré, quoique mystiquement : c’est-à-dire que le Christ est la vraie tête corporelle de son Corps mystique, et qu’il est réellement le Chef, celui qui commande et qui est à la tête de l’Eglise, étant "le premier-né d’une foule de frères" (Rm. 8, 29)  Saint Paul nous dit d’ailleurs dans sa première épître aux Corinthiens, quelques lignes avant le passage que nous commentons : "Je veux que vous sachiez que le chef de tout homme, c’est le Christ ; que le chef de la femme, c’est l’homme ; et que Dieu est le chef du Christ.  Tout homme qui prie ou prophétise la tête couverte manque d’égard à son chef.  Mais toute femme qui prie ou prophétise la tête découverte manque d’égard à son chef." (1 Cor. 11, 3-5)

Si le Christ est la tête de l’Eglise, son Corps mystique, il faut que les membres obéissent à leur chef.  C’est-à-dire que chacun des membres du Corps mystique du Christ adhère à la volonté du Chef, qui est le Christ.  Or, la volonté du Christ, qui est Dieu, n’est autre que la volonté de Dieu même, telle qu’elle est personnifiée dans l’Esprit, qui procède du Père et du Fils par mode de volonté.  Comme l’Esprit de Dieu est essentiellement simple et un, on voit par là que chacun des membres du Corps mystique du Christ, en obéissant au Chef, qui est le Christ, est uni à tous et à chacun des autres membres de l’Eglise, et en tout premier lieu au Christ en personne.

L’obéissance au Christ, notre Chef, n’est pas une obéissance qui nous rend esclave : c’est une obéissance dans laquelle nous restons pleinement libres.  Jésus l’a dit lui-même, parlant de la vérité qu’apporte "l’Esprit de vérité" (Jn. 14, 17) : "Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes mes vrais disciples ; vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres." (Jn. 8, 31-32)  Car l’Esprit de Dieu est un Esprit d’Amour, et l’amour exige la liberté.  C’est pourquoi Saint Paul affirme : "Le Seigneur est Esprit, et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté." (2 Cor. 3, 17)

Cependant, dans l’acte d’obéissance, nous accomplissons la volonté de celui qui nous commande.  Comme la liberté est une faculté de la volonté, lorsque nous obéissons, nous faisons abstraction de notre liberté, nous suspendons son action afin de pouvoir accomplir la volonté de celui qui donne l’ordre à exécuter.  Mais lorsque nous faisons la volonté de Dieu, nous ne faisons plus qu’un avec Dieu même, et donc, lorsque nous obéissons à Dieu, dans le Christ, Dieu lui-même devient agissant en nous au moment même où nous accomplissons sa volonté.  Donc, lorsque nous obéissons à l’Esprit de Dieu, c’est comme si nous accomplissions librement notre propre volonté.

Voilà un peu mieux mis en lumière l’unité du Corps mystique du Christ dans la Vérité de l’Esprit-Saint !  La fois prochaine, s’il plaît à Dieu, nous continuerons notre lecture de Saint Paul . . .
 



Feuillet n° 16 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

18 juillet 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans sa deuxième épître aux Corinthiens, Saint Paul écrit : "Le Fils de Dieu, Jésus-Christ, que nous avons annoncé parmi vous, Silvain, Timothée et moi, n’a pas été oui et puis non : en lui, il n’y a eu que oui.  Car, en lui, toutes les promesses de Dieu sont oui ; aussi, est-ce par lui que nous disons ‘Amen’ à la gloire de Dieu.  Or, celui qui nous affermit avec vous dans le Christ, et qui nous a consacrés par l’onction, c’est Dieu ; c’est lui aussi qui nous a marqués de son sceau, et qui a mis dans nos coeurs les arrhes de l’Esprit." (2 Cor. 1, 19-21)

Dieu "a mis dans nos coeurs les arrhes de l’Esprit."  Cela veut dire que Dieu nous donne par avance son Esprit : dans la mesure où nous espérons fermement que Dieu réalisera sa promesse de nous rendre participant de sa vie dans l’éternité, nous recevons déjà maintenant, dans le temps, le don de l’Esprit.

Il y a donc ici quatre éléments qui entrent en ligne de compte : la promesse de Dieu, la réponse de l’homme, la résultante de la promesse de Dieu et de la réponse de l’homme, et le don de l’Esprit.

La promesse de Dieu est devenue inébranlable dans le Christ : "En lui, toutes les promesses de Dieu sont oui."  Dans le Christ, qui est venu accomplir toute la Loi de Dieu, la promesse de Dieu concernant le don de la vie éternelle est sans repentance.  Dieu a promis : tout est dit dans le Christ, la Parole même de Dieu.

La réponse de l’homme à la promesse de Dieu doit être ferme et définitive.  Comment Dieu pourrait-il récompenser d’une manière ferme et définitive celui qui hésite encore un tant soit peu dans son coeur et qui n’espère pas fermement en la toute-puissance de celui qui veut le sauver dans son Fils Jésus ?  Non, cela n’est pas possible.  Il faut que notre réponse à la promesse de Dieu soit ferme et définitive : c’est la seule condition acceptable pour que Dieu puisse nous récompenser de la vie éternelle dès ici-bas.

Comme le Christ est le ‘oui’ de Dieu, et comme nous n’avons d’autre Sauveur que Jésus pour remédier à notre faiblesse et à notre condition d’homme pécheur, il est clair que, si nous voulons dire à Dieu une réponse ferme et définitive à sa promesse, il n’y a qu’une seule solution : faire du ‘oui’ de Jésus notre ‘oui’ à Dieu.  Cela se réalise par l’Eucharistie : alors, le ‘oui’ de Jésus est actualisé dans son sacrifice de la Croix et nous le faisons nôtre par notre communion à son acte d’offrande au Père, dans l’Esprit. "Aussi, est-ce par lui que nous disons ‘Amen’ à la gloire de Dieu."  "Par Lui, avec Lui, et en Lui, à toi Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles.  AMEN !  AMEN !  AMEN !"

La résultante de la promesse de Dieu et de la réponse de l’homme se trouve dans la réception du sacrement de l’Eucharistie, qui suppose aussi la réception du sacrement de baptême et de celui de la confirmation.  Nous recevons alors le sceau de Dieu dont parle Saint Paul : "C’est lui aussi qui nous a marqués de son sceau."  Ce sceau est la marque du Fils de Dieu, la marque qui indique que nous appartenons à Dieu, et non au monde ou à Satan.  Ce sceau est donc celui de la Croix, car elle est cet instrument de supplice sur lequel Jésus a dit son ‘oui’ parfait et définitif à Dieu.

Saint Jean, dans son Apocalypse, nous dit : "Je vis encore un autre ange monter de l’Orient ; il tenait le sceau du Dieu vivant et se mit à crier d’une voie retentissante aux quatre anges autorisés à endommager la terre et la mer : «Ne touchez ni à la terre ni à la mer ni aux arbres, que nous n’ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu.»" (Ap. 7, 2-3)  Ce sceau de Dieu reçu sur le front de notre tête nous rend pour toujours semblables au Christ, Tête de l’Eglise, son Corps mystique.  Nous devenons ainsi des "pierres vivantes" entrant dans la construction de celui qui est la "pierre vivante" de tout l’édifice (cf. 1 Pierre 2, 4-5)

Le don de l’Esprit que nous recevons est proportionné au mode de réception.  Nous ne recevons pas en effet la vie éternelle telle que Dieu entend nous la donner dans le ciel, sinon il n’y aurait plus de différence entre la vie éternelle reçue ici-bas et la vie éternelle reçue dans le ciel.  De même qu’il y a une différence entre la terre et le ciel, de même il y a une différence entre la vie éternelle reçue ici-bas et celle reçue dans le ciel.  Cependant, en elle-même, la vie de Dieu est la vie de Dieu : étant en elle-même simple et une, la vie de Dieu est toujours la même, reçue ici-bas ou dans le ciel.  C’est donc bien le mode de réception de la vie de Dieu qui détermine une différence entre la vie de Dieu reçue ici-bas et celle reçue dans le ciel.

Ici-bas nous recevons la vie de Dieu dans le Christ Jésus.  Or, nous l’avons vu, ce qui importe ici, c’est la notion de Tête : le ‘oui’ de Dieu est définitif dans celui qui est la Tête du Corps, de l’Eglise ; la réponse de l’homme au ‘oui’ de Dieu est une communion au ‘oui’ du Christ-Tête ; l’union de la promesse de Dieu et de la réponse de l’homme se concrétise par le sceau de Dieu reçu sur la tête.  C’est donc la notion de Tête qui caractérise le don de Dieu, les arrhes de l’Esprit reçus par celui qui dit ‘oui’ dans le Christ de Dieu.  Les arrhes de l’Esprit sont donc un commencement de vie éternelle : car celui qui marche en tête, c’est le premier, c’est celui qui commence le cortège, la procession, le pèlerinage des élus de Dieu !

Nous continuerons la prochaine fois notre commentaire de Saint Paul, s’il plaît à Dieu.
 



Feuillet n° 17 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

1er août 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans sa deuxième épître aux Corinthiens, Saint Paul écrit : "Recommençons-nous à faire notre propre éloge ?  Ou bien, aurions-nous besoin, comme certains, de vous présenter ou de recevoir de vous des lettres de recommandation ?  C’est vous-mêmes qui êtes notre lettre, écrite dans vos coeurs, connue et lue par tout le monde.  Oui, il est manifeste que vous êtes une lettre du Christ, rédigée par nos soins, écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non pas sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos coeurs." (2 Cor. 3, 1-3)

Saint Paul dit : "Il est manifeste que vous êtes une lettre du Christ, rédigée par nos soins, écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant."  L’Apôtre, pour donner son sens au nom chrétien, prend ici le signe et le symbole de la lettre que l’on écrit.  On sait l’importance de ce qui est écrit par rapport à ce qui ne l’est pas : les paroles passent, les écrits restent, dit le dicton.  En tant que lettre écrite avec l’Esprit du Dieu vivant, le chrétien apparaît donc comme établi dans un état permanent donné par l’Esprit de Dieu lui-même, quoique par l’intermédiaire de l’Apôtre : "Vous êtes une lettre du Christ, rédigée par nos soins."

Saint Paul ne dit pas seulement : "Vous êtes une lettre du Christ," mais il précise auparavant : "C’est vous-mêmes qui êtes notre lettre."  Cela veut dire que la lettre en question est celle de Saint Paul et non celle de Saint Pierre, par exemple.  Autrement dit, la lettre que constitue le chrétien de Corinthe est une lettre ‘signée’ par Saint Paul et non par un autre.  Cette lettre est bien revêtue de la signature de l’Apôtre et c’est ce qui lui permet de dire : "C’est vous-mêmes qui êtes notre lettre."

Cette notion de signature est importante pour comprendre la relation de la lettre avec l’Esprit du Dieu vivant qui sert à l’écrire.  En effet, Saint Thomas d’Aquin fait remarquer que le chrétien est constitué lettre du Christ par le baptême, mais que cette lettre n’est pas encore signée : elle le sera par la réception du sacrement de confirmation. (cf. Saint Thomas, Summa Theologica, Pars Tertia, Questio 72, Articulus XI, Corpus)  Par la confirmation, le chrétien reçoit l’Esprit-Saint pour être affermi dans sa foi : tout comme la lettre qui est signée, le chrétien reçoit alors le sceau de l’Esprit, qui est réalisé et manifesté par l’onction de Saint-Chrême reçue sur le front.

Le signe de la lettre possède en soi une dimension de relation avec ceux qui nous entourent et avec qui nous pouvons avoir une relation quelconque : une lettre est faite pour être lue.  Même si on conserve cette lettre dans un fond de grenier, c’est toujours dans le but de pouvoir la relire plus tard et retrouver les informations qui y sont consignées.  La lettre est faite pour être lue : le chrétien baptisé et confirmé est une lettre "connue et lue par tout le monde," dit Saint Paul.  C’est ainsi que se réalisent les paroles du Seigneur : "Vous êtes la lumière du monde . . .  Que votre lumière luise si bien devant les hommes, qu’à la vue de vos bonnes oeuvres, ils glorifient votre Père qui est dans les cieux." (Mt. 5, 14-16)

En tant que lettre, le chrétien témoigne de l’oeuvre de Dieu en lui : la lettre est en effet ce moyen qui sert à communiquer certaines données.  Si la lettre est relative à la personne qui la possède, cette même lettre sert donc à communiquer aux autres les données relatives à cette personne.  En tant que lettre écrite avec l’Esprit du Dieu vivant, le chrétien témoigne de sa filiation par rapport au Père qui est aux cieux : tout comme l’Esprit unit le Père et le Fils dans l’unique essence divine, ainsi la lettre écrite avec l’Esprit manifeste la relation établie entre le Père et son fils adoptif, le chrétien baptisé et confirmé.

Mais, nous l’avons déjà noté, il ne s’agit pas ici d’une lettre anonyme.  Le chrétien dont parle Saint Paul est une lettre que lui-même a écrite, car il est ministre du Christ, agissant sous la conduite de l’Esprit du Dieu vivant.  Par le fait même, cette lettre qu’est le chrétien manifeste aussi l’oeuvre de Saint Paul, et donc, cette lettre manifeste que le chrétien est non seulement fils adoptif de Dieu dans l’Esprit, mais qu’il est aussi, tout en même temps, fils adoptif de Saint Paul dans le Christ.  C’est pourquoi l’Apôtre dit, dans sa première épître aux Corinthiens : "C’est moi qui, par l’évangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus." (1 Cor. 4, 15)

On le voit, si le chrétien est une lettre écrite avec l’Esprit du Dieu vivant, alors, le chrétien est appelé à manifester sa relation à Dieu et sa relation à l’Eglise : il n’y a pas de chrétien baptisé et confirmé qui ne puisse taire son appartenance à l’Eglise, quand bien même il voudrait rester fidèle à Dieu dans son coeur.  Dieu et l’Eglise sont inséparables : on ne peut se dire chrétien et l’être vraiment sans manifester son appartenance à l’Eglise.  L’Esprit et l’Eglise ne font qu’un dans le Christ, tout comme l’Epoux et l’Epouse ne font qu’un entre eux.  C’est pourquoi, le chrétien, s’il veut être une lettre de l’Esprit, est appelé à manifester dans toute sa vie les soupirs inénarables de l’Esprit et de l’Eglise, qui disent : "Viens !" (Ap. 22, 17)

Nous continuerons la prochaine fois notre lecture de Saint Paul, si Dieu le veut . . .
 



Feuillet n° 18 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

5 septembre 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Poursuivant notre lecture de Saint Paul, voici ce que nous trouvons dans le même chapitre que nous avons commenté la fois passée : "Nous ne faisons pas comme Moïse, qui se couvrait le visage d’un voile, pour empêcher les enfants d’Israël de voir la fin de ce qui devait passer.  Mais leur intelligence s’est obscurcie : actuellement encore, lorsqu’ils lisent l’Ancien Testament, ce même voile demeure abaissé, parce que c’est dans le Christ seul qu’il peut être levé.  Ainsi donc, encore aujourd’hui, quand on lit Moïse, un voile recouvre leur coeur.  Ce voile ne sera levé que lorsqu’ils se convertiront au Seigneur.  Or, le Seigneur est l’Esprit : et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté.  Mais nous tous, nous avons le visage découvert, nous réfléchissons comme en un miroir la splendeur du Seigneur, et nous sommes transformés en cette même image de plus en plus radieuse, par l’action du Seigneur qui est Esprit." (2 Cor. 3, 13-18)

Dans notre feuillet n° 15, nous avons déjà dit un mot à propos de ce passage : "Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté."  Nous n’allons donc pas insister sur ce sujet.  Par contre, ce qui va retenir notre attention, ce sera le passage suivant : "Nous tous, nous avons le visage découvert, nous réfléchissons comme en un miroir la splendeur du Seigneur, et nous sommes transformés en cette même image de plus en plus radieuse, par l’action du Seigneur qui est Esprit."

L’action de l’Esprit-Saint dont parle ici Saint Paul consiste en un perfectionnement et un achèvement de l’action du Christ : ce que le Christ réalise à l’état de commencement, un commencement qui est parfait en soi (car le Christ est Dieu et réalise tout en perfection) mais qui appelle un achèvement, l’Esprit-Saint le réalise à l’état de plénitude plus parfaite, car ce que l’Esprit-Saint réalise n’est autre que l’action du Christ glorieux anticipant sa seconde venue à la fin des temps.  C’est ce que le Seigneur annonça lui-même, disant à Nathanaël, par mode de prophétie : "Parce que je t’ai dit que je t’avais vu sous le figuier, tu crois !  Tu verras de plus grandes choses encore . . .   En vérité, en vérité je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’Homme." (Jn. 1, 50-51)

Il s’agit bien ici de vision et de révélation.  Jésus est la révélation de Dieu : il est celui qui enlève le voile qui est entre Dieu et nous.  ". . . ce même voile demeure abaissé, parce que c’est dans le Christ seul qu’il peut être levé."  Mais nous aussi, qui sommes au Christ, unis à lui par la foi et la charité, nous révélons au monde l’image de Dieu qui est en nous.  Le Christ est réellement "l’Image du Dieu invisible." (Col. 1, 15)  Etant "le Corps du Christ" (1 Cor. 12, 27), c’est-à-dire ne faisant mystiquement qu’un seul corps avec lui, nous sommes aussi, quoique par participation (en vertu de notre adoption filiale), image de Dieu dans le Christ.  Cette image est en nous comme elle était déjà en Moïse (quoique sous un autre mode, celui de l’espérance et de l’attente du Messie) ; mais contrairement à nous, Moïse ne révélait pas encore au monde l’image de Dieu qui était en lui : "Nous ne faisons pas comme Moïse, qui se couvrait le visage d’un voile, pour empêcher les enfants d’Israël de voir la fin de ce qui devait passer."

Cette image de Dieu en nous est bien relative à notre corps.  Nous en avons déjà parlé dans notre feuillet n° 5.  Mais le texte de Saint Paul commenté ici illustre davantage ce que nous disions.  Reportons-nous à l’épisode où Moïse doit se voiler le visage après avoir rencontré le Seigneur : "Lorsque Moïse entrait devant le Seigneur pour s’entretenir avec lui, il ôtait le voile jusqu’à son départ.  En sortant, il transmettait aux Israélites les ordres reçus.  Ceux-ci voyaient alors rayonner la peau de son visage ; ensuite Moïse remettait le voile sur son visage jusqu’à la prochaine entrevue avec le Seigneur." (Ex. 34, 34-35)  Ainsi, ce n’est que lorsque Moïse enlevait le voile de son visage qu’il pouvait transmettre les ordres du Seigneur : la Révélation de Dieu, c’est-à-dire la transmission, aux hommes, de la Parole de Dieu exprimée ici sous forme d’ordres, passe par la révélation du visage de Moïse qui enlève le voile qui le recouvre corporellement.

L’image de Dieu qui est en nous est révélée au monde par l’intermédiaire de notre corps.  C’est l’action de l’Esprit-Saint dans les fidèles du Christ constitués en Corps mystique, c’est-à-dire l’Eglise.  De même que notre corps évolue sans cesse, les cellules qui le composent étant toujours en activité dynamique, ainsi l’image de Dieu qui a été commencée en nous par le Christ, est sans cesse en progression vers son perfectionnement et son achèvement final par l’action de l’Esprit-Saint, dans la mesure où nous demeurons vivants en Dieu par la charité (tout comme notre corps demeure vivant par ce qui le nourrit et l’entretient).  "Nous sommes transformés en cette même image de plus en plus radieuse, par l’action du Seigneur qui est Esprit."

Le lien avec l’Eucharistie est aisé : si le pain est la nourriture du corps, alors l’Eucharistie est cette nourriture de l’âme qui permet à l’Esprit-Saint de rendre sans cesse plus radieuse aux yeux de tous l’image de Dieu qui est en nous.  Lorsque nous ne faisons plus qu’un avec le Corps de Christ - l’Eucharistie - alors l’Esprit peut agir en nous pour parfaire cette Image de Dieu, qui est le Christ dans son Eglise.  C’est bien là que se trouve toute la réalité de l’activité missionnaire de la communion eucharistique.

Nous continuerons notre commentaire des épîtres de Saint Paul la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 19 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

19 septembre 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Voyons ce que Saint Paul dit de l’Esprit-Saint dans son épître aux Galates : "C’est le Christ qui nous a rachetés de la malédiction de la loi en devenant pour nous malédiction, selon le texte : "Maudit soit quiconque est pendu au gibet." (Deut. 21, 23)  Ainsi, en Jésus Christ, la bénédiction d’Abraham s’étend aux nations païennes et, par la foi, nous recevons l’Esprit promis." (Ga. 3, 13-14)

L’Apôtre nous enseigne clairement par là que c’est par la foi que nous recevons l’Esprit de Dieu, et non pas par la pratique de la loi, ainsi qu’il le dit, peu auparavant, sous forme de question : "Est-ce par suite de la pratique de la loi que vous avez reçu l’Esprit, ou par l’acceptation de la foi ?" (Ga. 3, 2)  On le voit, le sujet, ici, n’est autre que la question de la justification par la foi (cf. Ga. 3, 11).

Le don de l’Esprit-Saint, c’est-à-dire la grâce de la justification, s’obtient-il par la foi seule ou par la foi et les oeuvres ?  La réponse se trouve dans la notion même de ‘foi’.  Qu’est-ce que la foi ?  Répondons à cette question et nous aurons la solution de notre problème.

D’après l’expression de Saint Paul, ". . . par la foi, nous recevons l’Esprit promis."  La foi apparaît donc comme un intermédiaire entre Dieu, qui est esprit (cf. Jn. 4, 24), et l’homme.  La foi étant d’ordre spirituel, on peut dire qu’il s’agit là d’un contact simple et un qui nous unit à Dieu.  La foi nous unit donc au Christ, d’une manière simple et une : celui qui croit au Christ, Fils de Dieu, ne fait plus qu’un avec Lui.

Saint Paul précise auparavant que "c’est le Christ qui nous a rachetés de la malédiction de la loi en devenant pour nous malédiction, selon le texte : "Maudit soit quiconque est pendu au gibet" (Deut. 21, 23)" (Ga. 3, 13).  Cela veut dire que le Christ, en nous rachetant de nos péchés, est devenu la loi dans toute sa perfection.  Jésus n’est pas seulement venu accomplir la loi (cf. Mt. 5, 17), mais il personnifie en quelque sorte en lui-même toute la loi : étant la Parole envoyée par le Père, le Christ est comme l’Ordre - la Loi - personnifié.  Aussi, dans cette perspective, la foi au Christ devient une adhésion à l’Ordre même de Dieu.  C’est pourquoi Saint Paul parle de "l’obéissance de la foi." (Rm. 1, 5)

Dans la mesure où l’homme, par la foi obéissante, est uni au Christ qui est la Loi même de Dieu, on voit que la foi n’est autre que l’accomplissement définitif de la loi, et que, par le Christ, avec Lui, et en Lui, la grâce du salut dans l’Esprit-Saint s’étend des sujets de la loi à tous les hommes et à toutes les femmes de toutes les nations, ainsi que l’affirme l’Apôtre : "En Jésus Christ, la bénédiction d’Abraham s’étend aux nations païennes." (Ga. 3, 14)

Quelle fut l’obéissance du Christ, et donc, quelle est la loi de Dieu à laquelle nous sommes appelés à adhérer ?  L’obéissance du Christ fut celle de la Croix : "Il s’est abaissé lui-même en se rendant obéissant jusqu’à la mort, la mort de la croix." (Phil. 2, 8)  Et la loi de Dieu consiste à participer réellement, en oeuvre, à la Croix du Christ, par la foi et dans la foi au Fils de Dieu.

L’Esprit-Saint ne nous sera donc donné que si nous participons réellement à la Croix du Christ, par la foi, et non sans les oeuvres mais avec elles.  Jésus l’a dit la veille de sa passion : "Si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra point à vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai." (Jn. 16, 7)  Et Saint Paul ajoute : "L’Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.  Sommes-nous enfants ?  donc héritiers aussi : héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ, puisque nous souffrons avec lui, de manière à être également glorifiés avec lui." (Rm. 8, 16-17)

Là où la Croix et la foi se rencontrent d’une manière toute spéciale, c’est sans nul doute la célébration de l’Eucharistie !  C’est donc là que l’Esprit-Saint nous est donné, dans la mesure où nous nous unissons au Christ dans sa Passion : c’est là que nous recevons de Dieu la gloire de la Résurrection dans l’Esprit, pourvu que, dans la foi et par la foi, nous apportions notre propre participation à l’Oeuvre de Dieu !  Et la grâce d’une foi vive et pleine d’amour nous aidera à accomplir un si grand dessein et une si noble vocation, pour la gloire de Dieu dans l’Esprit.

Nous continuerons notre lecture de Saint Paul une autre fois, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 20 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

17 octobre 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Dans son épître aux Galates, Saint Paul écrit : "Lorsque vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme, né sujet de la loi, pour racheter les sujets de la loi et nous octroyer l’adoption filiale.  La preuve que vous êtes bien des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos coeurs l’Esprit de son Fils, l’Esprit qui crie : «Abba !  Père !»  Ainsi tu n’es plus esclave mais fils, et si tu es fils, tu es aussi l’héritier de par Dieu." (Ga. 4, 4-7)

Il s’agit ici d’un des plus beaux textes de Saint Paul, qui résume en quelques mots, en une ligne ou deux, toute l’économie du salut dans le Christ.  Il y est question de toute la Trinité, Père, Fils, et Esprit, de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et des fils adoptifs appelés à devenir héritiers de Dieu même.  En particulier, l’action de l’Esprit-Saint y est décrite dans toutes ses relations.  L’Esprit est celui qui est envoyé par le Père ; il est l’Esprit du Fils ; il est celui qui réalise en nous notre lien d’adoption filiale en criant : «Abba !  Père !» ; il est celui qui réalisa en Marie l’Oeuvre initiale de l’Incarnation.

Notre adoption filiale dans l’Esprit est sans nul doute une oeuvre trinitaire.  L’Esprit est l’Esprit du Fils, et il est envoyé par le Père.  Toute oeuvre trinitaire "ad extra", c’est-à-dire en "dehors" de la Sainte Trinité, est toujours commune aux trois personnes divines.  Mais elle est attribuée à l’une d’elles ; ici, notre adoption filiale est attribuée à l’Esprit-Saint.  La pensée de Saint Paul se retrouve dans l’évangile de Saint Jean, lorsque Jésus dit : "Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure." (Jn. 14, 23)

L’Esprit nous est envoyé par le Père : "Dieu a envoyé dans nos coeurs l’Esprit de son Fils."  Une religieuse carmélite française, Bienheureuse Elisabeth de la Trinité, écrit dans une de ses prières : "O Feu consumant, Esprit d’amour, survenez en moi afin qu’il se fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe ; que je Lui sois une humanité de surcroît en laquelle il renouvelle tout son Mystère."  On le voit, cette religieuse, réellement inspirée par l’Esprit, établit une similitude entre l’envoi du Verbe lors de l’Incarnation, et la venue en elle de l’Esprit de Dieu.  Cette similitude trouve son fondement dans les paroles mêmes du Seigneur qui appelle l’Esprit-Saint : "un autre Paraclet" (Jn. 14, 16), voulant signifier par là qu’il est lui-même le premier Paraclet.

Si l’Esprit qui est envoyé par le Père est l’Esprit du Fils, cela veut dire que l’Esprit vient en nous en tant qu’il reflète parfaitement toute la pensée du Fils, tout ce que le Fils - qui est l’Image du Père - peut avoir dans son esprit, c’est-à-dire l’esprit ou le concept de filiation.  C’est donc pour nous donner cet esprit de filiation que l’Esprit du Fils envoyé par le Père vient en nous : il fait ainsi de nous des enfants adoptifs, animés par l’esprit de filiation envers le Père, par le Fils.  L’Esprit-Saint est d’ailleurs bien celui qui possède en lui tout ce qui est tout à fait propre au Fils, ainsi que le Seigneur l’a déclaré, en disant : "Quand le Paraclet, l’Esprit de vérité sera venu . . . il me glorifiera, parce qu’il tirera de mon bien ce qu’il vous communiquera.  Tout ce que possède le Père est à moi.  C’est pourquoi, j’ai dit qu’il prendra de mon bien ce qu’il vous communiquera." (Jn. 16, 13-15)

Lorsque l’Esprit-Saint est en nous, il agit d’une manière semblable au Verbe, puisque, en tant qu’il est cet "autre Paraclet", il est venu en nous comme le Verbe s’est incarné et a pris chair.  Ne croyons pas bien sûr que l’Esprit-Saint s’incarne en nous !  Il n’en est pas ainsi.  Il n’y a pas une similitude d’être (en nous) entre le Verbe et l’Esprit.  Il y a seulement une similitude quant au mode de la venue : l’Esprit-Saint vient en nous d’une manière semblable à celle par laquelle le Verbe s’est incarné.  Or, cette venue de l’Esprit en nous n’est autre que son action en nous : quand l’Esprit est là, il agit.  Ainsi, lorsque l’Esprit vient en nous, il agit comme le Verbe, comme la Parole du Père.  L’Esprit pousse donc une parole, un cri : "L’Esprit crie : «Abba !  Père !»"

Si l’Esprit crie en nous "Père !", cela veut dire que nous sommes fils de Dieu par adoption.  L’Esprit-Saint nous rend conformes au Christ car, par l’Esprit, nous portons en nous la Parole même du Père.  Mais tout ceci nous permet de découvrir toute l’importance du sacrement de l’Eucharistie.  Car seule l’Eucharistie peut faire que nous ayons véritablement en nous la Parole même de Dieu.  Seule l’Eucharistie, reçue réellement ou seulement par désir, peut donc nous rendre fils adoptifs de Dieu.  Le Seigneur lui-même a d’ailleurs affirmé : "En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’Homme et ne buvez son sang, vous n’aurez point la vie en vous-mêmes." (Jn. 6, 53)

Finalement, l’Esprit qui vient en nous est celui qui réalisa en Marie l’Oeuvre de l’Incarnation.  S’il y a similitude entre la venue du Verbe lors de l’Incarnation et la venue de l’Esprit pour faire de nous des fils adoptifs de Dieu, il est clair que c’est avec l’aide de Marie que l’Esprit vient en nous : Marie est là en nous pour nous aider dans cette tâche merveilleuse de régénération par l’Esprit !  C’est comme si Marie nous enfante alors à la vie divine en Jésus Christ, par l’Esprit-Saint.

Nous continuerons notre lecture de Saint Paul la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 21 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

7 novembre 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

L’année consacrée à l’Esprit-Saint dans le cadre de la préparation au Grand Jubilé de l’an 2000 touche à sa fin.  Avec l’Avent prochain, nous commencerons l’année dédiée au Père, la première personne de la Sainte Trinité.

Pour ces deux dernières études traitant de l’Esprit-Saint, nous allons lire le cinquième chapitre de l’Epître de Saint Paul aux Galates.   Nous pourrons alors commencer l’année du Père en commentant le chapitre premier de l’épître aux Ephésiens, celui qui parle de l’élection des fils adoptifs du Père dans le Christ.

Ainsi parle Saint Paul dans son épître aux Galates : "Je vous dis donc : laissez-vous conduire par l’Esprit, et vous ne donnerez pas satisfaction aux désirs de la chair, car les désirs de la chair s’opposent à ceux de l’Esprit, et ceux-ci à ceux de la chair ; il y a entre eux opposition, et c’est pour cela que vous ne faites pas ce que vous voudriez.  Mais si l’Esprit vous mène, vous êtes indépendants de la loi." (Ga. 5, 16-18)

"Laissez-vous conduire par l’Esprit."  Cette parole de l’Apôtre est à mettre en relation avec cette autre phrase tirée de son épître aux Romains : "Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont enfants de Dieu." (Rm. 8, 14)  "Laissez-vous conduire par l’Esprit" : par cette phrase, Saint Paul nous montre ainsi la voie à suivre pour devenir "enfants de Dieu".  C’est une phrase clé : quelques mots qui indiquent toute l’économie du salut dans le Christ par l’Esprit.

"Laissez-vous conduire par l’Esprit."  Ces quelques mots indiquent deux actions : celle de Dieu, qui est esprit, et celle de l’homme.  L’action de Dieu consiste à conduire l’homme ou la femme qui ont été choisis dans le Christ.  L’action de l’homme consiste à permettre librement l’action de l’Esprit en lui : il faut que l’homme "laisse" l’Esprit agir en lui.  La relation filiale à Dieu est toujours une relation libre entre les deux êtres : Dieu choisit qui il veut, et l’homme laisse l’Esprit agir librement en lui.

Cette double action de l’Esprit de Dieu et de l’homme peut exister à deux niveaux : l’un qui est parfait, et l’autre qui est plus parfait.  Le niveau qui est parfait et qui, de soi, suffit au salut consiste pour l’homme à répondre à la grâce de Dieu qui l’appelle à l’amour par la conversion du coeur.  Ici, la grâce de Dieu est d’abord une grâce de prière : la grâce première est donnée à l’homme pour qu’il prie Dieu de lui accorder d’autres grâces qui l’aideront à le guider et à le conduire sur le chemin du salut.  Ici, c’est plutôt l’homme qui implore le Seigneur afin qu’il l’éclaire, l’aide, le guide et le conduise.  Bien sûr, l’action de Dieu est toujours première, mais c’est plutôt l’homme qui semble agir par la prière.

Le niveau qui est plus parfait consiste pour l’homme à être toujours attentif à ce que lui dit intérieurement l’Esprit, et toujours prompt et diligent à accomplir sa divine volonté.  Ne faisant plus qu’un avec l’Esprit, l’homme qui est à ce niveau plus parfait accomplira des oeuvres surprenantes pour les autres hommes, si surprenantes que ces derniers se demanderont si c’est bien un homme qui agit là et si ce ne serait pas plutôt l’Esprit de Dieu qui agit en son serviteur.  Ici, c’est bien plutôt l’Esprit de Dieu qui manifeste sa puissance et son action dans le monde.  Bien sûr, l’homme qui est sous la conduite de l’Esprit agit tout à fait librement et de bon gré.

Ceux qui sont conduits par l’Esprit sont des hommes spirituels.  Toujours composés d’une âme et d’un corps, ils agissent cependant en êtres spirituels.  C’est ce que Saint Paul affirme en disant : "Laissez-vous conduire par l’Esprit, et vous ne donnerez pas satisfaction aux désirs de la chair, car les désirs de la chair s’opposent à ceux de l’Esprit, et ceux-ci à ceux de la chair."  Mais il y a néanmoins un effort à faire et un combat à mener sans relâche pour que l’Esprit continue de conduire ceux qu’il a choisis dans le Christ.  C’est pourquoi Saint Paul ajoute : "Il y a entre eux opposition, et c’est pour cela que vous ne faites pas ce que vous voudriez."

Nous voudrions être sans cesse conduits par l’Esprit, et cependant il faut tenir compte de la faiblesse de la chair.  Le Seigneur lui-même n’a pas manqué de le rappeler la veille de sa Passion, disant : "Veillez et priez afin de ne pas entrer en tentation ; car l’esprit est ardent, mais la chair est faible." (Mc. 14, 38)  Il faut donc prier et continuer de prier.  Si nous sommes conduits par l’Esprit d’une manière plus parfaite, telle qu’elle a été décrite ci-dessus, nous ne devons pas cesser pour autant de prier le Seigneur de nous aider, de nous éclairer, de nous guider sans cesse et toujours.  Le niveau plus parfait s’appuie toujours sur le niveau parfait : pour rester attentif à ce que nous dit l’Esprit, il faut rester vigilant dans la prière.

Saint Pierre termine ainsi sa première épître : "Soyez sobres, veillez.  Votre adversaire, le diable, rôde autour de vous comme un lion rugissant en quête d’une proie à dévorer.  Résistez-lui, fermes dans la foi." (1 P. 5, 8-9)  Si l’Esprit de Dieu nous invite à le suivre, il faut lui rester fidèle, "fermes dans la foi", même si la chair, le monde, le démon nous tente.  Il faut sans cesse que nous nous laissions conduire par l’Esprit : c’est une oeuvre de tous les jours, de tous les instants.  C’est somme toute le bon combat de la foi (cf. 1 Tim. 6, 12) dans l’Esprit !

Nous terminerons notre série d’études sur l’Esprit-Saint la fois prochaine, s’il plaît à Dieu . . .
 



Feuillet n° 22 sur l’Esprit-Saint
 
 
 

21 novembre 1998

 
 
 

Chers amis,
 
 
 

Voici donc mon dernier commentaire de Saint Paul au sujet de l’Esprit-Saint.  Ce n’est pas que j’ai commenté tout Saint Paul durant cette année consacrée à l’Esprit-Saint, mais j’ai parcouru quelques épîtres, savoir : l’épître aux Romains, les deux épîtres aux Corinthiens, et celle aux Galates.  Je commencerai à parler du Père en commentant l’épître aux Ephésiens.  Je n’aurai pas respecté l’ordre chronologique des épîtres, mais, pour nous qui vivons aujourd’hui, ce qui est lu dans l’Esprit est comme hors du temps et peut être compris comme une parole déjà arrivée à maturité grâce à l’apport de la Tradition qui nous précède.

Voici donc ce que dit Saint Paul vers la fin de son épître aux Galates : "Le fruit de l’Esprit, c’est charité, joie, paix, longanimité, affabilité, bonté, fidélité, douceur, tempérance, chasteté.  Contre de telles choses, point n’est besoin de loi.  Or les hommes du Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises." (Ga. 5, 22-24)

Dans ce passage, Saint Paul énumère les principaux fruits de l’Esprit-Saint dans l’âme qui lui est unie.  Cette énumération fait suite à une liste de fautes et de méfaits qui sont indignes du chrétien, étant les fruits de la chair et non ceux de l’Esprit.  Il y a en effet une opposition entre la chair de l’homme et son esprit uni à l’Esprit de Dieu.  C’est pourquoi Saint Paul dit : "Les hommes du Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises."  Si vraiment l’Esprit de Dieu habite en nous, alors nous le manifesterons par tout notre être, produisant les fruits de l’Esprit et non ceux de la chair : c’est l’Esprit de Dieu lui-même qui nous poussera à agir ainsi.

L’homme est composé d’un corps et d’une âme : il est tout entier et corporel, et spirituel.  On ne peut pas concevoir un homme vivant qui serait uniquement corporel ou uniquement spirituel.  L’homme a toujours besoin des deux éléments qui le composent.  En ce sens, on ne peut pas parler d’opposition entre le corps et l’esprit.  Sinon, l’homme ne serait plus l’homme.  Donc, lorsque l’homme vit selon l’esprit et non selon la chair, ainsi que le dit Saint Paul, il s’agit plutôt d’une domination de l’esprit sur la chair, et non l’inverse.  Par contre, lorsque l’homme suit les convoitises de la chair, alors il s’agit bien d’une domination de la chair sur l’esprit.

Dans son épître aux Romains, Saint Paul écrit pareillement : "Nous ne sommes plus tributaires de la chair, pour devoir vivre charnellement.  En effet, si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites mourir les oeuvres du corps vous vivrez, car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont enfants de Dieu." (Rm. 8, 12-14)  Celui-là donc qui accueille en lui l’Esprit de Dieu et se laisse conduire par lui arrive à dominer la chair pour vivre selon l’esprit.

L’homme étant composé d’un corps et d’une âme, il possède deux attraits : celui du corps et celui de l’âme.  Ou il se tourne vers le corps, ou il se tourne vers l’âme.  Les conséquences du péché originel font que l’homme a plutôt tendance à se tourner vers le corps.  Mais la grâce de Dieu, qui peut venir par de multiples moyens, attire sans cesse l’homme à se tourner vers l’esprit : c’est ce qu’on appelle la conversion.  L’homme qui suit ainsi la grâce de Dieu change d’orientation : il se détourne de la chair pour se tourner vers l’esprit.

Cet attrait pour le corps ou pour l’esprit est un désir que l’homme cultive en lui : il engendre des actes répétés qui le motivent dans sa vie.  Plus les actes répétés pour les attraits du corps sont nombreux et fréquents, plus la conversion à Dieu est difficile et pénible, sujette à de nombreuses et fréquentes rechutes.  C’est somme toute l’amour qui est déterminant dans la conversion.  Si l’homme ne désire plus les jouissances de la chair, mais s’il désire les biens de l’esprit, alors l’Esprit même de Dieu, qui est Amour, viendra en lui pour le fortifier et l’affermir dans cet amour spirituel et surnaturel.  "Le fruit de l’Esprit, c’est charité . . ."

Quel sera la source des fruits de l’Esprit, sinon le désir de l’amour de Dieu ?  Désirer aimer Dieu de tout son coeur, voilà le signe de l’Esprit en nous !  Car le désir spirituel est déjà, par anticipation, la réalisation de la chose désirée : ce que nous désirons pour la gloire de Dieu, nous le recevons déjà en espérance !  Tout est dans l’intention de notre coeur !  C’est pourquoi l’Eglise, à la suite de Jésus, nous enseigne à prier, et notamment l’Eglise nous enseigne à prier tous ensemble, en Corps du Christ, au cours de la célébration de l’Eucharistie.  Alors, là, Jésus nous est réellement donné, et avec lui, son Esprit d’Amour !

Jésus l’a dit : "Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera, et nous ferons chez lui notre demeure." (Jn. 14, 23)  Si Jésus est en nous, nous sommes fils dans le Fils, et notre Père est le Père de Jésus.  Si nous aimons Jésus dans l’Esprit, nous sommes unis au Père des miséricordes par un lien de filiation que nul ne peut rompre, car l’Esprit lui-même en est le garant.  L’Esprit nous garde unis au Père : il est, en Jésus, notre chemin vers le Père.  L’Esprit est cet autre Paraclet qui nous garde pour la vie éternelle au sein du Père !  Amen !